COMBAT SPIRITUEL N° 44
ÉPREUVE
MORT
ENTERREMENT
FAUDRAIT-IL QUE JE M’INQUIÈTE ?
Warum sollt ich mich denn grämen ? Pr 1653)
Christliches Freudenlied – Chant de joie chrétien
Ps 73/23-25
Mélodie: Warum sollt ich mich denn grämen ?
VIII 8f.3.3.6f / 8f.3.3.6f
.
A. le Christ m’est acquis
1.Faudrait-il que je m’inquiète ?
Jésus-Christ M’est acquis :
Lui qui me rachète !
Qui pourrait m’ôter la gloire,
Quand aux cieux, Fils de Dieu,
Il tient la victoire ?
ICH-
MOI
Warum sollt ich mich denn grämen?
Hab ich doch Christum noch,
Wer will mir den nehmen?
Wer will mir den Himmel rauben,
Den mir schon Gottes Sohn
Beigelegt im Glauben?
B. Dieu conduit ma vie
* faiblesse de l’homme
2. Je naquis, nu, sur la terre,
Quand je vins, Au matin,
Du sein de ma mère !
Nu je quitterai ce monde,
Faible et vieux, Pour les cieux,
Ombre vagabonde !
.
.
Job 1/21
Eccl. 5/14
Nackend lag ich auf dem Boden, *
Da ich kam, Da ich nahm
Meinen ersten Odem;
Nackend werd ich auch einziehen,
Wann ich werd Von der Erd
Als ein Schatten fliehen.
* Hiob 1/21, Pred 5/14
3. Ame et corps, mes biens de même,
Rien n’est mien ! Du Dieu saint
Tout vient, car il m’aime.
Ce que j’ai, veut-il le prendre,
À la fin, En sa main ?
Je veux le lui rendre !
*Souffrance
ER-LUI
Gut und Blut, Leib, Seel und Leben
Ist nicht mein; Gott allein
Ist es, ders gegeben.
Will er’s wieder zu sich kehren,
Nehm ers hin! Ich will ihn
Dennoch fröhlich ehren.
4. Met-il une croix d’épreuve
Sur mon cœur : Ai-je peur,
Que je m’en émeuve ?
S’il l’envoie, Dieu aussi l’ôte :
Il prévoit Chaque fois
Au mal l’antidote !
Schickt er mir ein Kreuz zu tragen,
Dringt herein Angst und Pein,
Sollt ich drum verzagen?
Der es schickt, der wird es wenden!
Er weiss wohl Wie er soll
All mein Unglück enden.
5. Dieu m’a donné tant de gages
De bonté, D’amitié,
Depuis mon jeune âge.
Faut-il refuser la charge
D’un malheur, De douleurs,
S’il me met au large ?
Gott hat mich bei guten Tagen
Oft ergötzt: Sollt ich jetzt
Auch nicht etwas tragen?
Fromm ist Gott und schärft mit Massen
Sein Gericht; Kann mich nicht
Ganz und gar verlassen.
C. Satan et la mort
6. Satan, mort et tout ce monde
Sont vaincus, Ne sont plus
Bien forts, quoiqu’ils grondent !
Laisse dire, Laisse rire :
Dieu, mon Dieu, Dans les cieux,
Saura les réduire !
SATAN
Satan, Welt und ihre Rotten
Können mir Nichts mehr hier
Tun, als meiner spotten.
Lass sie spotten, lass sie lachen!
Gott, mein Heil, Wird in Eil
Sie zu Schanden machen.
7. Dans la mort, sans inquiétude,
Un chrétien Sait très bien
Quelle est l’attitude
Qu’alors il lui faudra prendre :
Courageux, Silencieux,
Patiemment attendre !
Unverzagt und ohne Grauen
Soll ein Christ, Wo er ist,
Stets sich lassen schauen.
Wollt ihn auch der Tod aufreiben,
Soll der Mut Dennoch gut
Und fein stille bleiben.
8. La mort ne peut nous abattre !
Il lui faut, Et de haut,
Bientôt en rabattre !
Elle achève nos souffrances,
Nous conduit, Par la nuit,
Vers notre espérance.
*Les biens
Kann uns doch kein Tod nicht töten,
Sondern reisst Unsern Geist
Aus vielen tausend Nöten;
Schleusst das Tor des bittern Leiden
Und macht Bahn, Da man kann
Gehn zur Himmelsfreuden.
9. Je voudrais ici répandre
La douleur De mon cœur :
Qui peut me répondre ?
Y aurait-il un bien, peut-être,
Ici bas ? – Non, tout va
Bientôt disparaître !
ICH-
MOI
Allda will in süssen Schätzen
Ich mein Herz auf den Schmerz
Ewiglich ergötzen.
Hier ist kein Recht gut zu finden.
Was die Welt In sich hält,
Muss im Hui verschwinden.
10. Qu’est le bien de l’existence ?
La poignée Dispersée
De sable, en silence ?
Près du Christ les biens durables !
Le Seigneur, Mon Sauveur,
Seul est fort et stable !
WAS ?-
QUE ?
.
Jean 10/11
Ps 23/1
Was sind dieses Lebens Güter?
Eine Hand Voller Sand,
Kummer der Gemüter.
Dort, dort sind die edlen Gaben,
Da meinHirt, Christus, wird
Mich ohn Ende laben.
C. l’amour de Jésus :
le Cantiques des Cantiques
11. Mon Berger, source et fontaine,
Tu es mien, Je suis tien,
Pour ton sang je t’aime !
Rien, Jésus, ne nous sépare :
Mon soutien, Je suis tien :
Pour toi je me pare !
Ps 32/1
Cant. 2/16=6/3
DU-TU
2/16=6/3
Herr, mein Hirt, Brunn aller Freuden,
Du bist mein, Ich bin dein,*
Niemand kann uns scheiden:
Ich bin dein, weil du dein Leben
Und dein Blut Mir zugut
In den Tod gegeben;
12. Tu es mien, je veux te prendre,
Mon Seigneur, Dans mon cœur,
Ici, sans attendre.
Christ, accorde-moi d’atteindre,
Là où moi, Là où toi,
Pourrons nous étreindre !
.
.
2/16=6/3
5/4, 6
Du bist mein, weil ich dich fasse
Und dich nicht, O mein Licht,
Aus dem Herzen lasse;
Lass mich, lass mich hingelangen,
Da du mich Und ich dich
Leiblich werd Umfangen.
Texte :
Warum sollt ich mich denn grämen ?
Paul Gerhardt 1653/56
CrSi 251/83
RA 449, EKG 297, EG 370,
fr. : Yves Kéler 12.7.2007
Mélodie :
Warum sollt ich mich denn grämen?
Johann Georg Ebeling, 1666
RA 449, EKG 297, EG 370
Traduction littérale de quelques passages :
Str. 2 Nackend lag ich auf dem Boden,
Da ich kam, Da ich nahm
Meinen ersten Odem;
Nackend werd ich auch einziehen
Wann ich werd Von der Erd
Als ein Schatten fliehen
Nu j’étais couché sur la terre,
Quand je vins, Quand je pris
Mon premier souffle,
Nu j’entrerai,
Quand je m’envolerai De la terre
Comme une ombre
Str. 8 Kann uns doch kein Tod nicht töten,
Sondern reisst Unsern Geist
Aus vielen tausend Nöten
Schleusst das Tor des bittern Leiden
Und macht Bahn, Da man kann
Gehn zur Himmelsfreuden
Aucune mort ne peut pas nous faire mourir,
Mais elle arrache Notre esprit
De nombreux milliers de détresses,
Ferme la porte de l’amère souffrance
Et ouvre le chemin Par où l’on peut
Entrer dans les joies célestes.
Le texte
Ce chant de Gerhardt a la même coupe poétique que son chant de Noël « Fröhlich soll mein Herze springen – Que de joie mon cœur bondisse », de 1653 ( voir N° 7 ). Cette coupe fait partie des sept que Gerhardt a créées et pour lesquelles des musiciens ont été sollicités pour composer des mélodies nouvelles.
les sources du chant
Le texte est issu de la tradition luthérienne des chants de consolation et a plusieurs sources :
La prédication luthérienne : une référence précise a été établie à une parole de Luther, lequel fait dire à un certain Martino, citoyen de Rome : « Ob man mir gleich alles nimmt, so haben sie mir doch Christum nicht weggenommen,… so habe ich doch den Herrn Christum noch – Si même on m’ôte tout, ils ne m’ont cependant pas enlevé le Christ,… ainsi j’ai toujours encore le Seigneur Christ. » La 1ère strophe du chant reprend ces paroles : « Hab ich doch Christum noch, Wer will mir den nehmen ? – J’ai pourtant Christ encore, Qui peut me le prendre ? »
Le Psaume 73 : La source biblique principale sont les trois versets du Psaume 73/23-25, plus particulièrement le 25, d’après Luther : « Wenn ich nur dich habe, so frage ich nichts nach Himmel und Erde – Si je n’ai que toi, je ne demande rien dans le ciel ou sur la terre. »
Ce psaume 73 a donné naissance à plusieurs chants de confiance en Dieu, fondamentaux dans le choral luthérien, tels : « Von Gott will ich nicht lassen », de Ludwig Helmbold 1563 (RA 449, EKG 283, EG 370), dont la mélodie a été reprise par Gerhardt pour « Geduld ist euch vonnöten – Patience est nécessaire » (voir N° 47). De même « Wer Gott vertraut hat wohl gebaut – Qui croit en Dieu a bien bâti », de Joachim Magdeburg 1571 (RA 454, EKG 284, EG 369). Citons aussi « Ach Gott, wie manches Herzeleid – O Dieu, combien tant de douleur au cœur », de Martin Moller 1587 (RA 426, EKG 286, EG deest), ainsi que « In dir ist Freude – En toi est la joie », de Johann Lindemann 1598 (RA350, EKG 288, EG 398). Et enfin « Jesu, meine Freude – O Jésus, ma joie » 1653 (RA 351, EKG 293, EG 396), de Johann Franck, dont Crüger a fait la géniale mélodie dans cette même année 1653. On voit qu’avec son chant Gerhardt se place dans la tradition des chants de consolation allemands.
Les références bibliques secondaires : un nombre important de références secondaires renvoie à Psaume 27/1, Romains 8/31-39, Ecclésiaste 2/22, Job 1/21, Cantique des cantiques 6/3, Esaïe 35, et d’autres textes, montrant que le texte de Gerhardt est une mosaïque de réminiscences et d’allusions bibliques.
En particulier la référence au Cantique des cantiques 2/16 et 6/3, aux strophes 11 et 12 : « Du bist mein, Ich bin dein, … Niemand kann uns scheiden : Ich bin dein…– Tu es mien, Je suis tien, … Personne ne peut nous séparer : Je suis tien… » On retrouve ce thème et cette formulation dans le chant de Gerhardt « Schwing dich auf zu deinem Gott – Monte, mon coeur, jusqu’à Dieu », (voir N° 46, str. 13) : « Ich bin Gottes, Gott ist mein, Wer ist, der uns scheide ? – Je suis à Dieu, Dieu est à moi, Qui donc nous séparerait ? » Il s’agit de l’union mystique du Christ et de son épouse, l’Église, aussi du Christ et de l’âme du croyant, qui culmine dans une étreinte physique, que le fidèle ressent dans sa chair. Ste Thérèse d’Avila a très bien décrit cette sensation. Cette image, issue du Cantique des Cantiques 6/3, était très employée depuis le Moyen Age, et elle a perduré dans la piété catholique du Cœur de Jésus et dans la protestante allemande de la Jesus-Liebe. Gerhardt y était très sensible et l’utilise plusieurs fois.
Le résumé de chants et Psaumes bibliques
Paul Gerhardt achève son chant en résumant un des passages emblématiques de la Bible : le chant de la bien-aimée du Cantique des Cantiques 6/1-3, dont le dernier verset reprend 2/16. Dans le chant précédent « Ich hab in Gottes Herz und Sinn – J’abandonne à l’Esprit de Dieu », N°43, il fait de même avec le Psaume 23.
Il use de la même manière avec des chants, eux aussi emblématiques, de prédécesseurs, tel « Wie schön leuchtet der Morgebstern – Brillante étoile du matin », qu’il résume dans la dernière strophe de son chant de mariage « Wie schön ists doch , Herr Jesu Christ – Comme il est beau, Seigneur Jésus. »
le plan du chant
Il est composé de 4 parties, dont la première est une courte introduction d’une strophe :
A. 1 str. : Christ m’est acquis
B. 4 str. = 2 paires : Dieu conduit ma vie
C. 5 str. = 3 strophes + 1 paire : Satan et la mort
D. 2 str. = 1 paire : Christ m’aime, le Cantique des cantiques
La finale lyrique et mystique surprend après la longue énumération de la faiblesse de l’homme, de Satan et de la mort. Mais elle exprime le triomphe de la foi et de l’amour du Christ.
Le chant se développe en 4 parties, inégales de longueur. Il fait référence au Christ dans la strophe 1. Mais passe tout de suite à Dieu, et continue par une méditation de l’action du Père des strophes 2 à 5. Après une intercalation dur Satan et la mort, Ste. 6 à 9, deux strophes de transition, la 9 et la 10, ramènent au Berger : « mein Hirt, Christus – mon Berger, Christ », nous ramènent au Christ et conduisent aux 2 strophes finales sur le Christ amant.fait la transition avec les deux strophes finales 11 et 12, qui lui sont consacrées.
Gerhardt nous conduit ainsi à partir de Jésus, mon dernier et suprême bien, à travers le constat de la faiblesse de l’homme (str. 1 et 2), puis de sa souffrance (str. 4 et 5), et après un détour par Satan (str. 6 à 8), à la conclusion que les biens d’ici-bas ne sont qu’une « poignée de sable » (str. 10), et que le souverain bien est Jésus, le berger et l’époux de mon âme, célébré par les paroles du Ps. 23 et du Cantique des cantiques. Gerhardt emploie le titre de « Christus – Christ », et de « Gottes Sohn – Fils de Dieu », et non « Jesus – Jésus », comme le feront les piétistes une génération plus tard. Par là, il demeure dans la tradition de Luther, qui voyait davantage le titre et la fonction du Christ – Fils de Dieu qui accomplit le salut, que le nom du personnage humain et tendre qu’on fera de celui-ci plus tard. Le ton, quoique méditatif, n’est pas pessimiste. Il est plutôt celui, réaliste et confiant, d’un promeneur, qui après « un tour de la scène de la vie », arrive à la conclusion : Jésus est tout.
trois beaux passages :
1° les strophes 2 et 3 développent Job 1/21-22 (voir traduction littérale plus haut) : « Nackend lag ich auf dem Boden – J’étais couché nu sur le sol. » Cette idée de « sur le sol » est-elle une allusion à Job 2/8 : « Job prit un tesson pour se gratter et s’assit dans la cendre », pour relever le côté faible et mortel de l’homme ? Ou est-ce une allusion aux Nativités des XVe-XVIe siècles, telles celle du flamand van der Goes, dans lesquelles l’enfant Jésus est couché nu, à même le sol ? Gerhardt veut-il faire un rapprochement entre le fidèle et le Christ enfant, dès la naissance, à la 2e strophe, et entre le fidèle adulte et le Christ, berger et époux, des 3 dernières strophes : communion avec le Christ depuis le début jusqu’à la fin ?
2° les strophes 10b-12, qui reprennent Cantique 2/16 et 6/3 et le combinent avec le Psaume 23, où l’époux devient le berger (Ps 23/1). Le berger à son tour devient la « fontaine de toute joie – Brunn aller Freuden » (eaux vives : Ps 23/2), de laquelle coule son sang pour le salut. Allusion à : « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ, qui a sacrifié sa vie… », de Ephésiens 5/25. La dernière strophe s’achève sur cette forte image mystique : « Da du mich Und ich dich Leiblich werd umfangen – Là où toi et moi nous enlacerons corporellement ! » Ces deux strophes se caractérisent pa.r l’enchevêtrement des « Ich – dich, dein – mein – moi – toi, mien – tien. » Elles sont un joyau de la « Jesus-Liebe ».
3° l’image de « la mort qui ne peut pas nous tuer », str. 8, et de Satan et ses sbires qu’il n’y a qu’à laisser se moquer et rire, puisqu’ils ont perdu la bataille ! (voir traduction littérale plus haut). Cette image paradoxale de « la mort du Christ est la mort de la mort » rappelle celle que Luther emploie dans son chant « Christ lag in Todes Banden – Christ était couché dans la mort », à la strophe 4 : « …wie ein Tode den andern frass – comment une mort dévora l’autre », celle du Christ dévorant le Diable.
Ces trois images sont un bel exemple de cette mystique luthérienne qui trouve la paix par le Christ dans ce monde dur.
La mélodie
Elle est de Ebeling, en 1666/67, et comme dit plus haut, elle a la même structure que « Fröhlich soll mein Herze springen », de Johann Crüger en 1653. Vu que les deux chants de Gerhardt : « Fröhlich soll… » et « Warum sollt… », sont de la même année 1653, la mélodie de « Fröhlich soll » de 1653 a dû servir pour les deux jusqu’en 1666/67, année dans laquelle Ebeling a composé une mélodie propre pour « Warum sollt ich mich denn grämen ? »
Les deux mélodies ont la même structure. Dans la 1e ligne, elles ont une courbe ascendante puis descendante. « Frölich soll » fait mi, fa, sol et monte au si, puis redescend au mi initial. « Warum sollt » fait mi, sol, la, mais redescend au sol pour remonter jusqu’au ré, en brisant cet élan par une flexion vers le do. Dans la ligne suivante la même manière se constate. Dans le chant de Noël, le double vers « dieser Zeit, Da vor Freud – en ce temps Où de joie » remonte dans une courbe inversée jusqu’au si de la première ligne. Dans « Warum sollt », c’est l’inverse : la courbe du 2e vers : « Hab ich doch Christum noch – Ai-je donc Christ encor » est deux fois brisée vers le bas. Cela donne à ces deux mélodies un caractère très différent : celle de Noël monte et exprime la joie du fidèle devant le Christ qui vient de naître. L’autre, celle de l’épreuve, redescend et exprime la souffrance.
Cette différence de caractère de deux mélodies formant une paire rappelle la tradition médiévale des mélodies ordinaires et festives. Le mode ordinaire reste simple et étale. Le mode festif monte et développe la mélodie.
Ce qui autorise à employer « Fröhlich soll… », si « Warum sollt… » n’est pas bien connue, ou inversement. Mais il faut savoir que ce remplacement de mélodie change le caractère du chant.