09. Chant 07 : Magnificat : DIEU TU PARDONNES TOUTE OFFENSE, Avt, No

09  Chant 7  Lobgesang der Maria Cantique de Marie p. 11
Gott, du befreist von Schuld und Fehle

     DIEU, TU PARDONNES TOUTE OFFENSE
          Gott, du befreist von Schuld und Fehle

    Mélodie : Lève le cœur, prête l’oreille

«Und Maria sprach : “Meine Seele erhebt den Herren »  Lukas 1/46

Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur

                                                                      Luc 1
1. Dieu, tu pardonnes toute offense,
    Tu tires l’humble* jusqu’à toi ;                v. 48
    Mon âme loue ta bienfaisance                  v. 46
    Et mon esprit s’égaie en moi.
       * l’humble : féminin, il s’agit de Marie

2. Ton nom puissant, saint, magnifique,       v. 49
    M’a dispensé tant de bienfaits ;
    Jusqu’aux enfants, par leurs cantiques,     v. 48
    Tous louent mon bonheur à jamais.

3. Seigneur, tu gardes dans ta grâce             v. 50
    Le nombre des générations
    De ceux qui vont devant ta face,
    Fidèles dans l’adoration.

4. Toi Dieu, tu chasses les superbes,             v. 51
    Tu règnes par ton bras puissant ;
    Tu fais tomber qui t’exacerbe                    v. 52
    Et se lever les indigents.

5. Tu chasses l’homme aux mains avides,      v. 53
    Tu remplis celles du mendiant ;
    Tu renvoies les repus mains vides,
    Ton amour pour les tiens est grand.

6. Tu l’as déjà promis aux pères                    v. 55
    Et ta promesse tient toujours :
    Tu ne nous laisses pas sur terre
    En orphelins privés d’amour.                      Jean 14/18

7. A toi, Seigneur, l’honneur, la gloire,
    Au Père, au Fils, au Saint-Esprit.
    De ta bonté je fais mémoire :                     v. 46-47
    Mon humble cœur, Dieu, te bénit. Amen.
   
   
         Texte        Gott, du befreist von Schuld und Fehle
                          In den Weihnachten zu singen, années 1950
                          Georges Kempf, *1916
                          fr. : Yves Kéler 9.5.09 Munich

         Mélodie :  Lève le cœur, ouvre l’oreille
                          (Les Commandements)
                          Guillaume Franc 1543
                          Sur le chemin où tu m’appelles
                          LP 527, NCTC 391, ARC 883, ALL 62/72
                 alld   Erheb dein Herz, tu auf dein Ohren
                          Strassburg 1545
                          RA 185, EG 255


Le texte

        GK suit le texte du Magnificat en une paraphrase bien serrée.

« Schuld und Fehle – Culpabilié et Faute »

        Dans la 1e strophe, le début : « Mon âme magnifie le Seigneur » est placé dans les deux derniers vers, et la raison de cette glorification est placée en premier. C’est une façon originale de débuter le poème par une inversion. L’incipit dit : « Gott, Du befreist von Schuld und Fehle Und hebst die Niedre auf zu Dir – Dieu, tu libères de la culpabilité et de la faute, Tu élèves à toi la „basse“ .» Le texte biblique ne parle pas d’un pardon des péchés, seulement de l’élévation de la personne « inférieure », c’est-à-dire à Dieu, en tant qu’elle est une créature. GK introduit ici un thème étranger au texte. Est-ce une référence au cantique de Zacharie, Luc 1.77 : « …und Erkenntnis des Heils gebest seinem Volk in Vergebung ihrer Sünden – donner connaissance du salut au peuple par le pardon des péchés ? »

        Quel est le sens de cette interpolation ? Est-ce une référence à la guerre qui vient de s’achever, qui a vu s’accumuler tant de « Schuld – faute, culpabilité ? » A l’époque, c’était une grande question de savoir si le peuple allemand tout entier était fautif de la guerre et de ses atrocités ou seulement ses responsables. Les procès de Nuremberg mettaient cette question en lumière, parce ces dirigeants plaidaient tous « non coupable : je n’ai fait qu’obéir aux ordres. » A l’inverse, tous accusaient Hitler d’être le fautif de tout. Mais ses bourreaux exécutifs alors, étaient-ils déchargés des crimes individuels et collectifs qu’ils avaient commis ? L’exemple des Alsaciens-Lorrains incorporés de force et en particulier ceux d’Oradour montre qu’on ne pouvait ériger une culpabilité collective. On décida de traiter les Alsaciens-Lorrains à part, en les acquittant, alors que les SS étaient tenus pour coupables. Le corps entier des SS a d’ailleurs été déclaré coupable en tant qu’organisation criminelle.

Le texte du poème

        GK suit le texte de Martin Luther, dont on trouve la formulation tout du long, mais pas de façon servile. Par exemple : « Der da mächtig ist und des Name heilig ist – qui est puissant et dont le nom est saint (Luc 1/49) » devient « Gar heilig ist Dein mächtiger Name – très saint est ton nom puissant. » On sent la présence de Luther à travers les mots et les morceaux de phrase employés, mais le texte est original.

        Par ailleurs, il abandonne les versets 54 et 55, qui parlent d’Israël et d’Abraham . Ce n’est évidemment pas par antisémitisme. C’est peut-être à cause de l’incongruité du propos. Peut-on, après la « Shoah – la catastrophe », dire « Dieu pense à sa miséricorde, il vient en aide à son peuple Israël ? » Les Juifs eux-mêmes parlent du silence de Dieu à Auschwitz.

        Georges Kempf maîtrise remarquablement la langue allemande (en 1946 il a 30 ans) et emploie des formules très travaillées et des mots qui sortent du commun : str. 1 : « Die Niedre – la basse » au lieu de « die Niedrige. » Il emploie le même mot « die Niedern » à la place de « Niedrigen » de Luc 1/52.

        Il utilise, à la strophe 6, un mot allemand juridique, « Verspruch – promesse », qui signifie promesse faite au mariage, pour « das Versprechen – la promesse des époux », et l’applique à la promesse de Dieu envers son peuple, promesse qui a la forme de la de l’époux à son épouse. Ce mot de « Verspruch », courant anciennement en allemand, survit dans quelques régions d’Allemagne, en particulier dans les parlers locaux, et aussi en Alsace, où il est encore parfois employé. C’est de là que GK connaît ce terme et le reprend en Hochdeutsch.

De même il choisit des mots différents, qui évitent les répétitions : « Fried – paix» str. 3, « Treue – fidélité. » str. 5

Mille générations, le témoignage du croyant

        Dans la strophe 3, Georges Kempf introduit deux citations qui ne sont pas dans le Magnificat (qui est par ailleurs une mosaïque de textes de l’A.T.)  « dein Erbarmen …bis in taudend Glied – ta miséricorde jusqu’à mille générations », pris d’ Exode 34/6-7, miséricorde qui s’exprime en « pardon de la faute, de la transgression et du péché. »  « bei denen, die Dein Zeugnis halten – chez ceux qui gardent ton témoignage. » Cette citation de Ps 119/ 2 remplace et explicite la phrase de Luc 2/50 : « bei denen, die ihn füchten – chez ceux qui le craignent. » Le mot « fürchte– craindre » est repris dans « Gottesfurcht – crainte de Dieu.

        De fait, GK, qui disposait de place dans cette strophe, a repris les termes du texte biblique, mais a « rempli les vides » en plaçant deux citations qui forment des synonymes aux tex dit. Cette méthode des synonymes pour éviter un remplissage plat a été beaucoup employé par Clément Marot et Théodore de Bèze dans le Psautier français.

La mélodie

        La coupe du texte,  IV 9f. 8/0f.8, correspond à peu de mélodies connues. La plus indiquée est celle des Commandements de Loys Bourgeois, connue dès le XVIe Siècle en Allemagne. Elle a un côté méditatif en même qu’un allant qui s’adapte bien au texte.


Texte original

                                                                       Lukas 1
1. Gott, Du befreist von Schuld und Fehle   
    und hebst die Niedre auf zu Dir,                 v. 48
    des preist dich herrlich meine Seele            v. 46
    und all mein Geist freut sich in mir.

2. Gar heilig ist Dein mächtig Name,               v. 49
    der also Grosses an mir tat,
    dass noch der Kindeskinder Same              v. 48
    mich selig preist um Deine Gnad.

3. Denn Dein Erbarmen lässt Du walten,        v. 50
    geduldig bis in tausend Glied,                  II Mose 34/6-7
    bei denen, die Dein Zeugnis halten           Ps. 119/2 
    in Gottesfurcht und stetem Fried.

4. Herr, Du zerstreust die Herrenlosen,         v. 51
    gewaltig herrscht Dein starker Arm.
    Der Mächtige wird vom Stuhl gestossen,   v. 52
    den Niedern hebst Du aus dem Harm.

5. Die leeren Hände willst Du füllen,             v. 53
    den Satten lässt Du gabenlos.
    Dein Volk wirst Du in Treue hüllen,
    den Dein erbarmen, Herr, ist gross.

6. Den Vätern hast Du längst verheissen       v. 55
    und Dein Verspruch bleibt ewig wahr.
    Du lässt uns ewiglich nicht Waisen,           Johannes 14/18
    kommst auch zu uns noch immerdar.

7. Herr, Dir sei ewig Preis und Ehre,
    Gott, Vater, Sohn und heiliger Geist.
    Dein gnädig Antlitz zu mir kehre,               v. 46
    die Dich in Demut lobt und preist.