DEVANT TA CRECHE TU ME VOIS (rév) Ich steh an deiner Krippe hier, Noël

NOËL

           DEVANT TA CRECHE TU ME VOIS
                Ich steh an deiner Krippen hier

Mélodie : Ich steh an deiner Krippe hier 
                        Es ist gewisslich an der Zeit

1. Devant ta crèche tu me vois,
    Penché sur ton visage.
    Tout ce que j’ai, je te le dois,
    Je veux t’en faire hommage.
    Prends-moi tout entier, prends mon cœur :
    A toi Jésus, divin Sauveur,
    J’appartiens sans partage !

2. Je n’étais pas encore né,
    Pour moi tu vins au monde !
    Depuis toujours tu m’as aimé
    D’une amitié profonde.
    Avant que ta main ne m’eut fait,
    Dans ta prescience tu savais
    Comment sauver ton œuvre.

3. Perdu dans l’ombre de la mort,
    Je pleurais de détresse.
    Mais ton amour change mon sort,
    Dissipe ma tristesse.
    Tu viens pour m’attacher à toi,
    Et dès ce jour tu mets en moi
    Ta joie et ta richesse.

4. Comment te recevoir, Seigneur,
    La distance est extrême
    De la poussière au Créateur,
    De l’homme au Dieu suprême !
    Mais si grande est ta charité,
    Que tu n’as jamais rejeté
    Un humble cœur qui t’aime.

5. Les biens, les gloires d’ici-bas,
    N’ont rien pour te séduire.
    Seigneur, tu marches vers la croix,
    Tu nais pour le martyre.
    Tu viens m’offrir, ô mon Sauveur,
    Le pain, le pardon, le bonheur,
    Auxquels mon âme aspire.

6. Jésus, jette un regard sur moi,
    Accorde-moi la grâce
    De vivre et de mourir en toi,
    De contempler ta face !
    Choisis mon cœur pour ton séjour,
    Qu’il t’appartienne, et chaque jour,
    Reviens y prendre place !

            Texte :          Ich steh an deiner Krippe hier
                                 Paul Gerhardt, 1607-1676, 1653
                                 RA 33, EG 37
                                 fr. : Ch. Ecklin 1858-1935, LP 100, str 1,2,3
                                        Psalmodie morave 1766, LP 104 str 2,4
                                        Georges Pfalzgraf, str 2
                                        Rétablissement du chant complet:
                                        Yves Kéler, 1980
                                 fr. : voir : Devant ta crèche tu me vois
                                        ARC 370
                                        Voir : Devant ta crèche tu me vois
                                        Georges Pfalzgraf
                                        ABD 502

                                 dans Psalmodies moraves, en 6 strophes
                                 1785 – 1839 : n° 31, 1862, n°
                                 original allemand non signalé
                                 traducteur non signalé
                                 rév. : Yves Kéler, 4.8.2014 Bischwiller

            Mélodie :        Ich steh an deiner Krippe hier
                                 J.S.Bach, 1736
                                 RA 33, EG 37
                                 fr. : Devant ta crèche tu me vois
                                       ABD 502          

                 ou           Es ist gewisslich an der Zeit
                                15e S., Wittenberg 1529, 1533
                                mélodie du Dies irae
                                RA 427, EG 149
                                fr. : Devant ta crèche tu me vois
                                      LP 100, NCTC 175, ARC 370, ALL32/09

Le texte

     L’original de ce chant est un cantique de Paul Gerhardt :  » Ich steh an deiner Krippe hier », qui compte 15 strophes.  

        Le texte de la traduction donné ici est l’assemblage de trois sources.

        1.  LP 100 Devant ta crèche, tu me vois : strophes LP 1 = 1 Kéler
                                                                                      2 = 3 
                                                                                      3 = 6
        2.  LP 104 Devant ta crèche prosterné :    strophes LP 2 = 5 Kéler
                                                                                      4 = 4
        3.  Georges Pfalzgraf                                                      2

        Les deux premières sources proviennent de textes du LP, l’un de Ch.Ecklin, 1858-1935, l’autre des Psalmodies Moraves de 1766. Je n’ai pas réussi à trouver les textes originaux pour l’instant. Mais l’édition de 1785, puis 1796 et 1839, donne un texte en 6 strophes, dont les formes de LP sont un raccourcissement à 5 strophes. 

       On remarquera que les strophes de ces chants sont le reste de traductions complètes et précises, puisqu’on peut identifier chaque strophe en la comparant à l’original allemand. C’est ainsi que j’ai reconstitué l’ensemble, en ajoutant pour la 2ème strophe, manquante dans LP,  celle d’une traduction de Georges Pfalzgraf. De cette façon, les strophes allemandes et françaises se correspondent, matériellement et textuellement. La traduction des trois auteurs étant excellente, on a une bonne idée de ce qu’est le chant de Paul Gerhardt en entier.

        Paul Gerhardt a composé là une des plus belles évocations du croyant devant la crèche du Christ.

        Il y a d’abord la dimension mystique, qui fait rapprocher la crèche du cœur du fidèle, dans la 1ère strophe. Plusieurs termes, tels que : amour, amitié profonde (str 2), m’attacher à toi (str 3), te recevoir (str 4), tu viens m’offrir (str 5), choisis mon cœur pour ton séjour (str 6), montrent le lien étroit, spirituel, aimant, presque physique, entre le fidèle et le Christ.

        Cette mystique personnelle n’est pas subjective. Elle est basée sur l’objectivité du salut. Là aussi, le vocabulaire le montre : Jésus, divin Sauveur (str 1), Je n’étais pas encore né, dans ta prescience tu savais (str 2), Tu viens pour m’attacher à toi (str 3), La distance est extrême (str 4), Seigneur, tu marches vers la croix (str 5), Accorde-moi la grâce (str 6). Le salut est l’œuvre de Dieu et du Christ, mais accompli avec tant d’amour pour la créature, que celle-ci ne peut que recevoir ce Christ et le contempler dans sa crèche, et dans son cœur, qui en est le miroir.

        L’ensemble est une prédication sur l’œuvre de salut de Dieu, commencée avant la création du monde. On retrouve la thèse johannique du logos, présent de toute éternité auprès de Dieu, et que Dieu réserve pour accomplir le salut de la créature. Ce logos devient chair et apparaît visible au monde dans la crèche : Jean 1/14. Cette lecture est celle du premier jour de Noël, le 25.12. Le texte du chant est relié au culte et à la communauté par cette lecture. Ce qui fait que ce cantique, écrit en  » Ich-moi « , devient le chant de toute la communauté et exprime son attachement au même Christ. Le texte, malgré sa forme, n’est pas individualiste.

La mélodie

       Elle est de Jean-Sébastien Bach, probablement la plus belle de celles qu’il a faites. Bach a fait peu de mélodies de chorals, il a surtout illustré celles des autres.

        La mélodie est très descriptive : elle monte en une belle courbe tendue, et descend de la même manière. Cette double courbe ascendante et descendante est répétée, selon la formule classique du choral. Dans la partie oblique, Bach reproduit énergiquement cette courbe montante et la répète, prolongeant la répétition de la partie directe. Il achève par une élégante courbe montante, qui retombe en ralentissant, comme une révérence, et prépare le nouveau départ de la strophe suivante.

        La mélodie suit le mouvement ascendant et descendant du texte :

        courbe mélodique montante           courbe mélodique descendante   
        texte à mouvement ascendant        texte à mouvement descendant

        Devant ta crèche, tu me vois,        Penché sur ton visage
        Tout ce que j’ai, je te le dois,        Je veux t’en faire hommage
                 Prends-moi tout entier,        prends mon cœur,  
                                 A toi Jésus,         divin Sauveur
                        J’appartiens sans          partage.

        Il faut chanter ce texte avec une certaine intériorité, et ne pas aller trop vite. Laisser la mélodie s’étendre. Se rappeler que ce chant est la production de deux génies, l’un poétique, l’autre musical, et qu’ici on a affaire à un sommet du choral luthérien, à la théologie puissante et à la mystique profonde.