B. 01. QU’EST-CE QU’UN LIEU DE CULTE PROTESTANT ?

Parties, mobiliers, objets à prendre en compte

A.  DEFINITIONS DE BASE

        a.  Un lieu de culte protestant doit correspondre à :

1°  la triple définition biblique, qui en indique la fonction :
                le lieu où habite Dieu,   la maison de Dieu
                le lieu du rendez-vous : Exode, Lévitique
                l’image terrestre du sanctuaire céleste : Ezéchiel, Hébreux, Apocalypse

2°  le triple critère de l’architecture : Fonction, Structure, Forme

        b. Présence et absence de Dieu et des hommes :

        Le lieu reçoit et abrite Dieu, qui y vient, y est, en part, est absent. On ne sait si Dieu est là ou non, et quand, ni de quelle manière. Voir Esaïe 6 : on le voit en partie, une partie au ciel, une sur terre, une invisible. Il faudra donc concevoir un lieu de culte dans cette triple idée que Dieu peut en même temps y être, ne pas y être, et sans qu’on sache quand. L’injonction – invocation réformée : « Adorons le Seigneur – Seigneur, sois au milieu de nous » exprime parfaitement cette situation.

        La présence de Dieu sera marquée par des meubles ou des objets, : autel, table de communion, bible, croix, vitraux, etc…Son absence sera marquée par le fait qu’aucun de ces meubles ou objets n’est sacré par principe : on les place là parce que Dieu est là ou non avant que l’homme ne matérialise le fait. On ne peut pas enfermer Dieu dans un objet ou un livre, et ceux-ci n’acquièrent pas une nature sacrée propre à cause de la présence ou non de Dieu. Une Bible est à la fois parole Dieu, méritant le plus grand respect, et papier, qu’on peut brûler. Dieu n’y est pas enfermé, et la détruire n’atteint pas la parole de Dieu, encore moins Dieu.

        Le lieu reçoit et abrite les hommes : ils sont dans le lieu, y viennent, en partent, sont absents. Cela est a priori indépendant de la présence de Dieu. Dieu peut être là, sans qu’il y ait des hommes, et inversement. De supprimer et nier la présence de Dieu en transformant l’église en écurie ou salle de spectacle n’empêche pas Dieu d’être toujours là (voir dans les pays communistes). De même interdire à la communauté de s’y retrouver n’empêche pas celle-ci de se réunir ailleurs, fût-ce dans un pré ou un bois, Dieu étant partout (voir les cultes du Désert).

        Dans un lieu de culte, destiné à la rencontre entre Dieu et les hommes, on part du principe que les deux sont présents ensemble, puisque le culte suppose que Dieu qu’on honore est là, et que les hommes qui le font également.

B.   L’ORGANISATION DU LIEU DE CULTE  (= STRUCTURE)

1. Dieu : L’expression de la présence de Dieu :  le mur, l’autel, la croix, la Bible

        a. le mur

        Le lieu terrestre, sous la forme d’un bâtiment, est clos, il a un intérieur et un extérieur. Dieu et la communauté sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur (la communauté réunie est un morceau de l’Eglise universelle sur la terre). La frontière entre l’intérieur et l’extérieur est le mur, dont l’un est plus important que les autres : celui du fond, vers lequel on prie et chante. Ce mur peut être un plan vertical fermé, ou être précédé d’un autre plan vertical percé, en général à l’entrée du chœur, pourvu d’un arc (l’arc triomphal), qui matérialise le passage entre la terre et le ciel. Avant l’arc, c’est la communauté, dans la nef,  après l’arc, c’est Dieu, le Christ et l’Esprit, dans le chœur. C’est pourquoi on trouve souvent une croix, soit sur le mur du fond, soit dans l’arc, pour signifier qu’on atteint Dieu par le Christ, qui est entré dans le ciel ouvert (l’arc) ou a passé le mur du visible et de l’invisible. De même, Dieu s’adresse à nous à travers le Christ. Le mur, plein ou percé,  est à la fois frontière et lieu de passage.

        La thèse du lieu de culte-image terrestre du sanctuaire céleste se matérialise aussi par le mur percé de fenêtres, et surtout par les représentations : fresques, vitraux, qui montrent des scènes célestes : à travers le vitrail, moi qui suis en deçà de celui-ci, je vois ce qui se passe dans le sanctuaire céleste, au delà de l’image (voir la vision d’Etienne, qui voit le ciel ouvert et le Christ debout à droite de Dieu). Mais le sanctuaire véritable et ultime est le céleste. Je l’entrevois ici avant le rejoindre à la résurrection. Il y donc une dimension eschatologique dans cette disposition du lieu.

        b.  L’autel ou table de communion

        C’est le 2e témoin de la présence de Dieu. A sa verticale est Dieu, et par cette verticale passe la prière et l’offrande. L’autel rappelle les sacrifices de l’A.T., hors du Temple et dans le Temple, dont la fumée montait vers Dieu, emportant les prières des fidèles. Les sacrifices sanglants sont annulés par celui, unique et parfait, du Christ. D’où le crucifix posé ou suspendu au dessus, qui interdit tout autre sacrifice. Le sacrifice du Christ, élevé sur la croix et au ciel, est rappelé par la Cène, célébrée sur cet autel, ou table de communion, dans l’axe vertical du sacrifice de l’ancienne alliance, et horizontal de la communauté des disciples.

        Les réformés ont supprimé le rappel de l’A.T., contrairement aux luthériens, en enlevant le bloc de pierre sacrificiel ou son imitation, pour ne garder que la table de la Chambre haute. Chez les luthériens, autel et table sont confondus, ou superposés selon l’architecture du meuble. Mais la signification fondamentale est la même : à cette table se fait la rencontre avec Dieu, le Christ et l’Esprit, dans la Cène, et par elle, quelle qu’en soit la façon, est évoquée la montée de la prière vers Dieu.

        Règle fondamentale : l’autel est au centre de l’assemblée (dans certaines églises, rondes ou polygonales, il est au milieu du lieu : exemple : l’église souterraine de Lourdes). Il faut pouvoir le contourner de partout. De ce fait, la liturgie d’entrée et de sortie se fait devant et derrière l’autel, selon les cas : introït, psaume et confession des péchés devant l’autel ; prière collecte, crédo, prière universelle et d’intercession, Notre Père, bénédiction se font derrière l’autel. De même la Sainte Cène, comme dit plus haut.

        L’autel, ainsi que le pupitre et la chaire, rappelle aussi les étapes de l’histoire du salut, marquées par les 4 couleurs liturgiques selon les temps de l’année de l’Eglise. Ces couleurs ont tendance à se perdre actuellement, alors qu’elles sont un « langage sans paroles » (Ps 19).

        c. Chœur et nef

        Il faudra délimiter la zone propre de Dieu et celle propre de l’homme, et définir les meubles qui établissent leur présence et les rapports entre eux. Il faut déterminer quelles fonctions on veut avoir dans ces lieux : liturgie, prédication, Cène ; comment structurer ces lieux pour que les fonctions puissent être mises en œuvre ; donner une forme, stylistique en particulier, au lieu et au mobilier.

        d. Le chœur, ou le haut du lieu, est fondamentalement l’espace de Dieu. Là est l’autel-table de communion. Il y faudra assez de place pour célébrer dignement et pour accueillir les communiants. La tradition actuelle, remontant à l’après-guerre, de se placer autour de l’autel est bonne. Il faut aussi permettre aux officiants et distributeurs de communier en premier, derrière l’autel, selon la tradition antique. La communauté les rejoint ensuite et forme le cercle.

        Le chœur est aussi le lieu du banc pastoral : le pasteur agit au nom de Dieu envers la communauté. Il est assis dans le chœur. On peut placer le banc hors du chœur, mais il sera à proximité de celui-ci. Il faut prévoir ce banc, le pasteur n’ayant pas à s’asseoir avec la communauté. Ceci est un « démocratisme » étranger au culte (comparer avec le tribunal, ou les assemblées représentatives, politiques ou autres : le président est toujours distingué, de par sa fonction même, de l’assemblée). On peut d’ailleurs prévoir des bancs pour les autres responsables de la communauté : conseillers, diacre ou diaconesse, sacristain, comme cela s’est fait anciennement.

        e. Les annexes du chœur, entre celui-ci et la nef : le pupitre et la chaire, le baptistère

        Dieu, le Christ et l’Esprit s’adressent au peuple de l’Eglise. Deux meubles expriment ce fait. Le pupitre, avec une Bible de grande taille adéquate, et la chaire, avec une deuxième Bible du même type. La Parole de Dieu est propriété de la communauté et non du pasteur, c’est pourquoi on imprime des bibles de pupitre et de chaire de grande taille. Les livres n’ont pas à être remplacés par des bouts de papier. On peut, pour les lectures, employer un lectionnaire, s’il s’en trouve (en Allemagne, cela existe chez protestants et catholiques, en France, chez les catholiques seuls). La fonction du pupitre est de supporter la Bible pour sa lecture, celle de la chaire de la supporter pour son commentaire (et pour les annonces éventuellement). En dehors de cela, ces deux meubles n’ont pas de fonction.

        L’habitude fréquente actuelle de diriger le culte depuis le pupitre, et de plus d’y prêcher, est une erreur grave : cela transforme le culte en une interminable lecture monotone d’un individu depuis un lieu unique. Au lieu que le culte est une action liturgique, supposant des déplacements d’un meuble à l’autre : banc pastoral, autel, pupitre, chaire.

       Le baptistère est le troisième de ces meubles : l’évolution actuelle qui a placé (avec justesse) le baptême dans le culte, amène à célébrer celui-ci face à l’assemblée, et donc à l’entrée du chœur, et non plus de la nef, comme anciennement. Plusieurs dispositions sont possibles. Par exemple : dans l’entrée du chœur, sous l’arc de triomphe, pour montrer le passage du baptisé vers le monde de Dieu par le Christ, en symétrie avec le pupitre. Ou bien, à côté de l’entrée du chœur, en symétrie avec la chaire.

2.   L’assemblée : l’expression de sa présence
       
        a. Elle est dans la nef, ou ce qui en tient lieu, ou autour de l’autel si celui-ci est au centre. Sur des bancs ou des chaises (reliées entre elles pour des raisons de sécurité). L’assemblée doit être placée dans de bonnes conditions pour être tantôt assise, debout, agenouillée, en mouvement : accessibilité, acoustique, visibilité. Prévoir les meubles de rangement des livres, des objets : vestibule, sacristie (cette dernière est souvent négligée dans les églises protestantes, ou trop petite, ce qui complique beaucoup de détails pratiques). Prévoir aussi des toilettes, et des vestiaires..        
       
        b. Les groupes spécialisés : chorale, etc…

        Il faut aussi prévoir de la place devant l’autel, ou sur le côté, ainsi qu’autour du pupitre, pour des spécialisations de l’assemblée : chorales, orchestre, groupes présentant des scènes ou des chœurs parlés. De fait, ces groupes ont une place intermédiaire entre les officiants et l’assemblée, étant en même temps et successivement des acteurs liturgiques et des fidèles.

        c. Orgue(s), micros : de même, étudier l’emplacement de l’orgue, ou des orgues, si on a un principal (de tribune) et un secondaire (de chœur). Penser que l’organiste doit pouvoir voir les officiants et l’assemblée. Prévoir des micros en nombre suffisant, au moins trois, sur des pieds, (plus pratique que les micros-cravates selon mon expérience, et surtout que les micros portables : il faut avoir les mains libres) pour permettre à plusieurs de lire au pupitre ou de prier devant ou derrière l’autel. Un nombre raisonnable est : un micro à l’autel, pouvant être porté à trois, un au pupitre, un à la chaire, soit un total de 3 à 6.

C.   LA FORME

        La forme et le style du lieu de culte relève des goûts et des styles de chaque époque. Le terme « lieu de culte » contient deux pôles : le lieu et le culte. Si on construit à neuf, on a certaines libertés. Si on rénove, il faut étudier et respecter l’héritage du passé, et éviter les destructions inutiles : chaires, bancs des conseillers, qui ne déparent pas le bâtiment, alors que leur destruction crée souvent des vides qu’on remplira de diverses choses, pas toujours inspirées. Tout cela exige deux points communs : il faut bien connaître le fonctionnement du culte protestant classique de base, premier pôle, ce qui est une science appelée « Liturgique ». Il faut aussi connaître l’histoire de l’art et l’architecture, deuxième pôle, ce qui est aussi une science. Trop de choses sont entreprises sans connaissances de base suffisantes, tant par les pasteurs et les conseils presbytéraux que par les architectes.
 
        Dans cette partie il faut intégrer les œuvres d’art, visuelles généralement : peintures, vitraux, statues, meubles sculptés, ou les formes architecturales particulières, telles les coupoles, voûtes, piliers, tribunes.

D. CONCLUSION

        Il faut structurer le lieu de culte, et en articuler les différents lieux d’exécution, pour qu’ils remplissent leurs fonctions cultuelles, citées plus haut :

Présence et absence de Dieu, présence et absence des hommes
Adresse de Dieu aux hommes : lectures, prédication ; adresse des hommes à Dieu : prière, chant, offrande
Rencontre de Dieu et des hommes : communion, Ste Cène
Contraintes techniques du culte et des bâtiments.
Style et dimension artistique.
                                                                          Yves Kéler, 20.5.2008