13. CHEF COURONNE D’ÉPINES (rév-trad) O Haupt voll Blut und Wunden Vendredi saint

PASSION                                             N° 13

VENDREDI SAINT
ENTERREMENT


                     CHEF COURONNE D’ÉPINES
                  O Haupt voll Blut und Wunden

                  Traduction de Georges Pfalzgraf

                Mélodie : Herzlich tut mich verlangen
                              Chef couvert de blessures

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Pour le texte allemand, voir le N° précédent 

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1. Chef couronné d’épines  

    Couvert de tant de sang

    Ô majesté divine,

    Souffrant cruellement ;

    Ô chef, dont le visage

    Frappé par les soldats,

    Supporte les outrages,

    Les coups et les crachats !

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2. Ô noble contenance

    Traitée avec dédain !

    Quelle étrange apparence,

    Toi que le monde craint !

    Tes joues sont toutes pâles,

    Couvertes de sueur ;

    On voit sur ton visage

    Ta peine et ta douleur 

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3. Les forces t’abandonnent,

    Ta face à tous fait peur.

    Sous les coups qu’on te donne

    On voile ta grandeur.

    Ta mort devient visible

    Dans ton épuisement :

    Voilà la fin horrible

    De ton abaissement.

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4. Jésus, c’est toi qui portes

    Le poids de mon péché.

    C’est toi qui réconfortes

    Mon pauvre cœur brisé.

    Confus et misérable,

    Je me tiens devant toi

    Moi qui me sais coupable

    Et dans le désarroi. 

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9. Lorsque viendra mon heure,

    Ne m’abandonne pas !

 Dans mon ultime épreuve,

    Tiens toi tout près de moi !

    Au fort de la détresse,

    Quand nul ne peut m’aider,

    De tout ce qui m’oppresse,

    Viens, Christ, me délivrer !

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5. Vers moi tourne ta face,

    Mon Maître et bon Berger,

    Ô source de la grâce,

    Qui me fais exister.

    De lait et douces choses

    Ta bouche m’a nourri.

    Mon âme, à peine éclose,

    Vivra par ton Esprit !

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6. Je cherche ta présence,

    Ne me repousse pas !

    Au cœur de tes souffrances,

    Je me tiens près de toi.

    Et quand la mort t’enlève,

    Je veux de cette croix

    Où s’incline ta tête,

    Te prendre dans mes bras !

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7. Ma joie et ma lumière,

    C’est toi, ô mon recours !

    Ta mort et ta misère

    Révèlent ton amour.

    Ô bienfaiteur suprême,

    Viens, entre dans mon cœur,

    Pour qu’à jamais je t’aime,

    Plein d’une sainte ardeur. 

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8. Je veux te rendre grâces,

    Jésus, parfait ami !

    Pour toutes tes souffrances

    Et pour ton agonie.

    Par ta douce tutelle

    Sur moi étends ta main ;

    Fais que, toujours fidèle,

    Je trouve en toi ma fin !

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10. Viens prendre ma défense,

      En face de la mort !

      Parais dans tes souffrances,

      Deviens mon réconfort !

      À toi mon cœur s’attache,

      Car tu me l’as saisi :

      Qu’il t’aime sans relâche !

      Heureux qui meurt ainsi !

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Texte:

O Haupt voll Blut und Wunden,
Paul Gerhardt 1653
D’après « Salve Caput cruentatum –
Salut, tête ensanglantée »
D’Arnulfe de Louvain 1250
Passions-Salve VII An das Angesicht
Salut de la Passion VII A la tête (du Christ)
Cr Si 93/24
RA 76, EKG 63, EG 85
fr. : Georges Pfalzgraf * 1936

Mélodie:

Herzlich tut mich verlangen
Hans Leo Hassler 1601
RA 76, EKG 63, EG 85
fr. : Chef couvert de blessures LP 119
O douloureux visage NCTC 200, ARC 452, ALL 33/13

Le texte

Georges Pfalzgraf est parti du texte intégral de Gerhardt, et n’a pas repris les 5 strophes de la traduction des frères moraves qu’on trouve dans LP 119.

Strophe 5 : Il a restitué l’image du lait et du miel : « Von dir , Quell aller Güter, ist mir viel Guts getan ; Dein Mund hat mich gelabet Mit Milch und süsser Kost – De toi, source de tous les biens, me viennent beaucoup de bonnes choses ; Ta bouche m’a délecté de miel et de douces nourritures. »

Arnulphe écrit exactement, str. 3 latine : « Cujus sumpsi mel ex ore, Haustum lactis con dulcore – De la bouche duquel j’ai pris le miel, recueilli avec la douceur du lait. Gerhardt délaisse le « miel » pour le « lait », et conserve « dulcore – dans la douceur », dans « süsser Kost – nourriture sucrée. »

Cette double image, typiquement baroque, a deux sources dans la Bible. Pour le miel, c’est Ezéchiel 3/3 et le récit du rouleau que le prophète mange, qui « avait un goût de miel ». Cette image est reprise dans Apocalypse 10/9, et y désigne également un rouleau. Il s’agit de la parole de Dieu, qui sort de la bouche du Christ et est douce comme les paroles de Dieu du rouleau.

La deuxième image, celle des aliments sucrés renvoie à Cantiques des cantiques 2/4 : « Soutenez-moi avec des gâteaux de raisin, fortifiez-moi avec des pommes. » L’amant du Cantique a été très tôt identifié avec le Christ, et l’amante avec l’âme, ou bien encore avec l’Eglise, qui aime son Seigneur. Gerhardt rappelle que Christ a soutenu l’âme bien-aimée par la douceur de ses mots.

Strophe 6 : cette strophe fait allusion à la vision de St Bonaventure, qui, priant devant le Christ en croix, voit celui-ci détacher ses mains, tomber sur lui et le prendre dans ses bras. Dans le 1er chant, issu des 7 Salve d’Arnulphe, « Sei mir tausendmal gegrüsset – Sur la croix de tes souffrances », N° 16, Gerhardt reprend une autre image mystique, celle de St François entourant de ses bras les pieds du Christ en croix. (Pour cette image, voir le commentaire au chant précédent, N° 12.)

Ces images, remontant au Moyen-Age, sont un exemple des éléments mystiques restés dans le luthéranisme des XVIe et XVIIe siècles.