I : NOËL
II : EPIPHANIE
III : PASSION
PÂQUES
A SOLIS ORTUS CARDINE
Caelius Sedulius , vers 430
Chant alphabétique, de A à Z,
avec traduction littérale
I. Noël : de A à G
1. A solis ortus cardine
Du point du lever du soleil
Adusque terrae limitem,
Jusqu’au bout de la terre,
Christum canamus Principem,
Chantons Christ, le Prince,
Natum Mari-a Virgine.
Né de Marie, la Vierge.
2. Beatus auctor saeculi
Le bienheureux auteur du monde,
Servile corpus indui-t,
Revêt un corps de serviteur,
Ut carne carnem liberans
Pour, libérant la chair par la chair,
Non perderet quod condidit
Il ne perde pas ce qu’il avait fondé (créé)
3. Clausae parentis viscera
(Dans) les entrailles fermées de la mère
Caelestis intrat graci-a ;
La grâce céleste entre ;
Venter puellae ba-i-ulat
Le ventre de la jeune fille porte
Secreta quae non noverat.
Des secrets qu’elle ne connaissait pas.
4. Domus pudici pectoris
La maison de cœur pudique
Templum repente fit De-i ;
Devient soudain le Temple de Dieu ;
Intacta nesci-ens virum
L’intacte, qui ne connaît pas d’homme,
Verbo concepit Fili-um.
Du Verbe conçoit le Fils.
5. Enixa est pu-erpera
La gravide a accouché
Quem Gabriel praedixerat,
Celui que Gabriel avait prédit,
Quem matris alvo genti-ens
Que, reposant dans le ventre de sa mère,
Clausus Iohannes senserat.
Jean, enfermé (là), ressentit.
6. Feno jacere pertulit,
Il supporta de coucher sur du foin,
Praesepe non abhorru-it,
Il ne méprisa pas la crèche,
Parvoque lacte pastus est
Il fut nourri d’un petit lait,
Per quem nec ales esurit.
Lui par qui aucun oiseau n’a faim.
7. Gaudet chorus celesti-um
Le chœur des célestes se réjouit,
Et Angeli canunt Deum,
Et les anges chantent Dieu,
Palamque fit pastoribus
Aux bergers est révélé
Pastor, Creator omni-um
Le Pasteur, le Créateur de toutes choses.
Strophe finale supplémentaire
(8). Iesu, tibi sit gloria,
Jésus, à toi soit la gloire,
Qui natus es de Virgine,
(toi) Qui es né de la Vierge
Cum Patre et almo Spiritu,
Avec le Père et le bienfaisant Esprit,
In sempiterna saecula. Amen.
Dans les siècles éternels. Amen.
II. Epiphanie : de H à O
8. Hostis Herodes impi-e,
Ennemi Hérode, impie,
Christum venire quid times ?
Pourquoi crains-tu que Christ vienne ?
Non eripit mortali-a,
Il ne conquiert pas de choses mortelles,
Qui regna dat celestia.
Lui qui fond les royaumes célestes.
9. Ibant magi, qua venerant,
Les mages marchaient, par où ils étaient venus,
Stellam sequentes previam,
Suivant l’étoile les précédant,
Lumen requirunt lumine,
Ils cherchent la lumière issue de la lumière,
Deum fatentur munere.
Ils reconnaissent le Dieu par leur don.
10. Katerva matrum personat
Le cri des mères résonne,
Collisa deflens pignora,
Pleurant les enfants brisés,
Quorum tyrannus milia
Dont le tyran, par milliers,
Christo sacravit victimam.
Pour Christ sacrifia (en vivtimes)
11. Lavacra puri gurgitis
(Dans) les flots du pur courant
Celestis agnus attigit,
Le céleste agneau se place,
Peccata qui mundi tulit
Lui qui porte les péchés du monde,
Nos abluendo sustulit.
Nous soutient en les effaçant.
12. Miraculis dedit fidem
Par des miracles il fait croire
Habere se Deum patrem,
Qu’il a Dieu pour Père,
Infirma sanans corpora
Guérissant les corps infimes,
Et suscitans cadavera.
Et ressuscitant les morts.
13. Novum genus potentiae !
Nouvelle sorte de puissance !
Aquae rubescunt hydriae,
Les eaux des cruches à vin rougissent,
Vinumque iussa fundere
En vin l’eau qu’il ordonna de verser
Mutavit unda originem.
Il change, et (change) sa nature.
14. Orat salutem servulo
Il prie pour le salut de son serviteur,
Nixus genu centuri-o,
Genou plié, le centurion,
Credentis ardor plurimus
La grande ferveur du croyant
Extinguit ignes febri-um
Eteint les feux des fièvres.
On peut reprendre ici la strophe supplémentaire
de la fin de la 1ère partie.
(8). Iesu, tibi sit gloria,
Jésus, à toi soit la gloire,
Qui natus es de Virgine,
(toi) Qui es né de la Vierge
Cum Patre et almo Spiritu,
Avec le Père et le bienfaisant Esprit,
In sempiterna saecula. Amen.
Dans les siècles éternels. Amen.
III. Carême, Passion, Pâques: de P à Z
15. Petrus per undas ambulat
Pierre marche à travers les eaux,
Christi levatus dextera;
Relevé par la droite du Christ ;
Natura quam negaverat
Par la nature qu’elle avait niée
Fides paravit semitam.
La foi prépara le chemin
16. Quarta di-e iam fetides
Au quatrième jour, déjà sentant,
Vitam recepit Lazarus
Lazare reçoit à nouveau la vie
Mortisque liber vinculis
Et libre des liens de la mort
Factus superstes est sibi
Il devient le témoin de lui-même.
17. Rivos cruoris torridi
Les ruisseaux de sang chaud
Contacta vestis obstru-it
Le vêtement touché (les) arrête ;
Fletu rigante supplicis
Par les pleurs de la suppliante
Arent fluenta sanguinis.
s’assèchent les flots de sang
18. Solutus omni corpore
Paralysé de tout son corps,
Iussus repente surgere
Sommé soudain de se lever,
Su-is vicissim gressibus
De ses pas retrouvés,
Eger vehebat lectulum.
Le malade portait son lit.
19. Tunc ille Judas carnifex
Alors ce Judas, rabatteur !
Ausus magistrum tradere
Osant trahir le maître,
Pacem ferebat osculo
Par un baiser il souhaitait la paix
Quam non habebat pectore
Qu’il n’avait pas dans le cœur.
20. Verax datur fallacibus
Le Véritable est livré aux fallacieux,
Pi-um flagellat impi-us
L’impie flagelle le Pieux,
Crucique fixus innocens
L’innocent fixé à la croix,
Coniunctus est latronibus.
Il est placé parmi les voleurs.
21. Xeromyrrham post sabbatum
De la myrrhe sèche après le sabbat
Quaedam vehebant compares
Quelques amies (la) transportaient.
Quas allocutus angelus
Leur dit l’ange
Vivum sepulcro non tegi.
Que le vivant n’est pas couvert par le tombeau
22. Ymnis, venite, dulcibus
En hymnes doux, venez,
Omnes canamus subditum
Chantons tous (que) soumis est
Christi triumpho tartarum
L’enfer par le triomphe du Christ
Qui nos redemit venditus
Qui, vendu, nous a rachetés.
23. Zelum draconis invidi
Le zèle du dragon envieux
Et os leonis pessimi
Et la gueule du lion très mauvais
Calcavit unicus De-i
L’unique (Fils) de Dieu (les) dompta
Seseque coelis reddidit.
Et s'(en )retourna aux cieux.
Prononciation des désinences du génitif
Les syllabes qu’il faut prononcer séparément sont marquées par un trait d’union qui sépare les lettres : De-i, omni-um. En règle générale, les désinences se prononcent distinctement à partir du radical : De-us, De-i ; omni-s, omni-um. En cas de doute, il suffit de compter les 8 pieds nécessaires à chaque vers. Cette question est importante pour le chant, car il faut que tout le monde chante bien les mêmes syllabes, pour éviter la cacophonie.
Le style des hymnes antiques
Le style de ces pièces antiques est ramassé : on dispose dans les hymnes de quatre vers et de huit pieds, ce qui donne 32 syllabes. Dons pas un mot de trop dans ces textes, et comme le rythme est dominant dans la récitation, il faut tomber toujours sur les syllabes fortes. De ce fait, dans ce type de poésie règne une grande rigueur. Exactitude des déclinaisons et des conjugaisons, qui permettent de réunir les mots dispersés à cause de l’impératif du rythme.
Un exemple de ce type de contrainte est l’emploi, pour dire » et « , tantôt de » et « , tantôt de » -que » collé après le mot qu’on veut relier au précédent. Selon que l’accent tombe, on emploiera l’un ou l’autre. Or ici, l’accent tombe ainsi : _ ‘ _ ‘ _ ‘ _ ‘ , c’est-à dire dans une suite de faibles et de fortes, presque mécanique. Si donc le mot employé est un bisyllabe, dont l’accent tombe sur le deuxième pied, il faudra utiliser » -que « , qui n’est pas accentué et qui sera la troisième syllabe, faible. Exemple : str 13 : Vinumque ; 16 : Mortisque ; 20 : Crucique. En revanche, un monosyllabe accentué ou un trisyllabbe, dont la première syllabe est accentuée, permettra l’emploi de » et » en début de vers. Exemple : str 7 : Et angeli ; 12 : Et suscitans ; 20 : Et os.
Concision aussi de l’expression, en même temps que pensée riche : on ne va faire ce difficile exercice pour dire des platitudes ! La méthode poétique des auteurs latins anciens a eu une grande influence sur tout le Moyen-Ages, dont la poétique a gardé les règles générales de l’Antiquité. Sauf qu’à partir du 8ème – 9ème Siècle, on a commencé à utiliser la rime, alors qu’on se contentait du rythme seul jusque là. Cette méthode a eu une grande influence sur les Réformateurs. Luther en est un exemple frappant. Il traduit plusieurs des hymnes latines en allemand, en respectant la méthode ancienne : rythme, rime, concision de l’expression, richesse de la pensée. Les auteurs français tels Marot et Bèze, et plus tard Conrart ont fait de même.
La traduction du chant par Martin Luther
Luther a traduit les deux premières parties du chant de Caelius (Je ne sais pas s’il a traduit la 3ème partie : à contrôler).
1. Avent-Noël : A solis Ortus carine :
Christum wir sollen loben schon RA 21, pas dans EG
2. Epiphanie: Hostis Herodes impie:
Was fücht’st du, Feind Herodes sehr RA 60, pas dans EG
La traduction de Luther est probablement le travail le plus impressionnant pour le mot à mot. Luther l’a laissé sur la mélodie grégorienne, que lui ou un de ses collaborateurs a simplifiées à erfurt. En effet, le texte, fait à Wittenberg probablement, et la mélodie, signalée à Erfurt, sont de la même année 1524.
Luther a transposé les idées, le vocabulaire et les images, ainsi que le climat méditatif et émerveillé de ce chant. De plus, il s’est aussi coulé dans sa structure métrique : IV 8.8, 8.8, en reprenant le même rythme des vers et les mêmes accents. Difficulté supplémentaire, il a mis le texte en doubles rimes simples, ce qui n’est pas le cas en latin, dans lequel le rythme prédomine, la rime restant possible, mais pas obligatoire.
Voici l’exemple de la 2e strophe : le mot à mot, le rythme, les accents :
Be – a – tus auc – tor sae – cu – li
Der se- lig Schöp-fer al – ler Ding
__ ‚ __ ‚ __ ‚ __ ‚
Ser – vi – le cor – pus in – du – it,
Zog an eins Knech – tes Leib ge – ring
__ ‚ __ ‚ __ ‚ __ ‚
Ut car-nem car – ne li – be – rans,
Dass er das Fleisch durchs Fleisch er – wörb,
__ ‚ __ ‚ __ ‚ __ ‚
Ne per-de – ret quos con-di – dit.
Ne per-de – ret quos con-di – dit.
__ ‚ __ ‚ __ , __ _,_
Voici les trois premières strophes ( de 8 ) du texte et leur traduction :
Luther a inversé les deux membres de la première strophe, pour commencer par le Christ et sa filiation de Marie, mais aussi parce que sa traduction des deux premiers vers ne faisait pas un bon début. On sent là le poète qui sait ordonner un texte pour le mettre en valeur. Mais en même temps il a traduit chaque vers très exactement.
Caelius Sedulius Martin Luther
+ traduction littérale + traduction littérale
1. 1 A solis ortus cardine 3 Christum wir sollen loben schon,
Du point du lever du soleil Il nous faut bien louer le Christ,
2 adusque terrae limitem 4 Der reinen Magd Marien Sohn,
jusqu’à la limite de la terre Fils de la pure Vierge Marie,
3 Christum canamus principem, 1 So weit die liebe Sonne leucht’
chantons Christ, le prince, aussi loin que le beau soleil luit
4 natum Maria virgine. 2 Und an aller Welt Enden reicht
né de Marie la Vierge. et atteint le bout du monde.
2. Beatus auctor saeculi Der selig Schöpfer aller Ding
L’heureux auteur du siècle L’heureux créateur de toutes choses
servile corpus induit, Zog an eins Knechtes Leib gering,
revêtit un corps de serviteur, revêtit le faible corps d’un serviteur,
ut carne carnem liberans, Dass er das Fleisch durchs Fleisch erwörb
pour que, libérant la chair pour qu’il rachtât la chair
par la chair, par la chair,
ne perderet quos condidit. Und sein Geshöpf nicht alls verdörb.
il ne perde pas ceux qu’il a créés. et ne laissât se perdre aucune de ses
créatures.
3. 1 Castae parentis viscera 2 Die göttlich Gnad vom Himmel gross
Dans les entrailles de la chaste mère La grande grâce divine depuis le ciel
2 caelestis intrat gracia 1 Sich in die keusche Mutter goss;
la grâce céleste entre, se coula dans la chaste mère ;
venter puellae baiulat ein Maidlein trug ein heimlich Pfand
le ventre de la jeune fille porte une jeune fille porte un fardeau secret
secreta quae non noverat Das der Natur war unbekannt.
des secrets qu’elle ne connaît pas. qui de la nature est inconnu.