AMOUR DU CHRIST N° 51
EXAMEN DE CONSCIENCE
SE PEUT-IL DONC QU’À TA CLARTÉ ?
Wie ist es möglich, höchstes Licht, E. 1666/67
Mélodie : Kommt her zu mir, spricht Gottes Sohn
VI 8.87f / 8.8.7f
.
A. la grandeur du Christ
1. Se peut-il donc qu’à ta clarté,
Qui passe toute intensité
Et fait pâlir ce qui est d’homme,
Moi et mon sang, ma faible chair,
Se fient à toi d’un cœur ouvert
Et cherchent ton royaume ?
LE PÈRE
Ps. 104/2
Job 36/30
Wie ist es möglich, höchstes Licht,
Dass, weil vor deinem Angesicht
Doch alles muss erblassen,
Ich und mein armes Fleisch und Blut
Dir zu entegegen eingen Mut
Und Herze sollten fassen ?
2. Que suis-je plus que cendre et mort,
Qu’est mon corps plus que l’herbe encor,
Que peut valoir mon existence ?
Que suis-je si je connais tout,
Qu’en ai-je davantage au bout,
Tout n’est que providence.
Gen. 3/19
Es. 40//6ss
I Cor.
13/2
Was bin ich mehr als Erd und Staub ?
Was ist mein Leib als Gras und Laub ?
Was taugt mein ganzes Leben ?
Was kann ich, wenn ich alles kann ?
Was hab und trag ich am End an,
Als was du mir gegeben ?
B. ICH – MOI, DU – TOI
3. Je suis un pauvre ver tout nu,
Comme un brin d’herbe ou un fétu
Que tous les vents devant eux chassent,
Et si ta main, qui porte tout,
Venait à me toucher d’un coup,
Je laisserais la place.
Ps. 22/7
Ps.103/15
Ps. 104/32
Ich bin ein arme Mad und Wurm,
Ein Strohhalm, den ein kleiner Sturm,
Gar leichtlich hin kann treiben ;
Wenn deine Hand, die alles trägt,
Mich nur ein wenig trifft und schlägt,
So weiss ich nicht zu bleiben.
4. Je ne suis rien, mais toi, Seigneur,
Tu mènes tout avec bonheur,
En toi subsiste seul mon être.
Et si ta main vient m’effrayer,
Au lieu, en paix, de me garder,
J’irai mourir, ô Maître.
* DU – TU
Herr, ich bin nichts! Du aber bist
Der Mann, der alles hat und ist,
In dir steht all mein Wesen.
Wo du mit deiner Hand mich schreckst,
Und nicht mit Huld und Gnaden deckst,
So mag ich nicht genesen.
5. Tu es fidèle, ô Dieu Sauveur :
Moi, l’infidèle serviteur,
Je suis devant toi plein de honte.
Car en mon pitoyable état
Pourrais-je recevoir de toi
La bonté que tu montres ?
Matth.
18/32
Du bist getreu, ich ungerecht,
Du fromm, ich gar ein böser Knecht
Und muss mich wahrlich schämen,
Dass ich bei solchem schnöden Stand
Aus deiner milden Vaterhand
Ein einzges Gut sollt nehmen.
6. Dès ma jeunesse j’ai péché,
J’ai transgressé ta volonté
Car je suis né dans l’injustice.
Et si dans toute ta bonté,
Tu ne veux pas me pardonner,
Je meurs dans ma malice.
Ps. 25/7
Ps. 51/7
Job 15/15
Ich habe dir von Jugend an
Nichts anders als Verdruss getan,
Bin Sünden voll geboren ;
Und wo du nicht durch deine Treu
Mich wieder machest los und frei,
So wär ich gar verloren.
C. conclusion : au Christ la gloire
7. Loin de moi, donc, de me vanter !
À toi revient la sainteté,
À toi puissance, règne et gloire.
Fais que je tourne, Jésus-Christ,
Vers toi mon âme et mon esprit :
Donne-moi ta victoire.
I Chron.
29/11
LE FILS
Drum sei das Rühmen fern von mir,
Was dir gebührt, das geb ich dir,
Du bist allein zu ehren.
Ach lass, Herr Jesu, meinen Geist
Und was aus meinem Geiste fleusst,
Zu dir allezeit sich kehren.
8. Si j’ai jamais fait quelque bien,
C’est par ton aide et ton soutien
Qu’une œuvre bonne aura pu naître.
Alors à toi gloire et merci,
A toi, Sauveur, toute ma vie,
L’honneur devra seul être.
Philippiens
2/13
Auch wenn ich gleich was wohl gemacht,
So hab ichs doch nicht selbst verbracht,
Aus dir ist es entsprungen ;
Dir sei auch dafür Ehr und Dank,
Mein Heiland, all mein Leben lang
Und Lob und Preis gesungen.
Texte :
Wie ist es möglich, höchstes Licht
Paul Gerhardt 1666/67
CrSi 318/110
deest RA, EKG, EG
fr. : Yves Kéler 31.3.2011
Mélodie :
Kommt her zu mir, spricht Gottes Sohn
504, spirituel 1530, Nuremberg 1535
RA 410, EKG 245, EG 363
Le texte
Ce chant est un des derniers chants nouveaux de Paul Gerhardt parus dans l’édition d’Ebeling de 1666/67. Sans aller jusqu’à dire qu’il serait comme un testament, il présente des aspects de bilan de la vie à l’approche de la mort. Il rassemble les grands thèmes du poète. On y ressent son expérience de la vie et du ministère. C’est pourquoi je l’ai choisi, pour clore la série des cantiques de Gerhardt que j’ai retenus.
le plan du chant
Le plan est simple et équilibré :
Introduction : A. 2 str. , les 1 et 2 : étonnement du croyant, constat de son néant
Développement : B. 4 str. , les 3 à 6 : comparaison entre moi et Dieu
Conclusion : C. 2 str. , les 7 et 8 : la gloire est à Dieu et au Christ, pas à l’homme
le développement du texte
L’entrée en matière se fait par deux strophes commençant par des questions : « Wie ist es möglich ? – Comment est-ce possible ? » et « Was bin ich ? – Que suis-je ? », marquant l’étonnement devant son destin : comment se peut-il que tant de choses aient pu être réalisées par un être si faible ? Dans la première strophe, la question « Wie ? – Comment ? » est posée une seule fois et s’étend sur toute la strophe, qui forme une seule grande phrase. Dans la 2e strophe en revanche, la question « Was ?– Que ? » est répétée 5 fois, à chaque début de vers, la réponse à ces questions formant le dernier vers.
Le groupe des 4 strophes de 3 à 6 est formé de 2 strophes en ICH – MOI, qui préparent 2 strophes en DU – TU. Elles expriment le contraste entre le néant de l’homme et la grandeur de Dieu. Les images baroques apparaissent ici, quoique tirées de la Bible : « Ich bin ein Mad und Wurm – Je suis une larve et un ver », pris de Ps. 22/7 : « Et moi je suis un ver et non un homme » ; ainsi que « Gras und Laub – Herbe et feuillage », pris de Ps. 103/15 : « L’homme est comme l’herbe » et de Daniel 4/11, où « le feuillage du grand arbre est secoué. » A l’intérieur de chaque strophe, les deux moitiés forment des antithèses, plus ou moins marquées, entre la grandeur et la bonté de Dieu et la peccabilité et l’injustice de l’homme. Gerhardt rappelle sa jeunesse et ses péchés, à la fois par la confession de ses fautes et le constat de sa naissance dans le péché originel, et comme l’évocation d’une époque révolue. « Bin Sünden voll geboren – Je suis né plein de péchés » renvoie Ps. 51/7 et Job 15/14. « Von Jugend an … Verdruss getan – Depuis m’a jeunesse t’ai chagriné » fait allusion au Ps. 25/7.
Les 2 strophes finales conduisent à Jésus et à sa louange. Le pécheur n’a pas à « se glorifier – sich rühmen », Dieu seul mérite la gloire. Gerhardt adresse une prière à Jésus, demandant que celui-ci tourne l’âme du croyant qu’il est vers lui, Jésus. De même, le mérite de quelque action est au Christ et non à l’homme : « Aus dir ist es entsprungen – Cela est sorti de toi. » Les trois derniers vers sont un Gloria au Christ.
Une certaine ambiguïté apparaît dans le chant. Dans tout le texte des strophes 1 jusqu’à la 1e moitié de 7, il est question du Père, appelé « höchstes Licht – plus haute lumière » (str. 1.1), et rappelé à travers l’expression « Vaterhand – main paternelle », à la strophe 5. À la strophe 4, Dieu est appelé « Herr – Seigneur », puis, par une image typiquement allemande, « der Mann, der alles hat und ist – L’homme qui a tout et qui est tout. » Cette image provient de la chevalerie médiévale : « l’homme qui a tout, sous-entendu : pour gagner » est le champion qui remporte la victoire. Lui seul « est », par la victoire, l’autre, vaincu « n’est rien ». Mais à partir de la 2e moitié de la strophe 7, Gerhardt passe à Jésus, nommément désigné. De lui vient toute bonne œuvre en moi. Lui aussi mérite d’être glorifié. La phrase de la strophe 8 : « Dir sei auch dafür Ehr und Dank – À toi aussi soit gloire et remerciement » le dit expressément, en parallèle avec celle de strophe 7, qui dit pour Dieu « Du bist allein zu ehren – seul toi dois être glorifié. » Strophe 8, le mot « Heiland – Sauveur » désigne le Christ. Ce qui montre que les strophes 7/2 et 8 sont consacrées au Christ, après les strophes 1 à 7/1, consacrées au Père.
La mélodie
La mélodie « Kommt her zu mir, spricht Gottes Sohn – Venez à moi, dit le Fils de Dieu » remonte au XVe Siècle, et fut reprise un peu avant 1530 par Georg Grünwald, qui était un anabaptiste autrichien, pour son chant qui a donné son nom à la mélodie. Grünwald, cordonnier de son état, dirigeait une communauté anabaptiste dans le Tyrol, et fut brûlé en 1530 à Kufstein au Tyrol. Son chant fut imprimé à Nuremberg en 1534, et est entré très tôt dans les livres luthériens.
Le texte du chant est une « ballade du salut », dans laquelle le fidèle est appelé à se convertir du mal au bien. L’appel du Christ dans Matthieu 11/28 : « Prenez sur vous mon joug, il est doux et léger » est le point de départ. Puis l’auteur fait le tour des auditeurs : ni le jeune homme, ni le riche, ni le savant, ne peuvent se sauver. Seul Dieu vous sauvera. Repentez-vous !
Cette mélodie et son message appelant à la repentance portent bien le texte de Gerhardt et l’examen de conscience qu’il fait, et s’y adaptent bien. Dans ce chant, il faut garder ce ton à la fois narratif et dansant de la ballade, ainsi que le contraste entre les blanches pointées, au centre du vers, et les noires, contraste qui donne du mouvement à l’ensemble. La fleur finale sur l’avant-dernière syllabe doit bien se développer, pour aboutir sur la résolution par une ronde. Cette forme musicale fait comme une conclusion du discours de chaque strophe.