Thème : Le cantique nouveau
A. LE DIMANCHE CANTATE
Son nom
Le nom du dimanche provient de l’antienne du Psaume d’introït 98 , le verset 1 : « Cantate Domino canticum novum, quia mirabilia fecit » (Vulgata apud LXX et Hebr.).
Ce dimanche prend la suite de Jubilate : « Jubilate Deo omnis terra – Réjouissez-vous, terre entière », Ps 66/1, et prolonge la deuxième moitié du vers : « cantate gloriam nomini ejus – chantez gloire à son nom ». Jubilate Deo avait une visée universelle par la forme élohiste du Psaume 66 et le thème de la création nouvelle, qui est le salut accordé dans le cadre de la création ancienne. Ce thème se prolonge dans le verset 4 : « Omnis terra adoret et cantet tibi – Que toute la terre t’adore et te chante. »
Le Psaume 98
Cantate reprend ce thème, mais dans le cadre Yahviste, habituel des Psaumes de Jérusalem, c’est-à-dire dans le cadre juif d’abord, et en particulier le cadre de la capitale religieuse juive. Le Ps 98, comme le Ps 96, qui a le même début, est d’abord national et jérusalémite, mais la portée universelle y figure aussi, comme dans le 96 : v.2 « Il a révélé sa justice aux nations » ; v.7b « Que le monde et ceux qui l’habitent éclatent d’allégresse ». Et surtout, le Psaume culmine, comme le 96, dans le jugement du monde : v.9 « Car il vient pour juger la terre ».
Le chant nouveau
Dans l’expression « … Canticum novum -chant nouveau », « Cantique » est un terme technique qui désigne une forme organisée et rythmée de l’adoration de Dieu, de fait un poème élaboré et pas une acclamation spontanée. C’est dans ce sens que les trois glorifications de Luc 1 et 2 ont pris le titre de Canticum : il ne s’agit pas de paroles spontanées de Zacharie, Marie et Siméon, mais de textes construits. L’hébreu dit : « Shiru leIahvé shir hadash », que la LXX et Jérôme traduisent exactement par « Asate tô kyriô (=Yahvé) asma kainon » et « Cante Domino (= Yahvé) canticum novum ». Deux choses : 1° le fait de chanter, exprimé par le verbe « Shiru – Asate – Cantate » 2° le nom propre « Shir – Asma – Canticum », qui est le cantique exécuté. De ce fait les trois termes ont chaque fois la même racine, en hébreu, en grec et en latin
Ce cantique cultuel est prononcé par le peuple de Dieu, dans le cadre liturgique du Temple : v.5 : « Chantez avec la harpe, les trompettes, le son du cor, poussez des ris de joie devant Yahvé. » Il y a un programme musical et vocal, avec des instruments à cordes et à vent, des chœurs et des acclamations du peuple. Cela fonde le culte de Cantate, consacré à la musique et au chant du chœur (ou des chœurs) et de l’assemblée.
Le chant nouveau
« …Novum », le chant nouveau. « Nouveau » est à nouveau un terme technique, désignant une sorte de chant exprimant la victoire de Dieu. Le nouvel an juif est l’intronisation de Yahvé comme Roi du monde, après sa victoire sur ses ennemis. On trouve cette expression de « chant nouveau » dans six textes bibliques.
D’abord dans quatre Psaumes : les 33/3, 96/1 et 98/1, ainsi que le 40/4. Cela explique que le Ps 33 est le deuxième Psaume de Cantate. Le Ps 96 est celui de Noël : la naissance du Fils, par lequel Dieu vaincra la mort à Pâques (on chante avec joie les chants de triomphe et de salut… Ps 118/15, Psaume de Pâques). Noël est la préparation de la victoire finale de Dieu. (Le Ps 40/9-12 sert au 9e Trinité, sous le thème de la Gérance des biens de Dieu).
Ensuite, le chant nouveau apparaît deux fois dans le Nouveau Testament, dans Apocalypse 5/9, où il est celui des quatre êtres et des vingt-quatre vieillards, et 14/3, où le chant nouveau est celui des 144.000, l’Eglise de Dieu. Il s’agit donc du chant des créatures nouvelles : les 4 êtres du char et du trône de Dieu, Ezéchiel 1 et Apoc 4/6, sont la création animale et humaine : lion, taureau, aigle et homme. Les 24 vieillards sont les 12 tribus + les 12 apôtres, soit l’ancien et le nouvel Israël. Et les 144.000 sont les rachetés de tous les temps, d’Israël et de l’Eglise : 12 = Israël X 12 = l’Eglise X 1000 = les hommes, donne 144.00 rachetés.
En relation avec ce chant nouveau, on trouve « le chant de Moïse, le serviteur de Dieu, et le chant de l’Agneau », Apoc 15/3. Le chant de Moïse vient de Exode 15/1, que Moïse chanta après l’engloutissement des Egyptiens dans la mer et la victoire de Dieu. Le chant de l’Agneau est le chant victorieux de « ceux qui ont vaincu la bête » (Apoc 152), comme le Christ.
Le mot d’ordre
Il est l’antienne du Psaume, 98/1 « Chantez au Seigneur un chant nouveau ». On peut l’encadrer d’un Alléluia, comme celui de Gelineau, excellent : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, Alléluia, Car il a fait des merveilles, Alléluia ».
On peut aussi en faire un responsorium, à la manière grégoriennes, I étant le pasteur, ou un liturge, II étant l’assemblée :
I. Chantez au Seigneur un chant nouveau, * car il a fait des merveilles, Alléluia.
I + II Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles, Alléluia.
I. Le Seigneur a manifesté son salut, il a révélé sa justice aux yeux des nations,
II * car il a fait des merveilles, Alléluia.
I. Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit, d’éternité en éternité.
I +II Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles, Alléluia.
L’épître
Colossiens 3/13-17 appelle l’Eglise, qui est le nouveau peuple de Dieu, « saint et bien-aimé », à célébrer Dieu.
Dans cette lettre, en 3/16, comme dans Ephésiens 5/19, Paul signale les trois types de chants employés dans l’Eglise naissante de son temps. 1° les Psaumes (Psalmoï, Psalmi), qui sont ceux de l’A/T, dans la forme des LXX pour ces communautés de langue grecque (même si des juifs hébraïsants s’y trouvaient probablement), et aux quelles il écrit dans cette langue. 2° les hymnes (hymnoï, hymni), qui sont probablement les glorifications du Christ, telles qu’on les trouve dans Philippiens 2 et Colossiens 1. Elles ne sont pas encore strophiques, comme elles le deviendront au 3e-4e Siècles puis au Moyen-Age. 3° les cantiques spirituels (ôdaï pneumatikaï, cantica spiritualia), qui sont les premiers chants d’adoration plus généraux, nés de l’action du Saint-Esprit dans l’Eglise, comme leur nom même le dit.
Remarquez la répartition trinitaire probable : 1° les Psaumes de l’A.T pour le Père ; 2° Les hymnes pour le Christ, 3° les cantiques spirituels pour le Saint-Esprit. Les Psaumes et les cantiques spirituels renvoient au Père et à l’Esprit. Du coup, les hymnes renvoient presque certainement au Christ.
L’évangile
L’actuel est Matthieu 11/25-30. L’ancien était Jean 16/16-23a, qui se plaçait dans la suite des lectures prises de l’évangile de Jean du Vendredi saint au dimanche de la Trinité (sauf Pâques et l’Ascension, liés à des évènements précis). Dans la 2ème moitié du 20e Siècle, sauf erreur, on l’a remplacé par Matthieu 11/25-30, qui était l’évangile du 16e dimanche après la Trinité, sous le thème : « La grande consolation », auquel les versets 28-30 étaient très bien assortis.
Mathieu 11/25-30 est un assemblage de trois logia de Jésus. 1° v.25-26 : Je te loue, Père. 2° v.27 : Toutes choses m’ont été données par mon Père. 3° v.28-30 Venez à moi, vous qui êtes fatigué ». Le deux premiers se retrouvent dans le même assemblage dans Luc 10/21-22. Mais le contexte de ces deux logia est différent : chez Matthieu, c’est le cadre du ministère itinérant. Chez Luc 10/21-22, c’est le récit de la mission des douze. Le troisième logion est uniquement chez Matthieu. Dans les canons d’Eusèbe, donnés par Nestlé N.T grec, les deux logia premiers logia forment la péricope 74, le 3e la péricope 75. Ce texte composite est peu adapté au thème de Cantate. Même le premier logion qui parle de louange ne vise pas la louange par la communauté.
Jean 16/16-23a possède deux avantages : 1° comme dit plus haut, il reste dans la ligne des évangiles tirés de Jean, plus particulièrement les discours d’adieu qui sont lus de Jubilate à Exaudi, donc sur 4 dimanches successifs. 2° il développe le thème de la joie après la tristesse, la joie de la résurrection après la mort, de la victoire, et il fait la transition avec Jean 16/23b-30, la prière au nom de Jésus pour Rogate, qui suit naturellement le chant à Cantate.
Je propose qu’on lise telle année Jean 16/16-23, par exemple une année sur deux, en alternance avec Matthieu 11/25-30, en particulier si on veut employer l’évangile dans la prédication.
B. LES CANTATES
Le nom du dimanche Cantate est à l’origine du terme qui désigne cette forme de musique et de chant. On a composé sous ce nom des assemblages de cantiques de l’assemblée (Choral – choral), chantés par un chœur et parfois en commun avec la paroisse, de lectures bibliques (Rezitativ – récitatif), d’airs de solistes(Arie – arias), et de pièces de chœur (Chor – chœurs), l’ensemble étant destiné à former un résumé liturgique dans le culte. En effet, la cantate, du moins protestante et luthérienne, est destinée à être insérée dans le culte. (Il existe des cantates profanes structurées de la même manière).
La Cantate pouvait être ainsi intégrée par fragments dans le culte, ou être exécutée parfois à part de celui-ci. Elle permet de mettre en œuvre les différentes parties du culte et les différentes personnes : choral : chœur et assemblée ; récitatif : le lecteur de l’évangile, ou de l’épître parfois ; le chantre soliste dans l’aria ; la chorale dans le choeur
Les plus célèbres cantates spirituelles sont celles de Jean-Sébastien Bach, au nombre de 200 + 4 supplémentaires, qui correspondent à au moins cinq années liturgiques. En effet, Bach en composait une par dimanche, ce qui en fait plusieurs par dimanche au bout de quelques années. Mais il en existe de nombreux compositeurs.
Pour les Cantates de Bach,
voir sur ce site, (il sera étoffé prochainement)
sous la section « Txt de Cantates et Passions »
COMMENT FAIRE UNE CANTATE DANS LE CULTE AVEC PEU DE MOYENS ?
Peu de paroisses peuvent exécuter une cantate de Bach : il y faut chorale, solistes et orchestre. Mais on peut s’inspirer du principe de la cantate, qui est l’assemblage de morceaux, et faire une cantate avec l’assemblée, qui encadre l’épître et l’évangile.
Place : après Confession des péchés + Kyrie ou Psaume pénitentiel
Paroles de grâce + Gloria in excelsis, ou Oh ! qu’heureux est celui
Salutation : … et avec ton esprit
Prière de collecte + Amen, ou d’illumination
Lectures bibliques
Cantate
Confession de foi
Cantique de l’assemblée
Exemple : Prenons l’exemple de la cantate de Bach pour
le 1er dimanche de l’Avent :
« Nun komm, der Heiden Heiland –
Viens Rédempteur des païens » .
Les textes des Arias et des récitatifs sont ceux de Bach
1.Choral : Chorale, sinon assemblée seule : Viens, Rédempteur des païens.
Texte : Martin Luther 1524 d’après Veni Redemptor gentium,
d’Ambroise de Milan 386.
Frs : Yves Kéler 2005 (texte intégral et commentaire
sur ce site, sous :
section : chants, catégorie : chants français,
« Viens, Rédempteur des païens »)
1. Viens Rédempteur des païens,
Montre-toi, enfant divin,
Que s’étonne l’univers
De ta venue dans la chair.
2. Récitatif I : un récitant (Ténor, dit l’original):
Le Sauveur est venu, a pris notre pauvre chair et notre sang, et nous prend comme parents de sang. O bien suprême, que n’as-tu pas fait pour nous ? Que ne fais-tu pas, chaque jour, pour les tiens ? Tu viens et tu laisses éclater ta lumière en une pleine bénédiction.
3. Epître : un lecteur
Romains 13/8-12
4. Chant de l’assemblée :
2. Tu n’es pas fils d’un humain,
Ton Père est l’Esprit divin.
Verbe, à nous tu es venu,
D’humanité revêtu.
5. Venu du Père et des cieux,
Tu remonteras vers Dieu.
Tu descendras chez les morts,
Tu règneras en Dieu fort.
5. Air -Aria I : prière : le pasteur (ténor, dit l’original)
Viens, Jésus, viens vers ton Eglise
Et donne-lui une année bénie. *
Fais que ton nom soit glorifié.
Conserve-nous ton juste enseignement
Et bénis notre chaire et notre autel. (Amen).
* le premier de l’Avent est le début de l
‘année ecclésiastique
6. Chant de l’assemblée :
6. Egal au Père éternel,
En vainqueur tu viens du ciel,
Pour enlever de nos corps
L’infirmité de la mort.
7. Ta crèche luit comme un feu
Dans la nuit, clair, lumineux,.
Que la nuit n’y entre pas,
Mais qu’il en sorte la foi !
7. Récitatif II : un récitant (basse, dit l’original)
Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai la Cène avec lui et lui avec moi (Apoc 3/20)
8. Air – Aria II : une récitante (soprano, dit l’original)
Ouvre-toi, mon cœur entier,
Jésus vient et y prend place !
Que je sois poussière et terre,
Il ne me dédaigne pas.
Oh ! sa joie, quand il voit
Que je deviens sa demeure.
Comme je serai heureux !
Ouvre-toi, mon cœur entier,
Jésus vient et y prend place !
9. Evangile : un lecteur, ou le pasteur : (ici l’assemblée se lève,
selon la tradition luthérienne)
Matthieu 21/ 1-11, l’entrée de Jésus à Jérusalem
10. Choral : choral, ou assemblée :
7e strophe de « Wie schön leuchtet der Morgenstern –
Brillante étoile du matin », de Philipp Nikolaï, 1599
Deux traductions sont proposées :
7. Je suis heureux, du fond du cœur :
L’Alpha, l’Oméga, mon Sauveur,
C’est Jésus-Christ lui-même !
Il me prendra, pour son honneur,
Dans son Royaume, quel bonheur !
Je l’acclame et je l’aime !
Amen, Amen,
Ma couronne ! De ton trône
Viens me prendre :
Ne me laisse plus attendre.
Traduction directe de l’original, Yves Kéler
7. Quel bonheur, quel contentement,
Jésus est le Commencement,
La Fin de toutes choses.
Il m’accordera le salut
Qu’il réserve à tous ses élus,
Qui sur lui se reposent.
Seigneur, Sauveur,
Fils du Père, Ta lumière
Nous éclaire.
Viens régner sur cette terre !
Traduction de Pierre Valloton,
en complément
de « Brillante étoile du matin »
C. INDICATIONS DE CHANTS POUR LE DIMANCHE CANTATE