PASSION
VENDREDI SAINT
JE TE CONTEMPLE, Ô SPLENDEUR SAINTE to
Révision de LP 129
1. Je te contemple, ô splendeur sainte,
O Christ, lumière du Dieu Roi !
Sur cette croix tu t’es éteinte,
Et c’est à cause, hélas ! de moi.
Eteins en moi le triste feu
Que mon désir porte en tout lieu !
2. Miroir très pur où luit la face
Du Dieu qui règne au plus haut ciel,
Toute beauté chez toi s’efface
Sous tant de coups, de sang, de fiel !
Efface en moi tout le péché
Auquel mon cœur s’est attaché.
3. O belle image du Dieu Père,
Cœur par l’amour sans cesse empli,
Comme la haine ici t’altère,
Que la violence t’a sali !
Viens en moi pour régénérer
Mon pauvre cœur défiguré.
4. Devant ta croix, devant ta face,
J’ai vu, Seigneur, ton long tourment.
Accorde-moi que je t’embrasse
Dans ton suprême abaissement !
Et dans le ciel, au dernier jour,
Embrasse-moi, Christ, à ton tour !
Texte : Je te contemple, ô splendeur sainte
Charles Dombre1936,
d’après Heinrich Suso, +1366
rév: Yves Kéler 1985
Mélodie : Wer nur de lieben Gott lässt walten
Georg Neumark 1657
RA 454, EG 369
Frs: Je te contemple, ô splendeur sainte LP 129
Splendeur et gloire sur la terre NCTC 189
Le texte :
Ce texte de Charles Dombre est une petite perle de poésie religieuse, dérivée d’un texte du mystique allemand Heinrich Suso ( ou : Seuse), qui vivait dans l’Allemagne du Sud. Né à Constance vers 1295, Suso mourut à Ulm en 1366. Dominicain, il fut un élève du mystique dominicain allemand Eckart, appelé Meister – Maître Eckhart, et devint professeur de théologie à Constance.
Il reprend dans ce chant la contemplation du Christ, et en particulier la vision de Saint-Bonaventure, général des Franciscains et grand écrivain mystique, qui voit le Christ se détacher de la croix et tomber dans ses bras. Cette image a joué un grand rôle dans la piété christique, aussi chez les protestants. On la trouve par exemple dans la dernière strophe de » O Haupt voll Blut und Wunden » – » Chef couvert de blessures « , de Paul Gehardt RA 76, EG 63 : » Und lass mich sehn dein Bilde In deiner Kreuzesnot. Da will ich nach dir blicken, Da wil ich glaubensvoll Dich fest an mein Herz drücken » : » et fais-moi voir ton image Dans la détresse de ta croix. Là, je veux te regarder, Je veux te serrer fort sur mon cœur. » Charles Dombre a repris l’image dans la dernière strophe de son chant : » …que je t’embrasse Dans ton suprême abaissement » et » Embrasse-moi, Christ, à ton tour « .
L’image du miroir, par définition une image » contemplative » commande tout le chant. Elle était courante au Moyen-Age. Elle pouvait désigner le Christ, miroir de Dieu, ou encore la Vierge Marie, miroir de l’amour de Dieu. Le miroir pouvait aussi être un livre, qui développait ces idées : Bonaventure en a écrit un, intitulé : » Speculum Mariae Virginis « . Du 16e au 18e Siècles, il existe de nombreux livres de piété protestants appelés » Seelenspiegel « , miroir de l’âme, ou » Glaubensspiegel « , miroir de la foi. L’image du miroir visait également la sagesse et la folie. Au 16e Siècle, vécut dans les Flandres le célèbre Eulenspiegel, » miroir de la chouette « , représenté avec un miroir dans la main et une chouette sur l’épaule, habillé d’un vêtement de fou de cour. Il est devenu le symbole de l’intelligence ridiculisant la bêtise : en regardant dans le miroir tendu par Eulenspiegel, on pouvait découvrir sa folie et devenir sage. Son nom est passé en français dans le mot » espiègle « , qui avait ce sens au départ.
Charles Dombre exploite l’image du miroir dans sa composition poétique, en reprenant certains mots visant le Christ, et en les appliquant, comme réfléchis, au chrétien : str 1 : Christ, lumière éteinte – éteins en moi. Str 2 : toute beauté s’efface – efface en moi. Str 4 : je t’embrasse – embrasse-moi. Dans la strophe 3, les mots ne concordent pas, mais l’image d’ altère renvoie à régénérer. Dombre reprend donc cette idée que la contemplation du Christ me permet, par l’effet du miroir, de recevoir en moi les dons du Christ, lequel me transforme à son image.
Ce texte a été retouché dans NCTC 189. Malheureusement, le résultat est plus que mauvais : on obtient une véritable destruction du chant de Dombre. On n’a pas essayé de comprendre le texte, ni de remonter à ses sources. Cette prétendue » révision » est un exemple caractéristique de la méthode superficielle de travail employée dans NCTC.