VOICI LA LOI QUE DE SA VOIX (rév)

VOICI LA LOI QUE DE SA VOIX  
      ( Révision de Oyons la Loy que de sa voix )

     Mélodie : Dies sind die heilgen zehn Gebot = 
                   Au Jakobs Stamm ein Stern schön klar

            Traduction des 10 Commandements de Luther
                  » Dies sind die heilgen zehn Gebot « 

                                     dans

              AULCUNS PSEAUMES ET CANTIQUES
                              mys en chant.
                               A Strasburg
                                    1539.

              ( Edition anonyme par Jean Calvin )

                    Les dix comandemens prins
                             du XX. d’exode


A.    TEXTE REVISE

1. Voici la Loi que de sa voix
    Nous a donnée le Créateur
    Des hommes, leur législateur,
    Dieu, notre souverain Roi.
    Kyrie eleison.
   
2. (1) Je suis Seigneur : moi seul tu dois
    Tenir pour vrai Dieu et m’aimer :
    Faire un Dieu autre et l’adorer
    N’entreprends pas devant moi.
    Kyrie eleison.
   
3. (2) D’image en rien tu ne feras
    Pour me peindre ou me figurer,
    Pour m’invoquer ou m’honorer :
    Mon nom à lui seul est grand.
    Kyrie eleison.
   
4. (3) Le nom de Dieu tu garderas,
    Saint et sacré il te sera :
    Pour innocent Dieu ne tient pas
    Celui, en vain, qui le prend.
    Kyrie eleison.
   
5. (4) Le sabbat tu sanctifieras,
    En Dieu, ce jour, te reposant,
    Selon cet ordre qu’en son temps
    Dieu plaça entre les jours.
    Kyrie eleison.
   
6. (5) Crainte et honneur tu donneras,
    Obéissant, à tes parents.
    Sur terre tu vivras longtemps :
    Achève en paix ton parcours.
    Kyrie eleison.

7. (6) Aucun humain tu ne tueras,
    En le voulant ou sans vouloir.
    Ne laisse en toi aucun pouvoir
    Mauvais asservir ton coeur.
    Kyrie eleison.
   
8. (7) En toi la chasteté vivra,
    Garde ton cœur pur constamment,
    Et tout ton corps pareillement :
    Tu le tiendras en honneur.
    Kyrie eleison.
   
9. (8) Le bien d’autrui, injustement
    Pour toi tu ne le prendras pas ;
    Aucune fraude ne feras
    Pour faire accroître le tien.
    Kyrie eleison.
   
10. (9) Contre les autres faussement
    Ta langue ne mentira pas.
    La vérité te servira
    A leur honneur et leur bien.
    Kyrie eleison.
   
11. (10) Qu’en rien ton coeur ne soit tenté
    Par quelque bien de tes prochains ;
    Aime en ton cœur tous les humains
    Incline à tous les aimer.
    Kyrie eleison.
   
12. Dieu, qui de toute sainteté
      Contiens seul le pouvoir en toi,
      A la justice de ta Loi,
      Dieu, veuille nous conformer.
      Kyrie eleison.
  

              Texte        Dies sind die heilgen zehn Gebot
                              Martin Luther, 1524
                              Oyons la Loy que de sa voix,
                              traduction ( par qui ?) dans
                              Aulcuns Pseaulmes et Cantiques
                              Strasbourg 1539
                              édition fac similé par D.Delétra,
                              à Genève chez A.Jullien, 1919
                              révision : Yves Kéler, 13.4.2010
 


B.     TEXTE ORIGINAL

1. Oyons la Loy que de sa voix
    Nous a donne (é) le createur,
    De tous hommes legislateur
    Notre Dieu souverain Roy ;
    Kyrieleison. (en un mot : sic)

2. (1) Je suis le Seigneur que tu doibs Luther (1)
    Seul pour Dieu tenir et aymer :
    Aultre Dieu fair’ ou renommer
    N’entreprendras devant moi.
    Kyrie eleison. (en deux mots, jusqu’à la fin)
   
3. (2) Image point ne forgeras           Luther deest
    Pour mon essence figurer,
    Pour inuoquer ou honorer,
    Ma gloire leur assignant.
    Kyrieleison.

4. (3) Le nom de Dieu ne polluras        Luther (2)
    Mais sainct et sacre te sera :
    Car Dieu pour innocent n’aura
    Tout hom’ en vain le prenant.
    Kyrie eleison.
   
5. (4) Le sabbath sanctifi-e-ras,          Luther (3)
    En Dieu toujours te reposant :
    Et l’ordre et polic’ obseruant
    Qu’a mis Dieu entre les iours.
    Kyrie eleison.
   
6. (5) Honneur et crainte porteras       Luther (4)
    A Pere et Mere, les servant :
    Affin que sur terre vivant
    En Paix acheve ton cours.
    Kyrie eleison.

7. (6) Homicide point ne feras            Luther (5)
    Tant de fait come de voulloir :
    A haine et courroux nul pouvoir
    Ne donneras en ton coeur
    Kyrie eleison.
   
8. (7) En chastete (é) tu viveras (sic)   Luther (6)
    Ton cœur purement contenant,
    De ton corps ne contaminant
    Par paillardise, l’honneur.
    Kyrie eleison.

9. (8) Le bien d’aultruy iniustement     Luther (7)
    A toy tirer ne tacheras,
    Rapin’ ou fraude ne feras
    Affin d’accroitre le tien.
    Kyrie eleison.

                                                       Luther (8)
10. (9) Contre ton prochain faulsement
    De ta langue tu ne mentiras.
    Mais en vérité serviras
    A son honneur et son bien.
    Kyrie eleison.

                                                        Luther (9) et (10)
11. (10) Ton cœur d’aucun desir tente (é)
      Ne soit du bien de tes prochains,
      Mais ton amour vers tous humains
      Sencline au lieu de t’aimer.
      Kyrie eleison.
   
12. Dieu, qui de toute sainctete (é),  
      Contiens seul la vertu en toy,
      A la Justice de ta Loy
      Vueille noz meurs conformer.
      Kyrie eleison.
      


Le texte du livre


Les « Aulcuns Pseaulmes et Cantiques » de 1539


découverte d’un exemplaire

        Du livre publié par Calvin en 1539 on avait perdu toute trace. Ce qui explique que dans la grande édition des « Ioannis Calvini  Opera» de Baum, Cunitz et Reuss, publiés en 1867, le livre de Calvin n’est pas répertorié. En 1878, O.Douen, auteur d’une importante étude sur Clément Marot et le Psautier français, signale qu’on vient de découvrir à la Bibliothèque royale de Bavière un exemplaire du livre. Jusqu’à nouvel ordre, c’est l’unique exemplaire survivant connu. Il est composé de 63 pages, non numérotées. L’ordre est donné par la succession des Psaumes, qui se suivent selon leur numérotation hébraïque, sauf les Psaumes H 114 et H 130, qui sont numérotés L 113 (et 114) et L 129. Les trois chants destinés à la Sante Cène sont à la fin, dans l’ordre suivant : Cantique de Symon, Les dix commandens et le Credo (apostolique).

contenu du livre

        « Aulcuns Pseaulmes » contient 19 paraphrases de Psaumes en français, dont 12 de Clément Marot, bien identifiables parce qu’elles se retrouvent, avec quelques variantes et avec presque toutes les mélodies de 1539, dans les éditions du Psautier de Genève de 1541, 1551 et 1562. Cinq sont avec certitude de Calvin, ce qui fait 17 textes. Les auteurs des 2 textes restants ne sont pas sûrement identifiés.

        À ces 19 Psaumes Calvin ajoute trois pièces liturgiques : le « Cantique de Symeon », pour la fin de la Cène, les « Dix Commandemens », pour la préparation de la Cène, et le « Credo » apostolique, pour les dimanches avec la Sainte-Cène. Le Cantique de Siméon semble être une composition originale française, en 4 strophes. Le texte en est compliqué et un peu lourd. Les Dix commandements sont une traduction très libre des « Zehen gepot Gottes lange – Les dix commandements de Dieu longs » de Luther. Le chant s’appelle « Dies sind die heilgen zehn Gebot – Voici les saints dix commandements », et est daté de 1524, pour le texte. La mélodie est de Strasbourg 1525, et porte aussi le nom de « Aus Jakobs Stamm ein Stern schön klar – Du tronc de Jacob une belle étoile claire. ». Le « Credo » est la traduction, très fidèle, du « Ich glaub abn Gott, Vater, den Allmächtigen – Je crois en Dieu, Père, le Tout-puissant », de Matthias Greiter, de 1524 àu 1525. Le début de la mélodie de ce credo a été repris par Loys Bourgeois pour composer celle du Psaume 116 « J’aime mon Dieu, car son puissant secours ».

les auteurs des textes

        L’emploi, en 1539, par Calvin de cette traduction du cantique de Luther montre que son programme hymnologique en était à ses débuts et qu’il cherchait sa voie. Il va la trouver très vite, en renonçant à ses propres versifications de Psaumes et en abandonnant les autres auteurs de 1539. Il fera de Clément Marot le réalisateur unique de son projet d’un Recueil des 150 Psaumes. (Après la mort de ce dernier en 1542, il confiera de même à un auteur unique, Théodore de Bèze, l’achèvement du Psautier). En 1541, lors de l’édition des 49 Psaumes de Marot, ses propres textes auront disparu, ainsi que la traduction des Dix Commandements de Luther. Il en va de même avec le « Nunc dimittis » de 1539 et la traduction du Credo de Matthias Greiter de la même année. En revanche, des traductions de Calvin dans l’édition de Strasbourg de 1539 restera une grande mélodie : celle du Psaume 36, qui est celle de Matthias Greiter pour le Ps 119 « Es sind doch selig alle, die – Bienheureux sont donc tous ceux qui », qui restera la mélodie de ce Psaume et servira au Psaume 68 : Que Dieu se monter seulement.

        Qui est l’auteur de la traduction des Dix commandements de Luther ? D.Delétra, dans son édition de 1919, écrit : « On croit que c’est aussi à Calvin qu’il faut attribuer la traduction en vers du Cantique de siméon et des Dix commandements. » Mais Delétra ne fait aucune allusion à Luther, et ne dit pas si Calvin savait l’allemand. La traduction ne suit pas Luther de près, sauf dans les strophes 5, sur les parents, et 7, sur le mariage. D’autres auteurs proches de Calvin ont traduit des textes de Luther, comme Guillaume Franc, qui a mis en musique le Psautier de 1541. Celui-ci avait fait une traduction de « Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort – Garde-nous, Seigneur, près de ta parole».

Par ailleurs, la lourdeur de la traduction du Cantique de Siméon contraste avec le clarté de celle des Commandements. De plus, la complexité prosodique des Commandements contraste aussi avec la disposition simple et classique des 4 Psaumes attribués à Calvin. Tout cela fait penser que « Cantique de Siméon » et « Dix Commandements » n’ont pas le même auteur, et que ces derniers ne seraient pas de Calvin. Quoiqu’il en soit, il semble clair que cette traduction des Commandements de Luther est la plus ancienne en français de ce texte.

la numérotation des commandements

        La numérotation des commandements varie dès les temps anciens selon les régions ou les appartenances, entre les Juifs, les Catholiques romains et les Grecs. Ces variations ont survécu dan les Eglises de la Réforme. Calvin, ou le traducteur avec lui, n’a pas suivi la numérotation des commandements de Luther. Il a adopté le parti d’ajouter au 1er commandement de Luther le développement sur les images d’Exode 20/4-6, et de former ainsi un 2e commandement. En revanche, Luther coupe le verset 20/17 en deux : 9e commandement, « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain », et 10e commandement : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteurs, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit à ton prochain. » Alors que Calvin en fait un seul commandement. Luther il est vrai regroupe les deux dans une seule strophe.

        Cela entraine donc un décalage entre les deux numérotations. Ici dans la traduction de 1539, une strophe 3 répondant au 2e  commandement selon Calvin, a été placée dans le texte. Elle est donnée en italique supra. En revanche, le traducteur supprime la 12e strophe de Luther, qui est une prière christologique, et ne garde que la 11e , dont il fait une demande, adressée cette fois à Dieu. De ce fait, il conserve le nombre de 12 strophes de Luther.

la prosodie

        Le texte montre un curieux en même temps que savant programme prosodique, très rare dans les cantiques destinés au culte, autant en Allemagne qu’en France. Cette construction montre qu’à cette époque, des recherches prosodiques étaient menées dans les Églises naissantes de la Réforme.

        L’auteur groupe les strophes par deux, et change de système de rime à chaque groupe. Il obtient ainsi 6 groupes de 2 strophes, répartis ainsi :

Un groupe d’entrée et un groupe de sortie, formant une parenthèse : ces 4 strophes ont des rimes embrassées. Celles-ci sont d’abord « oi » dans les strophes 1 et 2, puis « é » dans les strophes 11 et 12

        Groupe 1 : str.   1 : « voix »        et « Roy », encadrant
                                                             « createur » et « legislateur »
                                2 : « doibs »       et « moy », encadrant
                                                             « aymer » et « renommer »
                          soit deux fois une rime en « oi » encadrant deux autres rimes.

        Groupe 6 : str. 11 : « tenté »       et « t’aimer », encadrant
                                                            « prochains » et « humains »
                              12 : « saincteté » et « conformer », encadrant
                                                            « toy » et « Loy »
                          soit deux fois une rime en « é » encadrant deux autres rimes.

Trois groupes en « ras », exploitant le futur des verbes des commandements, dans lesquels les 4e vers ne riment pas avec les premiers, mais entre eux et deux strophes par deux strophes :

        Groupe 2 : str.   3 : « forgeras »       et « assignant »,
                                                              encadrant « figurer » et « honorer »
                                4 : « polluras »        et « prenant »,
                                                              encadrant « sera » et « n’aura »
        Groupe 3 : str.   5 :  « sanctifieras »  et « jours »                
                                6 : « porteras »        et « cours »
        Groupe 4 : str.   7 : « feras »            et « cœur »
                                8 : « viveras » (sic)  et « honneur »

Un groupe en « ment », dans lequel les 4e vers ne riment pas avec les premiers, mais entre eux et deux strophes par deux strophes :
 
        Groupe 5 : str.   9 : « iniustement » et « tien »
                         str. 10 : « faulsement »  et « bien »
       
la révision du texte

        La révision du texte suit la méthode de Valentin Conrart dans sa réécriture du Psautier de Marort et de Bèze en 1677. Elle consiste à garder les rimes de l’original, et parfois les mots finaux entiers, et à réécrire le texte modernisé dans ce cadre. La coupe d’origine est conservée, ainsi que le nombre des strophes et la mélodie. Le but est que l’assemblée et le fidèle chantent le même texte et le même contenu théologique et liturgique que l’original, simplement mis à jour linguistiquement. Dans la révision ici présentée, la concordance des rimes principales est quasiment complète. Chez Conrart, il arrive que toutes les rimes ne peuvent être tenues.