SAUVEUR, DONT LA PAROLE (rév) 1785-1839, Parole de Dieu et du Christ

PAROLE DE DIEU ET DU CHRIST


     SAUVEUR, DONT LA PAROLE
    Rév. de « Cher Sauveur, ta parole »

    Mél : O Welt, ich muss dich lassen


1. Sauveur, dont la Parole
M’éclaire et me console,
M’instruit pour le salut,             II Tim. 3/15
Mon âme en est nourrie,
Mon cœur s’en rassasie,
T’y voit partout, Seigneur Jésus.

2. Parole de lumière
Qui brille et qui éclaire,
Dès que le Saint-Esprit
Place en moi par sa vie
Comme une vraie copie
Du témoignage en elle écrit.

3. Ta grâce en ma misère
En est le commentaire.
Qui n’a pas cette clé
Peut s’en faire un système ;
Mais tout reste un problème
Sans Christ, l’Agneau saint immolé.

4. L’enfant ou le stupide,
Qui sont de grâce avides,
En sont le mieux au fait.            Matth. 11/25
Dans leur langage frêle,
Ils louent d’un cœur fidèle
Le Dieu puissant pour ses hauts-faits.

5. Mais la Philosophie
Ravit du cœur la vie,
Et fait enfler l’esprit ; Col. 2/8
Moi j’aime mieux, pour vivre,
Apprendre dans le Livre
Du cœur ouvert de Jésus-Christ.

6. Or la Théologie
Est courte, simple, unie :
C’est le SANG du Sauveur ;
Et sa GRÂCE admirable
Est pour le misérable
Le bon système de ses mœurs.

7. Faut-il donc autre chose ?      CoL. 2/10
Jésus-Christ est la cause,
L’appui, le fondement,
La règle, le sommaire,
L’objet, la fin dernière :
Jésus m’est tout absolument.

8. A cette connaissance,
Jésus, de tes souffrances
Mon cœur veut se tenir,
Content que tout le reste,
Eût-il un air céleste,
S’efface de mon souvenir.

9. Fais que la jouissance
De ton amour immense
Soit tout mon élément ;
Et qu’à mon tour je t’aime,
Jésus, mon bien suprême,
Qu’on ne connaît bien qu’en aimant.


Texte

Cher Sauveur, ta Parole
Traducteur inconnu
Dans Psalmodie morave 1785 3e édition
rév. Yves Kéler 4.8.2014 Bischwiller

Mélodie 

O Welt, ich muss dich lassen
Heinrich Isaac, 1495/1505/1539
RA 481, EG 521
fr. : O monde, viens, contemple
LP 123
Tu vas donc au supplice
LP 122
O Jésus, notre frère
NCTC 187, ARC 450, ALL 33/01


Le texte

Philosophie et Théologie

Ce chant oppose la parole de Dieu et la connaissance du Christ comme source de toute chose et toute connaissance, et ce que l’auteur appelle la « philosophie », selon ce que dit Paul en Colossiens 2/8. L’apôtre y met en garde contre « les discours séduisants des trompeurs », v. 4. Il rappelle son message : v. 6 : « Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d’après les instructions qui vous ont été données. » Il vise des gens qui interviennent dans la communauté, sans préciser, et dit : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une fausse tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur le Christ. » Cette mise en garde est précise et nette. Elle se prolonge par une affirmation dogmatique forte : « Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. »

Ces « philosophes » ne sont pas clairement identifiés. Ils semblent être plus des rhéteurs et beaux esprits que de vrais philosophes au sens premier du mot. Il semble qu’ils débattaient avec des chrétiens et cherchaient peut-être à les contredire, et de fait les détournaient probablement de la foi. Dans certains milieux orthodoxes ou piétistes, on ne voulait connaître que le texte biblique basique et toute discussion critique ou même d’éclaircissement était considérée comme antichrétienne. Cette attitude est classique des milieux fermés qui développent des tendances sectaires de repli et se ferment à la réflexion. De ce fait on oppose la Théologie à la Philosophie, toutes deux pourvues d’une majuscule. L’auteur appelle cette théologie « Notre théologie » et poursuit : « est courte, simple, unie », révélant bien cette affirmation simpliste, refusant la pensée critique. Or nous sommes au 18e Siècle, le siècle des lumières, qui met en doute toutes les orthodoxies. La strophe 3 : « Qui n’a pas cette clé Peut s’en faire un système ; Mais tout reste un problème Sans Christ, l’Agneau saint immolé. » On sent bien que ce chant exprime une attitude de repli en face du rationalisme et non une ouverture à la réflexion. D’où lé référence aux enfants de Matthieu 11/25 contre les sages de ce monde.

L’importance du « Sang » est fortement marquée, puisque celui-ci, avec la grâce, est le fondement de la foi et de la Théologie.

La Parole de Dieu

Elle est érigée en source de tout, dans une sorte d’infaillibilité. Cette idée n’est pas exprimée, mais elle est sous-jacente. Certains piétistes et évangéliques parleront de la « Parole de Dieu infaillible. Cette thèse figure aujourd’hui dans la confession de foi de la Fédération évangélique de France, laquelle commence par les mots : « Je crois que la Bible est la parole infaillible de Dieu. » Ensuite seulement il est dit : « Je crois en Dieu, le Père », puis « Je crois en Jésus-Christ », et enfin « Je crois au Saint-Esprit. » La foi en l’infaillibilité biblique est le premier point d’un Credo en 4 parties, où la Trinité est en seconde place.

Le témoignage intérieur du Saint-Esprit est relevé str. 2 ainsi que l’idée que la grâce de Dieu est la clé de lecture., mais aussi que le Christ est la clé, ce qui soumet l’A.T. au N.T. et n’accorde pas à l’A.T. une légitimité propre, comme parole de Dieu avant la venue du Christ. Le 1er article du Credo ne peut pas exister sans le 2e.

Tout se trouve en Jésus qui se trouve dans la parole. La str. 7 développe la thèse que toute la connaissance du monde est résumée en Jésus, selon Colossiens 2/10 : « Vous avez tout pleinement en lui. » Ce qui est déjà annoncé par l’hymne christologique de Colossiens 1/15-20, dans le verset 19 : « Car Dieu a voulu que toute plénitude habite en lui. »

La thèse fréquemment énoncée par Martin Luther de la nécessité de « connaître Jésus-Christ » pour accéder au salut, figure dans la strophe 8.

Emploi du chant

Si on laisse les strophes 3,5 et 6, le chant est employable. Les autres strophes ne développe pas de thème extrêmes qui seraient inacceptables, mais des thèses protestantes de base, qui sont fondées bibliquement.