2009. 05 : dim CANTATE, 4e après Pâques

10 mai 2009

Un cantique nouveau

Matthieu 11, 25-30

I.  L’Évangile de ce jour commence par la louange : « Je te loue, Père… » et le motif de la louange de Jésus est celui-ci : les choses du Royaume de Dieu échappent aux sages et aux intelligents, alors que les enfants les comprennent. La courte prière de Jésus est le bilan de sa mission terrestre : ce sont surtout les gens simples, ceux qui avaient un cœur d’enfant, qui ont reconnu en Jésus celui qui révèle Dieu. Alors que le très connu verset 28 résume son message et offre une raison plus que suffisante pour répondre à l’exhortation de ce dimanche, « chantez ! » : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » Paroles typiques pour tout son ministère. On l’imagine aisément, et les peintres l’ont souvent représenté ainsi, les bras ouverts en signe d’invitation et d’accueil. Jésus a parlé aux pharisiens et aux docteurs de la loi, sans doute les gens les plus intelligents de l’époque, et il a aussi eu des contacts avec les pécheurs, les faibles, les méprisés, ceux qui étaient en dehors des normes sociales et religieuses. Et ce sont ces personnes-là, tout comme les petits, les anonymes, qui répondent à l’invitation et qui laissent entrer la joie dans leur cœur et dans leur maison. Alors que la grande majorité de ceux qui auraient dû être éclairés et préparés à sa venue reste fermée et même hostile : les classes dirigeantes, les autorités religieuses, « l’Église officielle, établie », dirait-on aujourd’hui… Ceux-là sont aveugles, sourds, et ne comprennent rien.

Comme le dit Marie dans son cantique en citant l’Ancien Testament : « Il a fait descendre les puissants de leurs trônes, élevé les humbles, rassasié de biens les affamés, renvoyé à vide les riches. » Ou l’apôtre Pierre qui lui aussi se souvient de la sagesse des pères : « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles. »

Recevoir la bonne nouvelle n’est pas une affaire d’intelligence avant tout, mais une affaire de cœur ! Et les enfants sont plus prompts à ouvrir leur cœur que les adultes, qui sont plus méfiants. C’est pourquoi Jésus met les enfants à la première place lorsqu’il s’agit de l’entrée dans le Royaume de Dieu. Vis-à-vis de Dieu, nous sommes invités à avoir l’ouverture et la sincérité des petits enfants, à être, comme eux, prêts à recevoir et à donner sans arrière-pensée. La bonne nouvelle, une affaire de cœur ; logique, puisqu’il s’agit d’un message d’amour. Être chrétien, c’est aimer parce que Dieu nous aime ; c’est, plus qu’un savoir, une manière de vivre.

Déjà à l’époque de Jésus, on jugeait les hommes d’après leurs capacités, leurs résultats, leur savoir et leur savoir-faire. Et il semblait tout à fait normal que Dieu juge de la même manière ; c’était la religion du mérite et de la rétribution (celui qui agit bien est récompensé, celui qui agit mal est puni). Et voilà que Jésus ose mettre en question ce système de valeurs et annonce que Dieu aime non seulement ceux qui s’efforcent de vivre d’après sa loi, mais aussi ceux qui ont mal agi et qui s’adressent à lui. Les responsables religieux sont choqués : la grâce, c’est-à-dire cet amour gratuit, non mérité, prêché par Jésus scandalise. C’est cette expérience qui fait dire à Jésus : « Je te loue, Père… de ce que tu as caché ces choses aux sages… et de ce que tu les as révélées aux enfants. » Voilà donc le bilan, qui ne devrait pas surprendre, puisque les prophètes de l’Ancienne Alliance ont fait la même expérience ; toujours à nouveau, les Israélites ont préféré la confirmation de leur manière de voir les choses à l’interpellation des prophètes et à leurs appels à la conversion. Le choix de Jésus – qui est celui de Dieu – n’est pas partagé par les gens religieux, et cela conduira Jésus à la croix…

II.   Les secrets révélés aux petits, devenir comme des enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu : ce message n’était pas seulement choquant à l’époque de Jésus. De grands philosophes (comme par exemple Friedrich Nietzsche) ont reproché aux chrétiens de prêcher une morale de médiocrité, de faiblesse et de soumission, au lieu de faire appel à ce qu’il y a de fort, de bon, de noble en l’homme ; ils ont dit que la foi chrétienne empêche les hommes de devenir adultes, c’est-à-dire libres et responsables. Autre critique : les pauvres et les malheureux sont condamnés à la résignation par l’Évangile qui invite à subir comme une fatalité les misères de l’existence. Les croyances religieuses, cet « opium du peuple », offriraient une consolation illusoire à défaut d’un changement effectif des conditions économiques et sociales, génératrices d’injustices…

Il s’agit là certainement d’une caricature. Mais c’est aussi un avertissement, car il y a un danger réel : l’Évangile mal compris, mal appliqué, peut conduire à de tels abus. Alors à nous de montrer que ce n’est pas le cas et de témoigner du sens authentique de l’Évangile ! Celui-ci entend pas « humilité » la pauvreté et la droiture du cœur qui s’efface pour que l’autre existe et s’épanouisse. L’Évangile oppose à l’arrogance d’une soi-disant élite l’attention aimante aux plus faibles, aux laissés pour compte et aux blessés de la vie. Ce n’est pas un nivellement par le bas, une apologie de l’ignorance. Un cœur d’enfant ne signifie pas infantilisme. Jésus a transformé ceux qui le recevaient ! C’est aussi notre but : pas le statu quo, mais la croissance du Royaume. Dieu préfère aux sages et aux savants, souvent imbus de leur supériorité, les tout-petits qui attendent de lui et des autres le secret de la vraie grandeur, à savoir l’art d’aimer. L’Évangile dénonce l’injustice sociale, le mépris des faibles ; ce qui est indispensable pour que notre message soit fidèle et crédible.

III.   La conséquence pour nous, pour nos communautés, c’est de rester des communautés ouvertes, qui invitent, qui proposent un lieu où les fatigués et chargés peuvent respirer, reprendre des forces, recevoir des encouragements. Et tout d’abord : où ils se sentent acceptés et où l’on essaie de les comprendre. Il ne suffit pas de transmettre l’invitation depuis la chaire, il faut que cette invitation s’incarne, se traduise par notre attitude, nos gestes concrets. Le théologien Paul Tillich écrit : « La réalité de la grâce, et non pas le discours sur la grâce, est la source du christianisme. » Nous sommes les témoins du Christ qui nous demande de nous mettre à son école : respecter les petits, être doux, ne pas répondre au mal par le mal. Mais ce n’est pas une leçon de morale ! La plupart du temps, nous savons ce qu’il y aurait lieu de faire, mais il nous manque la volonté et la force de le réaliser. Et c’est exactement là que se situe la différence entre l’Évangile et la morale. Parce que l’Évangile, avec les directives, propose également les moyens d’atteindre le but. Autrement dit, on nous indique la source où nous pouvons puiser ces forces que nous ne trouvons pas en nous-mêmes. Cette source, c’est l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

L’amour du prochain, même du prochain difficile, est possible là où l’on croit que Dieu aura le dernier mot. On peut même accepter l’injustice en sachant qu’un jour il y aura le jugement de Dieu qui séparera le bon grain de la mauvaise herbe. La justice de Dieu triomphera ; cette espérance permet l’abaissement, et fait que l’abaissement n’est pas de la faiblesse. Cette espérance permet la patience et la persévérance, sans que ce soit de la résignation ou du fatalisme. Le chemin de notre Seigneur le prouve ; Jésus a refusé de s’imposer par les moyens qui étaient à sa disposition, pour ne pas écraser les autres ; ce n’était pas de sa part de la faiblesse, mais l’expression d’une grande force intérieure.

Pour nous, ce matin, le Seigneur nous exhorte : « Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions… » Prendre le joug du Christ, c’est se confier à celui qui refuse de faire peser son pouvoir, qui se montre « doux et humble de cœur ». Portons ce joug avec la certitude : il n’y a pas que le mal qui est contagieux ; le bien également déteint sur les autres et les fait changer. Amen.

Cantiques :

ARC 81, 1-4          AL   81, 1-4          NCTC 81, 1-4
          92 A                       92                              92
          255                        41-05                         173
          428                        44-03                         296

Denis Klein, pasteur à Offwiller

¼ – Service des Lecteurs – SL – 20 – 10.05.2009 – Denis KLEIN

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).