MA LANGUE CHANTE JESUS-CHRIST | Pange, lingua – Tantum ergo sacramentum (trad) Sainte Cène to

SAINTE CENE
Préparation
Action de grâces

          MA LANGUE, CHANTE JESUS-CHRIST to

                                Pange, lingua

                                           et
                   Tantum ergo sacramentum

                          St Thomas d’Aquin

   Pange, lingua  (Chante, langue !)

1. Ma langue, chante Jésus-Christ
    Et rends gloire au mystère
    De son corps né du Saint-Esprit,
    De son sang salutaire
    Qui sortit en flot de son sein,
    Qu’il versa pour tous les humains,
    Sur l’ordre de son Père.

2. Donné pour nous et né pour nous
    De par Marie, sa mère,
    Il vécut au milieu de tous,
    En leur parlant du Père.
    Son ministère alors fini,
    Il acheva son temps ici
    D’étonnante manière :

3. Placé à table avec les siens,
    Dans la nuit de la Cène,
    Selon la loi, il prend le pain,
    Et puis la coupe pleine.
    Il les leur donne de sa main :
     » Prenez, mangez, ne craignez rien,
    Gardez l’âme sereine ! « 

4. Le Verbe incarné dit du pain :
     » C’est mon corps, ma présence  » ;
    Et de la coupe emplie de vin :
     »  C’est mon sang de l’alliance « .
    Les deux sont un en vérité :
    La foi les voit dans l’unité,
    L’amour et l’espérance.

      Tantum ergo sacramentum 
  (Si grand donc est le sacrement)

5. Si grand donc est ce sacrement,
    Qu’il nous faut rendre grâces !
    Le rite ancien, l’autel sanglant,
    Devant le Christ s’efface !
    Jésus-Christ a institué
    La Cène pour nous fortifier
    Dans la foi, sur ses traces.

6. A Dieu le Père, au Fils Jésus
    Gloire et magnificence,
    Honneur et joie, force et salut,
    Et toute la puissance !
    A l’Esprit saint issu des deux
    La même gloire dans les cieux,
    La même révérence !

             Texte :          Pange, lingua,
                                      gloriosi Corporis mysterium
                                  Chante, langue,
                                      Le mystère du corps glorieux
                           Et    Tantum ergo sacramentum
                                      Si grand donc est le sacrement
                                  St Thomas d’Aquin 1225-1274
                                  Chants de la messe romaine
                                  frs : Yvres Kéler 15.3.2006
              

             Mélodie :     Du Lenbensbrot, Herr Jesu Christ
                                 Peter Sohren 1668, Halle 1704
                                 RA 46, EG 329
                                

                Commentaire commun à tous les chants de St Thomas d’Aquin
                                                      

Saint Thomas d’Aquin et ses chants

    St Tomas d’Aquin, 1225-1275, est un des plus grands théologiens de la chrétienté. Disciple d’Albert le grand, qui était un génie universel, Thomas devint un des grands professeurs de la Sorbonne de Paris. Il a écrit de nombreux livres, dont le plus connu est la Somme Théologique.

        En tant que dominicain, de l’Ordre des Prêcheurs né de la lutte contre les Albigeois, il fut aussi engagé dans la vie de l’Eglise et dans la piété de son temps. Cela l’a amené à composer des chants. En particulier pour la messe, qui sont devenus des classiques de la liturgie catholique romaine.

        Parmi ceux-ci, il faut citer :

   1.    Adoro te, latens Deitas            
                 Je t’adore, Déité (= nature divine) cachée
   2.    Factus cibus viatorum      
                  Devenu la nourriture des pèlerins
   3.    Lauda Sion, Redemptorem
                  Loue, Sion, le Redempteur
   4.    Pange, lingua, gloriosi corporis mysterium 
                  Chante, ô langue, le mystère du corps glorieux
   5.    Supernum Verbum prodiens a Patre
                  Verbe d’en haut venu du Père
   6.    Tantum ergo sacramentum     
                  Si grand est le sacrement
                             associé au Pange, lingua

        Sont traduits sur ce site, sous le nom suivant :

   1. Adoro te :       
                 Je te bénis, Jésus ! Ma vie est pleine     
   2. Pange, lingua     
                 Ma langue, chante Jésus-Christ  str 1-4
   6. Tantum sacramentum
                 Si grand donc est ce sacrement     str 5+6 du précédent
   5. Supernum Verbum  
                 Verbe éternel venu des cieux,  (dans ABD 539)

       Ce dernier chant a été traduit en allemand par Rudolf Alexander Schroeder, en 1932-34, sous le nom de  » Das Wort geht von dem Vater aus « , RA 291, EG 223.

Théologie des chants de St Thomas d’Aquin

   De ses textes se dégagent trois sources, qui s’expriment dans un mouvement dynamique et précis, formulé dans une poétique excellente. 1° la source biblique, 2° la source dogmatique, dominée par la transsubstantiation, 3° la source de la piété personnelle et du peuple de l’Eglise. Les thèmes bibliques et ceux de la piété ne posent pas problème aux protestants. Au contraire, les formulations de Thomas sont différentes des expressions habituelles des protestants, surtout français, et apportent des idées et des images nouvelles.

        En revanche, la transsubstantiation matérielle n’est pas acceptée par les Réformateurs. Luther soutient la consubstantiation, Calvin la représentation. Thomas d’Aquin va dans le sens de la présentation, c’est-à-dire que dans le pain et le vin sont présentés matériellement, physiquement et réellement le corps et le sang du Christ. Pour Luther, le corps et le sang du Christ ne prennent pas la place du pain, ils s’y associe. Pour Calvin, le corps et le sang du Christ sont présents réellement dans la Cène, spirituellement, mais pas nécessairement rattachés au pain et au vin. Ces nuances ne sont pas que subtiles. Elles sont décisives. Entre es catholiques romains et les protestants, la différence est insurmontable : pour les catholiques, pain et corps, et et sang s’identifient, pour les protestants ils restent côte à côte et différents. du

Le patrimoine du protestantisme

        Les chants de St Thomas sont donc reçus par les protestants, pour leur source biblique et leur source de piété, mais pas pour leur dogmatique quant à la transsubstantiation. C’est dans cet esprit que ces traductions sont établies. R.A. Schroeder fit de même pour sa traduction du  » Verbum Supernum prodiens « . Les chants de St Thomas d’Aquin font de cette façon partie du patrimoine du protestantisme.

                                     Commentaire particulier aux deux chants

                                  Pange, lingua    Ma langue chante Jésus-Christ

                         Tantum ergo sacramentum    Si grand donc est ce sacrement

Le texte

Le  » Pange, lingua  » dit d’emblée son intention : louer le corps et la sang du Christ, et non pas le Christ lui-même. Il s’agit d’un chant pour la messe, centré sur la contemplation du corps et du sang sous les espèces du pain et du vin. Espèces, du latin  » species « , ce que voit, ce que Luther appelait le signe visible.

        Que voit-on sous ce signe ?  » Corpus gloriosum « , le corps glorieux, donc ressuscité, du Christ, et  » sanguis pretiosis « , son sang précieux, selon la parole de I Pierre 1/19 :  » Vous avez été rachetés, non pas à prix d’argent ou d’or, mais par le précieux sang du Christ « . St Thomas insiste sur ceaspect du prix, en employant deux mots :  » pretium mundi – prix du monde, ce que coûte le monde, et  » pretiosus sanguis – sang qui coûte « .

        Dans la 2ème strophe, il raconte le ministère de la parole du Christ et son achèvement par la Cène. La 3e strophe rappelle que le Christ a célébré la Pâque selon la loi juive, la 4e strophe commente les paroles d’institution. Il emploie une formulation latine impossible à traduire dans une forme chantable. En effet, la concision maximale du latin ne peut être rendue :

         » Verbum caro ,  panem verum,  Verbo carnem efficit »
           le Verbe chair, par son verbe,  fait de sa chair le vrai pain

        Il termine par une affirmation que la foi seule, sola fides, permet de comprendre cela.
       

Le Tantum ergo sacramentum forme comme une seconde partie du premier, et a la forme d’une action de grâces. Il insiste sur le caractère nouveau du sacrement,  » ritus novus – rite nouveau « , qui abolit le  » documentum antiquum « , le modèle ancien, c’est-à-dire l’ancienne alliance et son sacrifice sanglant  Une belle doxologie trinitaire achève le chant, reprenant le vocabulaire du Credo de Nicée :   » Genitori genitoque – au géniteur et à l’engendré « ,  » Procedenti ab utroque compar sit laudatio – à celui qui procède des deux soit identique louange « .

Le style de St Thomas est précis et ample. Il développe chaque strophe en 6 vers, de 8 et 7 syllabes féminines, ce qui donne pour structure :  VI 8f-7f, 8f-7f / 8f-7f. Les vers se succèdent en trois groupes de 2 vers, dont les rimes sont identiques. Par exemple, à la 1ère strophe : -osi et -ium, à la 2ème : -atus et -ine. Les rimes sont toujours riches, c’est-à-dire qu’elles couvrent 2 syllabes, la dernière et l’avant dernière.

        
La
mélodie

        J’ai choisi de rester dans le modèle du texte de St Thomas, mais dans une structure de 7 vers : VII 8-7f, 8-7f / 8-8, 7f,  et en employant la mélodie  » Du Lebensbrot, Herr Jesus Christ « , qui est un ancien chant de Sainte Cène, provenant semble-t-il de Halle et du livre de cantiques piétiste de Freylinghausen. Ce chant exprime le bonheur de participer à la Cène, et rappelle par certains accents St Thomas. La mélodie est bien construite ferme et souple, mélodieuse, et porte nien le texte de St Thomas.

        ( Le chant original a disparu de nos livres de cantiques allemands actuels. On le trouve  dans Knapp 1837, sous le n° 939) .

L’emploi des deux parties du chant

Dans l’Eglise catholique, ces deux chants sont liés à l’Adoration du Saint-Sacrement. Le  » Pange, lingua  » se chante à la Fête-Dieu, avant l’évangile, et se chante aussi dans la procession de la Fête-Dieu. Dans certaines paroisses, seulement dans cette procession. Le  » Tantum ergo  » se chante toute l’année, dans les offices d’adoration du saint-Sacrement.

        Pour l’usage chez les protestants, on peut proposer l’emploi suivant :

–  le premier comme chant d’entrée de la Sainte-Cène, où il aura la fonction de préparer à la liturgie de la Cène.

– le second, comme cantique d’action de grâces, avant la prière d’action de grâces.

        Les deux peuvent être associés, comme graduels, à une des lectures dans un culte particulièrement centré sur la Cène. Par exemple, le Jeudi saint, fête de l’Institution de la Cène.