D. 16. 4e Epiphanie : WÄR GOTT NICHT MIT UNS DIESE ZEIT, BWV 14

D. 16. 4e Epiphanie : WÄR GOTT NICHT MIT UNS DIESE ZEIT, BWV 14

D.16.  4ème dimanche après l’EPIPHANIE
           4. Sonntag nach Epiphanias  (Wustmann)

       WÄR GOTT NICHT MIT UNS DIESE ZEIT,   BWV  14

                            SI DIEU N’AVAIT PAS ETE LA

      (Commentaire du cantique de ce nom et de Matthieu 8/23-27)

NOTES quant à la Cantate

Auteur du livret : inconnu            Date: 30 janvier1735, Leipzig
                                                                date autographe

Lectures bibliques du dimanche

Epître :       Romains 13/8-10 : l’amour est la réalisation de la loi
Evangile :   Matthieu 8/23-27    la Tempête apaisée

THEME de la cantate :  

        Cette cantate, comme la précédente « Jesus schläft, was soll ich hoffen BWV 81, illustre l’évangile du 4ème dimanche après l’Epiphanie, Matthieu 8/23-27, la Tempête apaisée.

Le cantique de Luther

        Elle est construite, comme d’autres cantates de Bach, les ___________, sur l’emploi et le commentaire d’un chant, ici de Luther, qui lui a donné son nom : « Wär Gott nicht mit uns diese Zeit », de 1524, qui est la transposition du Psaume 124.

        Luther avait fait de ce chant un cantique d’entrée dans sa « Deudsche Messe ». En effet, la fin du psaume dit : « Notre aide est dans le nom du Seigneur, qui a fait les cieux et  la terre », une des formules d’entrée de la messe, qu’on retrouve dans les liturgies luthériennes ultérieures et récentes. Le rappel de l’œuvre salvatrice de Dieu au début de l’office explique pourquoi l’Eglise réunie est là : pour glorifier le Dieu sauveur, qui a fait des merveilles dans le passé et qui les refait aujourd’hui. Aujourd’hui, dans notre cas, c’est le 4ème dimanche après l’Epiphanie. On rejoint ainsi la cantate de Bach : elle rend gloire au Christ, Fils du Dieu sauveur et maître des éléments dangereux qui veulent engloutir la barque de l’Eglise.

        Bach emploie la 1ère strophe comme chœur d’entrée et la troisième et dernière comme choral final. Le 2ème est paraphrasée dans le Récitatif, qui est au centre du texte. La 1ère Aria commente la 1ère strophe, la 2ème fait la transition entre le Récitatif = 2ème strophe et la 3ème strophe. Voici le texte et la traduction de cette 2ème strophe. J’ai écrit en caractères gras les mots que le librettiste a repris directement de cette strophe dans le Récitatif

Auf uns so zornig ist ihr Sinn;
Wo Gott hätt das zugeben,
Verschlungen hätten sie uns hin
Mit ganzem Leib und Leben.
Wir wärn als die ein Flut versäuft
Und über die gross Wasser läuft  
Und mit Gewalt verschwemmet.

    Sur nous leur colère et leurs cris:
    Dieu n’a pas laissé faire !
    Sans lui déjà npos ennemis
    Nous rayaient de la terre !
    Ils nous auraient broyés bientôt,
    Ils nous auraient noyés dans l’aie,
    Si grande était leur haine.

Le plan de la cantate

Le Récitatif étant au centre de la cantate, on obtient un plan symétrique :

      Chœur      =  1ère strophe
      1ère Aria :      commentaire de la 1ère striophe
      Récitatif  =  paraphrase de la 2ème strophe
      2ème Aria :     transition
      Choral      =  3ème strophe

qui forme trois parties :

1ère partie        2ème partie       3ème partie

Chœur              Récitatif             2ème Aria
1ère Aria                                   Choral

La prosodie

        Cette construction symétrique est mise en valeur par la structure poétiques des pièces. Les deux strophes du choral sont en VII régulier 8.7f, 8.7f / 8.8, 7f. Les deux Arias sont en V régulier, mais les vers ont des rythmes différents : 7.8f. / 7.7, 8f  et 7f.7 / 8f.8f, 7. En revanche, la répartition des vers est la même : les deux Arias commencent par un vers libre, les 4 suivants ont deux rimes embrassées Tout cela permet d’éviter la répétition de la même structure. Le Récitatif est en X régulier 9f;9f, 8.8, 66, 11f.11f, avec des rimes simples successives. Ce qui est commun à toutes les pièces, c’est qu’elles sont régulières. On obtient la répartition suivante :

                                               VII  –  V  – X  –  V – VII

        Le livret de Bach corrige deux fois Luther, en rétablissant des lettres élidées :

Str 1,  4ème vers  :   Luther  : Wir hätten müss’n verzagen
                                Bach    : Wir hätten müssen verzagen
Str 3 :  7ème vers :   Luther  : Des Gotts Himmels und Erden
                                Bach    : Des Gottes Himmels und Erden

Comparaison entre BWV 81 et BWV 14

        Si on compare les deux cantates voisines, la BWV 81 « Jesus schläft, was sollich hoffen », et la BWV 14 « Wär gott nicht mit uns diese Zeit, on constate une forte similitude de vocabulaire entre la 2ème Aria de 81 et le Récitatif de 14 :

81, 2ème Aria : « Die schäumenden Wellen … Verdoppeln die Wut
                           die stürmende Flut »

14, Récitatif :    « Es hätt ihre Wut ,  wie eine wilde Flut,
                           und als schäumende Wasser »

        L’auteur de la cantate 81 s’est-il inspiré du chant de Luther, d’où ce vocabulaire provient? Ou est-ce l’indice que les deucx cantates auraient le même auteur ?

L’emploi des voix

        Les deux Arias sont confiées d’abord au Soprano, dans une gradation depuis la strophe d’entrée vers le Récitatif du Ténor, puis à la Basse, dans une descente vers la résolution finale, où Dieu est vainqueur dans le Choral. Le Récitatif central, qui paraphrase la strophe 2, fait comme un évangile inspiré de Matthieu 8/23-27, confié au Ténor.

Sources :  1. et 5.  Wär Gott nicht mit uns diese Zeit (1523) 1524
                               Martin Luther (Eisleben 1483 – 1546 Eisleben)
                               D’après le Psaume 124
                               EKG 190, RA 171, pas dans EG
                               Mélodie : ¨Wär Gott nicht mit uns dieses Zeit
                               Nuremberg / Wittenberg 1524
                               EKG 190, RA 171, pas dans EG

Bible :  pas de citation directe de la Bible au début de la cantate,
             ni dans son corps.

Voix :   ( S ) Soprano, ( A ) Alto, ( T ) Ténor, ( B ) Basse

Livres de cantiques cités : 

EKG 1951  Evangelisches KirchenGesangbuch Ekd Evangelische
                    Kirche Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne
RA 1952    Recueil de cantiques de la Confession d’Augsbourg d’Alsace
                    et de Lorraine
EG 1995   Evangelisches Gesangbuch, EKD Evangelische Kirche
                    Deutschlands, Eglise Protestante d’Allemagne

Structure poétique : la mention figurant entre parenthèse et en italique, après le titre des différentes pièces, indique : 1°  par le chiffre romain, le nombre de vers dans le poème : VI par exemple signifie 6vers. 2° les chiffres arabes indiquent le nombre de syllabes dans le vers. Par exemple : 8 signifie vers de huit syllabes, avec fin masculine ; 9f signifie vers de neuf syllabes, avec fin féminine

Références :  

Wustmann, J.S. Bachs Kantaten-texte  1982,   page 73
Neumann, Handbuch der Kantaten J.S. Bach  
                                  1947, page 22 ; 1970, page 25
Schmieder         ,   page
James Lyon, J.S. Bach, Chorals 2005,             page 10
Yves Kéler, Martin Luther 42 chants 2009,       page 156

TEXTE de la Cantate

                                                      Structure poétique
               1.  CHOEUR                  ( VII régulier )

Wär Gott nicht mit uns diese Zeit,       8
So soll Israel sagen,                          7f
Wär Gott nicht mit uns diese Zeit,       8
Wir hätten müssen verzagen,             7f
Die so ein armes Häuflein sind,           8
Veracht von so viel Menschenkind,      8
Die an uns setzen alle.                       7f

    Si Dieu n’avait pas été là,
    – Qu’Israël le redise –
    Si Dieu n’avait pas été là,
    La mort était acquise
    Pour nous, le peuple du Seigneur,
    Victime de tant de malheurs
    Et méprisé des hommes.

               2.  1er ARIA     ( S )        ( V régulier )

Unsre Stärke heisst zu schwach,             7      (vers libre)
Unserm Feind zu widerstehen.               8f
    Stünd uns nicht der Höchste bei,         7
    Würd uns ihre Tyrannei                     7
    Bald bis an das Leben gehen.            8f

    Notre force ne peut pas                             (vers libre)
    Résister à l’adversaire.
       Si le Très-haut n’était là
       Les tyrans prendraient le pas,
       Nous feraient bientôt la guerre.


               3.  1er RECITATIF       ( T )
       ( VIII  régulier )

Ja, hätt es Gott nur zugegeben,                          9f
wir wären längst nicht mehr am Leben,               9f
sie rissen uns aus Rachgier hin,                          8
so zornig ist auf uns ihr Sinn.                              8
Es hätt uns ihre Wut                                           6
Wie eine wilde Flut                                             6
Uns als beschäumte Wasser überschwemmet,     11f
und niemand hätte die Gewalt gehemmet.           11f

    Si Dieu les avait laissé faire,
    Nous serions morts, tombés à terre,
    Ils nous auraient déjà détruits,
    Si colérique est leur esprit.
    Car leur courroux méchant,
    Comme un violent courant,
    Nous aurait recouverts comme un déluge
    Contre lequel il n’est pas de refuge.

               4.  2e ARIA     ( B )         ( V régulier )

Gott, bei dem starken Schützen               7f    (vers libre)
Sind wir von den Feinden frei.                  7
    Wenn sie sich als wilde Wellen             8f
    Uns aus Grimm entgegenstellen,          8f
    Stehn uns deine Hände bei.                  7

    Dieu, grâce à ta forte garde
    L’ennemi est uimpuissant.
       Si comme une grande vague
       Méchamment il nous attaque,
       Ton bras l’abaisse à néant.

              5.  CHORAL                     ( VII régulier )

Gott Lob und Dank, der nicht zugab,         8
Dass ihr Schlund uns möcht fangen.         7f
Wie ein Vogel des Stricks kommt ab,        8
Ist unsre Seel entgangen:                       7f
Strick ist entzwei,   und wir sind frei,        4 + 4 = 8
Des Herren Name steht uns bei,               8
des Gottes Himmels und Erden.               7f

    Gloire à Dieu qui n’a pas laissé
    Ces gens gagner leur siège !
    Comme un oiseau, même blessé,
    S’échapperait du piège,
    Notre âme est libre, grâce à Dieu,
    Seigneur de la terre et des cieux :
    Son nom seul est notre aide.
   
                             Texte allemand : Wustmann, page
                             Trad. française : Yves Kéler, Bischwiller , 7.1.2010