LOUANGE N° 37
ACTION DE GRÂCES
PRIÈRE
CHANT DE SORTIE
RENDEZ LA GLOIRE AU DIEU DES DIEUX
Nun danket all und bringet Ehr, Pr 1648
Nun danket alle Gott – Rendez donc grâces à Dieu (E 1666/67)
Sirach ( Siracide) 50/24-26
Mélodie: Nun danket all und bringet Ehr
Lobt Gott, ihr Christen alle gleich
IV 8.6, 8.6
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A. louange
Sirach 50
1. Rendez la gloire au Dieu des dieux, | v. 24a | Nundanket all und bringet Ehr, |
Vous toutes les nations, | WIR-NOUS | Ihr Menschen in der Welt, |
Lui que les anges dans les cieux | ER-LUI | Dem, dessen Lob der Engel Heer |
Louent sans interruption ! | Im Himmel selbst vermeldt. | |
2. Egayez-vous, chantez de joie | v. 24b | Ermuntert euch und singt mit Schall |
Pour Dieu, le souverain, | IHR-VOUS | Gott, unserm höchsten Gut, |
Lui dont l’action partout se voit | ER-LUI | Der seine Wunder überall |
Par l’œuvre des ses mains. | Und grosse Dinge tut. | |
3. Car Lui, dès le sein maternel, | v. 24c | Der uns von Mutterleibe an |
Nous garde la santé, | ER-LUI | Frisch und gesund erhält |
Et par son amour paternel | Und, wo kein Mensch nicht helfen kann, | |
Nous aide en sa bonté. | Sich selbst zum Helfer stellt. | |
4. Lui, quand nous l’avons attristé, | v. 24d | Der, ob wir ihn sehr hoch betrübt, |
Pardonne nos péchés. | Doch bleibet gutes Muts, | |
Dieu, par amour, veut persister | Die Straf erlässt, die Schuld vergibt | |
A nous en racheter. | Und tut uns alles Guts. | |
B. prière | ||
5. Qu’Il donne à tous un cœur heureux, | v. 25a | Er gebe uns ein fröhlich Herz, |
L’esprit frais et dispos ; | Erfrische Geist und Sinn /Schmerz | |
Q u’il jette crainte, effroi peureux, | Und werf all Angst, Furcht, Sorg und | |
Dans la mer et ses eaux ! | Ins Meeres Tiefe hin! | |
6. Qu’Il laisse reposer la paix | v. 25b | Er lasse seinen Frieden ruhn |
Partout sur le pays, | In Israelis Land, | |
Qu’il donne à tout ce qui s’y fait | Er gebe Glück zu unserm Tun | |
Réussite et succès ! | Und Heil zu allem Stand. | |
7. Qu’avec nous marche sa bonté | v. 26a | Er lasse seine Lieb und Güt |
En nous et près de nous, | Um, bei und mit uns gehen, | |
Et qu’il écarte le danger, | Was aber ängstet und bemüht, | |
La violence et les coups ! | Gar ferne von uns stehn. | |
8. Qu’Il soit au long de notre vie | v. 26b | So lange dieses Leben währt, |
Sans cesse le salut | Sei Er stets unser Heil, | |
Et s’il nous faut partir d’ici, | Und wenn wir scheiden von der Erd, | |
Tout est déjà prévu ! | Verbleib er unser Teil. | |
9. Quand notre cœur s’arrêtera, | v. 26b | Er drücke, wenn das Herze bricht, |
Il fermera nos yeux ! | prolongement | Uns unsre Augen zu |
Alors en paix il nous prendra | eschatologique | Und zeig uns drauf sein Angesicht |
Dans le séjour des cieux ! | Dort in der ewgen Ruh. |
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Texte :
Nun danket all und bringet Ehr
Paul Gerhardt 1648
CrSi 284/96
RA 332, EKG 231, EG 322
fr. : Yves Kéler 27.7.2007
Mélodie :
Nun danket all und bringet Ehr, 1647
Johann Crüger 1598-1662
RA 332, EKG 231, EG 322
Le texte
la source biblique : Sirach 50/24-26
Gerhardt développe ici un extrait de Sirach 50/24-26. Ce texte biblique avait déjà intéressé Martin Rinckart ( *1598 Eilenburg/Leipzig, pasteur à Eisleben et Eilenburg, où il est mort en 1649), qui, en partant de ces versets, a composé le texte et la mélodie du chant « Nun danket alle Gott », en 1630-1636. Gerhardt connaissait ce chant, dont Johann Crüger avait arrangé la mélodie en 1647. Rinckart est de la génération précédant Gerhardt, ayant accompli tout son ministère durant la Guerre de Trente ans, que Gerhardt, mort en 1776, a dépassée de 28 années.
Jésus ben Sirach = Jésus fils de Sirach (fils au sens de descendant de), de son nom hébreu, est appelé en grec « Siracide » = descendant de Sirach. Il est présenté à la fin du chapitre 50/29, quelques versets après le texte de 50/24-26. On l’appelle aussi l’Ecclésiastique, sans qu’on sache exactement pourquoi. Cette appellation provient peut-être de l’affirmation, sans preuves, qu’il serait un descendant de l’auteur de l’Ecclésiaste/Qohélet. Mais cette dépendance est probablement plutôt spirituelle, et proviendrait de certaines analogies de style entre l’Ecclésiaste et le Siracide. Le livre est très désordonné, suite à une transmission compliquée de fragments recomposés. Il se présente actuellement sous la forme, probablement incomplète, de morceaux divers et sans lien direct, avec de nombreuses variations de numérotation entre le grec et le latin d’une part, le français et l’allemand d’autre part.
Juste avant le texte cité de 50/24-26, de 50/1 à 50/23, se trouve un remarquable portrait et une description du travail sacerdotal de Simon, fils d’Onias, dernier descendant de la famille des Sadoquites, dont l’action se situe dans les années 200 à 180 avant Jésus-Christ et qui était grand-prêtre à Jérusalem. Jésus Sirach, manifestement admiratif, le décrit officiant dans le Temple. Après la libation de « vin rouge » faite par Simon, le peuple est décrit, se prosternant pendant le chant des Psaumes par les chantres. Le culte s’achève par une « élévation des mains sur toute l’assemblée » et « une bénédiction de sa bouche ». Le verset 23 dit : « Alors ils se prosternèrent une nouvelle fois et reçurent la bénédiction du Très-Haut. »
Ici se place notre texte : « Et maintenant bénissez le Dieu (de l’univers) », qui correspond à l’allemand de Luther : « Nun danket alle Gott ». Ces paroles sont-elles celles d’un hymne final du culte après la bénédiction du peuple, ou un texte indépendant de la description du culte qui précède ? Difficile de trancher. La première hypothèse rappelle la tradition de certaines Eglises et paroisses de chanter le cantique de sortie après la bénédiction finale, et non avant. En tout cas, ce texte biblique a connu un grand succès, illustré en particulier par les deux chants cités de Rinckart et de Gerhardt.
le texte du Siracide 50/24-26 (TOB 50/22-24)
Il est important de connaître le texte biblique, car Gerhardt l’a suivi très précisément. Voici la version allemande de Luther, base du texte de Gerhardt, et la version française, prise dans la TOB.
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Luther | Gerhardt | TOB |
strophes | ||
v. 24. | ||
Nun danket alle Gott, | 1 | Et maintenant bénissez (le) Dieu (de l’univers*), |
der grosse Dinge tut an allen Enden, | ||
der uns von Mutterleib an lebendig erhält | 2 | Lui qui fait partout de grandes choses, |
und tut uns alles Gutes. | 3 | qui a exalté nos jours dès le sein maternel |
4 | et agit envers nous selon sa miséricorde. | |
v. 25. | ||
Er gebe uns ein fröhlich Herz | 5 | |
und verleihe immerdar Frieden | 6 | Qu’il nous donne la joie du cœur |
zu unsrer Zeit in Israel, | et fasse de nos jours arriver la paix | |
en Israël pour les jours de l’éternité. | ||
7 | ||
v. 26. | ||
und dass seine Gnade stets bei uns bleibe; | ||
8 | Que sa miséricorde demeure fidèlement avec nous | |
und erlöse uns, solange wir leben. | Et que, nos jours durant, elle nous délivre. |
Gerhardt suit, comme à l’accoutumée, le texte, mais de façon originale. Non pas verset par verset, ou ½ verset par ½ verset, mais phrase par phrase, comme le tableau ci-dessus le montre. Ainsi, le verset 24 va se diviser en 4 phrases, qui donneront les 4 premières strophes du chant. Le verset 25, de 2 phrases, formera les strophes 5 et 6. Le verset 26, de 2 phrases également, formera les strophes 7 et 8. En conclusion, Gerhardt prolonge le thème de 26 b : « Solange wir leben – aussi longtemps que nous vivrons », dans les strophes 8 b et 9, en développant l’habituelle strophe eschatologique. Le texte du Siracide est intégralement placé dans le poème de Gerhardt. Il est écrit en italique dans le texte allemand et sa traduction française plus haut.
le plan de Gerhardt
Le texte du Siracide ne contient qu’une seule fois le mot « Dieu », dans le tout premier membre de phrase, et ne parle plus de Dieu ensuite qu’en employant le pronom personnel « Er – Il ou Lui » ou le relatif « Der – Qui ». Gerhardt fait de même et ne cite qu’une seule fois « Gott – Dieu », dans la 2e strophe. C’est pourquoi je n’ai employé le mot « Dieu » qu’une fois, en le plaçant dans la 2e strophe, conformément au texte biblique et à Gerhardt. La suite du plan reprend les thèmes du texte biblique, comme nous l’avons signalé plus haut.
La succession des pronoms « ER-DER » du texte biblique va être systématisée par Gerhardt, qui les place à chaque strophe, soit 9 fois, alors que le texte biblique n’en donne expressément que 3. Remarquez, d’une part, que cet emploi divise le chant en 2 parties : « DER » commande les 4 premières strophes, « ER » les 5 dernières. D’autre part, que Gerhardt place ces pronoms 6 fois en début de strophe, soit 4 fois ER et 2 fois DER. Et 3 fois à l’intérieur de la strophe, 2 fois DER et 1 fois ER. La systématisation est assouplie par la variété dans la mise en œuvre.
Cette analyse montre, comme partout dans son œuvre, que Gerhardt est un remarquable exégète, qui étudie méthodiquement le texte biblique, sa théologie, sa forme, pour créer un chant qui soit le texte biblique chanté, en tant qu’adoration de Dieu à travers les siècles, depuis Israël dans son Temple, jusqu’à l’Église luthérienne dans ses églises. Et aussi un excellent poète, qui structure clairement des poèmes, tout en leur laissant une souplesse dans l’expression.
citation du « Gloria – Laudamus » et du « Te Deum ? »
Gerhardt introduit dans sa première strophe une adresse qui ne figure pas dans le texte du Siracide : « Ihr Menschen in der Welt – Vous les hommes dans le monde. » Il transforme le « aller Enden – tous les confins de la terre », qui vise l’action de Dieu, en une invitation à « tous les hommes de la terre » à louer Dieu. Cette adresse donne une tonalité universaliste, étrangère à Sirach, chez qui il s’agit d’une action de grâce, laquelle suit la description du culte juif dans le Temple, et faisait peut-être partie de la liturgie de sortie. En parallèle à l’adoration des hommes « dans le monde », Gerhardt place une deuxième référence étrangère à Sirach : « Dessen Lob der Engel Schar – Dont la louange de l’armée des anges ».
Cette phrase est nettement une allusion au « Gloria in excelsis » des anges dans Luc 2/14. Dans cet évangile, la paix est annoncée aux « hommes que Dieu aime », « Ihr Menschen in der Welt –Vous les hommes dans le monde. » Dans l’incipit de Gerhardt, « Nun danket all und bringet Ehr, …, dessen Lob – Donc rendez grâces et glorifiez, … , dont la louange », nous retrouvons 3 des 5 verbes du Laudamus : « Laudamus te, benedicimus te, adoramus te, glorificamus te, gratias agimus tibi – Nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâces. »
« Die Biblische Quellen der Lieder », EKG, 1965 (Les sources bibliques des chants, Evangelisches Kirchengesangbuch, 1965), pense que ce développement théologique est un rappel du Te Deum, qui dit : « Dich ehrt die Welt weit und breit – Toi, toute la terre te loue », et « All Engel und Himmelschar – Tous les anges et l’armée des cieux ». Martin Rinckart, dans son chant déjà cité de 1636, en pleine Guerre de Trente ans : « Nun danket alle Gott », qui est basé sur Sircacide 50/24-25, ne donne que la formulation de Sirach. Gerhardt, qui a fait paraître son chant en 1648, année de la fin de la Guerre de Trente ans, a peut-être voulu intégrer l’action de grâce du Te Deum, chanté après les guerres, pour célébrer la paix retrouvée. Je vois difficilement une autre explication, quand on sait que dans la même année 1648 il a composé son célèbre chant « Gott Lob ! Nun ist erschollen Das edle Fried- und Freudenwort – Dieu soit loué ! Maintenant a éclaté le noble mot de paix et de joie » (publié dans la Praxis de 1653). Ce « Gott Lob – Dieu soit loué » est à l’évidence un écho du « Te Deum laudamus – Toi Dieu, nous te louons. »
La mélodie
La première mélodie du chant était « Lobt Gott, ihr Christen alle gleich, in seinem höchsten Thron – Louez Dieu, vous chrétiens tous ensemble, dans son plus haut trône », une mélodie très gaie de Noël, composée par Nikolaus Hermann en 1554, et placée par lui sur son chant du même nom, daté de 1560. Le début de ce chant est aussi une référence au « Gloria in excelsis » : « Lob –l ouange » traduit « Gloria », « höchster Thron – le plus haut trône » traduit « in excelsis », « ihr Christen – vous, les chrétiens », traduit « hominibus bonae voluntatis – aux hommes de la bienveillace. » Cette mélodie avait peut-être été choisie par Gerhardt à cause des sources du « Gloria in excelsis » et de la formulation universaliste de son message de Noël.
En employant cette mélodie de Noël, il est possible d’intégrer le chant dans ce temps de l’année de l’Église, après l’évangile ou la prédication. A d’autres périodes de l’année ecclésiastique, cette mélodie rappelle que Noël est la source du salut.
L’actuelle mélodie est de Johann Crüger, datée de 1656, et est devenue la mélodie classique de ce chant. Il faut la chanter énergiquement, mais avec souplesse, sinon elle devient martelée.