B. 01 : Avent, 1er Avent : NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND I, BWV 61

B. 01 : Avent, 1er Avent : NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND I

B. 01   1er dimanche de l’Avent
            Erster Adventssonntag  (Wustmann)

        NUN KOMM, DER HEIDEN HEILAND  I  ,   BWV  61

                  VIENS, REDEMPTEUR DES PAÏENS  I

NOTES quant à la Cantate

Auteur du livret : Erdmann                         Date: 1714, autographe,
                             Neumeister IV, 1714       Weimar, 2 décembre

Lectures bibliques du dimanche

Epître :       Romains 13/11-14   la nuit est avancée
Evangile :   Matthieu  21/1-11    l’entrée de Jésus à Jérusalem

Thème de la cantate :  

        L’évangile de l’entrée de Jésus à Jérusalem, lecture du jour dans Matthieu 21/1-11, commande l’ensemble de la cantate. L’appel de l’Avent retentit : « Viens, Seigneur Jésus », tel qu’il est exprimé à la fin de l’Apocalypse, 22/20, avec sa réponse : « Oui, je viens bientôt ». L’épître du jour, Romains 13, ne joue pas de rôle dans cette cantate.

Le cantique de Luther « Nun komm, der Heiden Heiland »

        Pour concrétiser cet appel, le librettiste de Bach emploie la 1ère strophe du cantique de Luther « Nun komm, der Heiden Heiland – Viens, Sauveur des païens », dont le premier mot demande au Christ de venir. Ce chant est la traduction du cantique latin d’Ambroise de Milan, daté de 386, « Veni, Redemptor gentium ». Bach n’empoie que la 1ère strophe du chant de Luther. Dans la cantate du même nom « Nun komm, der Heiden Heiland II », il emploie la 1ère et la dernière, et commente les autres dans le corps de la cantate. On tropuvera cette cantate II sous B.03, avec le texte intégral du chant de Luther et sa traduction.

        L’appel « Komm- viens » apparaît quatre fois dans la cantate, au début de la 1ère et de la 2ème partie, où il est répété, et à la fin. Le verbe « kommen » apparaît trois fois encore, dans « Der Heiland ist gekommen » et « Du kommst », du 1er Récitatif, et dans « Jesus kommt » de la 2ème Aria. Ce qui totalise 7 emplois du verbe. 

        La cantate va se développer en trois parties : 1. le Christ vient dans le monde : Choeur et 1er Récitatif ;  2.  le Christ vient dans l’Eglise : 1ère Aria et 2ème Récitatif ;  3.  le Christ vient dans mon cœur : 2e Aria et Choral.

1ère partie, Choeur et 1er Récitatif : le Christ vient dans le monde

        Dans la strophe du chant, trois thèmes sont donnés : 1. l’appel au Christ, 2. sa naissance virginale,  3. l’étonnement du monde. Bach retient les trois et les développe dans le 1er Récitatif. Il ajoute une rare image : par son incarnation dans notre chair, le Sauveur fait de nous ses parents de sang, « Blutsverwandten ». Le Christ n’est jamais appelé par ce titre chez Bach, sauf dans les cantiques qu’il reprend. Ici, il est appelé deux fois « der Heiland », une fois dans le chant de Luther, l’autre dans son commentaire dans le Récitatif. Pour la suite de la cantate, le Christ est appelé « Jesus » par deux fois.

2ème partie, 1ère Aria et 2ème Récitatif : le christ vient dans l’Eglise
       
        Dans la 1ère Aria, l’appel au Christ par le verbe « Komm » est répété : « Komm, Jesu, komm zu deiner Kirche – Viens, Jésus, viens dans ton Eglise ». Les grands points fondateurs de l’Eglise sont cités : la grâce, à travers le voeu d’un Nouvel An béni ; la gloire du Christ, que l’Eglise doit célébrer de par sa fonction même ;  la « doctrine saine », qui est l’enseignement conforme à la parole de Dieu ; la chaire, qui est le lieu de la prédication de cette parole dans le culte ; l’autel, qui est le lieu du sacrement de la Cène, et aussi du baptême dans certaines églises.

        On a là les grands points du luthéranisme, tels qu’on les trouve dans la Confession d’Augsbourg de 1530, au VIIe Article : « Est autem ecclesia congregatio sanctorum, in qua evangelium pure docetur et recte administrantur sacramenta – L’Eglise est le rassemblement des saints, dans lequel l’évangile est enseigné purement et les sacrements sont administrés correctement. » L’écho du cantique de Luther « Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort », se trouve dans l’avant-dernier vers  « Erhalt die gesunde Lehre – Maintiens la doctrine saine. »

        « L’autel », qui achevait la 1ère Aria se retrouve dans le 2ème Récitatif, sous la forme de la parole d’invitation aux fidèles de venir à l’autel pour communier : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe », qui est une citation de l’Apocalypse 3/20. Il est possible que dans ce culte du premier de l’Avent où la cantate fut chantée, la Cène ait été célébrée, ce qui a incité Bach à faire cette citation. 

3ème partie, 2ème Aria et Choral : le Christ vient dans mon coeur

        L’invitation à la Cène du 2e Récitatif amène naturellement à la 2ème Aria. Là Jésus est appelé à entrer dans « tout mon cœur – mein ganzes Herze. » et à y faire demeure. Est rappelé que l’homme est « Staub und Erde – poussière et terre », mais que le plaisir, « die Lust », lui est accordé de recevoir le Christ. Plaisir subtil d’ailleurs : » Je ne veux pas refuser le plaisir qu’il a de faire sa demeure en moi » : le plaisir du Christ devient mon plplaisir. « Plaisir », dans un sens charnel autant que spirituel. Car le Christ entre en moi comme chair et esprit, Dieu et homme, je le sens physiquement, entre autres par la Cène citée à l’instant. Chez Luther et chez Bach, « manducamur corpus Christi et bibimus sanguinem Christi per orem – nous mangeons le corps du Christ par la bouche et nous buvons son sang par la bouche », selon la saisissante image de l’Apologie de la Congfession d’Augsbourg. Nous mangeons le pain, mais le corps spirituellement est mangé avec, de même pour le vin.  J’ai le sentiment précis que je sens le Christ en moi, comme le disait St Paul. Nous sommes ici dans la mystique à la fois paulinienne, luthérienne et baroque.

        Ce plaisir conduit au bonheur : « O wie selig werd ich sein – ô combien je serai heureux. » Ce bonheur n’exclut pas le bonheur terrestre, entre autres conjugal, dont il est une métaphore. La mystique luthérienne n’est pas ascétique : elle est l’usage des dons physiques et spirituels de Dieu avec reconnaissance et raison.

        C’est pourquoi on passe avec le Choral à l’image nuptiale prise dans la strophe 7 du cantique de Philipp Nicolaï « Wie schön leuchtet der Morgenstern ». Bach ne garde que la deuxième partie de cette strophe, constituée d’appels et d’échos, qui contient un double Amen final, et renouvelle l’appel au Christ à venir. Pour la troisième fois l’appel « Komm – viens » est lancé. La « couronne de joie » du mariage est évoquée, ainsi que l’impatience de l’épouse, qui est ici l’âme. La couronne est aussi celle de la vie donnée au vainqueur, dans Apocalypse 2/10.

        Le cantique de Nicolaï est classé aujourd’hui comme un chant de l’Epiphanie, de l’apparition du Christ dans les différents aspects de sa gloire. Il accumule les images brillantes et lumineuses, et les images nuptiales. A l’époque de Bach, il était employé aussi dans l’Avent. Bach préfigure déjà l’Epiphanie en employant ce chant, qu’il utilisera une deuxième fois dans la cantate « Schwingt freudig euch empor », BWV 36, destinée également au 1er dimanche de l’Avent (voir sous B.02). En revanche, Bach n’emploie pas ce chant dans ses cantates de l’Epiphanie, mais plusieurs fois à diverses périodes de l’année de l’Eglise 

        Le plan de la cantate est :

1ère partie        2ème partie         3ème partie

Chœur              1ère Aria             2ème Aria
1er Récitatif       2ème Récitatif     Choral

Sources :   1. Nun komm, der Heiden Heiland,
                      Martin Lurther 1524, Str 1, Chor
                      traduit de « Veni, Redelptor gentium »,
                      Ambroise de Milan 386 (333-397)
                      Mélodie peut-être antique et d’Ambroise ?   
                      dans sa forme allemande:
                      Einsiedeln 12e Siècle, Luther 1524, RA 12, EG 4
                           frs: Viens, ô Sauveur des païens
                                  NCTC 163, ARC 304, ALLéluia 31/03

                  2. Wie schön leuchtet der Morgenstern, str 7/B, 2ème  Aria
                      Philipp Nicolaï 1599, EKG 48, RA 61, EG 70
                      frs: Brillante étoile du matin, LP 90 et 148, ALL 32/15
                            Oh !  quel éclat sur nos matins
                            NCTC 183, ARC 367, ALL 32/14

Bible :  citation directe de la Bible : Apocalypse 3/20, dans le 2ème Récitatif

Voix :   ( S ) Soprano, ( A ) Alto, ( T ) Ténor, ( B ) Basse

Livres de cantiques cités : 

EKG 1951  Evangelisches KirchenGesangbuch Ekd Evangelische
                    Kirche Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne
RA 1952    Recueil de cantiques de la Confession d’Augsbourg d’Alsace
                    et de Lorraine
EG 1995   Evangelisches Gesangbuch, EKD Evangelische Kirche
                    Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne

Structure poétique : la mention figurant entre parenthèse et en italique, après le titre des différentes pièces, indique : 1°  par le chiffre romain, le nombre de vers dans le poème : VI par exemple signifie 6vers. 2° les chiffres arabes indiquent le nombre de syllabes dans le vers. Par exemple : 8 signifie vers de huit syllabes, avec fin masculine ; 9f signifie vers de neuf syllabes, avec fin féminine

Références :  

Wustmann, J.S. Bachs Kantaten-texte  1982,   page 1
Neumann, Handbuch der Kantaten J.S. Bach   
                                   1947, page 59; 1970, page 64  
Schmieder         ,   page
James Lyon, J.S. Bach, Chorals 2005,             page 74

TEXTE de la Cantate

                                       Structure poétique
               1.  CHOEUR         ( IV régulier )

Nun komm, der Heiden Heiland,     7
Der Jungfrauen Kind erkannt,        7
Dass sich wunder alle Welt:           7
Gott solch Geburt ihm bestellt.       7
 
    Viens, Rédempteur des païens,          
    Montre-toi, enfant divin,
    Que s’étonne l’univers                        
    De ta venue dans la chair !

               2.  1er RECITATIF    ( T )   ( X irrégulier )

Der Heiland ist gekommen,                       7f
hat unser armes Fleisch und Blut               8
an sich genommen                                   5f
und nimmet uns zu Blutsverwandten an.   10
O allerhöchstes Gut,                                 6
was hast du nicht an uns getan?                 8
Was tust du nicht                                      4
noch täglich an den Deinen?                      7f
Du kommst und lässt dein Licht                  6
mit vollem Segen scheinen.                       7f

    Le Sauveur qui arrive,
    dans notre faible chair et sang,
    jusqu’à nos rives,
    fait de nous par le sang ses vrais parents.
    O bien suprême et grand,
    que n’a-tu fait pour tes enfants ?
    Que ne fais-tu
    pour ceux qui t’appartiennent ?
    Tu viens, chacun l’a vu,
    lumière claire et pleine.

               3.  1er ARIA      ( T )    ( V régulier )

Komm, Jesu, komm zu deiner Kirche      9f  vers libre
Und gib ein selig neues Jahr;                  8
    Befördre deines Namens Ehre,           9f
    Erhalte die gesunde Lehre                  9f
    Und segne Kanzel und Altar                8

     Jésus, viens, viens dans ton Eglise          vers libre
     Et donne-lui un Nouvel An ;
       Fais grandir ton nom et sa gloire,
       Garde vrai ce qu’il faut croire,
       Bénis chaire, autel, en ce temps. 

               4.  2e RECITATIF         ( B )         ( verset biblique )

« Siehe, ich stehe vor der Tür und klopfe an. /  So jemand meine Stimme hören wird /  und
die Tür auftun, /  zu dem werde ich eingehen /  und das Abendmahl mit ihm halten und er mit
mir. » 

« Voici, je me tiens à la porte, pour frapper. /  Si quelqu’un entend retentir ma voix /  et ouvre pour moi, /  je veux entrer dans sa maison /  et tenir la Cène avec lui et lui avec moi. »

               5.  2e ARIA         (  )         ( VII régulier )

Öffne dich, mein ganzes Herze,                8f   vers libre
Jesus kommt und ziehet ein.                    7
Bin ich gleich nur Staub und Erde,             8f
Will er mich doch nicht verschmähn,         7
Seine Lust an mir zu sehn,                       7
Dass ich seine Wohnung werde.                8f
O wie selig werd ich sein!                         7

    O mon cœur, tout entier t’ouvre,                vers libre
    Jésus vient, il entre en toi.
    Je ne suis que cendre et terre,
    Mais ne veux me refuser
    Ce plaisir qu’il s’est donné
    De faire en moi sa demeure.
    Quel bonheur je sens en moi !

               6.  CHORAL                     ( IV régulier )

Amen, Amen,                                          4f
Komm du schöne     Freudenkrone,           8f
bleib nicht lange.                                     4f
Deiner wart ich mit Verlangen.                  8f

    Amen, Amen,
    Ma couronne,   Tu rayonnes !
    Viens bien vite :
    Je t’attends, vois, je t’invite !

                             Texte allemand : Wustmann, page 1
                             Trad. Française : Yves Kéler, Allevard, 2.7.2008