F.08a. LE DIMANCHE ROGATE (5e après Pâques)

Thème :  Priez : l’Eglise en prière

A.    Le nom du dimanche

        Le nom actuel de « Rogate » ne provient pas, comme les autres noms latins des dimanches, de l’antienne d’un Psaume d’introït, mais de l’injonction qui introduisait les « Rogations », les « prières de demande », de ce dimanche et des trois jours suivants jusqu’à l’Ascension, les lundi, mardi et mercredi. Anciennement, ce dimanche est appelé aussi du début de son antienne : « Vocem Jucundatis ».  Wilhelm Löhe 1853 dit: « Vocem jucunditatis sive Rogate », voir plus bas).

        Les « rogations » étaient prononcées dans l’église et poursuivies dans les champs, dans le cadre de processions comme celles de la Fête-Dieu. Les livres de prières catholiques du diocèse de Strasbourg, tel le « Jubilate » d’Alfons Heitz, de Colmar, des années 1950-60, donne pour ces jours une « grande litanie », appelée aussi « Allerheiligenlitanei – Litanie de tous les saints », parce des saints universels et des saints locaux étaient invoqués. Le texte se développe en latin et en allemand sur 10 pages.

        Ces rogations se prolongeaient par une prière pour les champs et le bétail, chaque dimanche, jusqu’à la Fête des Récoltes, en automne. Cette tradition a toujours été obsevée dans les Eglises protestantes allemandes. On la trouve toujours dans certaines paroisses rurales. Dans le Bade-Würtenberg, il existe un  « Erntebittgottesdient – un culte de prière pour la moisson », célébré en juillet. Tous les ans une liturgie est proposée.

Les « rogations » aujourd’hui :

        A mon avis, ce type de culte devrait être rétabli, du moins dans les paroisses rurales, sous la forme d’une prière pour les champs, le bétail et les récoltes. Soit 1° sur le modèle allemand, d’un culte spécial en été. Soit 2° selon un plan qui conduirait de Rogate à la Fête des Récoltes, mais ne prendrait pas tous les dimanches. Soit 3° le 1er ou le 2ème dimanche du mois, ce qui concerne : juin, juillet, août et septembre.

La Fête des récoltes :

        Celle-ci tombe traditionnellement à deux dates. 1° sur le dimanche après la St Michel du 29 septembre, ce qui a créé la tradition du premier dimanche d’octobre. 2° sur le dimanche après la St Martin du 11 novembre, ce qui a créé la tradition du 2ème dimanche de novembre.

        Cette dernière date est depuis des siècles, encore aujourd’hui, celle de la clôture de l’année agricole et du renouvellement des baux des terres et des chasses. Anciennement, c’était la date du renouvellement des contarats avec les ouvriers agricoles et le personnel de maison. Le 11 novembre était la fëte des vendanges dans le vignoble. Mais avec l’avancement de la végétation, dû au réchauffement climatique, la vendange est plus précoce, et commence parfois fin août, comme par exemple en Alsace, en 2007 . De ce fait , le vignoble alsacien fête partout les vendanges au 1er dimanche d’octobre.

        Dans une paroisse rurale, une confession des péchés et/ou une prière de collecte, ou d’intercession pour les champs et les animaux peut être faite une fois par mois.

Voici quelques dates possibles, selon l’année de l’Eglise :

1er  dimanche après la St Jean du 24/6 (ou 1er de juillet),
       ou :  6e dimanche après la Trinité = 1er après la St Jean
       ( à cause du baptême)

9e   dimanche après la Trinité : Thème : La gestion des biens de Dieu

12e dimanche après la Trinité = dimanche après les 6 dimanches
       après St Jean: Thème : le bon Samaritain

15e dimanche après la Trinité : Thème :les biens terrestres

1er  dimanche après la St Michel du 29/9, ou 1er d’octobre,
       ou 19e Dimanche après la Trinité = 1er dimanche après la St Michel :
                  (Thème : la guérison du corps et de l’âme) ,
       si la fête des Récoltes est célébrée en novembre.

B.  Le Psaume du dimanche

        a.   le Ps 66/16-20 :  

        Le Psaume classique de Rogate est le 66/16-20. Son antienne est tirée d’Esaïe 48/20 : « Vocem jucunditatis annuntiate… – Elevez la voix de la joie… »  Le texte n’est pas celui de la Vulgate. Il provient peut-être des versions anciennes, telle la Vetus itala, des 2ème-3éme Siècles, dont certaines formulations sont restées dans des textes liturgiques.

La chaîne psalmique :

       Le Psaume 66/16-20 est donné depuis des siècles par tous les livres : pour les catholiques : le Paroissien romain et le Graduel, tous deux du 16e Siècle ; pour les protestants luthériens : Wilhelm Löhe 1853 ; Lutherische Agende 1964, Badische Agende 1963, et en France EELF 1966.

        Ce Psaume sert plusieurs fois dans l’année. On le trouve d’abord comme 2e Psaume du 2e dim après l’Epiphanie, consacré aux noces de Cana (66/1-4, 8-9, 16-20). Puis à Laetare, le dimanche après la Mi-Carême, appelé « Petite Pâques », parce qu’il est orienté vers Pâques par dessus le dimanche de la Passion = Judica, les Rameaux et la Semaine sainte (66/1-4, 8-9). On le retrouve à Jubilate,  (66/1-4, 8-9), dont l’antienne Ps 66/1 lui donne son nom.  Dans cette antienne : « Jubilate Deo Omnis terra, Cantate gloriam nomini ejus », on trouve le mot « cantate », qui annonce le dimanche suivant, de ce nom. Rogate reprend la fin du Ps 66/16-20.

         On obtient ainsi une chaîne psalmique: 1° longue, qui relie 5 dimancjhes de la joie: 2e Epiph, Laetare, Judica – Cantate – Rogate . 2° brève, qui relie Jubilate – Cantate – Rogate, c’est-à-dire les trois dimanches marqués par un impératif et qui forment la 2ème partie du temps de Pâques.

L’allusion aux prières à venir dans le culte :

        Dans Ps 66/16-20, aux versets 19 et 20, on trouve les mots propres à Rogate :

v. 19 : «  (Deus) attendit vocem deprecationis meae… – il a écouté
          la voix de ma supplication…
v. 20 : «  Non amovit orationem meam – il n’a pas rejeté ma prière. »

Le mot d’ordre : Ps 66/20

        Le mot d’ordre reprend le verset 20, cité à l’instant : « Béni soit Dieu, qui n’a pas rejeté ma prière ».

        b.   le Ps 95/1-7

        Actuellement, le Ps 95/1-7 est donné comme 1er Psaume  pour Rogate, dans les livres nouveaux et dans les plans de lectures bibliques, en Allemagne comme en France. Par exemple dans « Erneuerte Agende 1990 – Liturgie renouvelée » et « Gottesdienstbuch, 2001 – Livre pour le culte », qui succède à la Lutherische Agende de 1964. On a relégué le Ps 66 comme 2e Psaume du dimanche.

        Je crois que ce changement, introduit et imposé par les commissions liturgiques allemandes, n’est pas heureux. Le Ps 95, dans son entier, des versets 1 à 10, est le Psaume du matin. Dans la tradition liturgique séculaire, il n’a pas d’autre usage et n’apparaît pas comme Psaume d’un dimanche. Il relève des heures du jour, comme le Ps 103 pour midi, et le Ps 91 pour le soir (Ces deux derniers servent le dimanche : le Ps 103 pour le 3e après la Trinité et le Ps 91 pour Invocavit). L’intérêt du Ps 95 pour le matin est que son verset 8 dit : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur », ce qui vaut pour toute la journée. Il commence par l’invitation du matin : « Venite, laudemus dominum – venez, louons le Seigneur », qui évoque le rassemblement de la communauté au matin.

        Pourquoi détruire cette remarquable chaîne psalmique citée plus haut, au profit d’un Psaume qui a son usage clair et bien fixé ailleurs ?

       On répondra que le début du Ps 95, de 1 à 7, reprend le mot « exultemus »  (LXX) ou « laudamus » (Hebr), et « jubilemus » (LXX et Hebr), selon la Vulgate. Mais cette invitation est placée au début du jour, dont elle est le proprium, autrement dit elle donne le programme de la journée : louer Dieu et ne pas endurcir son cœur. Pourquoi modifier cette ordonnance si remarquablement établie ?

       En conséquence, je propose qu’on emploie le le Ps 66/16-20 comme 1er Psaume, et je dirais: unique Psaume, de ce dimanche. 


C.  L’épître du dimanche : I Timothée 2/1-6a

        Dans cette lettre pastorale, Paul fixe que dans le culte de la communauté, quelle qu’en soit la forme (dominical, de semaine, réunion) , on prie. De même qu’à Cantate on trouve un catalogue des trois formes de chant d’Eglise, de même ici on trouve les mots désignant quatre formes de prière et trois sortes de destinataires. Citons d’abord le texte de Paul  (d’après NBS Nouvelle Bible Segond, dont le vocabulaire est précis et correspond au grec), et voyons ce vocabulaire en grec et en latin (g. = grec ; l = latin)  :

        « Je demande en premier qu’on fasse des requêtes (demandes, litt.), des prières, des supplications et des actions de grâces pour tous les humains, pour les rois et pour tous ceux qui occupent une position d’autorité. »  (g. = grec ; l = latin)

a.  des demandes :  g : déèsis :  demande au sens large,
                                                en fonction d’un besoin
                                                ( deï : ce qui est nécessaire, 
                                                         ce qu’il faut)    
                              l :  obsecratio :  demande insistante, 
                                                en fonction d’un besoin

                                   L’accent est mis sur le besoin.

b.  des prières :       g : proseuché : demande à un Dieu précis, 
                                                en fonction d’un désir 
                                                             
 (euché : désir)  
                              l : oratio        : discours, par sa forme
                                                et son contenu, 
                                                d’où demande d’une chose
                                                qu’on désire.
 
                                   L’accent est mis sur le désir.

c. des supplications : g : enteuxis : entrevue, rencontre avec
                                                   une personne,
                                                   donc requête faite à une personne
                                                   qu’on va rencontrer.
                              l : postulatio : demande faite à quelqu’un
                                                    que l’on va rencontrer

                                   L’accent est mis sur la relation entre
                                   deux personnes qui se rencontrent.

d. des actions de grâces :  g : eucharistia : bonne grâce envers autrui,
                                           d’où reconnaissance
                                       l : actio gratiarum : gratia : faveur envers
                                           autrui, d’où reconnaissance.

                                   L’accent est mis sur la reconnaissance,
                                   le remerciement

        Si on classe les prières citées par Paul selon les 4 types de prière du culte chrétien, savoir :

1. glorification de Dieu : Psaumes, doxologies, actions de grâces
2. confession des péchés : pénitence, repentance
3. demande pour soi : oraison, collecte, illumination
4. demande pour les autres : intercession, prière universelle,

on constate que :

le type 2 : confession des péchés, est absent
le type 1 : action de grâces est présent : 4ème prière citée : d : « actions de grâces »
le type 3 : prière pour soi, concernerait les prières a. « selon un besoin »
                 et b. « selon un désir »
le type 4 : prière pour les autres, serait dans la prière c : « selon la rencontre ». 

        Mais toutes ces prières se retrouvent dans le type 4. , car il semble que Paul fait porter la remarque : « pour tous les hommes, rois, gouvernants… » sur chaque type de prière qu’il cite. Par là Paul ouvre le champ des trois prières qu’on emploie dans le culte, auxquelles il faut ajouter le type 2,  le « confiteor », au début du culte.

        L’insistance de Paul, en toute sérénité, sur les rois et gouvernants, d’une part, et les sur tous les hommes, d’autre part, est liée à son ministère. L’apôtre est à ce moment-là en bons termes avec l’autorité romaine, et pas encore en prison. Et l’Empire n’est pas encore ce qu’il deviendra au temps de l’Apocalypse, après Néron et ses successeurs : une « bête » meurtrière. D’autre part, la mission de Paul est en plein cours et se développe, nécessitant les épîtres pastorales à Timothée et Tite.

Le verset 5 de l’Epître

    « Un seul Dieu et un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ », prépare l’évangile du jour : Jean 16/23b-28 + 33,  « demandez au Père en mon nom », où Jésus lui-même institue cette fonction médiatrice, dont Paul dit qu’il est « témoin, prédicateur et apôtre » ( I Timothée 2/6-7).

D.   L’évangile du dimanche : Jean 3/23b-28 + 33

        Cette parole de Jésus dans les discours d’adieu contient trois thèmes :

1. la prière au nom de Jésus
2. la connaissance de la vérité
3. la résistance dans la persécution