NOËL
O PEUPLE FIDELE to
Adeste fideles
révision de LP 101
Luc 2/14-16
Strophes latines :
1. O peuple fidèle, 1. Adeste fideles
Jésus vous appelle !
Venez, triomphants, joyeux,
Venez en ces lieux !
O peuple fidèle,
Venez voir le Roi des cieux !
Que votre amour l’implore,
Que votre foi l’adore
Et qu’elle chante encore
Ce don pré-ci-eux !
2. Dans une humble étable, 2. En, grego relicto
Froide et misérable,
Des bergers remplis d’amour
Lui forment sa cour !
Dans cette humble étable
Accourez à votre tour !
Que votre amour l’implore,
Que votre foi l’adore
Et qu’elle chante encore
Sa gloire en ce jour !
3. O Christ, Roi des anges, 3. Deum de Deo
Captif dans les langes, +
Splendeur pure et sans déclin 4. Aeterni parentis
Du père divin ;
O Christ, Roi des anges,
Voilé sous un corps humain :
Que votre amour t’implore,
Que votre foi t’adore
Et qu’elle chante encore
Ton règne sans fin !
4. Troublant de mystère, 5. Pro nobis egenum
Dans la crèche austère,
Jésus-Christ, Verbe incarné,
Vient nous visiter.
Il prend nos misères :
Qui pourra l’aimer assez ?
Que votre amour l’implore,
Que votre foi l’adore
Et qu’elle chante encore
Les jours annoncés !
5. Il vient sur la terre ?
Fléchir la colère
De Dieu, notre Créateur,
Sauver le pécheur.
Il vient, tel un frère,
Votre puissant Rédempteur :
Que votre amour l’implore,
Que votre foi l’adore
Et qu’elle chante encore
Jésus, le Sauveur !
6. Esprits de lumière, 6. Cantet nunc » Io «
Messagers du Père,
Et vous, peuples en tous lieux,
Entonnez, joyeux :
» Paix sur cette terre
Et gloire à Dieu dans les cieux ! «
Que votre amour l’implore,
Que votre foi l’adore
Et qu’elle chante encore
Le Fils, don de Dieu !
? Doxologie 7. Ergo qui natus
Texte : Adeste fideles
John Francis Wade, 1750,1788 (1710-1786),
avec d’éventuels compléments
frs : Jean François Borderies,1790,1833
LP 101 6 str
NCTC 177 3str, ARC 359 : 3 str,
Alléluia 2005 32/22 3str
rév: Yves Kéler, 1985
Mélodie : Adeste fideles
John Reading ?, avant 1681 , 1782 (1667-1764)
frs : O peuple fidèle
LP 101, NCTC 177, ARC 359,
Alléluia 2005 32/22
alld : Herbei, o ihr Gläubigen
EG 45
A. Le texte
a. L’auteur du texte latin et le traducteur français
L’auteur du texte latin est l’anglais John Francis Wade, (1706-1786), né et mort à Londres. Wade était catholique, et a travaillé comme professeur au collège catholique de Douai, dans le Nord de la France, » because it was a great catholic center « , dit son biographe. En effet, à Douai on formait des Anglais dans le catholicisme, avec l’intention de ramener sur le trône une dynastie catholique romaine, dans la personne de James II, des Stuart, chassé d’Angleterre en 1688. Cette tendance, qu’on retrouve dans tout un mouvement catholique anglais, partiellement en exil sur le continent, est appelée » jacobitisme » ( du nom du roi, James étant Jacques, dérivé de Jacobus latin) ;
Wade a composé de nombreux chants, et a beaucoup travaillé à l’établissement de partitions de chants et de textes liturgiques. Son Adeste fideles existe dès 1750, en plusieurs versions, l’actuelle employée étant de 1788. Ce chant eut un grand succès.
Il fut traduit dès 1790 en français par Jean François Borderies, prêtre réfractaire, réfugié cette année-là à Anvers. Revenu en France après la tourmente révolutionnaire, ce dernier prit l’initiative, avec un autre prêtre Ramond Lalande, de louer la Sainte-Chapelle à Paris pour y célébrer la messe. En 1827, Charles X le nomme évêque de Versailles. Réorganisateur de son diocèse, il a écrit un » Catéchisme de Versailles « , qui eut un grand s retentissement.
Le chant de Wade fut aussi traduit en allemand par Friedrich Heinrich Ranke (1798-1876) (qui est aussi l’auteur de Tochter Zion, dont la mélodie prise chez Haendel est celle de » A toi la gloire « ). Le titre est « Herbei, o ihr Gläubigen ». Ranke a utilisé les deux bases, la latine et la française, pour son texte. EG 4 donne 4 strophes (Kompnisten und Liederdichter des EG 1990). Il existe une traduction anglaise, due à Frederick Oakeley, de 1841, que le » Hymnal Companion to the Book of Common Prayer » 1904, donne en 4 strophes. Le titre anglais est : » Oh come, all ye faithful »
b. Le texte original latin
Pour autant que j’ai trouvé le bon ! Car il en existe différentes formes, pour deux raisons : 1° il semble que Wade lui-même en aurait proposé des variantes, le texte définitif étant celui de 1788 (?) ; 2° ce cantique était devenu si populaire qu’on y ajouta des strophes de ci-de là. De ce fait, les différents livres de chants catholiques et les sources Internet proposent des strophes diverses, dont on ne sait pas dans quel ordre les mettre.
Si on regarde les traductions du chant en allemand et en anglais, on remarque ceci. Ranke en 1823, pour son » Herbei, o ihr Gläubigen, et Oakeley 1841, pour son » Oh come, all ye faithful, retiennent 4 strophes du latin, et les mêmes. Se réfèrent-ils tous deux à un original, celui signalé de 1788, qui n’aurait e comprenait que ces quatre strophes ? Voici les incipit de chaque texte et leur correspondance latine, selon ma numérotation, faute de mieux :
1. Herbei, o ihr Gläubigen 1. Oh come, all ye faithful 1. Adeste, fideles
2. Du König der Ehren 2. God of God 3. Deum de Deo
3. Kommt, singt dem Herren 3. Sing, choirs of angels 6. Cantet nunc « Io »
4. Ja, dir, der du heute 4. Yea, Lord, we great Thee 7. Ergo qui natus
Je suis parti du texte français (dont il faudrait savoir s’il correspond bien à la traduction de Borderies, ce que je n’ai pas réussi à vérifier), et placé les strophes latines en regard des françaises. Sous toutes ces réserves, je propose le texte ci-dessous :
strophes
françaises :
(1) 1. Adeste, fideles, Venez (approchez), fidèles,
Laeti, triumphantes ! Joyeux, triomphants,
Venite, venite in Bethlehem! Venez, venez à Bethléhem!
Natum videte regem angelorum. Voyez le roi des anges (qui est) né.
Refrain: Refrain:
Venite, adoremus, Venez, adorons,
Venite, adoremus, Venez , adorons
Venite, adoremus Venez, adorons
Dominum! Le Seigneur !
(2) 2. En, grege relicto, Voyez, ayant laissé le troupeau,
Humiles an cunas. L’humble, n’est-ce pas ?, berceau.
Vocati pastores approperant. Les bergers appelés se dépèchent.
Et nos ovanti gradu festinemus! Et nous, d’un pas triomphant de joie,
hâtons-nous !
Refrain: Refrain:
(3) 3. Deum de Deo, Le Dieu de Dieu
Lumen de lumine La Lumière de lumière,
Gestant puellae viscera. Les entrailles de la vierge (les) portent.
Natum videte regem angelorum. Voyez le roi des anges (qui est) né.
Refrain: Refrain:
(3) 4. Aeterni parentis Du Père éternel
Splendorem aeternum, Splendeur éternelle,
Velatum sub carne Voilé sous la chair,
Videbimus Nous verrons
Deum infantem, Le Dieu enfant,
Carnis involutum. Enveloppé de chair.
Refrain : Refrain :
(4) 5. Pro nobis egenum Pour nous, indigent
Et feno cubantem, Et couché sur le foin,
Piis foveamus Réchauffons-le par de pieux
Amplexibus ! Embrassements !
Sic nos amantem A celui qui nous aime aisi
Quis non redamaret ? Qui ne rendrait l’amour ?
Refrain Refrain
(5) 6. Cantet nunc « Io! » Que chante maintenant: » Vive ! «
Chorus angelorum, Le chœur des anges, / célestes :
Cantet nunc aula caelestium: Que chante maintenant la cour des (êtres)
Gloria in excelsis Deo! Gloire à Dieu dans lres lieux très hauts!
Refrain: Refrain:
(Doxologie)
7. Ergo qui natus (A toi) donc qui es né
Die hodierna, Aujourd’hui,
Jesu, tibi sit gloria. Jésus, à toi soit la gloire.
Patris aeterni Du Père éternel
Verbum caro factum ! Le Verbe a été fait chair !
Refrain: Refrain:
Le chant, dans cet état, est composé de sept strophes, qui ont un développement théologique et liturgique précis et serré. La traduction française suit le texte de Wade, tout en lui donnant des traits propres. Le texte que nous avons dans LP 101 le montre clairement., et semble être la meilleure forme en français. Il faudrait, comme dit plus haut, vérifier si ce texte correspond à celui de Borderies, ou s’il en est une révision, et une augmentation.
La première strophe latine invite les fidèles à faire ce que firent les mages : aller à Bethléhem, selon Luc 2/15, qui est l’évangile du 25.12, 1er jour de Noël. Celui qui appelle est à Bethléhem, ce n’est pas l’ange dans le ciel. C’est le liturge, qui appelle le peuple, lequel reprend le » Venite,adoremus » du Psaume du matin, le 95. Cette allusion veut signaler que si le Christ est né dans la nuit du 24.12, il faut dès le matin du 25.12 aller le voir. Cette nécessité est rappelée par l’insistante répétition de ces paroles dans le même refrain à chaque strophe.
La deuxième strophe est relativement savante, par l’emploi de » En » et » an « , et de mots rares comme » cunae – crèche, berceau » ou » ovanti gradu « , mot à mot » comme marchant sous les ovations « . Elle prolonge Luc 2/15.
La troisième strophe est la mise en musique du » Deum de Deo, Lumen de lumine – Dieu de Dieu, Lumière de lumière » du Credo de Nicée, et ceci sans changement du cas grammatical : dans le Nicaenum, il est dit » Credo,… et in unum Dominum Jesum Christum,…Deum de Deo, Lumen de Lumine « . Wade a reporté l’expression à l’accusatif, en la faisant dépendre de » viscera gestant – les entrailles portent « .
La quatrième strophe pourrait reprendre le » Splendor patriae gloriae « , d’Ambroise de Milan, hymne du matin, qui contient » Lumen de lumine « , et se placer ainsi après la 3ème : » Deum de Deo « .Elle contient une série de formulations dogmatiques, qui la font bien suivre cette strophe. On y trouve un futur : » Videbimus « , qui tranche avec les impératifs et subjonctifs optatifs du reste du texte. Sont-ce les indices d’une composition ultérieure ?
La cinquième strophe nous ramène à la piété populaire : » Prendre le Christ dans ses bras pour le réchauffer « , mais aussi « Rendre l’amour à celui qui nous aime « .
La sixième strophe nous fait revenir au chœur des anges et au » Gloria in excelsis « , du verset 14 de Luc 2, qui se place avant le départ des bergers vers Bethléhem. Le chant termine donc par le » Gloria in excelsis « , de la même manière que le » Vom Hilmmel hoch » de Martin Luther. Ce qui est une rupture avec la tradition classique de finir les hymnes avec le Gloria Patri trinitaire. L’expression » aula caelestium – cour des êtres célestes est la source de » Les bergers remplis d’amour lui font une cour », de la 2ème strophe française. La cour céleste des anges trouve son répondant dans la cour terrestre des bergers.
La septième strophe est une autre forme de doxologie, qui tire la conclusion, par le » ergo – donc « . Celle-ci est : » A toi, Jésus, soit la gloire « . Le chant finit par une autre formulation dogmatique : » Patris aeterni Verbum caro factum – du Père éternel le Verbe est fait chair. « , tirée de Jean 1/14, qui est la lecture du 26.12, 2ème jour de Noël. Le » Ergo « en début de vers, plutôt rare dans les textes anciens, est peut-être aussi l’indication d’une composition tardive.
Dans ces sept strophes, Wade (et ses éventuels continuateurs) insère deux évangiles, celui de Luc et celui de Jean, ainsi que le » Venite, adoremus « , le » Gloria in excelsis » et le » Deum de Deo » du Credo, et peut-être le » Splendor gloriae paternae « . Ce qui est remarquable : l’assemblée, avec le chœur probablement, chante une véritable confession de foi à l’occasion de Noël.
c. Le texte français
Le texte français de LP et Prière 101 forme une œuvre complète, semble-t-il. Il suit le latin, tout en lui ajoutant des traits propres. Le chant français, comme le latin, est basé sur une partie de l’évangile du 25 décembre , Luc 2/8-16, le récit des bergers. Plus précisément, sur les versets 14-16, qui racontent que les bergers vont à la crèche. La 1ère strophe, qui développe le verset 15, est une invitation à les imiter, pour voir l’évènement : » Adeste, fideles : approchez, fidèles, et voyez ! « . Les strophes 2 et 3 décrivent la scène du verset 16. Les strophes 4 et 5 l’expliquent : le Christ s’abaisse jusqu’à nous pour nous sauver. La 6ème strophe , qui reprend le verset 14, rappelle l’introduction au Sanctus : les anges dans les cieux et les hommes dans l’Eglise sur terre sont appelés à chanter, non pas le Sanctus, mais le Gloria in excelsis : » Paix sur cette terre Et gloire à dieu dans les cieux « .
Un refrain achève chaque strophe, le même en latin, allemand et anglais : » Venite, adoremus (ter) Christum Dominum « . Cette phrase, dite trois fois, est reprise du chant des matines, tiré du Psaume 95/6 : » Venite, adoremus et procidamus ante Dominum : Venez, adorons et tombons sur notre face devant le Seigneur « . Dans les matines cette phrase est chantée 2 ou 4 fois, comme dans un responsorium. Dans sa traduction française, Borderies a varié ce refrain en lui donnant la forme particulière que nous voyons, en introduisant l’amour, la foi et le chant, et en changeant chaque fois la finale du refrain. Les traducteurs allemand et anglais suivent le texte latin. Ranke dit : Kommt, lasset uns anbeten (ter) den König – Venez, adorons (ter) le Roi », et le texte anglais, de Frederick Oakeley, dit: »O come, let us adore him – O venez, adorons-le »
Il est incontestable que la traduction de Borderies est excellente et donne un texte fluide et puissant, qui épouse bien la mélodie. Bordries a normalisé la chute des syllabes, en affectant une syllabe à chaque note, pour éviter les hésitations sur les notes tantôt simples, tantôt doubles. Les traductions allemande et anglaise, qui n’ont pas fait cette normalisation, paraissent plus laborieuses. NCTC a mutilé ce beau texte, en le réduisant à trois strophes : la 1ère, la 2ème, puis la dernière : tout le développement du chant décrit plus haut est évacué. On n’a qu’un reste sec et sans envol. De plus, comme le refrain de la 1ère et de la dernière strophe s’achève par la même formule : » ce don précieux « , on obtient une répétition plate des refrains. ARC a repris cette forme, ainsi que Alléluia 2005. Il reste que cet très bon cantique devrait être repris intégralement dans un prochain livre.
d. Comparaison entre le texte latin et sa traduction en français
Comment les strophes latines et françaises se correspondent-elles ?
Latin : Français :
Str 1 Adeste, fideles Str 1 O peuple fidèle,…Venez
Videte regem angelorum Venez voir le Roi des cieux
In Bethlehem Str 2 dans une humble étable
Regem angelorum Str 3 roi des anges
Str 2 Humiles cunas Str 2 Humble étable
Vocati pastores les bergers remplis d’amour
Et nos festinemus accourons à notre tour
Str 3 lumen de lumine Str 3 Splendeur pure et sans déclin
Deum de Deo, du Père divin
Str 4 Aeterni Parentis du Père divin
Splendor aeternum Splendeur pure et sans déclin
Velatum sub carne Voilé sous un corps humain
Str 5 Sic nos amantem Qui pourrait l’aimer assez ?
Quis non redamaret ?
Str 6 chorus angelorum, Str 6 Esprits de lumière,
aula caelestium Messagers du Père,
Gloria in excelsis Deo Et gloire à Dieu dans les cieux !
Str 7 Verbum caro factum Str 3 voilé sous un corps humain
Jesu, tibi sit Str4 Jésus-Christ, Verbe incarné
B. La mélodie
Elle est attribuée à un des musiciens londoniens de ce nom : John Reading. En effet, quatre personnes différentes et contemporaines portent ce nom. Celui qui semble être l’auteur de cette mélodie serait un organiste né en 1667 à Londres, et mort dans cette ville, en 1764, à l’âge de 97 ans. Une autre hypothèse est que Wade lui-même est l’auteur de la mélodie, mais il est impossible de trancher dans ce sens. L’attribution à Reading reste la plus probable.
Cette mélodie distingue bien trois parties : le procantus, sur les 4 premiers vers. Une partie haute, qui reprend la figure du premier vers, sur les deux vers centraux. Une partie finale, le discantus, plus rapide, pour les trois vers du refrain, et qui s’achève en ralentissant, reprenant la figure de la fin de la première partie, au quatrième vers. La structure montre bien ce double ralentissement sur le vers à 5 syllabes : IX 6f. 6f, 7. 5 / 6f.7 / 7f.7f.7f, 5. On trouve sur ce vers de 5 syllabes: 2 blanches et une noire pointée, contre une noire et une croche. Alors que les trois autres vers du refrain, de 7 syllabes, comptent une blanche contre 6 noires
C. L’emploi du chant
Vu sa dépendance de l’évangile des bergers, il se place naturellement comme 2ème chant du culte, après la lecture de l’évangile et avant la prédication. Son incipit appelant le peuple chrétien à entrer dans la crèche en fait un bon chant après la prédication. La 6ème strophe peut servir de chant de sortie à Noël, surtout si on a employé le chant auparavant dans le culte.