D. 15. 4e Epiphanie : JESUS SCHLÄFT, WAS SOLL ICH HOFFEN ? BWV 81

D. 15. 4e Epiphanie, JESUS SCHLÄFT, WAS SOLL ICH HOFFEN ?  BWV 81

D.15.  4ème dimanche après l’EPIPHANIE
           4. Sonntag nach Epiphanias  (Wustmann)

           JESUS SCHLÄFT, WAS SOLL ICH HOFFEN ?   BWV  81

                       JESUS DORT,  PLUS D’ ESPERANCE !

NOTES quant à la Cantate

Auteur du livret : inconnu                                 Date: 30janvier 1724,
                         Christian Weiss l’ancien ?                 4ème Epiphanie

Lectures bibliques du dimanche :

Epître :       Romains 13/8-10 : l’amour est la réalisation de la loi
Evangile :   Matthieu 8/23-27    la Tempête apaisée

THEME de la cantate :  

        Le thème central est est le récit de la Tempête apaisée de Matthieu 8/23-27, qui est l’évangile du jour, 4ème dimanche après l’Epiphanie. La tempête arrive, Jésus dort, les disciples s’effraient, Jésus calme la mer.

        Deux parties se dégagent :

1ère  partie : Jésus dort, les disciples ont peur

        Cette cantate n’a pas de chœur pour son début. 1ère Aria, 1er Récitatif et 2ème Aria développent ces deux thèmes. La 1ère Aria constate la situation et transpose l’interrogation des disciples au fidèle : au lieu de « was sollen wir hoffen ? – que pouvons-nous espérer ? », l’interrogation passe à la 1ère personne : « was soll ich hoffen ? – que puis-je espérer ? » On continuera durant toute la cantate sur cette voie personnelle du « Ich –je », sauf dans la citation de Matthieu 8/26, à l’Arioso, où le collectif pluriel « Ihr – vous » apparaît. La voix de l’Alto reprend au 2ème Récitatif, qui est la réponse à la question posée ici.

4 Psaumes et II Corinthiens 6/15

        Le 1er Récitatif traduit les interrogations des disciples, toujours transposées à la 1ère personne, et ceci par le moyen de 4 Psaumes :  1° « Warum trittest du so ferne ? – pourquoi marches-tu si loin ? » : Ps 10/1.  2° « Warum verbirgst du dein Angesicht ? – pourquoi caches-tu ta face ? », qu’on trouve dans Job 13/24, Psaumes 13/2 et 44/25.  3° « Ich will meine Augen … nicht schlummern lassen – je ne veux pas laisser mes yeux sommeiller », du Psaume 132/4, se retrouve dans «  Ach, wird dein Auge…, so sonsten nie zu schlummern pfleget ? – Ah!, ton oeil…, qui jamais ne se met à sommeiller. »  4°  La promesse de Dieu « Ich will dir den Weg zeigen …ich will dich mit meinen Augen leiten – je veux te montrer le chemin… je veux te conduire avec mes yeux », devient une prière : « Leite mich durch deiner Augen Licht, weil dieser Weg –  conduis-moi par la lumière de tes yeux, car ce chemin… » 

        La 2ème Aria cite « Bélial », nom tiré des Bel – Baals syriens et phéniciens combattus par les prophètes et les yahvistes, est cité. La forme « Bélial » n’apparaît pas dans l’Ancien Testament, mais dans II Corinthiens 6/15, où Paul demande : «  Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? », par lequel dernier il désigne Satan et le mal. Le texte de l’Aria relève cette incompatibilité entre Satan, qui soulève les vagues, et le chrétien, pour qui de tels assauts sont normaux, mais auxquels il résiste par la foi.

        Le poète emploie une étonnante image.  « Der Christ soll zwar wie Wellen stehn, Wenn Trübsalswinde um ih gehn – le chrétien doit certes être dressé comme des vagues,  Quand les vents du malheur l’entourent. » Les vagues que soulève le vent deviennent les chrétiens que la tourmente agite et fait se dresser comme les vagues de la mer. Il y a donc un déplacement du sens par rapport au double vers précédent, où les vagues sont celles de la mer que Bélial fait monter.

2ème partie : Jésus se réveille, se lève et calme la mer

        La 2ème partie commence par les paroles du Christ qui forment le milieu de la péricope : « O gens de peu de foi, pourquoi avez-vous peur ? » Celles-ci sont à la fois tournées vers le passé, la peur des disciples, et l’avenir, l’apaisement de la mer. Bach reprend cette forme littéraire et fait résumer par les paroles du Christ la 1ère partie de la cantate et ouvrir la 2ème. Il en fait un Arioso, confié à la Basse, laquelle d’ordinaire interprète les paroles du Christ. La Basse chante aussi la 3ème Aria qui suit et qui développe les paroles du Christ dans l’Arioso.

        Le 2ème Récitatif, confié à la voix féminine grave de l’Alto, est la réponse du fidèle à l’injonction du Christ dans l’Aria qui précède : « Damit mein auserwältes Kind  Kein Unfall je verletzt – afin qu’aucun accident ne blesse jamais   Mon enfant élu. » On continue sur la voie du « je ».

        Le Choral continue aussi sur cette voie, par la 2ème strophe de « Jesu, meine Freude », un des sommets de la mystique de Jésus dans le luthéranisme. Ce chant est de Johann Franck, qui était un juriste et le maire de Guben, en Lusace. Il date de 1653, la même année où Paul Gerhardt publie ses plus importants chants dans la « Praxis pietatis melica » de Johann Crüger. La mélodie est du même Crüger et de la même année.

        Le texte classique des vers 7 et 8 du chant est :

                    « Ob es itzt gleich kracht und blitzt,
                       Ob gleich Sünd und Hölle schrecken,“
                       Jesus will mich decken

        Le mot « itzt – maintenant », forme ancienne de « jetzt », crée une rime interne avec « blitzt – l’éclair brille », provoquant un effet de double éclair. A cet effet visuel s’ajoute un effet auditif par le chuintement du double « gleich – même », qui imite le vent, et par le craquement de l’éclair : « kracht –craque ». Le sifflement du vent est rendu encore par le S de « Sünd », en allemand son intermédiaire entre le S dur et le S doux (mittleres S), et l’effet de bruit sourd par le « Hö » de « Hölle – l’enfer », mot dont le sens primitif est le creux, le trou, la grotte, qui rend un son caverneux, son grave qu’on entend en arrière des vents de tempête. L’effet visuel et sonore est doublé par l’emploi double du « Ob –si » au début des vers. On rertrouve aussi le parallélisme psalmique, dans lequel le deuxième vers répète le premier, mais l’explicite :  le bruit et l’éclair sont la terreur du péché et l’enfer. Bach n’a pas gardé le « itzt » primitif, il l’a remplacé par le « jetzt » contemporain.

        Le dernier vers « Jesus will mich decken – Jésus veut me couvrir », ramène le calme après la tempête des deux vers pécédents. Il illustre la fin de Matthieu 8/26 : « Et un grand calme se fit ». Ces trois vers finaux résument les deux parties de l’évangile et de la cantate.

L’emploi des voix

        Nous avons déjà dit que la Basse interprète les paroles du Christ dans l’Arioso et la 3ème Aria. Cette cantate n’a pas de Chœur d’entrée, mais une Aria qui exprime le souci de l’âme effrayée. La voix de l’Alto l’interprète. On passe au 1er Récitatif et au Ténor, qui exprime l’inquiétude des disciples et de l’âme par les 4 Psaumes cités. Puis, la 2ème Aria résume le verset 24 « Alors s’éleva sur la mer une si forte tempête que la barque était couverte par les vagues. » Le ténor retrouve sa fonction de prophète de l’A.T. et d’évangéliste. Le 2ème Récitatif, qui reprend le discours del’âme apeurée de la 1ère Aria, est confié à l’Alto. 1ère  Aria et 2ème Récitatif de l’Alto forment une parenthèse qui contient les développements internes. Le Charal clôt l’ensemble. On remarque que la vox du soprano est absente de cette cantate. 

        Le plan de la cantate est :

1ère partie        2ème partie        

1ère Aria           Arioso
1er Récitatif       3ème Aria
2ème Aria         2ème Récitatif    
                        Choral

Sources :  7.   Jesu, meine Freude, str 2, 1653
                        Johann Franck ( Guben, Lusace 1618- Guben 1677)
                        EKG 293, RA 351, EG 396
                        Mélodie : Johann Crüger 1653
                        ( 1598 Groos-Beesen, bei Guben Lusace – 1662 Berlin)
                        EKG 293, RA 351, EG 396

Bible :  4.  Matthieu 8/26, texte de Martin Luther
            2.  Citation de : Psaumes 10/1,
                                   Job 13/14 = Psaume13/2 = Psaume 44/25
                                   Psaume 132/2 et Psaume 32/8
                                   II Corinthiens 6/15
                d’après le texte de Martibn Luther.

Voix :   ( S ) Soprano, ( A ) Alto, ( T ) Ténor, ( B ) Basse

Livres de cantiques cités

EKG 1951  Evangelisches KirchenGesangbuch Ekd Evangelische
                    Kirche Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne
RA 1952    Recueil de cantiques de la Confession d’Augsbourg d’Alsace
                    et de Lorraine
EG 1995   Evangelisches Gesangbuch, EKD Evangelische Kirche
                    Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne

Structure poétique : la mention figurant entre parenthèse et en italique, après le titre des différentes pièces, indique : 1°  par le chiffre romain, le nombre de vers dans le poème : VI par exemple signifie 6vers. 2° les chiffres arabes indiquent le nombre de syllabes dans le vers. Par exemple : 8 signifie vers de huit syllabes, avec fin masculine ; 9f signifie vers de neuf syllabes, avec fin féminine

Références :  

Wustmann, J.S. Bachs Kantaten-texte  1982,   page 71
Neumann, Handbuch der Kantaten J.S. Bach  
                                  1947, page 76 ; 1970, page 82 
Schmieder         ,   page
James Lyon, J.S. Bach, Chorals 2005,             page 140, 151

TEXTE de la Cantate

                                                           Structure poétique
               1.  1er ARIA         ( A )        ( IVirrégulier )

Jesus schläft, was soll ich hoffen?                8f
    Seh ich nicht                                          3
    Mit erblasstem Angesicht                        7
    Schon des Todes Abgrund offen?             8f

    Jésus dort, plus d’epérance!
       Je le vois,
       Le regard rempli d’effroi :
       Vers l’abîme je m’avance !

               2.  1er RECITATIF         ( T )            ( X irrégulier )
Herr, warum trittest du so ferne ?                               9f
Warum verbirgst du dixch zur Zeit der Not,                  10
da alles mir ein kläglich Ende droht?                            10
Ach, wird dein Auge nicht durch meine Not beweget,     12f
so sonsten nie zu schlummern pfleget?                         9f
Du wiesest ja mit einem Sterne                                  10f
vordem den neu bekehrten Weisen,                             9f
den rechten Weg zu reisen;                                         7f
Ach leite mich durch deiner Augen Licht,                      10
weil dieser Weg nichts als Gefahr verspricht.                10

    Toi, tu pars de moi, tu éloignes ?
    Pourquoi te caches-tu dans mon malheur,
    alors que la mort me fait peur ?
    Ah ! ton œil n’a-t-il donc plus aucune tendresse,
    qui reste ouvert veillant sans cesse ?
    Tu as montré par une étoile
    aux nouveaux convertis, les mages
    la route du voyage.
    Ah ! conduis-moi par l’éclat de tes yeux,
    Car mon chemin est dur et dangereux.

               3.  2e ARIA         ( T )                     ( VII irrégulier )

Die schäumenden Wellen von Belials Bächen               11f
Verdoppeln die Wut.                                                   5
    Ein Christ soll zwar wie Wellen stehn,                       8
    Wenn Trübsalswinde um ihn gehn,                           8
    Doch suchet die stürmende Flut                               8
    Die Kräfte des Glaubens zu schwächen.                   9f  

    Les eaux de Bélial, leur vague écumeuse,
    Hurlent de fureur.
       Dans la vague un chrétien se tient,
       Quand le vent du malheur survient ;
       Le flot cherche à lui faire peur,
       A rendre sa foi malheureuse.

               4.  ARIOSO         ( B )                          verset biblique

« Ihr Kleingläubigen, warum seid ihr so furchtsam ? »

« Quelle foi faible, pourquoi êtes-vous si craintifs ? »

               5.  3ème ARIA         ( B )      ( V régulier )

Schweig, aufgetürmtes Meer !                        6
Verstumme, Sturm und Wind!                        6
    Dir sei dein Ziel gesetzet,                          7f
    Damit mein auserwähltes Kind                    8
    Kein Unfall je verletzet.                             7f

    Chut, vagues de la mer !
    Silence, l’ouragan !
       Reste dans tes limites,
       Pour que mon aimé, mon enfant,
       Echappe au mal, et vite !

               6. 2e RECITATIF         ( A )         ( IV irrégulier )

Wohl mir, mein Jesus spricht ein Wort,                    8
mein Helfer ist erwacht,                                         6
so muss der Wellen Sturm, des Unglücks Nacht       10
und aller Kummer fort.                                          6

    C’est bien, mon Jésus dit un mot,
    Mon aide est réveillé,
    Le souffle du grand vent, les noirs dangers,
    S ‘enfuient au grand galop.

               7.  CHORAL              ( IX régulier )

Unter deinem Schirmen                      6f
Bin ich vor dem Stürmen                    6f
Aller Feinde frei.                                 5
Lass den Satan Wittern,                      6f
Lass en Feind erbittern,                      6f
Mir steht Jesus bei.                             5
Ob es jetzt gleich kracht und blitzt,      7
Ob gleich Sünd un Hölle schrecken,     8f
Jesus will mich decken.                      6f

    Quand l’orage gronde,
    Qu’il soulève l’onde,
    Où est l’ennemi ?
    Que Satan tempête,
    Que même il s’entête,
    Jésus est l’Ami.
    Si tout craque, si l’éclair
    Fend l’air, que la terre s’ouvre,
    Jésus, lui me couvre. 

                             Texte allemand : Wustmann, page
                             Trad. française : Yves Kéler, Bischwiller, 4.1.2010