24. A DIEU, QUAND TU TE LÈVES (trad) Wach auf, mein Herz, und singe Matin, Travail, Epreuve

MATIN                                                N° 24
TRAVAIL
EPREUVE


               A DIEU, QUAND TU TE LÈVES
       Wach auf, mein Herz, und singe, Pr 1648 

      Morgenlied – Chant du matin (E 1666/67)

                         Psaume 91

      Mélodie: Nun lasst uns Gott, dem Herren


                                                    IV 7f.7f, 7f.7f

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        A. L’action de grâces

1.A Dieu, quand tu te lèves,              ICH-Wach auf, mein Herz, und singe
 Qu’un chant nouveau s’élève         MOIDem Schöpfer aller Dinge,
 De ton cœur : Dieu te donneDem Geber aller Güter,
 Beaucoup de choses bonnes !Dem frommen Menschenhüter.

             B.  La nuit, Satan et le lever

                            Satan veut ma perte

2.Pendant qu’en la nuit sombreHeint, als die dunklen Schatten
 M’environnaient les ombres,Mich ganz umgeben hatten,
 Satan voulait ma perte,Hat Satan mein begehret,
 Mais Dieu montait la garde.Gott aber hats gewehret.
3.Quand l’Ennemi m’arracheJa, Vater, als er suchte,
 La vie, ta main me cache.Dass er mich fressen möchte,
 Dieu fort, mon juste juge,War ich in deinem Schosse,
 Ton sein m’est un refuge !Dein Flügel mich beschlosse.

                           *  Dieu m’en protège

4.Tu dis : « Enfant, repose,               DU-Du sprachst : Mein Kind, nun liege
 N’aie peur d’aucune chose ;           TUTrotz dem, der dich betrüge,
 Dors d’un sommeil tranquille :Schlaf wohl, lass dir nicht grauen,
 Demain le soleil brille !Du sollst die Sonne schauen.
5.Tu as dit vrai, mon Père !Dein Wort, das ist geschehen,
 Je peux voir la lumière,Ich kann das Licht noch sehen,
 Par toi, ma forteresse,Für (Vor) Not bin ich befreiet,
 Je sors de la détresse.Dein Schutz hat mich erneuet.

              C.  La consécration pour le travail du jour

                           *  mon sacrifice

6.Tu veux mon sacrifice :Du willst ein Opfer haben :
 Je t’offre pour prémicesHier bring ich meine Gaben ;
 Ma voix et ma musique,Mein Weihrauch und mein Widder
 Mes chants et mes cantiques !Sind mein Gebet, mein Lieder.
7.Tu prends de moi l’offrande,Die wirts du nicht verschmähen,
 Réponse à ta demande,Du kannst ins Herze sehen ;
 Qu’à tes pieds je dépose :Denn du weisst, dass zur Gabe
 Je n’ai pas autre chose !Ich ja nichts Bessers Habe.

                         * l’ange de Dieu

8.Tu veux ainsi parfaireSo wollst du nun vollenden
 Ton œuvre salutaire :Dein Werk an mir und senden,
 Qu’à mon côté se range,Der mich an diesem Tage
 Pour me porter, ton ange !Auf seinen Händen trage.
9.Garde-moi de l’épreuve.Sprich ja zu meinen Taten,
 Approuve, ô Dieu, mon œuvre.Hilf selbst das Beste raten,
 Ce qu’en bien je commence,Den Anfang, Mitt und Ende,
 Parvienne à l’échéance !Ach Herr, zum besten wende.

                D.  La demande de bénédiction

10.Bénis-moi et me garde !               ICH-Mich segne, mich behüte,
 En moi viens, il me tarde              MOIMein Herz sei deine Hütte,
 Que selon ta paroleDein Wort sei meine Speise
 Vers toi, Dieu, je m’envole !Bis ich gen Himmel reise.

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Texte :

Wach auf, mein Herz, und singe
Paul Gerhardt 1648

Cr Si 129/35
RA 244, EKG 348, EG 446, en 9 strophes
fr. : Yves Kéler 14.07.2007

Mélodie :

Nun lasst uns Gott, dem Herren
Johann Crüger 1649,
sur une base de Nikolaus Selnecker 1587
RA 52, 244, EKG 348, EG 58, 446

Le texte

L’original comprend 10 strophes. Dès le XVIIIe Siècle, on a supprimé la 3e , car on n’aimait guère parler du Diable en ces temps des lumières.

Le plan du chant

Le chant se divise en 4 parties :

A. : L’exhortation du matin, str.1, qui fait pendant à la bénédiction et à l’attente du Royaume, str. 10. Ces deux strophes forment les parenthèses entre lesquelles le chant va se développer.

B. L’évocation de la nuit passée et de Satan, str. 2 à 5 : Le thème du Diable particulièrement dangereux durant la nuit, est issu en particulier de I Pierre 5/8 : « Soyez sobres et veillez, car le diable rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. » Ce thème était courant au Moyen-Age, et a duré jusqu’au 19e Siècle. La nuit n’est pas que l’obscurité, inverse du jour. Elle est le temps et le lieu des ténèbres, de Satan, alors que le jour est le temps et le lieu du Christ et de sa lumière.

C. La consécration matinale du chrétien, en particulier du chantre, str. 6 et 7 : Chaque chrétien se consacre à Dieu au matin, en offrant sa vie et ses dons. Qu’est-ce qu’un chantre peut offrir à Dieu de meilleur que ses cantiques, que sa voix ? Nous avons beaucoup perdu, dans notre piété actuelle, cette notion de consécration et de sacrifice, en particulier matinal et vespéral. Les chants du matin et du soir ont de ce fait fortement reculé dans l’usage.

Le travail du jour sous la garde de Dieu et de son ange, str 8 à 9 : En contrepoint de la nuit, consacrée au repos, le jour est le temps du travail. La référence à l’Ange de Dieu renvoie au « Morgensegen » de Martin Luther, la prière du matin, qui dit : « que ton saint Ange me conduise et me garde ». Gerhardt cite aussi directement le Ps 91/11-12 : « So sollst du…senden, Der mich an diesem Tage Auf seinen Händen trage – Veuille m’envoyer Celui qui en ce jour Me portera sur ses mains. » Cette citation renvoie aussi à Matthieu 4/6, où elle se trouve dans la bouche du Tentateur. La prière de Gerhardt vise deux objets : la protection de Dieu dans la bataille de tous les jours, selon Ps 91/11-12, et la défense par Dieu contre la tentation, diurne cette fois, du Diable, selon Matthieu 4/6.

D. La demande de bénédiction, qui achève le chant, avec la perspective eschatologique habituelle.

Les caractéristiques prosodiques de Gerhardt sont visibles, avec la répartition des parties centrales B et C en deux paires de strophes. Les strophes 1 à 3 et 10 sont en « ICH – MOI », plus exactement en « MEIN – MON » et « MICH – MOI ». Alors que les strophes 4 à 9 sont en « DU – TOI ». Gerhardt introduit deux variations, pour éviter la monotonie répétitive : aux strophes 4-6, il dit « Du, Dein, Du – Toi, Ton, Toi », en début de vers. Aux strophes 7 et 8, le « Du » est placé à la 3e syllabe. La permanence d’un plan précis et fréquemment reconduit est tempérée par des variations d’emploi des formules invocatives. La recherche de la diversité à l’intérieur d’une forte unité est très sensible chez Gerhardt.


La mélodie

Elle provient, semble-t-il d’après certaines sources, d’un chant de pèlerinage de la fin du Moyen-Age, dont on trouve la mélodie chez Nikolaus Selnecker (1530-1592) 1 en 1587. Ludwig Helmbold (1532-1598) 2 l’a reprise pour son cantique « Nun lasst uns Gott, dem Herren » de 1575 (RA 334,EG 320). Ce chant et cette mélodie ont joué un grand rôle dans la piété des paroisses : ils parlent des dons matériels et spirituels de Dieu pour nourriture de l’âme, du Christ comme médecin, de la Parole de Dieu, du baptême et de la Cène comme des médicaments pour le chrétien.

Gerhardt a repris la thématique et la mélodie de ce chant dans son cantique de Nouvel an : « Nun lasst uns gehn und treten » de 1653 (RA 52, EG 58), reprenant même l’incipit : « Nun lasst uns… ». (voir N° 9 « Allons vers Dieu, le Père »). Il a employé aussi cette mélodie pour sa version du Psaume 23 : « Der Herr, der allen Enden – Dieu, mon Berger, me garde » (voir N° 32). Johann Crüger en 1649 avait revu la mélodie, la rendant plus mélodieuse. La mélodie primitive était très linéaire, avec une faible amplitude des notes.

La mélodie du chant rappelle les lentes processions anciennes par son rythme de marche, et permet une sorte de méditation patiente et progressive du texte. Le groupe de ces quatre chants, un de Helmbold, trois de Gerhardt, nés autour de cette mélodie, ont de ce fait une forte prégnance du texte. Aujourd’hui, ce type de mélodie est tombé dans une relative désuétude, parce qu’on a souvent joué ces musiques trop lentement. La mélodie est en 6/4, et chaque ligne commence par une blanche : là est le danger. Je recommande de remplacer cette blanche par une croche, pour obtenir une accélération à chaque nouvelle ligne. Et de jouer plutôt alerte.

1. Selnecker était prédicateur à la cour de Dresden, puis professeur à Iéna et superintendant à Leipzig et Hildesheim. Il fut un ardent défenseur de la doctrine de Luther. Dans ses chants on retrouve chaque fois la citation de l’incipit « Erhalt uns, Herr, bei deinem Wort » de Luther.
2 Helmbold était professeur à Erfurt et Superintendant à Mülhausen (Thuringe).