011. LES CHANTS D’ELIE NEAU

LES CHANTS D’ELIE NEAU

                                 ELIE NEAU (1662 – 1722)

        Les renseignements donnés ici, ainsi que le texte des chants cités et analysés, proviennent du livre de Gaston Tournier, de 1939 :

« Histoire des souffrances / du sieur Elie Neau / sur les galères / et dans les cachots de Marseille / (1701) / Nouvelle édition / avec introduction et notes / par Gaston TOURNIER / Elie Neau…un homme qui aurait fait un / saint, s’il avait appartenu à l’Ehlise Romaine. / (Révérend J. – A. Maynard, pasteur de l’Eglise / française de New York) / PUBLICATIONS DU MUSEE DU DESERT / EN CEVENNES / —- 1939 »

        La référence des pages du livre figure dans le texte,  entre parenthèses.

        Les renseignements donnés ici proviennent du livre de Gaston Tournier, de 1939, « Histoire des souffrances du sieur Elie Neau sur les galères et dans les cachots de Marseille 1701. » La référence des pages du livre figure dans le texte,  entre parenthèses.

A.      BIOGRAPHIE D’ELIE NEAU


I.       La Saintonge protestante

      
        Elie Neau est né à Moëze (ou Moïze, ou Moyse : actuellement 17780 MOËZE, près de Soubise, Charente-Maritime), en 1662, selon sa pierre tombale à New York, les registres de la paroisse de Moëze étant perdus.

        Le village, entre la Charente et la Seudre, entre Rochefort et Saujon, en Saintonge, est situé dans une contrée de marais salants et de prés salés destinés aux bœufs et aux chevaux en semi-liberté, appelée jadis Isles de Marennes (p. 13). En 1685, lors de la Révocation de l’édit de Nantes, cette région, complètement protestante, comptait plusieurs bourgs importants (p.14) : 
  
        Soubise : dont Catherine de Parthenay-Lévêque était propriétaire, entra en 1575 par son mariage dans les biens de René de Rohan, protestant, dont les descendants portèrent le titre de Rohan-Soubise (p. 15). Dès 1560, cette région était réformée . Un beau temple fut construit, que les catholiques réussirent à récupérer en 1685, contre l’ordre de le détruire, en sorte que la bâtiment existe toujours. De 1681 à 1685, suite à l’aggravation des pressions, 51 familles huguenottes quittèrent le bourg, le ramenant à un village de 370 habitants.

        Moëze : où est né Elie Neau, était une paroisse importante (p. 16),comptant 103 baptêmes et 17 mariages en 1682. Là aussi le départ des huguenots abaissa la commune à 220 habitants.

        Citons encore Brouage (p.17), qui de port important et fortifié est retombé également à un maigre village.

        Toute cette côte vivait de la mer et plusieurs milliers de marins expérimentés habitaient là. La population était très pratiquante (p. 18), au point que Richelieu ne put lever aucun marin dans cette région pour sa flotte lors du siège de la Rochelle (1626-1628), et qu’il dut les recruter loin, dans des régions catholiques.  Dès le lendemain du siège,, les tracasseries commencèrent (p. 18), passant vers 1660 à la violence (p. 20). En 1681 débutèrent les dragonnades (p. 21). Il ne resta bientôt plus d’autre choix que plier ou partir. La majorité s’en alla. Dès 1661, 300 Rochelais partirent sur un même bateau. Elie Neau quitta Moëze à l’âge de 17 ans, en 1679 (p. 22). La chasse aux protestants fut ouverte, et il devint de plus en plus dangereux de partir. Malgré tout, en 1687 (p. 23), 600 personnes de Mornac et de Royan et environs réussirent à partir, ne laissant que les vieillards. Ce fut un désastre humain et religieux, l’Eglise romaine n’y gagnant rien, et un désastre économique, la région devenant déserte (p. 25).  

II.     Elie Neau en Amérique

        Elie Neau, né en 1662, commença à naviguer à l’âge de 12 ans. Né dans une famille protestante, il se convertit spirituellement à l’âge de 16 ans, et fut très lié à son pasteur Jean Morin, qui en 1685 se rendit en Angleterre, puis en Hollande, où il s’établit. C’est lui qui écrira plus tard le livre sur les souffrances d’Elie Neau, en traduisant partiellement en français, en 1701 à Amsterdam, le livre en anglais d’Elie Neau de 1699, paru à Londres.

        A 17 ans, il quitta la France, en 1679 (p. 27) , laissant ses parents et des frères et sœurs, qui le rejoindront plus tard. Il se rendit dans l’île de Saint-Domingue, anciennement espagnole, depuis 1630 entre les mains des français, où beaucoup de huguenots s’étaient réfugiés et vivaient en paix. Il y vécut en marin. Mais en 1685, la Révocation rattrapa ces îles lointaines, et la plupart des huguenots allèrent à Boston et New York (p. 28). Elie se rendit à Boston pour six ans. Il eut contact en 1690 avec John Eliot, l’apôtre des Indiens, qui fit sur lui une forte impression. En 1688, il épouse Suzanne Paré, dont le père était mort en France, et la mère s’était établie à Boston avec ses trois filles. Elie eut trois enfants : une fille qui ne vécut que 8 jours, un fils né en 1691 et une fille, née en 1692, l’année de sa capture (p. 29).

        Le 31 janvier 1690, il se fit naturaliser anglais, à Londres, pour pouvoir commander un vaisseau. De Boston, il s’installa à New York (p. 30). En 1692, il commandait la « Belle Marquise », bateau d’un négociant protestant français de New York.

III.    La captivité d’Elie Neau (1690-1698)

        Le 8 septembre 1692, il fut capturé aux Bermudes par des corsaires français, au service du roi de France entré en guerre contre l’Angleterre, et emmené à Saint-Malo. Réformé, fugitif, et naturalisé anglais, ayant quitté le royaume sans avoir demandé le « brevet de séjour à l’étranger », conformément à la loi de 1670, il tombait sous la loi de 1669 interdisant de quitter la France. Mais cette application était illégale, puisqu’il avait renoncé à sa nationalité française en prenant l’anglaise.

        Il passa 4 mois à Saint-Malo (p. 31), harcelé par les convertisseurs catholiques. Le 12 février 1693, il fut condamné aux galères en tant que « religionnaire français, convaincu de s’être habitué dans un pays étranger sans la permission de sa majesté… » Le 3 avril, il fut attaché à la chaîne, avec plus de 200 autres forçats (p. 32), et mit un mois épouvantable à atteindre Marseille, le dimanche de la Pentecôte, 19 mai. Placé sur la « Vieille Madame » pour 6 mois, puis sur la « Magnanime », pour 6 (ou 8) autres mois, il fut mis au cachot le 5 mai 1694, à Marseille, à la Citadelle d’abord, puis au château d’If (orthographié « d’Y », ce qui indiquerait que le –f ne se prononçait pas à l’époque), dans divers cachots. Deux étaient sans lumière : à Marseille, où il fut enfermé dans le noir avec un fou ; et au château d’If. Et sans cesse attaqué par les convertisseurs, dont il parle dans ses chants.

        Le 3 juillet 1698, on lui annonça sa libération, due à l’intervention du roi d’Angleterre, qui avait demandé l’élargissement d’un de ses sujets. Louis XIV dut s’exécuter suite aux clauses de la paix de Ryswick de 1697, plutôt défavorables à la France, puisqu’elle avait confirmé Guillaume d’Orange sur le trône d’Angleterre.

        Le 7 juillet, Elie Neau quitta Marseille pour Genève, où il rencontra le professeur Calandrin, qui lui donna de l’argent, et avec lequel il entretint une correspondance toute sa vie. Puis il se rendit à Berne, (p. 33), où il rencontra Ostervald, le traducteur de la Bible, puis en Hollande, où il obtint une audience auprès du roi d’Angleterre Guillaume III, qui se trouvait alors dans son château à Loo, où il put remercier le roi et plaider la cause d’autres galériens. Le roi lui fit remettre 300 florins. Il revient, dans la suite du roi, à Londres, où pendant plusieurs mois il va plaider la cause des galériens en France auprès du gouvernement anglais. En été de 1699 il peut enfin rentrer, le 19 juin. Après une traversée de 54 jours, et deux tempêtes, il arrive à Boston le 3 août (p. 34), puis à New York, où il retrouve sa femme et ses deux enfants, dont sa fille qu’il n’avait jamais vue.

III.    L’évangéliste des esclaves noirs et indiens (1699-1722)

        Elie Neau entame une nouvelle vie, jouissant d’un prestige important (p. 36). Il reprend ses activités de négociant et devient l’un des plus importants de New York. Il devient ancien de l’Eglise française.

        Marqué par le souvenir et l’œuvre de John Eliot, alors âgé de 87 ans, (p. 37), il commença à s’intéresser à l’évangélisation des esclaves indiens et nègres (p. 38). Il les réunit chez lui et les visite chez eux. Pour accomplir sa mission, qui se déroulait dans le cadre de l’Eglise anglicane, il fallait qu’il en devienne membre. Cela ne l’inquiétait pas, étant très ouvert : « J’avais appris par cœur dans ma prison une partie de la liturgie anglicane, et j’ai toujours eu depuis lors de l’affection et de l’estime pour le service divin tel qu’il est en usage dans l’Eglise d’Angleterre », dit-il (p. 38). Il fut alors nommé « catéchiste des nègres », le 4 août 1704. Il quitta ainsi la fonction d’ancien chez les français et fut nommé en échange ancien chez les anglais, à la Trinity Church en 1705, jusqu’en 1714.

        Il abandonna ses activités commerciales et se contenta de son salaire de 50 livres par an (p. 39). Elie Neau allait partout visiter les noirs malades, et les invitait dans sa maison, où il installé au premier étage une chapelle dans laquelle se tenaient trois cultes par jour, pour sa famille et pour les esclaves, et aussi pour les pauvres européens, français et écossais, qu’on ne voulait pas dans les paroisses établies. Elie Neau réunissait « la sixième partie des esclaves noirs et indiens de la ville », qui comptait alors 1500 noirs (p. 40).

        Rien n’était facile. Les blancs européens méprisaient les indiens et les noirs. En 1712, il y eut des bagarres, dont on ne sait pas tout à fait l’origine, et des attaques de la part des blancs, contre Neau en particulier , qui dut rester trois jours dans sa maison (p. 41). On accusa les noirs de révolte, et 19 furent exécutés, pour découvrir ensuite qu’un seul était coupable, un catéchumène non encore baptisé. Neau, grâce au gouverneur Hunter, fut innocenté de tout, et sortit renforcé de cette épreuve. Son œuvre pouvait se poursuivre. 

        La femme d’Elie Neau mourut en 1720, après ses deux enfants. Elie, à sa mort le 3 septembre 1722, laissait 1000 livres, une somme élevée acquise dans le commerce, dont il fit des legs pieux et des dons à ses neveux. Il léguait 20 livres à la Trinité, pour « l’école des nègres », 20 livres à l’Eglise française (p. 44). Il plaça aussi 50 livres destinées à la publication des 152 cantiques qu’il avait composés. Cette opération, malheureusement,  ne se fit jamais, et on peut considérer que ces textes sont irrémédiablement perdus. Ce qui est regrettable, vu la haute qualité de ce qui en reste.

        Elie Neau fut enterré dans le cimetière de l’Eglise de la Trinité, à côté de sa femme. La pierre tombale, qui existe toujours, porte les inscriptions suivantes, en français (p. 45) :  

                                                    Cy git le corps de
                                         Suzanne Neau, femme d’Elie Neau,
                                 née dans la ville de La Rochelle, en France,
                                         en l’an 1660. Elle quitta cette vie
                                              le 25e jour de Sept. 1720
                                                     âgée de 60 ans.

                                               Cy git enterré le corps de
                                          Elie Neau, catéchiste à New York,
                                       né à Soubège*, dans la province de
                                     Saintonge, en France, en l’année 1662.
                                           Il quitta cette vie le 3e jour de
                                              Sept. 1722, âgé de 60 ans.

*   Soubège : erreur pour Soubise. Moëze, où Neau est né, est à 3,5 km de
     Soubise, chef-lieu dont dépendait Moëze.

        Son nom est resté connu, et on parle encore aujourd’hui en Amérique « du grand apôtre des esclaves sous le régime anglais que fut le réfugié français Elie Neau » (Journal of the Presbyterian Historical Society, Philadelphie 1897, XII, n° 7)


B.      LE LIVRE SUR ELIE NEAU, DE GASTON TOURNIER, 1939


I.      Le livre de Gaston Tournier, 1939

        Ce livre est établi de façon quelque peu confuse, et il faut se reporter d’un point à un autre pour réunir les différents renseignements.

        On trouve d’abord une Bibliographie de 16 ouvrages, (p. 5-6), puis une Introduction quant aux livres publiés par et sur Neau (p. 7-12).

II.     Les trois livres de et sur Neau, cités par Gaston Tournier

        Il ressort de cette Introduction qu’il existait en 1699 un livre sur les souffrances des protestants français, écrit par Elie Neau et publié à Londres cette année-là, sous le nom de :

1er livre, en anglais, Londres 1699

AN / ACCOUNT / OF THE / SUFFERINGS / OF THE / FRENCH Protestants, / Slaves on board the French Kings Galleys. /   _______ / By Elias Neau, one of their fellows Sufferers. / _____ / Together with a List of those who / are still on board the said Galleys. / ______ / LONDON, / Printed for Richard Parker at the Unicorn under / the Royal Exchange, and Sold by A.Baldwin / near the Oxford Arms in Warwick-Lane, 1699.

UN / RECIT / DES / SOUFFRANCES / DES / Protestants FRANÇAIS / Esclaves à bord des Galères du Roi Français. / _____ / Ensemble avec une Liste de ceux qui / sont encore à bord des dites galères. / _____ / LONDRES, / Imprimé pour Richard Parker à la Licorne sous / le Change Royal, et Vendu par A.Baldwin   / près des Armes d’Oxford dans la Rue de Warwick, 1699. (p. 49)
 
       Elie Neau se compte parmi ces protestants souffrants, dont il donne une liste de ceux qui sont encore aux galères. Il fut libéré par les français le 3 juillet 1698 et rentra seulement le 3 août 1699 à Boston, où il séjourna trois semaines, puis enfin à New York, fin août ou début septembre de 1699. Or le livre est daté de 1699 à Londres. Ce qui signifie qu’Elie Neau a dû l’écrire, en anglais, pendant sa pérégrination de 14 mois. Et probablement même qu’il l’avait achevé avant son départ d’Angleterre, le 19 juin 1699, et en avait laissé le manuscrit à l’éditeur, qui l’imprima la même année.

2e livre, en français, Rotterdam, 1701

        A partir de cette publication, de la main de Neau sauf erreur, le pasteur Jean Morin, semble avoir fait et publié à Rotterdam, aux Pays-bas, en 1701, soit deux ans plus tard, un livre français sous le titre (p. 7) :

HISTOIRE  / ABREGE’E / DES / SOUFFRANCES  / DU SIEUR/ ELIE NEAU, / SUR LES GALERES, ET  / dans les Cachots de Marseille. / (fleur décorative) / A ROTTERDAM , / Chez ABRAHAM ACHER, Mar- / chand Libraire, prés de la Bourse. / M. DCC. I.

       Selon son titre, le livre de Morin fait un « abrégé » probablement à partir de l’anglais de Neau. Cet abrégé contient beaucoup de lettres de Neau et de ses correspondants. Ces lettres étaient-elles déjà en partie chez Neau ? Sans comparaison entre les deux livres on ne peut pas le dire, et Gaston Tournier ne le dit pas. Ce livre contient-il les 14 cantiques de Neau ? C’est probable, car Gaston Tournier ne dit pas que lui les aurait placés là.

3e livre, en anglais, Londre 1749

        Ce livre paraît sous le titre suivant :

A short Account / of the Life and Sufferings / of / Elias Neau upon the Gallies, and the Dungeons / of Marseilles, fort (forth) the constant Profession / of the Protestant Religion. / Newly translated from the French / By John Christian Jacobi, gent. / London / Printed and Sold by John Lewis, Printer / and Publischer in Pater Noster Row, near Cheapside / M D CC X L IX (1749) / (Price : One Shilling).  (86 pages).

Un court récit / de la Vie et des Souffrances / de / Elie Neau sur les galères et dans les Donjons / de Marseilles,  / suite à la Profession / de la Religion Protestante. / Récemment traduit du Français / Par John Christian Jacobi, gentilhomme / Londres / Imprimé et Vendu par John Lewis, Imprimeur / et Editeur dans la rue Pater Noster, près de / Cheapside. / M D CC XL IX (1749) / (Prix : Un shilling).  (86 pages).

        Ce livre traduit-il en anglais le livre français du pasteur Jean Morin ? La mention « récemment traduit du Français » le laisse penser. Ce 3e livre ne serait donc pas, comme le dit Gaston Tournier à la page 7, une « 2e édition modifiée » du livre de Neau de 1699. Ce livre ne contient pas les cantiques de Neau.

III.    Analyse du livre de Gaston Tournier 1939

        Comme dit plus haut, le livre est confus et son plan compliqué. Il compte divers documents successifs.

A.

a.      une bibliographie de 18 livres (p. 5-6)
b.      une introduction sur les trois livres de Neau et sur Neau, et sur les publications savantes   
         du XIXe Siècle et sur le pasteur Jean Morin. (p. 7-12)
c.      une Notice   : I.  sur la Saintonge protestante et les effets de la Révocation (p. 13-26)
                               II. biographique sur Elie Neau et sa captivité 1662-(1692-1699) (p. 26- 35)
                               III. biographique sur sa vie à New York 1699-1722 (p. 36-46)

B.

d.      lettre de Jean Morin au Comte de Portland, ambassadeur d’Angleterre en France (49-50)
e.      avertissement
f.       Préface à propos des persécutions, des Confesseurs et des sources. Morin y explique sa méthode de travail : « Je dirai ceci en passant, que je n’ai d’autre part à cet ouvrage, que d’avoir mis en ordre les pièces qui le composent. J’ai inséré des lettres toutes entières, et fait des extraits de quelques autres,… S’il s’y trouve quelque chose de moi, c’est que la liaison des matières n’a pas permis qu’on les supprimât. » Morin se présente plus comme un « compilateur » ou « rédacteur », que comme un auteur (p. 55-58).

C.

g.      HISTOIRE ABREGEE des Souffrances du Sieur Elie Neau 1692-1693 (p.55-77)
h.      lettre de Neau à Jean Morin, apparemment de son cachot, dans les environs de 1694-95,
         racontant sa vie de 1679, sortie de France, à 1693, date de sa capture (p.78-88)
i.       lettre de Morin de 1694 à un galérien, depuis Bergopzoom (p. 89-117)
j.       suite du récit des souffrances d’Elie Neau à partir de 1694, entrecoupé de nombreuses
         lettres (p. 117-240)

D. 
   
k.      CANTIQUE* /Sacrez / Composez dans les cachots / par Elie Neau / Confesseur de Jésus-Christ / sur les Galères. Un total de 14 chants, des numéros I à XV, le XII manquant, « rangés selon l’ordre de nos Psaumes (les psaume réformés français) qu’il a pris pour modèle » (p. 58), en fait à cause de leur mélodie, et non dans un ordre liturgique ou chronologique. (p.240-268) 
       *sic : sans -s.

l.       Appendice I : Liste des réfugiés de la principauté de Soubise, de 1681 au 20 mars
         1685, établie par M du Vigier, intendant catholique, 50 noms de personnes (p. 269-
         272)  
m.     Appendice II : Liste des Familles réfugiées d’Aunis et Saintonge de 1681 à fin mai
         1685, 59 familles
n.      Appendice III : mémoire sr la généralité de la Rochelle, 1698 (p.285-289)


C.      LES CANTIQUES D’ELIE NEAU

Date et lieu de composition      

        Je n’ai pas trouvé pour le moment des informations pour les textes, quand à leur date et lieu de composition. D’après le titre de la partie des cantiques, il ressort que ces cantiques sont « composés dans les cachots ». Cela semble exdclure le temps des galères, qui va de février 1693 à mai 1694, soit 14 mois environ. A partir du 5 mai 1693, Elie Neau est dans divers cachots jusqu’à sa libération en 1699.

        Neau a-t-il composé en prison, sur la base des mélodies de Psaumes, et conservé ses chants en mémoire, pour les transcrire plus tard ? On connaît des cas, tel celui de Wurmbrandt dans les années 1980, pasteur luthérien, dans les prisons roumaines de Ceaucescu, qui pratiqua cette méthode. Il est dit plusieurs fois qu’il chantait les louanges de Dieu dans son cachot, et que pour cette raison on l’a mis deux fois dans un cachot sans lumière, duquel ne sortait aucun son. Chantait-il des Psaumes huguenots, ou ses propres compositions ? Les deux sans doute. Chanter des œuvres poétiques les fait mémoriser : il est possible que Neau a conservé ainsi ses chants. A-t-il pu les noter en prison et les conserver, ou même les faire sortir ? On ne sait. Il a dû jouir à certains moments de quelques adoucissements, puisqu’il dit qu’il a appris par cœur en prison la liturgie anglicane. C’est qu’il devait disposer du Common Book of Prayers. Il dit qu’il a pu disposer un temps d’une Bible anglaise. Et d’un crayon avec lequel il écrivait dans le noir, en particulier des lettres qui sont parvenues à leur destinataires. Il ne semble pas, selon le titre, qu’il ait composé ces 14 chants après sa captivité. Neau a écrit d’autres chants, par la suite probablement, puisque 152 cantiques devaient être imprimés après sa mort (dont ces 14 peut-être), ce qui ne fut jamais fait. Il semblerait donc que nous ne possédons que les chants de son temps de captivité.


Les cachots sans lumière

        Peut-on dater les chants composés dans les cachots sans lumière ? Elie Neau a été mis deux fois dans un tel cachot, à Marseille et au Château d’If.

        Marseille, au fort St Nicolas, appelé la Citadelle : « Ce fut le 5 mai 1694 qu’on le renferma dans un noir cachot » (p.121). Le gouverneur de la Citadelle, qui faisait preuve de quelque humanité, permit à Neau « d’écrire de tems en tems pour avoir de l’argent, pour subvenir à ses besoins, et pour soulager ses misères » (p.122). Après la mort du gouverneur, « quelque temps après », on transféra Elie Neau dans un autre cachot, pour qu’on n’entende plus ses louanges, où il resta jusqu’au mois de juillet 1696., date de son transfert au château d’If. « Ainsi il resta vingt trois mois dans les Prisons de la Citadelle de Marseille » (p.127). Neau aurait donc séjourné dans ce cachot de la mi- ou fin 1694 environ à juillet 1696, ce que fait plus d’un an et demi.

        Châteu d’If (orthographié d’Y) : Elie Neau fut transféré en juillet de 1696 au Château d’If. Il réussit à emporter sa « Bible Angloise, Sept sermons, et quelques autres livres de piété en la même langue » (p.140). Il est à supposer que parmi ces livres de piété figurait le Common Prayer Book. Après 50 jours, qu’il passa dans une cellule avec vue sur la mer, on le mit dans un cachot sans lumière, soit fin août ou début septembre, pour six mois. La deuxième période d’obscurité fut donc à If, de septembre 1696 à mars 1697.

        Cela donne deux périodes possibles : Marseille, été 1694 à juillet 1694
                                                                     Château d’If : septembre 1696 à mars 1697

        Trois chants seraient concerné par cette période : les chants VII, VIII, XIII


L’ordre des chants selon les Psaumes huguenots

        Jean Morin dit qu’il a « rangez les cantiques de Neau selon l’ordre de nos Psaumes ».

        Les Réformés ne connaissaient que les 150 Psaumes, rangés dans l’ordre biblique, avec leurs mélodies, au nombre de 122 sur 150 textes. Les mélodies portent de ce fait le N° du Psaume correspondant. C’est d’ailleurs leur code aujourd’hui encore. Tous les autres chants hors des Psaumes ajoutés au Psautier portaient et portent toujours chez les Réformés, le nom de « Cantiques ». C’est le cas pour les Commandements et le Cantique de Siméon dans le Psautier de 1562. Et pour les Cantiques néotestamentaires que Bénédict Pictet a composés pour compléter le Psautier révisé sur la base de Valentin Conrart en 1702 à Genève, en employant exxclusivement des mélodies du Psautier. Les Cantiques de Neau, datés de 1701, entrent dans la même catégorie et dans la mêm optique d’élargissement  néotestamentaire : chants sur le Christ, le Saint –Esprit, la Trinité, Prières, Louanges, tous intégrant le Nouveau Testament, et n’employant que des mélodies de Psaumes.

        C’est la raison pour laquelle Jean Morin a classé les cantiques de Neau « selon l’ordre de nos Psaumes ».


Types des chants d’Elie Neau

        Plusieurs chants font allusion à des circonstances de sa captivité : les convertisseurs, et l’obscurité du cachot sans lumière :

Pour les convertisseurs :

Chant VII   Des souffrances du Cachot : Seigneur, qui vois comme on m’afflige. Il parle tout
                   du long des convertisseurs, et du cachot obscur, str. 2
Chant IX    Touchant les souffrances : Je t’aime, Seigneur, Parmi ma misère. Il y parle des
                   convertisseurs, strophe 3 et 4

Pour le cachot obscur :

Chant VII    Des souffrances du Cachot : Seigneur, qui vois comme on m’afflige, str. 2.
Chant VIII  O Roi des Rois, souveraine Puissance, str 2 :
Chant XIII  Ecoute-moi du fond de ma prison, str. 3
 
       D’autres chants ne contiennent aucune allusion et se rangent dans l’année de l’Eglie :

Chant I     Passion du Christ : Seigneur Jésus, auguste Roi des Rois
Chant X   Passion du Christ : Seigneur Jésus, mon unique espérance
Chant V   Pentecôte :              Viens, Saint-Esprit, dans mon âme

        Quelques chants liturgiques :
 
Chant IV  le Notre Père
Chant XV Confession de foi : O Dieu très-Grand ! Beauté très-immuable

       Des prières :

Chant VI    Très-glorieux et suprême Seigneur
Chant XIV Adorable sagesse, Ecoute l’oraison

        Plusieurs chants montrent un vif intérêt pour la Trinité et les relations entre les trois personnes :

Chant XI   Cantique de louange :  Glorieux Roi des Rois, et Seigneur des Seigneurs
Chant XV  O Dieu très-Grand,  Beauté très-immuable !

        De même pour le Dieu Créateur

Chant II    Des louanges de Dieu : Mon Dieu, mon Roi, que j’aime uniquement
Chant III   Des louanges de Dieu : Glorieux Roi des Rois, Je chante à haute voix