LE SAINT PATRIARCHE ABRAHAM (rév) 1785-1839, Christ Sauveur

CHRIST, LE SAUVEUR

        LE SAINT PATRIARCHE ABRAHAM
       Rév. de « Le saint Patriarche Abraham »

            Mél : Vom Himmel hoch ou autre

           Texte donné à titre documentaire

1. Le saint Patriarche Abraham,              (prononcer –an )
Les Pères issus de son Sang,
De leur temps n’adoraient déjà
Que Jésus-Christ, le Roi des rois.

2. Prophètes, fils de l’Eternel,
Et les Ministres de l’autel,
Rendaient sous le nom du Dieu fort
Leur culte à l’Agneau mis à mort.

3. Nous disons et croyons du cœur,        (virgule : germanisme)
Qu’il est le Sauveur des pécheurs,
Tant ici-bas que dans les cieux.
Grâces à son Sang précieux !

4. Chez nous tout en tous c’est JÉSUS ; (majusule : imitation du tétragamme Herr)
Si quelqu’un en demande plus
Il n’est pas de notre troupeau :
C’est assez pour nous de l’Agneau.

5. Je ne veux point d’autre bonheur,
Que d’être son pauvre pécheur
Puisque je trouve abondamment
Tout ce qu’il me faut dans son Sang.

6. De ce bonheur, mon doux Jésus,
Fais-moi jouir de plus en plus.
Que la justice de ton Sang
Soit toujours mon seul ornement. (Zier)

7. Ainsi ta sainte Humanité,
Et ton Sang, qui m’a racheté,
Doit être mon texte en tout lieu, (Losung)
Surtout dans l’Eglise de Dieu.


Texte

Le saint Patriarche Abraham
original allemand non signalé
traducteur non signalé
dans Psalmodies moraves
1785 – 1839 : n°239, 1862, n°

Mélodie possible :

Vom Himmel hoch da komm ich her
Martin Luther, 1535
EKG 16, RA 40, EG 24
fr. : Dieu le tout-puissant Créateur
LP 92
O Dieu, tout-puissant créateur
NCTC 180, ARC 358, ALL 32/05


Le texte

le christocentrisme

Ce cantique illustre parfaitement le christocentrisme presque systématisé des Herrnhuter, dont la piété se concentre tellement sur le Christ que ce dernier en vient à évincer Dieu, le Père. Le chant fait remonter ce fait à Abraham, puis aux prophètes et aux prêtres du Temple. Pour ces derniers, qui sacrifiaient entre autres des agneaux « sans défaut et sans tache » à la Pâque, le rapport avec Christ l’Agneau mis à mort » (str. 2) est évident.

Cette affirmation devient une confession de foi à la strophe 3 : « Nous disons et croyons du cœur », allusion à la parole de Paul aux Romains 10/9 : « Si tu confesses de la bouche et crois de ton cœur. » A la strophe 4, l’affirmation devient l’exclusion de qui croit autre chose, par exemple les trinitaires. Dans certains milieux piétistes protestants, la Trinité était née avec l’argument que le mot n’est pas dans la Bible. Malgré des textes comme Matthieu 28/19 : « Les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » On trouve encore cette négation chez certains.

Le Sang du Christ

L’autre thème moteur de ce chant est le sacrifice et le sang salvateur du Christ. Ce thème se trouve aussi dans beaucoup d’autres chants moraves, en ^particulier dans ceux relevés dans cette série d’extraits :

Remarquez que ce mot est méthodiquement en majuscule, ce qui indique en théologie classique ce sui est Dieu, qui lui appartient ou qui lui est consacré, en d’autres mots ce qui est sacré. C’est pourquoi des mots comme Patriarche, Pères, Prophètes, Ministres, Agneau, Sauveur, Seigneur, sainte Humanité, sont écrits de cette manière. Le nom de JESUS est écrit entièrement en majuscules, ce qui révèle l’origine allemande du mot. Luther écrit « HERR- Seigneur », pour transcrire le tétragramme IHWH du nom de Dieu. Par attraction on trouve dans certains textes allemands, dès le 16e siècle, le non de JESUS et celui de « GEIST-Esprit », écrits en majuscules, souvent en gras dans le texte.

Strophe 1, on parle du « Sang » d’Abraham dont sont nés les Pères. Je pense qu’il s’agit d’une allusion aux deux généalogies du Christ de Matthieu et Luc, qui font remonter le Christ à Abraham, dont le sang se transmet jusqu’au Christ. Le sang versé par ce dernier est celui de toute la lignée juive, que Luc fait remonter à « Adam, fils de Dieu. » Si donc Adam est cela, le sang du Christ remonte à Dieu lui-même et fait que le Christ qui va s’incarner porte déjà en lui un sang divin. De fait ce sang a deux origines, le divin et l’humain, et il est donc le sommet de ce qui peut être donné à Dieu, puisque d’origine divine en plus que d’humaine.

Jéhovah et les germanismes du texte

A la strophe 1, le traducteur finit par : « Que le Fils de Dieu, Jéhovah. » Il emploie le mot de « Jéhovah », forme erronée de « Iahvé » créée par ignorance de l’hébreu au 16e siècle, à Rome semble-t-il. Au 18e-18e siècles, on ne savait pas que ce terme était inexact. Depuis l’après-guerre il a été enlevé des textes, d’autant que la secte des Témoins de Jéhovah se l’est annexé. J’ai remplacé « Jéhovah » par un pis-aller : « Rois des rois. »

L’origine germanique du chant transparaît à travers quelques germanismes.

Str. 3 : la phrase « Nous croyons et disons du cœur, Qu’il est le Sauveur des pécheurs » intercale une virgule, obligatoire en allemand dans la construction « Wir sagen und glauben, Dass.. », alors qu’elle n’existe pas en principe en français.

Str. 6, le mot « ornement » traduit l’allemand « Zier-ornement », terme employé pour dire que le Christ est l’ornement de ma vie, dont je peux me flatter, contrairement aux ornements mondains.

A la str. 7, le mot « texte » traduit « Losung-texte d’un verset biblique, mot-d’ordre », que les moraves tiraient au sort pour chaque jour et pour l’année. Ils choisissaient pour chaque jour de l’année dans deux urnes respectivement des versets de l’AT. et de l’A.T, appelées « Tages-Losungen – versert choisi du jour » et un mot d’ordre pour l’année, appelé « Jahres – Losung – Mot d’ordre choisi pour l’année. Cette tradition existe toujours et donne naissances aux « Jahreslosungen » pour chaque année, traduites dans de nombreuses langues du monde.