LES BREDELE ALSACIENS : Signification de leurs symboles, Georges Pfalzgraf

LES BREDELE ALSACIENS 

                     Signification de leurs symboles 

    par Georges  Pfalzgraf, pasteur retraité de l’ECAAL,

                     67110 GUMBRECHTSHOFFEN
    en son temps pasteur à 67690Rittershoffen (Bas-Rhin),
                                   décembre 1994  

Qu’est-ce que les Bredele ?

        Le mot alsacien « Bredel » est le diminutif de « Brot », le pain. « Bredel » signifie littéralement « petit-pain », mais représente à vrai dire un très petit gâteau fait à partir d’une pâte dans laquelle entrent des composants plus ou moins exotiques. 

        Les gâteaux, à base de lait et de miel, ou de sucre, doivent évoquer la manne, qui avait le goût de la galette au miel. Devant cette nourriture miraculeuse, dont la fabrication est rapportée Nombres 11/7-8, les Israélites s’exclamaient : « Man hou ? », c’à-d. « Qu’est-ce que cela ? », Exode 16/15. Les gâteaux sont une évocation de la manne et le rappel que la promesse que l’entrée « dans le pays ruisselant de lait et de miel » s’est réalisée (Exode 3/8, 17.

        Les Bredele, par leur douceur et leur goût exotique, mais aussi par l’image qu’ils représentent, doivent attirer l’attention sur le salut en Jésus et rappeler des récits de l’évangile. Ils sont particulièrement liés à la fête de Noël et de l’Epiphanie, où ils évoquent l’enfant Jésus.

        A l’approche de Noël, la confection des Bredele peut mobiliser jeunes et vieux et constituer une grande leçon récréative, voire un jeu éducatif orientant l’attention vers Jésus et le salut qu’il apporte.

        Voici les motifs les plus courants.

LES ANNONCIATEURS DU SALUT

 L’ange, d’r Engel  

        « L’ange du Seigneur » est un envoyé spécial de Dieu, différent des autres anges, et unique, directement envoyé par Dieu même. Il  s’est manifesté à Moïse (Exode 3/2-4), à Gédéon ( Juges 6/11-14), à Joseph ( Matthieu 1/20, 2/13, 19), à Zacharie (Luc 1/11), aux bergers (Luc 2/9). Le mot « ange » signifie « envoyé », aussi au sens humain du mot, dans le paganisme grec.

        Dans la Bible, deux interprétations sont posssibles :

1. L’ange qui est le Seigneur lui-même, caché sous cette forme, mais avec l’accent mis sur la notion de message qui doit être entendu.

2. L’ange envoyé par le Seigneur : il peut désigner le Christ (Actes 8/26). L’ange du Seigneur peut avoir un nom, Gabriel (L’homme fort de Dieu), tel qu’il apparaît à Marie dans Luc 2/26.

        Ceux auxquels l’év-angile,  c’est-à-dire le « bon – message », est annoncé doivent l’annoncer à leur tour comme les bergers (Luc 2/17) et assumer une fonction d’ange.

La trompette, ou le cor,  d’Trompet, oder Drommet, ’s Horn

        On s’en servait pour annoncer un événement important, ainsi le Nouvel an (Lévitique 23/24), ou pour rassembler 5I Corinthiens 14/18), ou pour préparer au combat (Juges 3/27). Ici ils symbolisent l’annonce de l’ère nouvelle inaugurée par l’arrivée du Christ, et aussi de la dernière ère, celle qui commencera avec la fin des temps.

La cloche,  d’ Glock  

        Elle a la même fonction que la trompette ou le cor : annoncer un événement et rassembler. Les clochettes fixées au vêtement du grand-prêtre retentisaient à son entrée dans le sanctuaire (Exode 28/31-35). La sonnerie des cloches annonce aussi la liturgie céleste du Christ, célébrée parmi nous, quand nous nous rassemblons (Hébreux 8/1ss).

LES CORPS CELESTES ANNONCIATEURS

L’astre ou l’étoile,  d’r Stärne, oder Starn

        Le Christ (le Messie) est annoncé sous l’image de « l’astre sortant de Jacob », (Nombres 24/17). L’astre s’est révélé aux sages d’Orient et les a guidés (Matthieu 2/2, 6,  9).

        Le Christ lui-même est appelé « l’étoile du matin » dans l’Apocalypse 22/16. L’étoile du matin est une allusion à Vénus, planète qui apparaît le soir, sous le nom « d’étoile du berger »,  avant les étoiles et disparaît le matin après celles-ci. L’étoile du matin ressort, alors que les autres étoiles s’effacent peu à peu. Il en va de même de toutes les grandeurs humaines en face du Christ.

        Le Christ est aussi « le soleil levant » (Luc 1/78), le « soleil de justice » (Malachie 3/20). Diverses formes d’étoiles existent, à 4 à 5 pointes, ainsi qu’à 6. Il exista aussi, plus rarement, l’étoile de David, à 6 branches également. Il existe des variantes alternant des lobes et des pointes.

La lune,  d’r Mond

        Dans leur observation du ciel, les mages s’occupaient de tous les corps célestes, y compris la lune, qui est le pendant du soleil, les planètes (formes rondes et aspect mat), les comètes. 

La comète,  d’r Comet

        L’étoile dont parlent les mages a souvent été interprêtée comme une comète. Cette forme, d’aspect brillant, apparaît souvent.

Les planètes,  d’Planete

        Les petits gâteaux plats et mats peuvent les suggérer. L’anis évoque une grande luminescence.

LE CHRIST, LA TRINITE ET LE SAINT ESPRIT

La croix grecque,  ’s Kriz

        Elle rappelle le gibet, comme toutes les croix, mais à Noël elle représente le Christ fait homme parmi nous sans plus. La croix grecque à 4 branches égales signifie les 4 points cardinaux : l’enfant a dû mourir pour le monde entier, le Juste pour les coupables.

        On trouve le modèle à un lobe en bout de branche, ou à deux lobes au bout des branches, ce qui fait 8 lobes, qui peuvent évoquer les 4 points de l’ancienne + les 4 de la nouvelle céation. Ou encore le 8ème jour, le 1er jour de la première semaine de la nouvelle création.

        En Allemagne, ainsi qu’en Alsace-Lorraine entre 1870 et 1918, on trouve aussi la croix de fer, distinction chrétienne et militaire de la Prusse, étendue à tout l’Empire allemand. De même, on trouve la croix de Malte.

Le poisson

        Symbole du Christ à travers l’acrostiche grec que forment les lettres I CH TH U S, qui donne le mot « Ichthus – le poisson » :

 I : Ièsous ;  CH : Christos ;  TH : Théou ;  U : Huios ;  S : Sôter.   
     Jésus                Christ                 de Dieu        le Fils        Sauveur.
 


        Ce symbole est aussi à l’origine des poissons en chocolat à Pâques.

Le trèfle,  ’s Kriz oder Kleeblattel  

        Le trèfle est une croix lobée, qui rappelle le gibet. Dans le jeu de cartes, il s’appelle « ’s Kriz – la croix ». Le trèfle est aussi le symbole de la chance et du bonheur, « ’s Glickbiemel-la petite fleur du bonheur » en Christ.  

Le trilobe,  ’s Dreiblàtt

        Cette figure, qu’on trouve beaucoup dans l’architecture, est une représentation de la Trinité, le Christ venant de Dieu par le Saint-Esprit, et devant y retourner à l’Ascension.

Le triangle équilatéral,  ’s Dreieck

        C’est aussi une représentation classique de la Trinité. Soit par les trois pointes, celle du haut étant le Père, le Fils, issu du Père, étant à gauche en bas et l’Esprit, issu des deux étant à droite en bas. Soit par les côtés : le Père étant à gauche, l’Esprit, duquel naît le Fils, à Droite, le Christ en bas, tourné vers la terre.

La colombe,  d’Düb

        Expression de douceur et de pureté, elle représente la manifestation du Saint-Esprit. D’abord dans la naissance du Christ, « né du Saint-Esprit » (Luc 1/35), puis dans son baptême au Jourdain, fêté à l’Epiphanie (Matthieu 3/13-17).

        Il en existe deux formes : l’oiseau vu de côté, ou vu du haut.

  LE MAL VAINCU ET LE PARADIS RETROUVE 


Le Serpent,  d’ Schlàng

        Il est le symbole du mal en Genèse 3. Le mal se faufile en nnous, mais le Chist le détruit. Il écrase la tête du serpent (Genèse 3/15).

 La pique et le carreau,  ’s Spiess, d’r Schüppe 

        La pique est une arme pour tuer et faire de larges plaies. Allusion au massacre des Innocents (Matthieu 2/13-18), célébré le 28 décembre. Elle rappelle aussi le coup de lance dans le flanc du Christ sur la croix (Jean 19/34). 

        Le carreau représente le cœur écartelé, c’est-à-dire déchiré dans les 4 directions par le mal, par opposition au cœur heureux, rond. Le carreau est une allusion aux souffrances du Christ, dont la première est son abaissement dans la naisssance. Ici Noël est compris dans son sens ancien : le Christ quitte la gloire céleste et s’abaisse vers la terre pécheresse et méchante. La deuxième souffrance est sa passion et sa mort.

 Les oiseaux et certains animaux,  Vöjel un Tiere 

        Il existe dans certains lieux la tradition de Bredele en forme d’oiseaux, à ne pas confondre avec la colombe : moineaux, mésanges, hirondelles, merles, aux formes effilées au contraire de la colombe. On trouve aussi les oiseaux en verre soufflé à mettre sur le sapin. Ces oiseaux rappellent le paradis retrouvé (Genèse 2/20).

        Dans le même sens, on trouve parfois des formes d’animaux, tel l’ours ou le lion, symboles de la force qui vainct le mal.

 Le sapin, de Dànnebaum 

        Cet arbre toujours vert est le symbole de l’arbre de la vie au milieu du jardin (Genèse 2/9). Rendu inaccessible par le péché (Genèse 3/24), il ne l’est pas pour Jésus, dont la mort sur la croix, nouvel arbre à la fois de la connaissance et de la vie, ouvre le chemin vers l’arbre central Jésus est le seul à avoir cet accès et à nous le donner (Apocalypse 2/7). L’arbre de vie préfigure le paradis futur, puisqu’on le retrouve dans la nouvelle Jérusalem, à la fin des temps (Apocalypse 22/2). Les feuilles de l’arbre servent à la guérison des nations.

        L’arbre lui-même, placé au centre, en arrière ou à côté de la crèche, d’abord sur la place publique devant l’église, puis dans les églises et enfin dans les maisons, représente tout cela.

LE FIDELE, L’HOMME

Le cœur, ’s Herz

        Il désigne l’essentiel de la personnalité. Il est synonyme de discernement, d’intelligence, de réflexion. Il esprime la faculté de penser. En hébreu, penser se dit littéralement « parler en son cœur »(Genèse 24/25 ; 8/21 ; I Samuel 1/3). Le cœur, en tant que discernement, pensée ou réflexion est une capacité indispensable pour saisir et vivre l’Evangile. C’est pourquoi le chrétien « élève son cœur », il « prend à cœur », c’est-à-dire il y pense, y réfléchit et en tire les conséquences. En avoir le coeur net : être éclairé sur ce point.

        Le cœur désigne aussi le bonheur du chrétien qui reçoit son Sauveur, par opposition au cœur écartelé signalé plus haut.

La botte et le sabot, d’r Stiffel un de Holzschüe

        La botte fait allusion à la marche des bergers vers la crèche (Luc 2/15). Il vaut la peine de bien se chausser pour aller vers le Christ, en particulier au culte et à la messe de minuit. Aujourd’hui se mêle le thème de la botte qui va recevoir les cadeaux : celui qui a du zèle pour le Christ en est récompensé.

        Le sabot est plutôt la chaussure du paysan, moins faite pour marcher loin que pour se déplacer sur des sols boueux. Ce pourrait être une allusion à ceux qui étaient dans la crèche avec la sainte famille et qui écoutaient le récit des bergers (Luc 218).

La couronne, d’ Kron

        Cercle destiné à ceindre la tête, elle est le signe de mérite, de victoire, d’autorité, de triomphe et de souveraineté, de dignité, obtenue ou héritée. Elle fut en usage dans tous les domaines : civique, militaire, olympique et religieux. La couronne suprême revient à Jésus, le vainqueur et le roi éternel. Il a remporté la victoire sur le mal et la mort (Apocalypse 1/5-6, 12). La couronne d’épines est la dérision de cette royauté par les bourreaux, et la préfiguration de la couronne royale pour les fidèles (Matthieu 27/27-31). La couronne de vie est promise au chrétien fidèle (Apocalypse 2/10).

        La forme la plus courante est celle d’un cercle vide au centre, ce qui est la couronne vue d’en haut. Il existe aussi la couronne vue de profil, avec des dentelures.

LA NOURRITUE DE L’HOMME : LES DIFFERENTS PAINS

Le pain rond et l’hostie,  ’s Rundbrot und d’Hoschtie

        La forme ronde rappelle le pain rond, la corona ou couronne, d’abord avec un trou central, puis le trou comblé. Ce pain servait à la Cène, c’était un pain eucharistique. Le cercle est aussi l’hostie, qui fait allusion à la communion au Christ (Jean 6/31-34) dont on mange le corps. 

Le petit pain,  ’s Wihnàchtsweckel

        Mieux que la manne, Dieu nous donne le véritable pain du ciel, le pain de Dieu, celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde 5Jean 6/312-34). C’est une allusion à la communion sacramentelle, plus dans le sens de l’agape que du sacrement. Ces petits pains allongés de forme elliptique, longs de 10 à 15 centimètres, parfois ronds avec une croix entaillée dans la pâte, (plutôt pour le Nouvel An), sont souvent au lait, avec quelques raisins. On les appelle « Wihnàchtswecke »

Le pain d’épice,  d’r Lebküeche

        Très proche du pain ce dessus, mais plat comme le pain en Orient, ce petit pain aux épices est appelé « Lebküeche – pain de vie ». Notons que le pain d’épices de Nuremberg est posé sur une grande hostie blanche . Cette sorte est appelée « Elisenbrot », en souvenir dit-on de la femme qui l’aurait inventé. S’agit-il plutôt de « Elysiumbrot – pain de l’Elysée, du paradis » ? L’allusion à la communion eucharistique est manifeste.

        Le pain d’épices par ses composants exotiques souligne le caratère extraordinaire du sacrement et très différent d’un repas ordinaire. Ce pain rappelle aussi la parole du Psaume 34/9 : »Voyez comme le Seigneur est bon », allusion à la Sainte Cène et à la douceur du pain nouveau. On goûte la bonté de Dieu avec sa bouche.

Le pain aux raisins et fruits confits

        C’est un pain en boule longue, très compact et très riche, bourré de raisins secs, de noisettes ou noix, et de morceaux de fruits condits. Il symbolise la richesse et la magnificence des dons du Seigneur, et rappelle aussi que le Seigneur est bon..