ÉPREUVE N° 42
CONSOLATION
MORT
ENTERREMENT
Ô DIEU FIDÈLE ET DE BONTÉ
Ach treuer Gott, barmherzigs Herz, Pr 1653/56
d’après le Paradiesgärtlein de Johannes Arnd 1612
Mélodie : Es ist gewisslich an der Zeit
VII 8.7f, 8.7f / 8.8, 7f
.
A. L’épreuve est le lot du chrétien
1. Ô Dieu fidèle et de bonté,
D’un amour sans limite,
Je sais que par ta volonté
L’épreuve qui m’irrite
M’est envoyée, car il t’a plu,
Sans haine, ô Dieu, pour mon salut,
De te montrer mon Père ! *
* Quem Deus amat, illum castigat
DU-TU –
Ach treuer Gott, barmherzigs Herz,
Des Güte sich nicht endet,
Ich weiss, dass mir dies Kreuz und Schmerz
Dein Vaterhand zusendet.
Ja, Herr, ich weiss, dass diese Last
Du mir aus Lieb erteilet hast
Und gar aus keinem Hasse
2. Ce fut toujours, Dieu, ta façon :
Que tes enfants supportent
La souffrance et les afflictions :
Tu aimes de la sorte !
Tu les descends jusqu’à l’enfer,
Tu mènes les tiens à travers
Le feu jusqu’à ton trône !
Prov. 6/3
Denn das ist allzeit dein Gebrauch :
Was Kind ist muss was leiden ;
Und wen du liebst, den stäupst du auch,
Schickst Trauern zu den Freuden,
Führst uns zur Höllen, tust uns weh
Und führst uns wieder in die Höh,
Und so geht eins ums ander.
3. Tu conduis admirablement
Tous ceux qui t’obéissent.
Ce qui doit vivre saintement
Doit boire à ce calice !
Ce qui doit monter vers les cieux
Doit s’abaisser en ces bas-lieux,
Jusque dans la poussière !
* Le Christ, notre modèle
Du führst ja wohl recht wunderlich
Die, so dein Herz ergötzen:
Was leben soll, muss erstlich sich
In Todes Höhle setzen;
Was steigen soll zur Ehr empor,
Liegt auf der Erd und muss sich vor
In Kot und Staube wälzen.
4. C’est, Dieu, ce que ton Fils a fait,
Quand il vint sur la terre.
Avant d’arriver au sommet,
Il mourut pour les frères.
Il traversa la peur, la mort,
La croix, et changea notre sort
Puis retourna au Père.
Das hat, Herr, dein geliebter Sohn
Selbst wohl erfahrn auf Erden;
Denn eh er kam zum Ehrenthron,
Musst er gekreuzigt werden.
Er ging durch Trübsal, Angst und Not,
Ja durch den herben bittern Tod
Drang er zur Himmelsfreude.
5. Si ton Fils, le fidèle et droit,
A tant souffert lui-même,
Pourrais-je, moi, faible en la foi,
Refuser ce baptême ?
Il est le Serviteur souffrant,
Miroir d’amour, en tout patient,
Mon Maître et mon modèle !
Hat nun dein Sohn, der fromm und recht,
So willig sich ergeben,
Was will ich, armer Sündenknecht,
Dir viel zu widerstreben.
Er ist der Spiegel der Geduld,
Und wer sich sehnt nach seiner Huld,
Der muss ihm endlich werden.
B. La prière au Père
6. O Père doux, comme il est dur
Pour la raison de croire
Que pour nous ton amour est sûr,
Lorsque tu nous fais boire
L’amertume et l’acidité,
L’indulgence et la charité,
Au même et saint calice !
ICH-MOI
Ach, liebster Vater, wie so schwer
Ists der Vernunft zu glauben,
Dass du demselben, der du sehr
Schlägst, solltest günstig bleiben !
Wie macht doch Kreuz so lange Zeit !
Wie schwerlich will sich Lieb und Leid
Zusammen lassen reimen !
7. Accorde au pauvre que je suis
La force de ta grâce ;
Si tu m’y aides, Dieu, je puis
Tenir devant ta face.
Maintiens ma vie, elle est à toi ;
Par ta parole donne-moi
Courage, foi, patience !
*
Was ich nicht kann, das gib du mir,
O höchstes Gut der Frommen !
Gib, dass mir nicht des Glaubens Zier
Durch Trübsal werd entnommen.
Erhalte mich, o starker Hort !
Befestge mich in deinem Wort,
Behüte mich vor Murren !
*
8 Je suis si faible ! Accorde-moi
De venir à ma droite.
Seigneur Dieu, je m’adresse à toi,
Sur cette route étroite.
Un cœur qui espère et qui croit,
Qui marche sur le sentier droit,
Remporte la victoire !
Impératif
Bin ich ja schwach, lass deine Treu
Mir an die Seiten treten,
Hilf, dass ich unverdrossen sei
Zum Rufen, Seufzen, Beten !
So lang ein Herze hofft und gläubt,
Und im Gebet beständig bleibt,
So lang ists unbezwungen.
9. Dieu, ne me frappe pas trop fort,
Afin que je subsiste !
Seigneur, mesure mon effort
Et jusqu’où je résiste.
Suis-je de pierre ou fait d’acier,
Que rien ne me ferait plier ?
Je suis sable et poussière !
Greif mich auch nicht zu heftig an,
Damit ich nicht vergehe !
Du weißt wohl, was ich tragen kann,
Wies um mein Leben stehe ;
Ich bin ja weder Stahl noch Stein :
Wie balde geht ein Wind herein,
So fall ich hin und sterbe.
C. la prière au Fils
10. Jésus, toi qui es devenu
Par ton sang, tes souffrances,
Mon Rédempteur et mon salut,
Tu sais, à l’évidence,
Ce qu’est la croix et le malheur
De qui supporte dans son cœur
Et sa chair la violence !
DU- TU
Ach Jesu, der du worden bist
Mein Heil mit deinem Blute,
Du weißt gar wohl, was Kreuze ist
Und wie dem sei zu Mute,
Den Kreuz und grosses Unglück plagt ;
Drum wirst du, was mein Herze klagt,
Gar gern zu Herzen nehmen.
11. Je sais, grande est ta compassion
Envers tous ceux qui souffrent ;
Que tu accordes l’attention
Aux hommes dans leurs affres ;
Conduis ma vie à bonne fin,
Renforce mes tremblantes mains
Et ma marche hésitante !
*
ICH-MOI
Ich weiss, du wirst in deinem Sinn
Mit mir Mitleiden haben
Und mich, wie ich’s jetzt dürftig bin
Mit Gnad und Hilfe laben.
Ach stärke meine schwache Hand,
Ach heil und bring in bessern Stand
Das Straucheln meiner Füsse !
*
12. Parle à mon âme et à mon cœur,
Qu’ainsi je me console !
Le repos de ceux qui ont peur
Se trouve en ta Parole.
Tu es l’asile et le rocher,
L’ombre au soleil que vient chercher
Qui marche dans ce monde.
Impératif
DU-TU
Sprich meiner Seel ein Herze zu
Und tröste mich aufs beste,
Denn du bist ja der Müden Ruh,
Der Schwachen Turm und Feste,
Ein Schatten für der Sonnen Hitz,
Ein Hütte, da ich sicher sitz
In Sturm und Ungewitter.
13. Et puisque selon ton conseil
Il faut qu’un peu je souffre,
Prends garde à moi dès mon réveil :
Dieu, que ta main me couvre !
Que la patience dans la foi
Revienne en moi ; Que grâce à toi,
J’avance sur la route !
ICH-MOI
Und weil ich ja nach deinem Rat
Hie soll ein wenig leiden,
So lass mich auch in deiner Gnad
Als wie ein Schäflein weiden,
Dass ich im Glauben die Geduld
Und durch Geduld die edle Huld
Nach schwerer Prob erhalte.
D. La prière au Saint-Esprit
14. Esprit saint, huile de la joie,
Qui viens guérir mon âme,
Réjouis-moi, prends soin de moi,
Ranime en moi ta flamme.
Esprit de gloire et seigneurie,
Conduis-moi dans la bergerie
Et l’enclos du Royaume !
DU-TU
O heilger Geist, du Freudenöl,
Das Gott vom Himmel schicket,
Erfreue mich, gib meiner Seel
Was Mark und Bein erquicket !
Du bist der Geist der Herrlichkeit ,
Weißt, was für Freud und Seligkeit
Mein in dem Himmel warte.
15. Fais-moi déjà voir la beauté
De la vie éternelle,
Qu’Esprit, un jour tu vas donner
À ceux qui sont fidèles,
Une vie sans comparaison
Avec ce que nous connaissons,
Une vie pleine et belle !
Ach lass mich schauen, wie so schön
Und lieblich sei das Leben,
Das denen, die durch Trübsal gehen,
Du dermaleinst wirst geben.
Ein Leben, gegen welches hier
Die ganze Welt mit ihrer Zier
Durchaus nicht zu vergleichen;
16. Là tu pourras combler ma vie,
Le faire avec tendresse,
M’ôter la croix que j’ai subie,
M’accorder ta richesse !
Ma peur se muera en ardeur,
Mes pleurs deviendront du bonheur.
Je crois, viens à mon aide ! Amen !
Daselbst wirst du in ewger Lust
Aufs süss’ste mit mir handeln ;
Mein Kreuz, das dir und mir bewusst,
In Freud und Ehre wandeln ;
Da wird mein Weinen lauter Wein,
Mein Ächzen lauter Jauchzen sein.
Das glaub ich. Hilf mir ! Amen.
Texte :
Ach treuer Gott, barmherzigs Herr
Paul Gerhardt 1653
CrSI 232/78
RA 424, deest EKG et EG
fr. : Yves Kéler 4.9.2007
Mélodie :
Es ist gewisslich an der Zeit
XVe S., Wittenberg 1529, 1533
mélodie du « Dies irae »
RA 427, EKG 120, EG 149
fr. : Devant ta crèche tu me vois
LP 100, NCTC 175, ARC 370, ALL32/09
Le texte
Ce chant de 1653 entre dans la catégorie des chants de consolation. Cranach-Sichart indique que sa source est le « Paradiesgärtlein – Petit jardin du paradis », édité en 1612 par Johann Arnd, (1555 – 1621), Ch. III, 27 : « Gebet um Geduld in grossem Kreuz – Prière pour la patience dans les grandes croix ». Il s’agit d’un livre de prières très employé à l’époque et jusque dans le XIXe Siècle. Le chant n’a pas été utilisé en Allemagne depuis longtemps. Il ne figure pas dans EKG 1951, ni dans EG 1995. Seuls les livres alsaciens luthériens le donnent : AK alt 1871, Akn 1926, RA 1952. Spitta 1914 ne le donne pas.
le plan du chant
Le texte se décompose en quatre grandes parties inégales :
A. 5 strophes : str. 1- 5 : l’épreuve du chrétien est envoyée par Dieu
B. 4 strophes : str. 6- 9 : la prière au Père )
C. 4 strophes : str. 10 -13 : la prière au Christ ) la Trinité
D. 3 strophes : str. 14 -16 : la prière au Saint-Esprit )
La 1ère partie développe les thèmes familiers à Gerhardt : str. 1 l’épreuve est envoyée par Dieu ; str. 2 Dieu aime ses enfants et les châtie bien (Prov 6/3) ; str. 4 et 5 : en cela nous suivons le modèle du Christ.
La suite est trinitaire et reprend ces thèmes sous forme de prière adressée successivement au Père : str 6 à 9, au Fils : str 10 à 13, au Saint-Esprit : str 14 à 16. Ces prières forment trois groupes de 4 + 4 + 3 strophes.
Les trois prières commencent par une contemplation, de longueur variable : pour le Père : 1 strophe ; pour le Fils 1 strophe ½ ; pour le Saint-Esprit : 2 vers. Puis on passe à la prière même. L’ensemble s’achève sur le cri du père du démoniaque de Marc 9/24 : « Das glaub ich. Hilf mir! Amen – Je le crois, viens à mon aide ! Amen. » On pourrait presque traiter ces prières comme des cantiques séparés. Cette manière de faire est typiquement allemande dans les chants longs : à l’intérieur d’un même chant, on trouve plusieurs parties, qu’on peut chanter séparément selon la nécessité de répondre à une lecture ou à une prédication. L’utilisateur moderne trouve ici le moyen d’utiliser à bon escient ce chant très long.
le style de Gerhardt
Ce chant montre plusieurs particularités:
« Ach – Ah ! » : Gerhardt emploie cet exclamatif 6 fois. D’abord 4 emplois principaux. Au début du chant, pour invoquer Dieu, au cœur miséricordieux. Puis au début des deux premières prières du groupe trinitaire, pour invoquer respectivement le Père (str. 6), et le Christ (str.10). Pour l’Esprit, il emploie « O – Ô » (str.14), mais il reprend le « Ach » à la strophe suivante. On voit l’art du poète, qui ne répète pas mécaniquement la même formule, mais introduit une variante la troisième fois.
Enfin deux emplois secondaires : pour le Christ, il reprend le « Ach » de la strophe 10 et le redouble à la suivante, dans deux appels pathétiques, qui font écho au début de 10. Ces deux strophes forment un chiasme autour des mots « Ach » et « wissen : Du Weisst, Ich weiss » :
str. 10 : Ach Jesu 2 vers
Du weißt 5 vers
str. 11 : Ich weiss 4 vers
Ach stärke 3 vers
Ach heil 1 vers
Le verbe «Wissen – savoir » forme aussi un leitmotiv qui relie 4 strophes, la 1, puis les 9, 10, 11. Il en est de même du mot « führst –tu conduis », qui se répète à la fin de la strophe 2 et est repris au début de la strophe 3.
« Ja – Oui » : une autre chaîne est formée par le mot « Ja », qui se trouve dès la 1e strophe, comme forte affirmation de ce qui va être dit, et qui est repris, dans le sens atténué de « Même, donc », aux strophes 4, 8, 9, 12 et 13, soit 6 occurrences.
Les « ö » et les « é » : aux strophes 2, 3 et 4, un intéressant jeu de sonorités apparaît. Les mots « Hölle – enfer » et « Höhle – caverne », auxquels il fait ajouter « Höh – hauteur » et « ergötzen – se réjouir », contiennent le son obscur de « ö », un « o » très fermé, se prononçant comme le « eu » français dans « bonheur ». En face de ce son, se place « Eh– ou Er– » qui se prononce « é », son clair, pour les deux mots « Ehre –gloire » et « Ehrenthron – trône de gloire », et pour le mot « Erde – la terre ». Les deux mots « Herr -Seigneur » et « Er – il » portent aussi ce son. Cela nous donne la succession suivante des sons :
Str 2 + 3 : Hölle, Höh, ergötzen, Höhle
Str 3 + 4 : Ehr, Erd, Herr, Erden, Er, er.
Le lecteur peut voir par ces exemples que Gerhardt rythmait l’ensemble de son chant, ici par les « Ach », et formait des chaînes de mots couvrant plusieurs strophes. De même, il veillait à la « couleur poétique », par l’emploi des sons répétés et opposés.
La mélodie
Celle que donne RA, Recueil d’Alsace-Lorraine 1952, est « Es ist gewisslich an der Zeit – Ce sera vraiment au bon moment », qui est la mélodie du Dies irae protestant. Elle combine les traits de la douleur et de la joie par ses montées et ses descentes, et par son découpage en deux parties : une montée double en 4 lignes, et une descente simple en 3 lignes. Elle a une forme de retenue, en même temps que d’accélération, qui met en valeur respectivement les traits de la douleur et de la joie. Elle s’applique bien à ce texte de Gerhardt qui développe ce double thème, et me paraît la plus appropriée au texte.
Les Pauli Gerhardi Geistliche Andachten = E 1666/67, de Ebelin, propose « Herr, straf mich nicht mit deinem Zorn – Seifneur, ne me punis pas dans ta colère » et « Es ist das Heil uns kommen her – Notre salut nous est venu ». Mais la mélodie semble avoir beaucoup varié durant les siècles. A titre d’exemple, les livres alsaciens donnent, pour le AK alt de 1871, n° 419 b : « Ach Gott , vom Himmel sieh darein – Ô Dieu, regarde du ciel », de Martin Luther, et comme seconde mélodie « Allein Gott in der Höh sei Ehr – Gloire à Dieu seul dans cieux », de Nicolaus Decius. Dans AK neu, de 1926, n° 386, est indiqué « Wenn mein Stündlein vorhanden ist – Quand mon heure arrivera », mélodie de Francfort 1569. Cela permet éventuellement de varier, si on emploie deux morceaux du chant dans le même culte, ou bien si l’assemblée connaît mieux telle mélodie.