NOËL
ROI DES ETRES ET DES CHOSES
LP 109
Mélodie : Roi des êtres et des choses,
Formée de l’association de :
Kommt und lasst uns Christum ehren
Nun singet und seid froh
Voir « Le Quempas »
1. Roi des êtres et des choses,
Enfant aux paupières closes,
Sur la crèche où tu reposes
Nous venons tous nous pencher.
Le beau Noël s’est approché,
Divin Sauveur longtemps caché :
Notre Dieu se donne !
Ô temps plus doux que n’est le miel,
Plus riche que l’automne,
Temps doré, temps surnaturel,
Tout en toi rayonne,
Beau temps de Noël !
2. A travers la nuit sereine,
Humblement vêtus de laine,
Les bergers vont dans la plaine
Vers ce triste et pauvre toit.
Jésus, le monde est plein de toi !
Ordonne, il tremble sous ta loi.
Mais quel sacrifice !
Se peut-il bien qu’en un lieu tel
Mon roi s’anéantisse ?
Ta pauvreté, Christ fraternel,
Qu’elle m’enrichisse
Au temps de Noël !
3. Du plus loin des anciens âges,
Portés par leurs équipages,
S’en sont venus les rois mages,
Et les voici prosternés.
Cœurs à l’amour abandonnés,
Pleins des mystères devinés,
O cœurs dans l’attente,
Pour vous guider sourit au ciel
Une étoile luisante.
Mon âme entends bien cet appel ;
Suis leur route et chante
Au temps de Noël !
Texte Roi des êtres et des choses
(Texte intégral non retouché)
Charles Dombre 1935
LP 109, NCTC 170,
deest ARC et Alléluia
La mélodie de LP est faite de 2 mélodies allemandes :
1e Mélodie Den die Hirten lobten sehre
Quempastores laudavere
14e Siècle, Vers 1450
chez Valentin Triller 1555
RA 36, EG 29
LP 109 et NCTC 170 : 1e partie
2e Mélodie Nun singet und seid froh
In dulci jubilo 14e Siècle
1420, Wittenberg 1529
RA 38, EG 35
LP 109 et NCTC 170 : 2e partie
Cette réunion des deux mélodies pour former un chant s’appelle le « Quempas », mot formé du début de « Quem pastores laudavere. » Les explications sur ce type de chant et la manière de mattre en œuvre se trouvent sur ce site, sous la rubrique « Chants, chants français, lettre Q, LE QUEMPAS. »
Le texte
Ce chant est une composition de Charles Dombre de 1935, parue dans Louange et Prière de 1938, dont il a été l’un des artisans. Charles Dombre était pasteur de l’Eglise luthérienne du pays de Montbéliard. Il connaissait l’hymnologie allemande. On le voit par son autre chant « Confie à Dieu ta route », dans lequel il a résumé en 5 strophes le chant de Paul Gerhard « Befiehl du deine Wege – Remets à Dieu ta route », qui en comporte 12. Pour Louange et Prière, Dombre a composé plusieurs chants nouveaux, dont « Dans la nuit qui penche », LP 110, et « Sur tout peuple assis dans la nuit », LP 113.
Le Quempas et Friedrich Spitta
Il existe plusieurs formes de Quempas : EG 29 en donne un formé de trois parties associées, qui remonte apparemment au 16e Siècle : A : Den die Hirten lobten sehre (traduction allemande du Quem pastores laudavere) ; B. Heut sein die lieben Engelein – Aujourd’hui les doux anges ; C. Gottes Sohn ist Mensch geborn – Le Fils de Dieu est né homme.
Spitta (1852-1924) en propose une autre forme, à partir de 2 chants (Je ne sais pas si Spitta a créé cette forme ou si elle existait auparavant.) Il fait se succéder « Kommt und lasst uns Christum ehren – Venez et adorons le Christ », qui est un chant de Paul Gerhardt de 1666, et « Nun singet und seid froh – Maintenant chantez et soyez heureux », qui est la traduction du latin « In dulci jubilo – En une douce joie », du 14e Siècle, en latin-allemand, et de 1646 Hanovre en allemand seul. Les sources de Spitta sont donc deux chants contemporains, respectivement de 1666 et 1646. Spitta a édité ce Quempas en 1899 puis 1914 dans son Recueil de cantiques de Strasbourg.
Charles Dombre
Dombre s’inspire du modèle de Spitta. Il ne traduit pas les chants allemands de la forme de Spitta. Il garde la forme de celui-ci mais y compose un chant nouveau, en deux parties.
Les premières parties de chaque strophe racontent l’événement, c’est l’anamnèse, la mémoire de l’action de Dieu.
Str. 1 : l’enfant. « Nous venons tous nous pencher » est une réminiscence d’un autre chant de Paul Gerhart 1653, le célèbre « Ich steh an deine Krippe hier – Devant ta crèche je me tiens », que Charles Ecklin (1858-1935) a remarquablement traduit sous le titre « Devant ta crèche tu me vois » LP 100. Ce dernier chant fait partie des textes nouveaux intégrés dans LP.
Str 2 : les bergers. Ils « vont vers ce triste et pauvre toit. » C’est une image de la fin du Moyen-Age, qui a inspiré foule de peintres et de poètes, mais qui est probablement fausse : on était très bien dans les étables, sur la paille et dans la chaleur des bêtes, et quantité de voyageurs y logeaient, soit par manque de place dans l’hôtellerie, soit par économie. D’ailleurs, le récit biblique de l’étable fait comprendre que Marie et Joseph n’y étaient pas seuls « mais qu’il y avait du monde, « tous ceux qui les entendaient. »
Str. 3 : les mages, appelés « rois », ce qui est traditionnel, mais pas biblique et n’apparaît que vers l’an mil. « Du plus loin des anciens âges », belle formule qui indique à la fois la distance parcourue par les mages et le long temps de l’attente du Messie.
Les secondes parties sont des réflexions sur l’évènement et des exhortations, des parénèses.
Str. 1 : « Le beau Noël s’est approché » exprime l’émerveillement de la fête paroissiale et familiale de Noël. Dans la génération de Dombre et dans l’après-guerre, chez les luthériens, en Alsace-Lorraine aussi, Noël était fêté par une veillée à l’église, avec chants et lectures (jusqu’à 14 chants dans certaines paroisses !), ensuite de quoi, les fidèles fêtaient en famille, avec repas et distribution de cadeaux. Les deux célébrations étaient fortement unies, et la communauté paroissiale renforcée. Les vocabulaires expriment cette beauté et cette joie : le trésor caché, le miel, plus riche que l’automne, pourtant très coloré, le temps doré, tout rayonne. Dombre combine la vue, le goût et l’ouïe, la musique et le chant.
Str 2 : ici, l’abaissement et le sacrifice du Christ sont fortement affirmés. La naissance du Christ est le début de sa Passion. Le Christ descend vers moi dans la pauvreté, vers la mort, « il s’anéantit », pour « m’enrichir » du salut. Dombre rappelle la descente et la remontée du Christ selon Philippiens 2 et selon le credo de Nicée : « descendit de coelis, ascendit in coelum – est descendu des cieux, est monté dans le ciel. »
Str. 3 : la prosternation des mages pousse le fidèle à s’émerveiller devant la grandeur du Fils, à « s’abandonner » dans l’adoration et à suivre l’étoile le qui mène sur la route.
L’ensemble de ce chant rare et particulier exprime la réception du Christ à Noël et le mouvement de la foi qui reçoit son Sauveur.
La mélodie
Les deux mélodies sont anciennes, du 14e Siècle pour leurs racines, de la fin du Moyen-Age pour leur expression actuelle. Elles sont d’un rythme balancé, de 6/4, rythme de danse de fait. « Den die Hirten lobten sehre » a pour rythme : deux fois « blanche forte, noire faible », puis 4 noires qui accélèrent le mouvement (dont les deux premières forment un diolet), et une blanche pour frein. Celle de « Nun singet und seid froh » commence par une anacrouse qui accélère le mouvement d’emblée et fait tomber le premier accent fort sur la 2e note. Les deux mélodies ont un rythme balancé, la première plus lent, la 2e plus rapide.
On peut chanter ce cantique en confiant la première partie à un chœur, ou à un groupe d’enfants, ou même à 4 solistes, ou petits groupes de quelques enfants, qui chantent chacun une ligne successivement, et la deuxième partie à l’assemblée. Si on divise en 4 groupes, on place ceux(ci aux quatre coins de l’église et on les fait chanter en croix par dessus l’assemblée. Le chant atteint une splendeur remarquable.