B. 04 : Avent, 4e Avent : BEREITET DIE WEGE, BEREITET DIE BAHN, BWV 132

B. 04 : Avent, 4e Avent : BEREITET DIE WEGE, BEREITET DIE BAHN,  BWV 132

B. 04.  4ème dimanche de l’AVENT
          4. Adventssonntag  (Wustmann)

           BEREITET DIE WEGE, BEREITET DIE BAHN ,   BWV 132

                       FRAYEZ UNE ROUTE, FRAYEZ UN CHEMIN

NOTES quant à la Cantate

Auteur du livret : Salomo Franck, 1715   Date: 1715, date autographe
                           
Lectures bibliques du dimanche :

Epître :       Philippiens 4/4-7 : Réjouissez-vous, le Seigneur est proche
Evangile :   Jean 1/19-28 :         Le témoignage de Jean-Baptiste

THEME de la cantate :  

L’évangile du 4ème de l’Avent

        L’évangile donné ici pour le 4ème de l’Avent est Jean 1/19-23, le témoignage de Jean-Baptiste. Ce témoignage est aujourd’hui reporté au 3ème de l’Avent, qui est le dimanche de Jean-Baptiste, pour lequel on lit Matthieu 11/2-10, qui est à l’inverse le témoignage de Jésus sur Jean-Baptiste. Au 4ème de l’Avent est actuellement fixé le Magnificat, dans Luc 1/39-45 + 46-56. L’emploi de l’évangile de Jean et de son témoignge sur Jésus au 4ème dimanche se justifie par l’imminence de l’arrivée du Christ, qui est le thème de ce dimanche, illustré par l’épître de Philippiens 44 : « Réjouissez-vous, je le répète, réjouissez-vous, car le Seigneur est proche. »

         Dans Jean 1, Jean-Baptiste est à la fois le Précurseur du Messie, dont il dit qu’il est l’Agneau de Dieu, et celui qui le baptise. Le baptême lui-même n’est pas raconté, le quatrième évangéliste ne reprenant pas les récits des Synoptiques, mais y ajoutant ce qui lui paraît manquer dans ceux-ci. Ces deux lectures expliquent le double axe de la cantate : 1° l’imminence de l’arrivée, décrite par la 1ère Aria d’entrée, qui reprend la citation d’Esaïe 40 dans la bouche du Baptiste, telle qu’on la trouve dans les Synoptiques et dans Jean 1/23:  2° le baptême, qui surprend a priori au 4ème de l’Avent. Mais le chrétien qui veut recevoir ce Christ doit se purifier dans l’eau comme le demande Jean-Baptiste, et par le même Esprit qui est venu sur le Christ. Dans le 2ème Récitatif, cela est dit experessément : « Als, Jesu, mich dein Geist- und Wasserbad  Gereinigt von meiner Missetat – Quand, Jésus, ton bain d’Esprit et d’eau   M’a purifié de mon iniquité. »

        L’évangile du Précurseur et du baptême introduit les deux fêtes à venir : Noël, le 25/12, et 12 jours plus tard : l’Epiphanie. En effet, pour les contemporains de Bach, à Noël commence la « Petite année », du fait des 12 jours entre Noël et l’Epiphanie. Le compte débute au 26 décembre, 1er jour, et va jusqu’à l’Epiphanie, au 6 janvier, qui est donc le 12ème jour : chaque jour représente un mois de l’année nouvelle, et on observait le climat de ces jours pour deviner quel temps il ferait au mois correspondant.

        Spirituellement aussi, on établissait des concordances. Par exemple, le 26/12 est à la fois le 2ème jour de fête de Noël, avec la lecture du récit de l’incarnation du Christ dans le Prologue de Jean, ch 1/1-14, et la mémoire de St Etienne, le premier martyr chrétien, qui à cette date préfigure le martyre du Christ. En janvier on retrouvera une fête de joie avec l’Epipnanie, et ses trois lectures : les mages, le baptême du Christ, les noces de Cana. Mais la souffrance apparaît au 2ème dimanche après Noël, entre le 1er er le 6 janvier, avec la Fuite en Egypte. Le 2ème jour de Noël préfigure les joies et les souffrances de janvier. Elles sont déjà annoncées dans le temps de l’Avent, et plus particulièrement ici par le 4ème dimanche.

La cantate se déroule selon le modèle du culte 

        Le début rappelle l’introït, prononcé par le pasteur, et est l’appel à préparer la venue du Christ : « Bereitet die Wege – Préparez les chemins. » C’est la citation d’Esaïe 40, chantée avec brio dans la 1ère Aria d’entrée par le soprano, comme par une trompette.

        Mais on passe à la liturgie pénitentielle, avec les exhortations à confesser ses péchés et faire son examen de conscience, repectivement dans le 1er Récitatif et la 2ème Aria.

        Préparez les cœurs : « Willst du dich Gottes Kind und Christi Bruder nennen, so müssen Herz und Mund den Heiland frei bekennen, Ja, Mensch, dein ganzes Leben muss von dem Glauben Zeugnis geben – Si tu veux t’appeler enfant de Dieu et frère du Christ, il faut que le cœur et la bouche confessent sans entraves le Sauveur. Oui, homme, toute ta vie doit donner témoignage de la foi » On trouve ici une allusion à la confession de foi d’après le texte de St Paul aux Romains 10/9 : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur… tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut. »

        Ces paroles, dans le 2ème Récitatif, sont confiées au ténor, auquel est attribué d’ordinaire le rôle de l’évangéliste. L’appel à la repentance est comme un évangile.

        Le chrétien est donc deux choses par le baptême : enfant de Dieu et frère du Christ. Nous verrons dans d’autres cantates que ce titre de « Christ » est rarement employé par Bach, le plus souvent dans des textes qu’il reprend des autres. Dans cette cantate, ce titre apparaît 3 fois : 2 fois dans le 1er Récitatif, une fois dans la 2ème Aria. D’ordinaire, Bach emploie le nom de « Jésus », qui apparaît au 2ème Récitatif, une seule fois. Il est probable que cet emploi provienne de Salomo Franck, le librettiste, personage important dans la poésie de son temps, et dont les textes existaient peut-êtere avant leur constitution en cantate. L’emploi de « frère » pour le Christ est également rare en allemand.. Ici cet emploi se justifie par l’idée que l’enfant du Père est évidemment le frère du Fils, c’est-à-dire Jésus.

        Au début du 2ème tercet de ce Récitatif, la confession de la foi est relayée par «  Christi Wort und Lehre – la Parole du Christ et son enseignement.» C’est la tradition luthérienne que la foi et le salut sont fondés sur la parole salvatrice du Christ fixée dans l’Ecriture sainre, et sur l’enseignement par l’Eglise de la vraie doctrine, la « saine doctrine », comme il est dit 2 fois chez Tite 1/9 et 2/1, et comme il est dit aussi dans la Confession d’Augsbourg. La confession de la foi par le chrétien peut aller jusqu’au sang : prépare-toi à ce risque ! A l’arrère plan, on pense à Jean-Baptiste, à Etienne, aux premiers martyrs. Probablement aussi aux martyrs protestants, car à cette époque, beaucoup étaient persécutés, en Pologne, en Bohème, en Italie, en France.

        Dans la 2ème Aria, cette fois confiée à la basse, à laquelle est donné d’habitude le rôle du Cherist. Ici, il s’agit de l’examen de conscience, qui rassemble à un procès, comme ceux intentés par Dieu contre Israël dans l’AncienTestament. A l’époque de Bach, cet examen faisait partie des catéchismes et des livres de cantiques et de prière habituels, et une partie abrégée pouvait apparaître dans le culte. Le fidèle est prié de se référer à deux instances : sa conscience et la Loi.

        Dans le 2ème Récitatif, confié à l’Alto, on passe à une véritable prière de confession des péchés qui est la suite normale de l’examen de conscience. Le fidèle reconnaît qu’il a bien confessé des lèvres, mais que le cœur n’y était pas. Mais la prière ramène au baptême : en faisant cela, j’ai rompu ma promesse et l’alliance de mon baptême. La demande pressante de pardon : « Ach Gott, erbarme dich – O Dieu, aie pitié de moi », rappelle la parole du publicain de la parabole dans Luc 18/9, et le Kyrie du culte. Cette prière est remarquable par sa formulation riche et concise. Elle s’appuie probablement sur des modèles antérieurs.

        La 3ème Aria, également confiée à l’Alto, répond à cette prière par des paroles de grâce, introduites par un « bedenket – songez », comme dans le culte : « Ecoutez les paroles de la grâce que le Seigneur vous adresse. » On a une succession cultuelle dans les deux pièces : Récitatif : Confession des péchés et Kyrie, Aria : paoles de grâce. Il n’y pas d’allusion au Gloria in excelsis, puis que celui-ci tombe dans le temps de l’Avent.

        Le choral final remplit la fonction de la prière-collecte, qui suit le « Gloria in excelsis », ici absent. « Herr Christ, der einig Gotts Sohn » est considéré comme le premier « Jesulied – chant de Jésus » du protestantisme (James Lyon, op.cit p 21).

        La répartition des voix suit ces mouvements. L’introït est au soprano, joyeux comme le texte d’Esaïe. Avec l’exhortation au repentir, on descend d’un cran, et c’est le ténor qui intervient. La basse, sombre et solennelle, prend l’examen-procès. La confession des péchés est placée sur un mode plus doux, celui de l’alto, ainsi que les paroles de grâce, son pendant. Après la fin du processus pénitentiel, la prière collecte, qui réunit les demandes de tous les fidèles, est confiée au chœur.
 
Conclusion

        La comparaison avec le déroulement du culte montre que chaque partie suit la précédente et le fait de façon logique et clairement agencée, comme dans la liturge d’entrée avant les lectures. Le fait qu’il n’y a pas de Chœur d’entrée s’explique peut-être par cet aspect cultuel : un culte ne commence jamais par une pièce de chorale, mais par l’introït dit par le pasteur, donc une voix seule. L’ensemble a un style bien serré, qui met en valeur le contenu dense du texte. La répartition des voix, que nous avons relevée, montre aussi cette progression. Cette thématique pénitentielle rappelle qu’au temps de Bach, l’Avent était un temps de Carême, dans l’attente du Christ, dont l’arrivée sera fêtée avec éclat à Noël : au 4ème de l’Avent, on n’est toujours encore pas à Noël . Patience, et repentance !

        Cette progression fait apparaître trois parties dans la cantate : 1° l’Aria joyeuse du début ; 2° la liturgie pénitentielle ; 3° le choral final.

        Le plan de la cantate est :

1ère partie        2ème partie         3ème partie

1ère Aria           1er Récitatif        Choral
                        2ème Aria
                        2ème Récitatif    
                        3ème Aria

Sources :  6.  Herr Christ, der einig Gotts Sohn
                       Elisabeth Cruciger (Creutziger) 1524 (
                       (1505 Meseritz, Poméranie orientale –
                        1535 Wittenberg)
                       Mél : 15e S. profane, spirituel Erfurt 1524
                       EKG 46, RA 56, EG 67
 
Bible :  pas de citation directe de la Bible au début de la cantate,
             ni dans son corps.
             Allusion à Romains 10/9 et Tite 1/9 et 2/1

Voix :   ( S ) Soprano, ( A ) Alto, ( T ) Ténor, ( B ) Basse

Livres de cantiques cités : 

EKG 1951  Evangelisches KirchenGesangbuch Ekd Evangelische
                    Kirche Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne
RA 1952    Recueil de cantiques de la Confession d’Augsbourg d’Alsace
                    et de Lorraine
EG 1995   Evangelisches Gesangbuch, EKD Evangelische Kirche
                    Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne

Structure poétique : la mention figurant entre parenthèse et en italique, après le titre des différentes pièces, indique : 1°  par le chiffre romain, le nombre de vers dans le poème : VI par exemple signifie 6vers. 2° les chiffres arabes indiquent le nombre de syllabes dans le vers. Par exemple : 8 signifie vers de huit syllabes, avec fin masculine ; 9f signifie vers de neuf syllabes, avec fin féminine

Références :  

Wustmann, J.S. Bachs Kantaten-texte  1982,   page 5
Neumann, Handbuch der Kantaten J.S. Bach  
                                      1947, page 111; 1970, page 11_
Schmieder         ,   page
James Lyon, J.S. Bach, Chorals 2005,              page 21

TEXTE de la Cantate

                                                    Structure poétique
               1.  ARIA        ( S )            ( VI régulier )

Bereitet die Wege, bereitet die Bahn !    6f + 5 = 11
    Bereitet die Wege                                6f
    Und machet die Stege                          6f
    Im Glauben und Leben                         6f
    Dem Höchsten ganz eben;                    6f
    Messias kommt an!                              5

    Frayez une route, frayez un chemin!
       Frayez une route
       Et parez la toute
       De foi, d’espérance
       Le Très-haut s’avance,
       Voici le Messie
      

               2.  1er RECITATIF    ( T )    ( VIII + VII = XV   régulier )

Willst du dich Gottes Kind und Christi Bruder nennen,      13f
so müssen Herz und Mund den Heiland frei bekennen.     13f
Ja, Mensch, dein ganzes Leben                                       8f
Muss von dem Glauben Zeugnis geben!                          9f
Soll Christi Wort und Lehre                                             8f
auch durch dein Blut versiegelt sein,                               8
so gib dich willig drein.                                                   6
Denn dieses ist der Christen Kron und Ehre.                   11f  /

Indes, mein Herz, bereite noch heute                             10f   (vers libre)
dem Herrn die Glaubensbahn                                          6
und räume weg die Hügel und die Höhen,                        11f
die ihm entgegenstehen                                                  6
Wälz ab die schweren Sündensteine,                                9f
nimm deinen Heiland an,                                                 6
dass er mit dir im Glauben sich vereine.                          11f

    Veux-tu, enfant de Dieu, avoir le Christ pour frère,
    il faut que bouche et cœur confessent qu’il est Maître.
    Toute ton existence
    doit témoigner de sa présence !
    Si Christ, et sa parole,
    doit être scellé par ton sang,
    alors sois consentant.
    Car c’est, chrétien, ta gloire et ta couronne.

    Alors, mon cœur, aujourd’hui prépare                  (vers libre)
    Sa route par la foi
    Et aplanis les monts et les collines,
    qui contre lui s’inclinent.
    Roule leslourds péchés, ces pierres,
    Accueille ainsi ton Roi :
    Qu’il s’unisse avec toi dans la lumière.
   

               3.  1er ARIA      ( B )     ( VIII régulier )

Wer bist du ? frage dein Gewissen,          9f
Da wirst du sonder Heuchelei,                  8
Ob du, o Mensch, falsch oder treu,           8
Dein rechtes Urteil hören müssen.           9f
Wer bist du ? frage das Gesetze,             9f
Das wird dir sagen, wer du bist:               8
Ein Kind des Zornes in Satans Netze,      11f
Ein falsch und heuchlerischer Christ.        8

    Qui es-tu , que dit ta conscience,
    Ton cœur, sans nulle hypocrisie ?
    Humain, crois-tu entendre ici
    Voir proclamer ton innocence ?
    Qui es-tu, Que dit l’ordonnance ,
    La Loi te dira qui tu es :
    L’enfant du mal, sous la sentence,
    Pris par Satan et ses filets.

               4.  2e RECITATIF     ( A )    ( VI + VIII = XIV régulier )

Ich will, mein Gott, dir frei heraus bekennen :        11fi
ich habe dich bisher nicht recht bekannt !               10
Ob Mund und Lippen gleich dich Herr und Vater nennen   13f
hat sich mein Herz doch von dir abgewandt.           10
Ich habe dich verleugnet mit dem Leben!               11f  
Wie kannst du mir ein gutes Zeugnis geben?          11f    /

Als, Jesu, mich dein Geist- und Wasserbad             10
gereiniget von meiner Missetat,                             10
hab ich dir zwar stets feste Treu versprochen;        11f
ach! aber ach! der Taufbund ist gebrochen.            11f
Die Untreu reuet mich!                                           6
Ach Gott, erbarme dich,                                         6
ach! hilf dass ich mit unverwandter Treue               11f
den Gnadenbund im Glauben stets erneue.             11f

    Je veux, mon Dieu, librement reconaître:
    Je ne t’ai pas, Seigneur,bien confessé.
    Ma bouche et mes lèvres t’appellent Père et Maître ;
    Mon cœur et mon âme t’ont délaissé.
    Je t’ai rejeté dans mon existence !
    Comment peux-tu me certifier confiance?
   
    Jésus, oh quand ton bain d’eau et d’esprit
    M’a lavé de mon péché, pour la vie, 
    J’avais pris que, fidèle, je t’aime ;
    Mais non ! rompue l’alliance du baptême !
    Je regrette, ô mon Roi !
    Dieu aie pitié de moi,
    Qu’avec une fidélité plus belle
    Le lien de ma foi se renouvelle ;
   

               5.  2e ARIA     ( A )    ( IX régulier )

Christi Glieder, ach bedenket,              8f
Was der Heiland euch geschenket        8f
    Durch der Taufe reines Bad.            7
Bei der Blut- und Wasserquelle            8f
Werden eure Kleider helle,                  8f
    Die befleckt von Missetat.                7
Christus gab zum neuen Kleide            8f
Roten Purpur, weisse Seide,                8f
Diese sind der Christen Staat.              7

    Songez que le Christ vous donne,
    Le Sauveur, sa grâce bonne
       Par le baptême et son bain.
    Par le sang et l’eau qu’il verse
    Il détruit la mort perverse :
       Votre habit est clair et saint.
    L’habit neuf que Christ vous offre
    Est de soie, de rouge pourpre :
        La parure du chrétien.

               6.  CHORAL        ( VII régulier )

Ertöt uns durch dein Güte,             7f
Erweck uns durch dein Gnad;         6
Den alten Menschen kränke,          7f
Dass der neu leben mag                6
Wohl hier auf dieser Erden,            7f
Den Sinn und all Begerden             7f
Und Gdanken haben zu dir.            7

    Que je meure en ta grâce,
    Renaisse en ta bonté ;
    Que meure le vieil homme,
    Que vive le nouveau
    Ici, sur cette terre,
    Mais l’esprit près du Père,
    Et les désirs vers toi.
   

                             Texte allemand : Wustmann, page  5
                             Trad. Française : Yves Kéler, Bischwiller, 23.12.2009