C’EST UN REMPART QUE NOTRE DIEU (rév) Ein feste Burg ist unser Gott, Eglise, Reforme, Psaume 46

EGLISE
REFORME
PSAUME 46

          C’EST UN REMPART QUE NOTRE DIEU
                  ( Ein feste Burg ist unser Gott)
                              Martin Luther

    Ce chant de Martin Luther a deux versions françaises:

                   1.    Henri Lutteroth 1845
                   2.    Recueil de Montbéliard 1847

                   1.    Henri Lutteroth 1845

1. C’est un rempart que notre Dieu :
    Si l’on nous fait injure,
    Son bras puissant nous tiendra lieu
    De cuirasse* et d’armure.     
    L’ennemi contre nous
    Redouble de courroux :
    Vaine colère !
    Que pourrait l’adversaire ?
    L’Eternel détourne ses coups
                  * orig : Et de fort et d’armure

2. Seuls, nous bronchons à chaque pas,
    Notre force est faiblesse.
    Mais un héros, dans les combats,
    Pour nous lutte sans cesse.
    Quel est ce défenseur ?
    C’est toi, puissant Seigneur,
    Dieu des armées !
    Ton Eglise opprimée*
    Reconnaît son Libérateur !
                  * orig : Tes tribus opprimées
                             Connaissent leur libérateur.

3. Que les démons forgent des fers
    Pour accabler l’Eglise,
    Ta cité* brave les enfers,
    Sur le rocher assise !
    Constant dans son effort,
    En vain, avec la mort,
    Satan conspire :
    Pour briser son empire,
    Il suffit d’un mot du Dieu fort !

4.Dis-le, ce mot victorieux,
    Dans toutes nos détresses !
    Répands sur nous du haut des cieux
    L’Esprit*et ses largesses.
    Qu’on nous ôte nos biens,
    Qu’on serre nos liens,
    Que nous importe ?
    Ta grâce est la plus forte,
    Et ton royaume est pour les tiens.
                  *orig : Tes divines largesses

           Texte :           Ein feste Burg ist unser Gott
                                 Martin Luther, 1529
                                 RA 175, EG 362
                                 fr. : Henri Lutteroth 1845
                                        Chants chrétiens

           Mélodie :       Ein feste Burg ist unser Gott
                                  Martin Luther 1529
                                  RA 175, EG 362
                                  fr. : C’est un rempart que notre Dieu
                                         LP 229, NCTC 238, ARC 543,
                                         ALLéluia 37/01

                             Voir sur ce site,   rubrique  » Etudes  » : 
                                   »  Les chants de Martin Luther  « 

Le texte

la traduction française de Lutteroth

     La traduction de Lutteroth est très proche de l’original, à la fois pour le vocabulaire et pour l’intention de l’auteur. Il s’agit d’un Psaume de combat, dont le style est guerrier et qui emploie des images militaires.

1ère strophe : Lutteroth développe le  » rempart « , en faisant monter le mot  » Rüstung – armure « , appliqué par Luther à Satan, aux vers 2 et 3, et en l’appliquant à Dieu. En revanche, il développe le combat avec Satan, en réemployant, à travers  » l’Eternel détourne ses coups « , l’image de l’armure.

2ème strophe : Luther a repris le titre de Dieu,  » L’Eternel des armées « , de Ps 46/8 :  » L’Eternel des armées est avec nous, le Dieu de Jacob est notre haute retraite « . Mais il l’a appliquée à Jésus, comme  héros, champion :  » der rechte Mann – le vrai combattant  » :  » Er heisst Jesus Christ,  Der Herr Zebaoth – il s’appelle Jésus-Christ, le Seigneur Zebaoth = des armées « . En allemand, ce passage est plus facile, parce le nom de Iahvé est traduit par son substitut  » Herr « , applicable à Dieu, Jésus ou au Saint-Esprit. On peut donc appeler Jésus  » le Seigneur des armées « . En français, on a traduit  » Iahvé  » par  » l’Eternel « , et  » le Dieu des armées  » est ressenti comme étant Dieu, le Père.

       Paul Gerhardt, dans un cantique de Noël remarquable mais resté inconnu : « Shaut, schaut, was für ein Wunder dar« , emploie la même expression pour le Christ. Il reprend Apocalypse 1/8 et parallèles 21/6 et 22/13, en donnant au Christ le titre d’Alpha et d’Oméga, attribué au Père. De même, il reprend Esaïe 9/5, qui donne la liste des titres royaux du Messie, en rendant « Dieu puissant » par « Der grosse Gott » et en y ajoutant « Herr Zebaoth« , pris d’Esaïe 6/3, comme Luther. Voici le texte de cette strophe: 

               Er ist der eingeborne Sohn             Il est le Fils unique
               Des Vaters, unser Gnadenthron,     Du Père, notre trône de gloire,
               Das A und O, der grosse Gott,       L’A et l’O, le grand Dieu,
               Der Siegesfürth, Herr Zebaoth.       Le prince de victoire, le Seigneur des
                                                                      armées ( Cranach-Sichart 49-7/11)

          Lutteroth reprend l’image de Luther, mais, ne pouvant écrire « Seigneur des armées », à cause du nombre 2 de syllabes que fait »Seigneur », dit « Dieu des armées », où Dieu ne fait qu’une syllabe. Or jusqu’à présent, personne ne s’y est trompé.

3ème strophe : Cette strophe est concentrée sur le Diable. Lutteroth reprend bien cette intention de Luther. Luther parle de  » Fürst dieser Welt – prince de ce monde « , que Lutteroth transpose dans  » son empire « 

4e strophe : Le célèbre « Das Wort sie sollen lassen stahn, und kein Dank dazu haben – Il faut qu’ils maintiennent ta parole, il n’y a pas de raison de les (en) remercier ! » est probablement intraduisible, car c’est un germanisme : il n’y a pas de raison de remercier quelqu’un de  laisser en paix ce qui n’a pas de raison d’être changé !  Autrement dit : ne vous mêlez pas de ce qui n’est pas votre affaire, mais celle de Dieu ! Lutteroth contourne la difficulté en disant :  » Dis-le, ce mot victorieux « , c’est-à-dire :  » Si c’est bien l’affaire de Dieu, que lui prenne la parole.  » Luther parle de  » Geist und Gaben – Esprit et dons « , que Lutteroth traduit un peu platement par  » divines largesses « . La partie finale, très véhémente chez Luther :  » Nehmen sie den Leib, Ehr, Kind und Leib – S’ils prennent nos corps, notre honneur, nos femmes et nos enfants « , est assez bien rendue par Lutteroth :  » Qu’on nous ôte nos biens, Qu’on serre nos liens « . On aimerait un langage plus concret, mais l’époque romantique n’aimait pas ce style.

        Au total, Lutteroth a bien rendu ce chant de Luther. Il en a senti le côté combatif, utile au 19e Siècle dans le combat du Réveil genevois et réformé en général.

corrections du texte

    J’ai fait trois corrections au texte de Lutteroth, signalées par des astérisques :

– 1ère strophe :  » cuirasse  » au lieu de  » fort « . Le mot  » fort  » désignait la partie blindée de la poitrine de la cuirasse. Il a servi dans château-fort, un fort, et fortin, dans le sens de  » lieu renforcé par une grande épaisseur de matière « . Mais il est vieilli dans ce sens : cuirasse le remplace avantageusement.
– 2ème strophe :  » Tes tribus opprimées  » est une allusion au texte du Psaume et à Dieu, le Sauveur de Jacob. Cette expression est sentie aujourd’hui comme du patois de Canaan, et n’est pas nécessaire. Puisqu’il s’agit du salut de l’Eglise, employons ce mot.
– 4e strophe :  » L’Esprit et ses largesses « . Nous avons signalé plus haut que Luther parle de  » Geist und Gaben – Esprit et dons « . J’ai réintroduit ce vers dans le texte français.

les corrections de ALLéluia 37/01

a. la révision de LP 229

   NCTC et ARC n’ont pas touché au texte. En revanche, ALLéluia l’a fait. Les corrections proposées enlèvent le caractère combatif et animé du texte, par des expressions générales.

       Il y a aussi quelques destructions étonnantes, comme dans la 1ère strophe : on a voulu enlever  » Dieu des armées « , que la pensée actuelle récuse, y voyant du militarisme. On a mis  » Vrai Dieu, vrai homme  » ! Cette définition du Credo de Nicée pour le Christ n’a pas sa place ici. Le Christ ne combat pas parce qu’il est vrai Dieu-vrai homme, mais parce qu’il est le héros envoyé par Dieu. Il faut rester dans le style du combat. Une définition des deux natures en Christ n’est pas dans l’intention de Luther dans ce cantique, ni de Lutteroth. 

             En revanche, la correction de la 4ème strophe :  » Ta force et ta sagesse  » se rapproche de  » Geist und Gaben  » et est une correction acceptable.

b. la révision-retraduction de Henri Künzler 2001

    Ce texte est un mélange de révision et de retraduction. A la strophe 1,  » Dieu rit  » est repris du Psaume 2/4, mais fait l’effet d’un corps étranger. A la strophe 2, on retrouve le même problème que pour la révision de LP 229 : on introduit  » Dieu vrai, fait humain « , pour remplacer  » Dieu des armées « . Le même commentaire s’applique ici.   

       Un problème de langue apparaît avec deux mots :  » Violent  » 1ère str. et  » foritifiés  » 4e str.  » Vi-o-lent  » a trois syllabes, et  » for-ti-fi-é  » hésite entre quatre et trois. Ces mots sont  » savonneux  » et dangereux. Il ne faudrait pas les employer à certains endroits, car le fidèle ne sait pas comment les chanter et se trope à tous les coups. (C’est le même problème avec le  » sanctifié  » et la  » tentation « , dans le Notre Père : dans les formes chantées, rarement ces deux mots n’accrochent pas).

        Au total, la révision de LP 229 dans ALLéluia 37/01 me paraît peu heureuse, et la révision-retraduction de Künzler sous ALLéluia 37/02 ne me convainc pas: elle est plus une destruction du texte qu’une révision. Je propose qu’on garde le texte de Lutteroth, comme l’avaient fait NCTC et ARC, en apportant quelques corrections mineures de vocabulaire

La mélodie

  Il en existe deux formes : celle de Martin Luther, de 1529, modifiée légèrement en 1533, et la forme simplifiée, datée par RA de 1738, et remaniée en 1899. C’est cette dernière qui est devenue classique, en allemand comme en français. Elle porte bien le texte, ferme, combatif et énergique. Les notes doubles tombent différemment en allemand et en français, mais cela est dû à la prononciation dans chaque langue et ne pose pas de problème.

        La forme ancienne est peu employée, même en, Allemagne, et il semble qu’on ne pourra pas la rétablir dans les paroisses, ni là-bas, ni en France. On l’a mise dans ALLéluia : qui sait ? Je pense qu’elle peut être utile aux chorales. Mais l’expérience montre qu’en français les formes simplifiées se sont imposées. Par exemple dans «  Wie schön leuchtet der Morgenstern – Brillante étoile du matin  » ou  » O Haupt voll Blut und Wunden – Chef couvert de blessures « , la forme simplifiée est la seule connue en français. On peut le regretter, mais je pense qu’il est difficile de changer cette situation. A moins d’un travail avec les paroisses, mais ceci n’est pas une préoccupation pour beaucoup.

                       2.      Recueil de Montbéliard 1847

1. C’est un rempart que notre Dieu,
    Une retraite sûre,
    Notre délivrance en tout lieu,
    Une invincible armure.
    L’ancien ennemi
    De rage a frémi ;
    Perfide et jaloux,
    Il s’arme contre nous
    Du glaive et de l’injure.

2. A quoi servent tous nos travaux
    Dans ce péril extrême ?
    Pour nous combat le vrai héros
    Choisi par Dieu lui-même.
    Qui est* ce Sauveur ?
    C’est Christ, le Seigneur,
    Le Dieu saint et fort,
    Dans la vie et la mort,
    Le** Rédempteur suprême !
                  * orig : Connais
                  ** orig : Ton
· 
3. Et quand les démons furieux
    Rempliraient cette terre,
    De ces tyrans audacieux
    Qu’importe la colère !
    Le Dieu tout-puissant
    Est ici présent.
    Prie et ne crains rien :
    Un seul mot, ô chrétien,
    Terrasse l’adversaire.

4. Ce mot, c’est du grand Roi des rois
    La Parole immortelle ;
    Le monde et l’enfer à la fois
    Ne peuvent rien contre elle.
    Prenez corps et biens,
    Femme, enfants, soutiens :
    Efforts superflus !
    Ton royaume, ô Jésus,
    Reste au chrétien fidèle.

        Texte :         Ein feste Burg ist unser Gott
                            Martin Luther 1529
                            RA 175, EG 362
                            Traduction anonyme
                            Recueil de Montbéliard 1847, 1923
                            LP 228
                            correction 1ère str : Yves Kéler 2006

        Mélodie :     Ein feste Burg ist unser Gott
                             Martin Luther 1529
                             RA 175, EG 362
                             fr.: C’est un rempart que notre Dieu
                                  LP 229, NCTC 238, ARC 543
                                  ALLéluia 37/01

La traduction de Montbéliard 1847

     Elle est anonyme, comme beaucoup de ces travaux au 18e et 19e Siècles. L’auteur a vu les principaux problèmes que nous avons relevé plus haut pour la traduction, contemporaine, de Lutteroth. Beaucoup de solutions sont bonnes. C’est la raison pour laquelle on avait laissé côte à côte les deux textes dans le Louange et Prière.

        La traduction de Lutteroth l’a emporté avec le temps, car elle est plus coulante, plus  » envoyée  » comme on dirait familièrement. De ce fait NCTC et ARC n’ont pas repris celle de Montbéliard. C’est pourquoi ALLéluia l’a reprise. Mais le texte de Montbéliard a des qualités réelles, et on peut l’employer à côté de l’autre pour varier.

La mélodie

  Pour le texte de Montbéliard, la mélodie est différente. En fait elle est conforme à l’original simplifié, c’est à dire qu’elle met des finales masculines aux vers 6,7,8 et 9, et des féminines au dernier vers. La mélodie de Lutteroth place deux féminines aux vers 7 et 8, et une masculine à la fin. Il faut en tenir compte si on veut jouer la mélodie pour une emploi éventuel du texte de Montbéliard.