REPENTANCE N° 52
VOLONTIERS, SEIGNEUR, JE RESTE
Herr, ich will gar gerne bleiben, E. 1666/67
Selbsterniedrigung – Abaissement de soi-même
Nach dem lateinischen Distichen des Nathan Chythräus
« Sum canis indignus » 1568 – d’après le distique latin
de Nathan Chythräus « Sum canis indignus » 1568
Mélodie : Werde munter, mein Gemüte
VIII 8f.7, 8f.7 / 7.7, 8f.8f
A. le chien du Christ
1. Volontiers, Seigneur, je reste
Pour toujours ton pauvre chien !
Aussi je ne manifeste
D’autre vœu sinon le tien.
Tu me vois tel que je suis :
En moi tant de mal depuis
Ma jeunesse s’accumule
Et me tient sous sa férule.
.
2. Oui, d’un chien j’ai la colère,
Chienne aussi est mon envie ;
J’ai un chien de caractère
Et du chien la jalousie.
Et si je regarde bien
Ce que fut ma vie de chien
Je me sens bien pire encore
Qu’un vrai chien, je le déplore !
.
B. le chien au ciel
3. Mon Jésus, je ne désire
Rien que ce qui me revient :
J’aimerais que tu m’assures
Tous les droits, chez toi, d’un chien.
Et je laisserai aux saints,
Qui reposent dans ton sein,
A ta table alors la place
D’où ils peuvent voir ta face.
.
4. Tes enfants, ceux qui t’honorent,
Qui ont fait ta sainte loi,
Pourront se nourrir encore
A ta table, heureux, chez toi.
Dans la salle, dans l’éclat
Des lumières et des plats,
Il sera tout délectable
De m’étendre sous la table.
.
C. le chien peu fiable
5. Je retourne dans ma niche,
Chaque nuit que fait mon Dieu.
Au matin, j’ai faim, je cherche,
Certes, ce qu’il y a de mieux.
Mais je sais me contenter,
Au dîner, au déjeuner,
D’attraper les bonnes miettes
Tombées du repas de fête.
.
6. Oui, j’aboie, je crie, je grogne,
Quoique pas toujours très fort,
Au pécheur qui, sans vergogne,
Vient se mettre dans son tort.
Mon penchant va vers la chair
Plus que vers le repentir,
Vers la paix de la paresse,
Le bonheur de la caresse.
*
7. Mon hypocrisie me pousse
– Elle est bien ancrée en moi ! –
Et la flatterie m’est douce,
Pour me faire aimer de toi.
Punis-tu mon sale esprit
Par des coups, malgré mes cris,
Je voudrais, Seigneur, écoute,
Garder ta confiance toute.
.
D. la prière du chien
8. Prends-moi pour gardien fidèle,
L’œil ouvert, le cœur vaillant,
Lorsque dorment sous ton aile
Ceux qui t’aiment, les croyants.
Quand les tiens s’en vont au lit
Et que le voleur surgit,
Que j’aboie, et tout de suite,
Qu’ainsi je le mette en fuite.
.
9. Fais grandir ma foi bien faible
Et combats ce qui en moi
Voudrait faire que, rebelle,
Je m’éloignerais de toi.
Fais de moi ton compagnon
Et le chien de la maison
Qui s’en va vers le Royaume,
Pour accompagner les hommes.
*
10. Si, Seigneur, tu me l’accordes,
J’aurai donc reçu de toi
Toute ta miséricorde
Qui se montre à mon endroit.
Après cette vie de chien,
Certes, je mérite bien
De rejoindre ton Royaume,
Pour m’y reposer, en somme !
.
Texte allemand
Herr, ich will gar gerne bleiben
Wie ich bin, dein armer Hund,
Will auch anders nicht beschreiben
Mich und meines Herzens Grund.
Denn ich fühle was ich sei:
Alles Böse wohnt mir bei,
Ich bin aller Schand ergeben,
Unrein ist mein ganzes Leben.
.
Hündisch ist mein Zorn und Eifer,
Hündisch ist mein Neid und Hass,
Hündisch ist mein Zank und Geifer,
Hündisch ist mein Raub und Frass ;
Ja, wenn ich mich recht genau,
Als ich billig soll, beschau,
Halt ich mich in vielen Sachen
Ärger als die Hund es machen.
.
Ich will auch nicht mehr begehren,
Als mir zukommt und gebührt,
Wollst mich nur des Rechts gewähren,
Das ein Hund im Hause führt.
Deine Heilgen, die sich dir
Hergegeben für und für,
Mögen oben an der Spitzen
Deiner Himmelstafel sitzen.
.
Deine Kinder, die dich ehren
Und in voller Tugend stehn,
Mögen sich von Wollust nähren
Und im Erbe sich erhöhn,
Das du ihnen in dem Licht
Deines Saals hast zugericht’t ;
Ich will, wenn ich nur kann liegen
Unterm Tisch, mir lassen gnügen.
.
Ich will ins Verborgne kriechen,
Da die Nacht den Tag verhüllt,
Und hin nach der Erde riechen,
Suchen, was den Hunger stillt ;
Und ich will den Brosamlein,
Die ich finde, friedlich sein
Und mich freuen über allen,
Was die Herren lassen fallen.
.
Murren will ich auch und bellen,
Aber gleichwohl weiter nicht,
Als nur wenn in Sündenfällen
Dir von mir ein Schimpf geschicht,
Wenn mein Fleisch mich übereilt
Und zur Busse, die uns heilt,
Sich viel träger als zur Sünden
Und zur Bosheit lässet stillen.
.
Dennoch will ohn alles Heucheln,
Das so fest sonst in uns steckt,
Ich dich auch hinwieder schmeicheln,
Wenn ich deinen Zorn erweckt.
Und du meinen Übermut
Strafest mit der scharfen Rut.
Ach Herr, schone, will ich sprechen,
Lass dein mein Wort dein Herze brechen.
.
Mache mich zum wackern Hüter,
Dessen Augen offen sein,
Wenn das schönste deiner Güter,
Deine Kinder, schlafen ein.
Wenn das Haus zu Bette geht
Und der Dieb mit Listen steht
Nach des Nächsten Gut und Gelde,
Ei, so gib, dass ich ihn melde !
.
Mehre meinen kleinen Glauben
Und wehr allem, das da will
Dieses Schatzes mich berauben ;
Führe mich zum rechten Ziel !
Lass mich sein, o ewges Heil,
Deines Hauses kleines Teil
Auch den Kleinsten unter allen,
Die nach deinem Reiche wallen.
.
Hab ich dies, so ruht mein Wille,
Denn ich habe selber dich,
Dich, du unermessne Fülle
Dessen, was mich ewiglich
In dem Himmel laben soll.
Wohl mir, wohl und aber wohl !
Soll mich Gottes Fülle laben,
Woran will ich Mangel haben ?
.
Texte :
Herr, ich will gar gerne bleiben
Paul Gerhardt, 1648, édité en 1667
d’après « Sum canis indignus »
Nathan Chythräus 1568,
CrSI 164/50de
Mélodie :
selon Ebeling 1667 :
Zion klagt mit Angst und Schmerzen,
Crüger 1640, pour le chant éponyme de
Johann Heermann 1636 (1585-1647)
possible Werde munter, mein Gemüte
Johann Rist 1642 (1607-1667)
( ou: Johann Schop ? 1590-1667)
EKG 360, RA 267, EG 475
Le texte
Le texte est une traduction en allemand par Gerhardt du texte latin de « Sum canis indignus » de Nathan Chythräus.
Ce chant est une des premières œuvres de Gerhardt, qu’on date de 1648 ou même avant. C’était probablement au départ une étude de traduction de Gerhardt sur un poème latin. A cette date, Gerhardt n’était pas encore pasteur. Probablement n’a-t-il pas publié ce chant plutôt humoristique en 1648 ou 1653, parce qu’il ne le jugeait pas utile dans la perspective pastorale de ses chants. Il s’agit en effet plus d’une méditation personnelle du pasteur sur son ministère que d’un véritable cantique d’édification pour l’assemblée. Sinon une idée potache d’étudiant ironisant sur son futur « Pfarramt – ministère pastoral » ? Ce texte était-il au départ destiné à être chanté ? C’est plutôt un poème sprituel et une curiosité théologique. Ebeling lui a attribué une mélodie : « Zion klagt mit Angst und Schmerzen », beaucoup employée à l’époque, mais il n’est pas connu si Gerhardt lui avait attribué au début une mélodie. Le poème reprend la boutade : on dit, n’est-ce pas, que le pasteur, est le berger du troupeau ? D’ailleurs, étymologiquement, pastor latin signifie berger. Mais le vrai berger, « le bon berger », selon Jean 10/11, c’est Jésus-Christ. Qu’est alors le pasteur ? – le chien du vrai berger !
En revanche, Ebeling a pris ce chant dans son édition de 1666 des œuvres complètes de Gerhardt connues à cette date, et a probablement permis de sauver un texte qui dormait dans les archives de Gerhardt. De plus, en 1666, le texte résumait le ministère de poète et de pasteur de Paul Gerhardt, à la manière d’un testament : « Volontiers je reste, Seigneur, Pour toujours ton pauvre chien. » A ce titre, il me paraît important, et je le place à la fin des chants que j’ai retenus de Gerhardt, avec le N° 51 « Se peut-il donc qu’à la clarté ? », qui fait aussi figure de testament spirituel.
CHYTHRÄUS Nathan, (1543 Menzingen, Würtemberg – 1598, Brème), fut un poète néo-latin du XVIe Siècle. Luthérien favorable au calvinisme, il fut en temps en disgrâce. Devenu recteur à Brème, auteur d’un dictionnaire latin-saxon (niederdeutsch – bas allemand) et de poèmes latins connus. (Das grosse Brockhaus 1929). Son livre de poèmes « Viatico itineris extremi – En viatique pour le dernier voyage », parut à Herborn en 1602.
le texte du chant
Le poème commence par ces mots : « Sum canis indignus, fateor, quid enim mea celem crimina, sunt oculis quae manifesta tuis ? –Je suis un chien indigne, le l’avoue : Pourquoi cacherais-je mes crimes, Qui sont manifestes à tes yeux ? » La poésie néo-latine avait été promue, entre autres, par Mélanchthon, qui pensait que le chant latin avait un avenir dans la nouvelle Église luthérienne, et qui a composé plusieurs cantiques en latin, qui furent traduits plus tard en allemand. Le plus connu est « Vespera jam venit – Déjà le soir arrive », traduit en allemand par Nikolaus Herman, sous le titre « Ach bleib mit deiner Gnade – Demeure par ta grâce » (RA 155, EG 347). Le cantique est connu en français sous ce nom. Ici, Paul Gerhardt fait la même chose avec le chant de Chythräus.
Malgré son côté humoristique, ce chant est considéré comme un chant de repentance. Cranach – Sichart le place dans cette rubrique. C’est aussi une œuvre de début. Le style en est parfois compliqué et laborieux. Cela est dû certainement au fait de la traduction d’un texte serré en latin. Quoique Gerhardt a montré une réelle maîtrise dans son « O Haupt voll Blut und Wunden – Christ couvert de blessures », de la même année 1648.
Les références bibliques directes sont rares. Elles sont signalées le long du texte.
Le texte a été publié tardivement, en 1667, par Ebeling, dans la dernière édition de la Praxis où des chants nouveaux de Gerhardt ont été publiés. Cela signifie probablement que Gerhardt ne voulait pas éditer ce chant assez particulier, et que Ebeling l’a fait, dans l’idée de compléter l’édition des œuvres de ce dernier.
La mélodie
Ebeling indique « Zion klagt mit Angst und Schmerzen », qui daterait de 1510, mélodie beaucoup employée à l’époque, mais oubliée depuis. Ce nom de mélodie a souvent été attribué à « Wie nach einer Wasserquelle – Comme après une source d’eau », qui est celle du Psaume 42 de Loys Bourgeois 1551 « Comme un cerf altéré brame », en sorte qu’une certaine confusion règne dans les indications des recueils. Johann Grüger a composé une mélodie sous ce nom en 1640, soit 8 ans avant que Gerhardt compose son texte. Ce dernier a-t-il employé cette mélodie de Crüger, ou bien Ebeling l’a-t-il fait ? Je propose « Werde munter, mein Gemüte », qui donne un caractère gai à ce texte amusant, plus orienté vers l’ironie que vers la repentance.