DIES IRAE DIES ILLA
Thomas de Celano (1190 – 1260)
(texte, et commentaires partiellement, pris dans Wikipedia, die frei enzyklopedie, allemand : « Dies Irae »)
1. Dies irae dies illa Jour de colère ce jour là :
Solvet saeclum in favilla: Le monde en cendres tombera,
Teste David et Sibylla. Dit la Sibylle et David roi.
2. Quantus tremor est futurus, Quel tremblement il surviendra,
Quando iudex est venturus, Lorsque le juge arrivera
Cuncta stricte discussurus ! Pour éprouver tout ici-bas !
3. Tuba mirum spargens sonum La trompette alors sonnera,
Per sepulcra regionum, Et des tombeaux s’avancera
Coget omnes ante thronum. La foule au trône du grand roi.
4. Mors stupebit et natura, La mort aussi s’étonnera
Cum resurget creatura, Quand ici tout se lèvera
Iudicanti responsura. Et à son juge répondra.
5. Liber scriptus proferetur, Un livre ensuite on ouvrira,
In quo totum continetur, Duquel un ange annoncera
Unde iudex iudicetur. Sur quoi le juge jugera.
6. Iudex ergo cum sedebit, Quand donc le juge s’assiéra
Quidquid latet apparebit : Tout le caché se montrera,
Nil inultum remanebit. Rien impuni ne restera.
7. Quid sum miser tunc dicturus ? Pauvre pécheur, quoi déclarer ?
Quem patronum rogaturus ? Quel avocat faut-il chercher,
Cum vix iustus sit securus Si le juste à peine est sauvé ?
8. Rex tremendae majestatis, O roi de grande majesté,
Qui salvandos salvas gratis, Qui sauves tout par ta bonté,
Salva me, fons pietatis. Sauve-moi, Seigneur, aie pitié !
9. Recordare Iesu pie, Rappelle-toi, Sauveur Jésus :
Quod sum causa suae vitae : C’est pour moi que tu es venu,
Ne me perdas illa die. Ne m’ôte pas de ton salut !
10. Quaerens me, sedisti lassus : Tu as souffert, tu m’as cherché,
Redemisti crucem passus : Par ta croix tu m’as racheté :
Tantus labor non sit cassus. Tu ne peux pas me rejeter !
11. Iuste judex ultitionis, Juste et bon juge, prends pitié
Donum fac remissionis, Et remets-moi tous mes péchés,
Ante diem rationis ; Dès ici pour l’éternité.
12. Ingemisco, tanquam reus : Je gémis tel un accusé,
Culpa rubet vultus meus : J’ai honte, pris dans mon péché,
Supplicanti parce Deus. Epargne-moi dans ta bonté.
13. Qui Mariam absolvisti, Marie par toi fut délivrée,
Et latronem exaudisti, Le bon larron fut exaucé,
Mihi quoque spem dedisti. Une espérance m’est donnée.
14. Preces mea non sunt dignae : Je suis indigne de prier,
Sed tu bonus fac benigne, Seigneur, mais tu peux me sauver
Ne perenni cremer ignem. Du feu de l’enfer, de brûler.
15. Inter oves locum praesta, Parmi tes brebis reçois-moi,
Et ab haedis me sequestra, Des boucs méchants sépare-moi,
Statuens in parte dextra. Prends-moi à droite près de toi.
16. Confutatis maledictis, Quand seront jugés les maudits,
Flammis acribus addictis, Jetés au feu tes ennemis,
Voca me cum benedictis. Mets-moi au rang de tes bénis.
17. Oro supplex et acclinis, Incliné devant toi, je prie,
Cor contritum quasi cinis: Le cœur repentant et contrit :
Gere curam mei finis. « A bonne fin conduis ma vie. »
18. Lacrimosa dies illa, Un jour de pleurs que ce jour-là,
Qua resurget ex favilla, Quand de la cendre renaîtra
19. Iudicandus homo reus : L’homme accusé qu’on jugera :
Huic ergo parce Deus. Alors, Dieu, tu l’épargneras.
20. Pie Jesu, Domine, O doux Jésus, bon Seigneur,
Dona eis requiem. Veuille leur donner la paix.
Texte Dies irae dies illa
Thomas de Celano, (1190-1250) ?
frs : yves Kéler 16.9.2008
Mélodie Dies irae
13e Siècle
Le texte
Il est attribué, sans certitude complète, à Thomas de Celano, un ami de St François d’Assise et son biographe. Sa fonction est d’être une séquence pour les morts, offices d’enterrements ou commémorations. Le concile de Trente l’a placé dans le proprium de la messe des morts. Vu sa longueur, le texte chanté fut ramené d’ordinaire à 8 strophes, les1,2,, 5, 8, 9, 12, 16 et 19, disposition qu’on trouve chez les musiciens ultérieurs.
Il est composé de 19 strophes de trois vers, de huit syllabes, qui riment entre elles, mais changent à chaque strophe. Trois strophes de 2 vers achèvent le chant. Les strophes 20 et 21 ont des vers de 8 syllabes, la dernière, la 22 a deux vers de 7 syllabes.
Cette forme rappelle le « Veni Sancte Spirus et emitte » de Stephen Langton, daté de 1209, donc de la même époque. Là aussi Stephen emploie des strophes de 3 vers de 8 syllabes, mais avec deux rimes, suivi d’un vers libre. Tous les vers libres riment entre eux sur la double syllabe – i-um. (voir ce chant sur le site, sous « chants latins »)
le texte se découpe en trois parties :
1. les strophes 1 à 7, qui sont au futur, et décrivent l’arrivée du juge, annoncé par la trompette qui réveille les morts et les amène à lui.
2. les strophes 8 à 17, une prière entrecoupée de rappels de l’œuvre du Christ et d’exemples de gens qu’il a sauvés.
3. les strophes 18 à 29, les trois strophes de deux vers finales, s’achevant par la prière : « Dona eis requiem ».
la Sibylle et les oracles sibyllins
La strophe 1 fait référence au témoignage de David et de la SiBylle. Cette dernière est le personnage qui parle dans les Oracle sibyllins, dans lesquels les chrétiens du Moyen-Age voyaient une révélation de Dieu aux païens, et à nous à travers eux, à mettre en parallèle avec la révélation faite aux Juifs et aux chrétiens, à travers la Bible. Pour celle-ci, la référence sont les Psaumes et David, lequel était aussi placé dans les prophètes. Voir la question posée par Jésus aux pharisiens sur le Christ: »De qui est-il le fils ? Comment David, inspiré par l’Esprit, l’appelle-t-il Seigneur, lorsqu’il dit: Le Seigneur dit à mon Seigneur, assieds-toi à ma droite? » (Matth 23/45ss)
Les oracles sibyllins sont une littérature complexe et obscure, de 4000 vers environ, dont certains sont très mauvais poétiquement et à la limite de l’incomréhensible. Ils sont censés reproduire les paroles de diverses prophétesses, appelées « Sibylles ». Ce nom était au départ celui d’une personne historique donnant des oracles, qui devint vite générique pour désigner une prophétesse exerçant dans un temple ou à proximité. On n’a donc d’abord compté qu’une Sibylle, signalée par Héraclite vers 500 avt J.C. On est passé à trois, celle d’Erythrae en Asie mineure, celle de Libye et surtout celle de Cumes, près de Naples, que Virgile a immortalisée. On arrive avec Varron, au 1er Siècle avt J.C à dix.
Il a existé à Rome des Livres Sibyllins, conservés au Capitole, considérés comme des livres officiels concernant l’avenir de la Ville, mais ils ont brûlé en 83 avt J.C, et leur contenu est perdu. Cette littérature avait donc un statut officiel et était considérée par les anciens comme des documents de valeur provenant des dieux par Sibylle interposée. Cela explique qu’après la disparition des livres romains, sévèrement contrôlés par les autorités, une floraison de textes apparaît, dont on ne sait pas le rapport exact avec ceux de Rome. Les Jufs hellénistiques et les chrétiens plus tard ont interpolé ces textes, et c’est sous cette forme, de plus très désordonnée, qu’on les a aujourd’hui. Le IIIe Livre semble être le plus fortement judaïsé. C’est celui-ci que Virgile, dans ses Eglogues IV/22,24625, a employé pour décrire l’âge d’or, où les troupeaux n’auront plus à craindre les lions, conduits qu’ils seront par un petit enfant, récit influencé par Esaïe 11/6ss:
« …nec magnos metuent armenta leones… et les troupeaux ne craindront pal les grands lions…
occidet et serpens, et fallax herba veneni et le sepent succombera, et l’herbe trompeuse et venimeuse
occidet… » succombera… »
Un des messages centraux de ces oracles est le retour de l’âge d’or des origines, mais précédé d’un « terrible jugement
réservé aux peuples qui auront persévéré dans leurs erreurs ». C’est cette thèse que Thomas de Celano cite dans son chant.
(d’après Adolphe Lods, Histoire de la littérature hébraïque et juive, Les oracles sibyllibns, page 896-898)
les sources bibliques
Les sources du chant sont d’abord Sophonie, un prophète contemporain de Jérémie, qui dans les années 637-534 annonce un jugement de toute la terre, après lequel Juda et Jérusalem seront rétablies dans leur gloire. L’incipit du chant est tiré de Sophonie 1/15, d’après la Vulgate: « Dies irae dies illa, dies tribulationis et angustiae,… – Jour de colère que ce jour-là, jour de tribulation et d’angoisse… » Suivent 4 paires de malheurs, soit huit mots. Le texte poursuit : « Dies tubae et clangoris – jour de la trompette et de son éclat », tromptette qu’on retrouve à la strophe 3. Adapté à l‘Eglise, le texte signifie que le monde sera jugé, mais que le chrétien fidèle sera sauvé, après avoir été jugé sur ses actes.
Cela nous amène à la deuxième source, l’Apocalypse, 20/11-15, où le jugement dernier est décrit : « Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de la vie. .. Et chacun fut jugé selon ses œuvres. Quiconque ne fut pas trouvé dans le livre de la vie fut jeté dans l’étang de feu. Le livre se retrouve à la strophe 5, les flammes à la strophe 16.
Trois autres sources sont à citer : 1° le jugement des nations de Matthieu 25/31-46, avec le tri des brebis et des boucs, qu’on trouve dans les strophes 6, 15 et 16, les maudits et les bénis. 2° les récits de la Passion avec Marie, que Jésus a délivré de 7 démons selon la finale d’Aristion dans Marc 16/9, et le bon larron, auquel Jésus a promis le paradis, selon Luc 23/43. 3° la parole du Christ : Car il n’y rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu », dans Matthieu 10/26 et parallèles.
Yves Kéler, 16.9.08