F.10. LE DIMANCHE EXAUDI (6e après Pâques)

Thème : L’Eglise dans l’attente

Le nom

        Exaudi est le dernier des dimanches qui porte un nom latin, provenant de l’antienne du Psaume, et dont la série est double. La 1ère série va de Esto mihi à Palmarum, soit du dernier dimanche du Précarême aux 6 dans le Carême. La 2ème série va de Quasimodo geniti à Exaudi, 6e et dernier après Pâques. Seules les célébrations d’évènements dans ces deux cycles : Jeudi-saint, Vendredi saint, Pâques et Ascension, sont nommées à partir de l’événement respectif qu’ils commémorent.

        Cela montre l’importance des Psaumes dans la piété chrétienne, en particulier pour le cycle de Pâques. Les noms des dimanches du cycle de Noël marquent l’événement ou son attente : Avent, Noël, Epiphanie. Les noms du cycle de Pentecôte-Trinité portent le numéro d’ordre après cette double fête.

       L’antienne d’Exaudi est celle du Psaume 27, le verset 7 : « Exaudi vocem meam, Domine, qua clamavi ad te ; miserere mei, et exaudi me – Ecoute ma voix, Seigneur, par laquelle je crie vers toi ; aie pitié de moi ; exauce-moi. » (Vulgate 26, LXX),

A. LES PSAUMES DU DIMANCHE

1.     Le 1er Psaume est le Ps 27/7-14, qui vise le thème : l’attente du Saint-Esprit :

        Il fait partie du groupe des deux premiers livres des Psaumes, qui correspondent au bloc des prières de David, dont la fin est citée en Ps 72/20. Les livres se décomposent en : 1er Livre, de 1 à 41, et 2ème Livre, de 42 à 72. A l’intérieur du 1er Livre, le Ps 27 fait partie d’un groupe qui porte la suscription : « leDavid », Hébreu ; « Toû David », LXX, sans autre précision. Ce groupe comprend les Psaumes 25 à 28, qui expriment un appel angoissé à Dieu, en face d’ennemis et  dans une situation difficile :

Ps 25/1 Eternel, j’élève à toi mon âme   /2 que mes ennemis…
             (Psaume de Reminiscere et de Oculi)
Ps 26/1 Rends-moi justice, ô Dieu         /4 les hommes faux, les méchants
             (=43/1, Psaume de Judica)
Ps 27/ 1 L’Eternel est ma délivrance       /3 une armée, une guerre
Ps 28/ 1 Eternel, c’est à toi que je crie    /3 les méchants, les iniques ;

        Les Psaumes vont le plus souvent par deux et forment un diptyque :

Ps 25 et 26 vont nettement ensemble, de même que le 26 et le 27.  

        Le psaume 27 est l’assemblage de 2 parties distinctes

        Ce phénomène Psaumes formant une paire est accentué dans le cas du Psaume 27. En effet, il a deux parties, Ps 27/1-6, et 7-14, dont la tonalité est différente. « On a dit qu »elles expriment, l’une « la foi triomphante », l’autre « la foi suppliante » (Bible du Centenaire 1947, note f). Pour Exaudi, on a retenu la deuxième partie, ce qui explique que l’antienne soit le verset 7 et non le premier. 

        Le thème du dimanche est l’attente de l’Eglise : Celle-ci est dans la crainte pendant le « passage à vide » entre l’Ascension et la Pentecôte : entre le départ du Christ et l’arrivée du Saint-Esprit (comparer avec le Précarême, 3 dimanches entre le cycle de Noël et celui de Pâques ; et avec les trois dimanches de la fin, entre le cycle de la Trinité et l’Avent). Mais l’Eglise n’est pas à l’abandon, puisque le Père est là. Elle s’adresse à lui : « Exaudi, Domine » : Dominus, c’est Iahvé, le Père. Celui-ci est la lumière et le salut. Le Père défend le troupeau du Fils en attendant le Saint-Esprit. De même, le très beau passage du v. 10 : «  Ne m’abandonne pas , Dieu de mon salut. Car mon père et ma mère m’abandonnent, mais l’Eternel m’accueillera. » L’idée est que mes parents mourront un jour, et m’abandonneront, mais Dieu ne me laissera pas.

        Le Psaume contient plusieurs passages importants, qui expriment la situation décrite :

v.8 :  je cherche ta face, ô Dieu. « Mon Dieu, mon Père » et « Harre, meine Seele »

v.14 : « (Espère en l’Eternel), Fortifie-toi et que ton cœur s’affermisse. Espère en l’Eternel »

Le premier « Espère en l’Eternel » est une incise, car il trouble le vers, qui commence à « Fortifie-toi » et finit avec le 2ème « Espère en l’Eternel ». L’hébreu a cette répétition, ainsi que la LXX, en revanche la Vulgate, remarquant le problème, donne deux mots différents, dans chaque version, celle selon LXX et celle selon l’Hebreu. Luther et Segond la rétablissent. Cette incise rappelle peut-être une répétition du type antienne, et qui pouvait être écrite à part, hors du vers.

        « Mon Dieu, mon Père » et « Harre, meine Seele »

        Ce verset 14, avec cette répétition qui est dans Luther, a donné naissance au célèbre cantique allemand : « Harre, meine Seele, Harre, des Herrn – Espère, mon âme, espère en le Seigneur », de J.H.Raeder 1848, sur la mélodie de César Malan «  Mon Dieu, mon Père, écoute-moi » de 1827 (LP 250, ALL 43/05). Cette mélodie est une des rares mélodies françaises du 19e Siècle à avoir pénétré en Allemagne et y avoit eu un succès énorme, alors que le mouvement habituel est l’inverse. Le début de Malan : « Mon Dieu, …, écoute-moi », a peut-être rappelé à Raeder le : « Exaudi me » du Ps 27.

Emploi du Psaume 27dans le culte

1. Psaume antiphoné parlé:

a. ALLéluia , Ps 27, sous 64/27
b. Psaumes antiphonés : sur ce site :
      Section : Liturgie du culte ; Catégorie :
        c. Les Psaumes antiphonés, page : Exaudi

2. Psaume chanté :

    L’Eternel seul est ma lumière :  (6 strophes)LP 217, ARC 152
    Le Seigneur seul est ma lumière (2strophes :Trunk) ARC 748, ALL 12/05
    L’Eternel seul est ma lumière (texte intégral 12 strophes : sur ce site :
      Section : Chants ; Catégorie : Chants français ;
        page : L’Eternel seul est ma lumière

2.    Le 2ème Psaume du dimanche est le 42/7-12 :  l’attente du retour du Christ

        Ce Psaume a deux particularités :

        1° il est probablement la 1ère partie du Psaume 43 H. La LXX les maintient séparés, selon l’hébreu, sous les n° 41 et 42, ainsi que la Vulgate dans ses deux versions, selon LXX et selon l’hébreu, sous les mêmes numéros 41 et 42. Mais il existe des versions où les deux sont réunis.

        2° il contient une antiphone, ou refrain : 42/6 et 42/12, et 43/5 : « Pourquoi t’abats-tu, mon âme.. Espère en Dieu… », qui fait apparaître l’unité des deux Psaumes. Qu’on l’ait divisé en deux vient probablement de son usage, qui pouvait être double : 1° on pouvait l’employer d’un trait, c.à.d  42 + 43, 2° on pouvait employer chaque partie séparément, éventuellement dans deux offices différents ;

        Quelle est sa date et son sujet ?

        Deux possibilités : 

        1°  il remonte à l’Exil, et pourrait être la plainte d’un prêtre qu’on a arraché du Temple de la Jérusalem détruite par les Babyloniens en 586. Il passerait près du Jourdain et de l’Hermon, où de fleuve prend sa source, et près de la montagne de Mitsear, un lieu non identifié, sur le chemin de l’exil vers Babylone.

        2° il est d’avant l’Exil et exprime la plainte d’un prêtre exilé aux confins Nord-Est du Royaume du Nord. (Comparer avec Jérémie, qui vers 525 se dit descendant des prêtres d’Anathoth, dont l’ancêtre Abiathar avait été exilé par Salomon après la tentative d’Adonija de prendre le trône, vers 960. Ce qui représente un exil de 475 ans pour cette famille, qui avait probablement gardé des fonctions sacerdotales). Même si cet homme était prêtre dans le royaume du Sud, à Jérusalem, ce n’est pas impossible. Il y avait des périodes d’alliance entre les deux royaumes, et la population juive ne se sentait pas séparée par les dissensions politiques. De même, entre 722, destruction de Samarie par les Assyriens et transformation de la Samarie en province assyrienne, et l’offensive babylonienne de 596 contre Jérusalem. Ce prêtre est en tout cas certainement de Jérusalem, car la réforme de Josias et le judaïsme postérieur ont fait disparaître toute trace des liturgies des Temples du Nord : le Psautier actuel est totalement celui du Temple de Jérusalem)

        La plainte fondamentale est la nostalgie du Temple et de ses fêtes : « Je me souviens avec effusion quand je marchais à la tête du peuple et que j’avançais vers la maison de Dieu. ». Cette nostalgie porte autant sur le temps : les fêtes, que sur le lieu : le Temple, à Jérusalem probablement. Ici le sentiment d’abandon est plus fort que dans le Psaume 27.

        La parousie

        Appliqué à l’Eglise, ce sentiment est celui de l’exil au milieu de ce monde, où elle vit en attendant le retour du Seigneur et la reprise des grands cultes communautaires, comme ceux décrits dans l’Apocalypse. Dans une compréhension christologique de ce Psaume, le personnage pourrait être le Christ, qui exilé dans son ciel, attend de retrouver son épouse, l’Eglise, pour célébrer le culte de l’Agneau avec elle. Ces diverses possibilités, issue de l’exégèse de l’Ancien Testament et de la liturgie et de la mystique chrétienne montrent le grand intérêt de ce Psaume pur son emploi à Exaudi.

         Ce Psaume s’oriente davantage vers la parousie que vers l’attente du Saint-Esprit. L’attente du Saint-Esprit est pour le futur immédiat et le présent, celle de la parousie pour le futur lointain, la fin des temps.

Emploi du Psaume 42 dans le culte

a. Psaume antiphoné parlé

    Dans ALL, le Ps 42 est absent.

    Sur ce site : Section : Liturgie du culte ;
                        Catégorie c : les Psaumes antiphonés,
                        Page : Dimanche Exaudi,
                        voir sous
                        4e dim après la Trinité, qui donne le mêle texte.
       
b. Psaume chanté :

    LP 18 = Ps 42  et RA f 46: les strophes 3 et 4 sont le reste des 6 strophes qui correspondent aux versets 7-12. On peut employer ce reste comme un graduel, si on emploie le Psaume 27 comme Psaume chanté principal.

    NCTC 42, ARC 42 et ALL 42 donnent une recomposition des deux psaumes 42 et 43 réunis par Chapal dans son Psautier français de 1995. De fait, Chapal a écrasé les versets -7a dans sa strophe 3 et les versets 8-9 dans sa strophe 4. Puis les versets 10-11 dans sa strophe 7 et le verset 12 dans sa strophe 9. Cela signifie que, pour retrouver le Ps 42/7-12, il faut regrouper les strophes : 3, 4, 7 et 9. 

        Sur ce site :  le Psaume 42 est donné intégralement d’après le texte de Valentin Conrart de 1677 révisé :
                                Section : Chants
                                Catégorie : Le Psautier français
                                Page : Psaume 42.

         Dans cette forme intégrale, les versets 7-12 du Psaume correspondent aux strophes 3 à 7. Pour Psaume d’entrée, par exemple, on pourra prendre les strophes 3 et 4, puis 6 et 7, et ajouter le Gloria.  On peut diviser le Psaume en deux parties : 1° str 3-5, avec le gloria, puis les strophes 6 et è comme graduel.  

        Les chants d’Exaudi expriment ce double sentiment

                                                ( à compléter )