L. 86a. LE VIN DE LA SAINTE CENE

« PLAIDOYER POUR LE MAINTIEN DU VIN DANS LA SAINTE CENE »


( NB. mon adresse e-mail, qui était yves.keler@estvideo.fr , a été changée en yves.keler@orange.fr . Merci de votre attention. )


Chers collègues,

La Conférence liturgique de Bavière a célébré le 60e anniversaire de sa naissance en 1952. A cette occasion elle a édité en 2011 un livre collectif : « Gottesdienst leben », sous la conduite de Christian Schmidt et Thomas Melzl. Ce livre contient une suite d’articles ordonnés selon le plan du culte luthérien. Un rappel est fait de divers textes ou prises de positions importants durant ces 60 ans. Parmi ceux-ci figure un « Plaidoyer pour l’usage du vin dans la Sainte Cène. »

J’ai pensé que ce texte et son argumentation pourraient être d’une grande utilité aux pasteurs français. Car il me semble, sauf erreur de ma part, qu’aucun texte ou décision d’ensemble et motivé n’a été publié en France sur cette question.

Le titre exact du livre est « Gottesdienst leben » (sic : caractères normal et italique), 60 Jahre Lutherische Liturgische Konferenz in Bayern (LLKB) –« Vivre le culte », 60 ans de Conférence Liturgique Luthérienne en Bavière (LLKB), Christian Schmidt/Thomas Melzl(Hrsg.), Verlag : mabase-verlag, Nürnberg 2011, www.mabase-verlag.de

Le livre contient un article de Georges Pfalzgraf, pasteur alsacien membre de cette Conférence, sur « La salutation avant l’épître – Der Gruss kurz vor der Epistel. »

Yves Kéler

Pour des raisons de commodité pour le lecteur français, je donnerai d’abord la traduction du texte original, et placerai celui-ci en troisième position. J’ajoute, après la traduction française, un certain nombre de commentaires de ma plume aux divers points, en des notes signalées par les nombres entre parenthèses.

Le plan de l’ensemble sera :


A. PLAIDOYER POUR LE MAINTIEN DU VIN DANS LA SAINTE CENE 1997
Traduction française

B. COMMENTAIRES EXPLICATIFS, Yves Kéler

C. PLAIDOYER FÜR DIE BEIBEHALTUNG DES WEINES BEIM Hl.
ABENDMAHL, 1997 texte original

* * *
A. PLAIDOYER POUR LE MAINTIEN DU VIN DANS LA SAINTE CENE 1997
Conférence Liturgique Luthérienne de Bavière 1997


Dans certaines paroisses il est devenu habituel d’employer à la Sainte Cène du jus de raisin au lieu de vin. En règle générale on justifie cela par le respect des malades alcooliques, qui ne doivent pas être exposés à un danger.

La Conférence luthérienne des évêques a, dans sa déclaration sur la Sainte Cène de l’année 1979, réduit l’emploi de jus de raisin à certains cas isolés.

Le Comité élargi de la Conférence Liturgique de Bavière partage cette position et plaide pour le maintien du vin dans la Sainte Cène.

Les fondements sont les suivants :

1. Christ a institué la Sainte Cène

« Dans la nuit où il fut livré » (I Cor. 11/23), Jésus a institué la Sainte Cène. Selon sa promesse il donne part à son corps et à son sang, c’est-à-dire à sa mort sacrificielle sur la croix pour nous et à sa résurrection. C’est pourquoi notre désir est de rester le plus près possible de son institution de la Sainte Cène. (1)

2. Le repas du Seigneur fut institué lors de la fête du repas de la Pâque

Les trois premiers évangiles décrivent l’institution de la Cène pendant la fête du repas de la Pâque par Jésus dans le cercle de ses douze disciples. (Voir note 1. (1)

3. Dans le repas de la Pâque est donné du « fruit de la vigne »

Dans ce repas cultuel ne pouvait, selon les prescriptions juives, être employé que du vin complètement fermenté, lequel est solennellement appelé « fruit de la vigne. » (Voir note 4 (1)

4. Jésus maintient fermement le « fruit de la vigne »

Jésus ne s’est pas écarté de la prescription transmise par la tradition, comme l’emploi des mots du récit le montre. « Fruit de la vigne » est la traduction littérale de l’hébreu « Peri hagèfèn » (1), qui désigne le vin fort, pur, rendu buvable avec de l’eau. (2)

5. Les éléments ont valeur de signe

Le pain est constitué de nombreux grains, qui sont moulus (s.e en petits bouts séparés = farine.) La farine est « rassemblée par cuisson » sans autre ajout que de l’eau. Les grappes sont pressées et par la fermentation débarrassées de tout résidus impur (voir aussi les représentations médiévales du Christ « dans le pressoir. » ) Ainsi les éléments du pain et du vin sont les nourritures de base élémentaires. (1)

6. Les éléments de la Sainte Cène échappent à notre bon vouloir

Les éléments ne sont pas choisis arbitrairement. Et de ce fait fondamentalement – comme aussi les paroles d’institution – ils échappent à notre bon vouloir. (1)

7. Le vin est employé en plein accord œcuménique

Dans toutes les grandes confessions ecclésiales on est resté fermement au vin. Les exceptions concernent uniquement les sectes gnostiques hérétiques des premiers siècles. (1)

8. L’emploi de vin est hygiéniquement sans problème

Le vin devrait être donné dans des coupes en métal noble, avant tout parce que les métaux nobles agissent comme désinfectant. Le jus de raisin sucré, auquel sont souvent ajoutés des conservateurs, colle et devient vite un porteur de gènes. D’ailleurs le jus de raisin contient aussi de l’alcool, s’il est fait à partir de concentré, lequel est conservé grâce à de l’alcool pur. Pour les diabétiques, le jus de fruits fait problème. (1)

9. Dans chacun des deux éléments Christ est entièrement présent dans la Cène

Selon cette ancienne doctrine, en vigueur aussi dans l’Eglise luthérienne, de la « concomitance », celui à qui il est défendu de boire du vin reçoit dans le pain le Christ entier. (1)

10. Et qu’en est-il des personnes qui pour diverses raisons ne veulent pas recevoir
le vin ?

Elles peuvent par un geste simple, comme par exemple de croiser les mains sur la poitrine ou d’incliner la tête lors de la célébration de la Cène, faire comprendre qu’elles ne désirent pas recevoir le vin. (1)

B. COMMENTAIRES AUX DIVERS POINTS, Yves Kéler


1. Les paroles d’institution

(1) les paroles employées dans la célébration de la Cène sont une harmonie des 4 textes disponibles, celui de St Paul, le plus ancien, et des 3 synoptiques. La base courante de tous est St Paul, à cause de son ancienneté, auquel est ajouté le parallélisme fait du pain avec le vin dans la formulation « rompu pour vous en rémission de tous vos péchés. » Malgré quelques variantes (ceci est mon sang, ceci est l’alliance en mon sang) le texte normatif est biblique. Et doit le rester strictement, puisque ce sont des paroles du Christ et qu’il faut qu’elles soient comprises ainsi.

Une forme modifiée se trouve dans la messe romaine actuelle, quand il est dit : « …le rompit et le donna à ses amis. » Les textes disent « ses disciples. » Un des disciples assis à la table n’était plus son ami, Judas le traître. Le texte de l’Institution ne se place pas au niveau de l’amitié entre le Christ et les siens ou entre ceux-ci, mais au niveau de la relation Maître-disciple, au nom de laquelle Jésus préside la Pâque. Cette forme catholique est à éviter.

Cette forme a son origine dans l’idée que la Cène est faite pour les vrais croyants et que les traîtres, hérétiques et autres insoumis à l’Eglise n’ont pas leur place à la table. Cela rejoint les représentations anciennes montrant Judas devant la table en face de Jésus, près de la porte de sortie et donc déjà exclu, alors que les 11 autres disciples sont de l’autre côté de la table, avec Jésus. Une autre idée est sous-jacente, celle que Judas n’aurait pas reçu la Cène, ce qui est faux d’après l’évangile de Jean. Cette thèse permet aujourd’hui d’exclure les faux croyants. Cette idée se rencontre aussi chez certains évangéliques.


4. Le fruit de la vigne

(1) les Synoptiques reprennent la Haggada

Le terme employé par Jésus est celui qui figure dans la Haggada, dans la prière d’action de grâces prononcée sur chacune des quatre coupes de vin prises au cours du repas : « Baruk atah, Adonaï Elohénu, boréh peri hagèfèn – Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, qui as créé le fruit de la vigne ». Ce terme de « Peri hagèfèn » est un terminus technicus, dit quatre fois selon la même formulation. L’action de grâces pour le vin a son parallèle dans celle pour le pain : « il prit du pain, rendit grâces, le rompit, … »

Dans Luc 22/18, est cité le premier de ces quatre emplois de la prière, pour la première coupe que Jésus distribue aux siens, avant l’institution de la Cène dans le pain et dans le vin qui suivent : « Et ayant pris une coupe et rendu grâces, il dit : Prenez cette coupe, et distribuez-la entre vous ; car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. » Pour la coupe « après le souper », qui est la quatrième, l’action de grâces n’est pas citée, ni l’annonce que Jésus ne boira plus de ce « fruit de la vigne. »

Dans Marc 14/22-25 et dans Matthieu 26/26-29, il n’est pas fait allusion à la première coupe. En revanche, l’annonce de Jésus qu’il ne boira plus du fruit de la vigne est associée à la coupe finale, « ensuite », Marc v. 25. Chez Matthieu, comme chez Marc, il est dit : « Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendu grâces … », l’action finissant avec l’annonce qu’il ne boira plus le « fruit de la vigne. » St Paul, dans I Cor. 11/ 25-26, cite la prière d’action de grâces sur la dernière coupe, « après avoir soupé », mais l’annonce de sa non-boisson future n’est pas donnée. Elle est remplacée par des paroles de l’apôtre qui forment un commentaire : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et buvez de dette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » Il semble que ce commentaire fasse allusion à l’annonce du Christ qu’il ne célébrera plus la Cène avec les siens jusqu’à son retour.

L’annonce par Jésus qu’il ne boira plus de « ce fruit de la vigne » et de ce fait l’emploi de ce terme est propre aux trois synoptiques.

le naziréat et le « produit de la vigne »

Le livre des Nombres, ch. 6/1-21, décrit les prescriptions pour le naziréat, « la consécration à l’Eternel », 6/2. Ces prescriptions, présentées en deux parties, concernent l’entrée dans le naziréat et la sortie. Pour l’entrée il est dit : Nombres 6/4 « Pendant tout le temps de son naziréat, il ne mangera rien de ce qui provient de la vigne. » Ce qui comprend une liste très précise de tous les produits susceptibles de contenir de l’alcool : vin, boisson enivrante, vinaigre de vin ou de liqueur enivrante, liqueur enivrante, raisins frais, raisins secs, pépins et peau de raisin. A la sortie du naziréat, il est dit, v. 20 : « Ensuite, le naziréen pourra boire du vin. »

Le terme de « produit de la vigne » employé ici vise bien tout ce qui vient de la plante et qui produit de l’alcool. En effet, le raisin porte sur sa peau de la pruine, une enzyme qui fait fermenter le raisin ou le jus de fruit dans l’estomac et produit du vin, jusqu’à 2 degrés. L’alcool est le commun dénominateur de tous les « produits de la vigne. » Le résumé lapidaire de toute cette liste de produits à la sortie du naziréat dans les mots « le naziréen pourra boire du vin » le montre bien.

(2) le vin mélangé d’eau

Dans l’Antiquité méditerranéenne, le vin était rarement bu pur. Car il était soit trop épais ou trop fort (en Espagne on produit toujours encore des vins à 15 degrés), et on y ajoutait de l’eau, soit il était aigre, et on y ajoutait du sucre (ce qui rend souvent le vin très bon au goût). Les juifs au temps du Christ pour le repas cultuel de la Pâque ne pratiquaient que le délayage avec de l’eau, la prescription étant que le vin devait rester du vin naturellement fermenté. L’ajout de sucre se pratiquait pour les repas ordinaires pour des raisons gastronomiques.

Les premiers chrétiens pratiquaient de même. Il est attesté que dans les églises, aux 2e – 5e siècles, existaient des cratères pour mélanger l’eau au vin. Cette pratique montrait bien que les officiants et les fidèles n’avaient aucune hésitation quant au fait que ce « fruit de la vigne » était bien du vin.

En résumé, il ne fait aucun doute que « le fruit de la vigne » est du vin et non du jus de raisin.


5. la valeur symbolique des éléments de la Cène

(1) Les deux éléments employés, le pain et le vin, proviennent de la destruction des grains de blé, d’une part, et des grappes de raisin, d’autre part, et de leur recomposition. La farine est recomposée en pain par l’ajout d’eau et par la cuisson, le raisin est purifié par la pourriture de la fermentation de ses éléments organiques pour ne conserver que l’eau, l’alcool et les arômes. Il s’agit d’une mort et d’une résurrection, rappelant les paroles du Christ : « Si le grain ne meurt, il reste seul. S’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Si on se contente de jus de raisin, ce processus de mort et de vie nouvelle, que relèvent déjà les commentateurs juifs de la Pâque, ne se fait pas.

De plus, le pain et le vin de la Cène symbolisent tous les aliments de l’homme et des animaux : le solide et le liquide. Pour nourrir leurs consommateurs, ces aliments doivent mourir par la digestion pour entrer dans leurs corps. Par ces deux signes que sont les éléments de la Cène, la communion se fait aussi avec l’ensemble de la création de Dieu, en communion avec la mort et la résurrection de tout ce que Dieu a fait.

L’élément symbolique des espèces de la Cène est important, car on ne mange pas une nourriture ordinaire, mais une nourriture festive, qui nous lie à Dieu, le Créateur et le destructeur de toutes choses, mais aussi au Christ rédempteur par sa mort et sa résurrection, et au Sain-Esprit Sanctificateur par la mort du vieil homme en nous et la naissance de l’homme nouveau.


6. Les éléments de la Ste Cène échappent à notre bon vouloir

(1) La Cène a été créée par le Christ dans le cadre de la Pâque juive, donc un cadre préétabli. Dans la Cène, on retrouve ce cadre, par exemple dans les prières de bénédiction du pain et de la coupe qui sont reprises dans la prière eucharistique (=d’action de grâces). Ces prières commencent par la formule « Baruk atah Adonaï Elohénu bôrèh … – Béni sois tu, Seigneur notre Dieu, qui as créé » le pain / le vin. En effet après le Sanctus qui conclut la préface, la prière eucharistique commence par ces mots : « Béni sois-tu, Dieu, notre Père, car tu as envoyé dans notre chair ton Fils Jésus-Christ… » Il y a diverses variantes du contenu de la prière, en particulier à cause des temps liturgiques, mais le début est le même. De même l’offertoire du pain et du vin avant la préface rappelle la prière d’action de grâce sur le pain, au début de la Pâque, et de la première coupe.

De même les paroles d’institution sont préétablies, ainsi que les éléments, puisque provenant du Christ, et ne peuvent pas être changés. St Paul dit clairement : « Voici ce que j’ai reçu du Seigneur (par les douze), c’est que dans la nuit où il fut livré, notre Seigneur Jésus-Christ… »

Il faut donc conserver le cadre de la Pâque juive, dans son esprit et dans ses grandes lignes, avec ses actions de grâces, les lectures et les prières, les « Psaumes » et les chants. Et aussi les paroles d’institution, et également les espèces employées, toutes choses que nous ne pouvons modifier, car elles ont été établies avant nous, par le Christ lui-même, et conservées par ses apôtres, comme les quatre récits de la Cène le montrent.

D’autre part, des modifications dans les parties fondamentales de la célébration et dans les éléments employés ne relèvent pas des paroisses, c’est-à-dire du pasteur et du conseil presbytéral. Ceux-ci n’ont pas la compétence, théologique et surtout juridique, pour faire des changements unilatéraux qui séparent les paroisses et qui rompent la communion de l’Eglise. Les changements sont du ressort des directions de l’Eglise, quelle que soit leur forme, et non des pasteurs et des conseils. Les instances dirigeantes ont le devoir de l’unité de l’Eglise et des fidèles. Le laisser faire actuel me paraît contraire à ce rôle.


7. Le vin est employé en plein accord oecuménique

(1) Certains gnostiques employaient de l’eau à la Cène, mais on ne sait pas pourquoi. Peut-être voulaient-ils revenir à un élément primitif, non travaillé comme le vin. D’autres groupes avaient remplacé de pain par du poisson, probablement pour rappeler le dernier repas du Christ avec ses disciples au bord du lac, selon Jean 21.

Sinon le vin a été employé partout. Dans certaines régions reculées de l’Ethiopie, on importait des raisins secs, qu’on faisait macérer dans l’eau puis fermenter pour obtenir du vin. Dans certaines régions d’Afrique, éloignées de toute vigne, on a employé du vin de palme, de même qu’en Asie on a utilisé » du vin de riz. Mais toujours la présence d’alcool était jugée essentielle.

Par ailleurs, on emploie le vin qu’on a dans le pays, pour que la communion soit dans le cadre des fidèles du lieu. D’où l’emploi de vins rouges ou blancs selon les pays, et de calices de verre pour qu’on voie la couleur du vin. Le vin doit être simplement fermenté naturellement, « casher » comme disent les Juifs. Le vin cuit est en principe exclu.

Que les catholiques dans certaines régions emploient du vin blanc, appelé « vin de messe », vient d’un problème de lavage des linges qu’ils emploient pour nettoyer le calice après la communion : le vin rouge fait des taches difficiles à faire sortir des tissus, ce que ne fait pas le vin blanc.


8. L’emploi de vin est hygiéniquement sans problème

(1) Ici apparaît le problème de la coupe unique et des coupelles individuelles.

Pour la coupe commune, aucune contamination n’a jamais pu être prouvée. Les Américains se sont livrés à des analyses bactériologiques en plein culte, faisant des prélèvements réguliers au cours de la communion, et suivant médicalement les communiants plus tard. Aucune contamination n’a été relevée. Plusieurs Eglises dans le monde ont adressé aux pasteurs et aux conseils presbytéraux des informations circonstanciées et des consignes précises. On peut les résumer ainsi : il est essentiel de célébrer proprement : tourner la coupe à chaque communiant, la nettoyer systématiquement, sinon à chaque communiant, du moins à chaque troisième. En Allemagne, dans certaines paroisses, on emploie plusieurs coupes, qui reviennent régulièrement à l’autel et sont là nettoyées avec un tampon alcoolisé. Cela suppose qu’on ne laisse pas la coupe « filer », mais que l’officiant la donne personnellement à chaque communiant. Cela suppose aussi qu’on emploie des coupes en métal noble, or de préférence, argent ou étain. Il est connu que ces métaux transmettent le moins les germes. Le verre aussi a un faible coefficient infectieux et il est une matière facile à nettoyer. Enfin, l’alcool a un léger pouvoir désinfectant. Tous ces points militent pour : des vaisselles métalliques de qualité, du vin, et une manière de faire communier correcte.

Ces constatations et ces réflexions montrent qu’il faut bannir les coupelles individuelles, en particulier en plastique, qui manquent de solennité et sont souvent données très maladroitement, et récupérées encore plus maladroitement, sur des plateaux, dans des paniers, quand ce n’est pas (de mes yeux vu) avec un sac poubelle !

Il est à remarquer que cette crainte hygiéniste est ancienne : au Moyen Age déjà certains craignaient les contaminations par les coupes, car on connaissait la contagion, même si on ne savait pas l’expliquer. Avec la découverte des microbes au 19e Siècle, ces craintes furent ravivées, et conduisirent aux coupelles individuelles, en verre ou en cristal (p.e. au Temple-neuf de Strasbourg). Après la 2e Guerre mondiale, dans le mouvement de rénovation de la Cène communautaire, on a combattu cette pratique des gobelets individuels, jusqu’à la faire disparaître. Mais l’apparition du Sida a fait rebondir le problème : les craintes de contamination sont revenues et avec elles les coupelles. Or le Sida ne se transmet pas buccalement. Ce qui montre que ces problèmes sont récurrents à chaque nouvelle génération et qu’il faut toujours à nouveau éclairer les gens pour les régler.

Le goût de jus de raisin est désagréable pour certains, à cause de son effet doucereux. En effet, le vin mélange rudesse et douceur, l’âpreté rappelant la souffrance et la mort du Christ, la douceur rappelant la résurrection et la fameuse parole prononcée encore par les orthodoxes : « Goûtez combien Dieu est bon », du Ps. 34/9. La rudesse du vin est à mon avis un aspect important, à cause de la valeur symbolique signalée à l’instant, ce qui n’empêche pas d’apprécier en même temps le velouté et le fruit du vin. Les deux choses vont de paier avec le vin, mais pas avec le jus.


9. (1) La doctrine de la concomitance

l’Eglise luthérienne

La concomitance est l’idée que deux choses différentes mais liées évoluent simultanément et en parallèle et s’influencent réciproquement. Pour la Cène, cela signifie que le pain contient le Christ autant que le vin le fait. Si je ne donne pas le vin, le fidèle reçoit néanmoins le Christ par le pain. La question est : le pain et le vin contiennent-ils chacun tout le Christ, ce qui entraîne que le Christ est doublement là et doublement donné ? Ou bien faut-il que le pain et le vin soient donnés ensemble pour que le Christ soit entier, étant entendu que chacun des éléments ne contient qu’une moitié du Christ, le corps d’une part, signifiant sa présence, le sang d’autre part signifiant son sacrifice propitiatoire ? Les paroles d’institution vont dans ce sens, et c’est dans cet esprit que les Réformateurs ont agi, se référant à la fois aux textes bibliques et à la tradition patristique.

Mais dans le cas d’un malade alcoolique qui ne peut recevoir le vin, la consommation du pain seul lui donne la communion au corps du Christ, et par là au Christ entier, qui ne peut être coupé en deux. C’est cette position que notre article allemand attribue à l’Eglise luthérienne

l’Eglise catholique romaine

La concomitance conduit à une autre idée : si les éléments sont concomitants, le contenu du pain et celui du vin sont les mêmes, savoir le Christ, et on peut dire que le pain contient le vin de la même manière que le vin contient le pain. Cette doctrine est celle de la transmutation des idiomes : selon la théorie aristotélicienne du Moyen Age, on peut séparer l’essence de sa forme et faire passer l’essence du vin dans la forme du pain. De même, le rite qui consiste à dissoudre un coin de l’hostie dans le vin veut montrer que celui contient aussi le pain. Dans la Cène, on sépare les formes du pain et du vin de leur contenu, lesquels deviennent interchangeables : Le Christ entier est dans le pain donné aux fidèles, d’une part, et dans le vin, bu substitutivement par le prêtre.

Cette doctrine a été fortement développée par l’Eglise romaine vers le 12e Siècle, quand elle a commencé à interdire le calice aux fidèles et à en réserver la consommation aux seuls prêtres, et aussi à persécuter ceux qui voulaient maintenir les deux espèces, comme Jan Hus et ses disciples. D’une part, cette idée n’est pas biblique : le Christ entier est dans le pain et dans le vin ensemble. Comme dit plus haut, les paroles d’institution de la Cène ne laissent aucun doute là-dessus. D’autre part l’Eglise romaine a argué du fait que le prêtre représente collectivement toute l’assemblée, et que, quand lui boit le vin, la communauté le boit avec lui. Cette théorie est « tirée par les cheveux », comme on dit. Les Réformateurs l’ont récusée. Cela exclut donc que cette doctrine soit défendue avec sérieux par les protestants.

La communion par les autres moyens

En revanche, la communion dans la Cène ne se fait pas par les seules espèces, sinon on n’aurait qu’une communion matérielle. La communion au Christ est aussi spirituelle : nous communions au Christ en esprit, par la foi, par la connaissance, par l’amour, qui sont à la fois dans le Christ et dans les membres de l’Eglise et dans son corps. Ces différentes forme de la communion, en grec « koinônia », sont signalées dans le N.T.

Le N.T. emploie le mot « koinônia » 15 fois pour désigner la communion : deux fois pour les paroles de Paul « le pain …le vin…est la communion au corps…au sang. » Les 13 autres emplois le sont sans référence à la Cène :

communion avec le Père et le Fils I Jn 1/3
communion au Christ I Cor 1/9
à ses souffrances Phil 3/10
communion au Saint-Esprit II Cor 13/13 et Phil 2/1
communion fraternelle Actes 2/42
la main de communion = d’association entre les apôtres Gal 2/9
la communion pour l’évangile,
c’est-à-dire pour sa proclamation par les chrétiens solidaires Phil 1/5
la communion de la foi Philémon 6
la communion du service pour les saints II Cor 8/4
la collecte d’argent pour les pauvres de Jérusalem, appelée communion Rom 15/26

On voit que la communion se fait à la fois de façon large et proche, avec les personnes divines et avec les frères et sœurs, dans l’optique d’un service envers Dieu et les frères. Les fidèles, lors de la Cène, sont pris dans cet ensemble de « communions. » Celui qui ne peut boire le vin reste entièrement dans toutes ces communions.


10. Le respect des alcooliques

(1) Le souci des alcooliques est très ancien, puisque dès l’Antiquité les évêques donnent des instructions dans ce sens. La plus courante est de ne pas leur donner la coupe, mais seulement le pain (dans les premiers siècle, et jusqu’au 10e Siècle, c’était du pain levé. Voir plus bas : le pain de la Cène.) Cette pratique a évidemment disparu au 12e Siècle, quand il est devenu coutumier d’abord, obligatoire ensuite de ne pas donner la coupe aux fidèles. La Réforme a réintroduit le vin et la coupe, mais je n’ai pas réussi à savoir quelle attitude était tenue envers les alcooliques.

Les instances nationales de la Croix-Bleue ont pris position dans les années 1980, déclarant que l’alcoolique est un malade, qu’il faut considérer comme tel, et à qui il ne faut pas donner de vin. Lui-même doit signaler au pasteur ou au distributeur qu’il ne veut pas le vin, si le pasteur et ses aides ne le connaissent pas. Si le malade est connu, on passe devant lui. Dans les paroisses ou les fidèles saluent le Christ reçu dans le vin de la coupe, l’alcoolique peut très bien faire ce geste, montrant qu’il est en communion avec le Christ et l’assemblée fraternelle, tout en s’abstenant du vin.

En tout cas, ont dit les mêmes, il ne faut pas changer le rituel de la Cène à cause de l’alcoolique. C’est à lui de s’adapter à la Cène « normale et normative » de l’Eglise et de la paroisse où il est, et non l’inverse. Or c’est justement cette modification de la Cène créant des pratiques non-normatives qui se produit dans beaucoup de paroisses. Si la Sainte Cène est à la fois une commémoration de la Cène du Seigneur et une communion à son corps et à son sang, qui ne sont pas interchangeables, il est clair qu’il faut maintenir une pratique « correcte » de la Cène. Luther insistait sur ce « sacramenta recte porrigentur – les sacrements sont administrés correctement », par quoi il sous-entendait avec les deux éléments, le pain, en l’occurrence des hosties, et le vin.

Calvin de même n’a rien changé aux espèces de la Cène. Autant il a éliminé la liturgie de la messe, autant in est resté fidèle aux espèces reçues par la tradition, le pain sous forme d’hostie et le vin véritable (Calvin a célébré la Cène à Genève avec des hosties, et cela est resté jusqu’en 1617, où sous la pression des français, qui formaient alors une Eglise puissante, le pain levé fut adopté à Genève, à contre-cœur disent les textes.)

Le respect des gens allergiques au gluten est un problème identique. Ces gens ne peuvent pas prendre l’hostie ou le pain levé : ils sont obligés de s’abstenir. On pratiquera de même en ne donnant pas de pain à ces personnes.


LE PAIN DE LA CENE : pain azyme ou pain levé ?

Un autre débat dans les Eglises, surtout avec les fusions d’Eglises réformées et luthériennes en France, est de savoir quelle forme de pain il faut choisir : azyme ou levé ?

Jésus a institué la Cène avec des pains azymes, selon la tradition juive de la Pâque, qui est parfaitement connue par les textes de la Haggada de l’époque. Mais ces pains ne servaient que le temps de la Pâque. Après la fête, les juifs revenaient au pain normal levé. Pour les premiers chrétiens, la célébration de la Cène devenant hebdomadaire, on ne pouvait pas faire sans cesse du pain azyme. On ne sait pas comment les choses se passaient au début, faute de documents. Mais quand à la fin du 1er Siècle et ensuite les documents apparaissent, on constate que le pain levé est général, également dans le temps de Pâques, les chrétiens s’étant séparés depuis longtemps des Juifs.

Mais on n’employait pas n’importe quel pain ordinaire. On prenait le meilleur pain, blanc, appelé « corona – couronne » en latin, car il avait un trou central qui permettait chez les Romains de porter ces pains sur un bâton. Ce pain devenait de fait un pain sacramentel. Au 11e Siècle, à l’époque du pape Alexandre, une tendance ascétique et puriste se fit jour, et on a recherché le pain le plus blanc et le plus pur possible. L’idée vint de reprendre les azymes, faits avec de la farine pure de la meilleure qualité, sans autre adjuvant que de l’eau, et qui donnait un produit immaculé : l’hostie. C’était le retour vers les pains azymes dont avait usé Jésus. On voulait ainsi reproduire au plus près le rituel de la Pâque et de l’institution de la Cène.

Les orthodoxes n’allèrent pas dans cette direction et conservèrent le pain sacramentel levé (qu’ils ont encore aujourd’hui. ) Mais le Concile de Florence au 15e Siècle, tenu entre orthodoxes et catholiques, fixa que les deux sortes de pain peuvent être le corps du Christ, et que même en Occident, le pain levé pouvait être employé, et vice versa pour les hosties. Ce qui ne se fit pas, ni à l’Est, ni à l’Ouest.

A la Réforme, les luthériens conservèrent l’hostie, ne voyant aucune raison de changer, puisqu’il s’agit de pain et que Jésus l’a employé. Calvin, Zwingli, Bucer et les autres réformateurs étaient du même avis. Le changement vint de France, dans des conditions encore mal éclaircies, faute de documents suffisants. Un mouvement anti-hostie est né en France, peut-être plus depuis le peuple que depuis les clercs, et probablement par une horreur de cette rondelle de pain qu’on avait divinisée, qu’on transportait dans les rues, en l’appelant même le « Bon Dieu » (de là l’expression « donner le bon Dieu sans confession », c’est-à-dire l’hostie sans confession préalable des péchés et absolution par le prêtre. ) Calvin, voulant calmer les esprits, en France surtout, et conformément à la décision du concile de Florence, déclara que « pain levé ou non levé, point ne chaut » c’est-à-dire n’a pas d’importance. Lui-même et les genevois, ainsi que Bâle, Berne et Zurich restèrent aux hosties. Comme dit plus haut, les Français réussirent à imposer leurs vues aux Genevois, qui s’inclinèrent de mauvaise grâce, pour ne pas créer des différends que les catholiques auraient pu employer. Cela signifie que l’usage de pain levé chez les réformés est un accident de l’histoire, et ne sort pas de la théologie des Réformateurs réformés.

Cela signifie aussi que le désordre actuel chez les protestants français, qui emploient trop souvent ce qui plaît aux idéologies du moment au lieu de rester fidèles à leur tradition, est fort dommageable. D’autant que l’on veut justifier cela en disant que Jésus aurait employé du pain de tous les jours de ses chers croyants, ce qui est faux. Les espèces de la Cène ne sont pas ordinaires, elles sont des produits spéciaux, que ce soit le pain azyme ou le levé. Ce dernier doit être chez les réformés du pain de haute qualité et blanc, et pas du pain bis ou brioché. De même que le vin obéit à des normes précises.

Il faut donc que chacun revienne à ses sources, sous peine de ravaler la Cène au rang d’un simple repas humain. Cela signifie que les luthériens peuvent aussi employer à l’occasion du pain levé, et les réformés des hosties. Tout le monde sera dans une démarche correcte. Mais il est aussi bon pour la continuité de l’Eglise de garder des traditions, les quelles ne portent aucun ombrage à la vérité des textes et des institutions et à la foi des fidèles.

C. PLAIDOYER FÜR DIE BEIBEHALTUNG DES WEINES
BEIM Hl. ABENDMAHL
Lutherische Liturgische Konferenz Bayern
Texte original 1997


In einigen Gemeinden ist es üblich geworden, beim Hl. Abendmahl statt Wein Traubensaft zu verwenden. Begründet wir dies in der Regel mit der Rücksichtname auf Alkoholkranke, die nicht ausgerechnet einer Gefährdung ausgesetzt werden sollen.

Die lutherische Bischofskonferenz hat in ihrer Handreichung zum Abendmahl aus dem Jahre 1979 die Verwendung von Traubensaft beim Abendmahl auf besondere Einzelfälle beschränkt.

Der erweiterte Vorstand der Lutherischen Konferenz in Bayern teilt diese Einstellung und plädiert für die Beibehaltung des Weins im H. Abendmahl.

Die Gründe für die Beibehaltung sind folgende:

1. Christus hat das H. Abendmahl gestiftet.

„In der Nacht, da er verraten ward“ (I Kor. 11,23) hat Christus das heilige Abendmahl eingesetzt. Nach seiner Verheissung gibt es Anteil an seinen Leib und Blut, das heisst an seinen Opfertod am Kreuz für uns und an seiner Auferstehung. Deshalb ist es unser Anliegen, möglichst nah an seiner Einsetzung des H. Abendmahls zu bleiben.

2. Das Herrenmahl wurde bei der Feier des Passahmahles gestiftet.

Die drei ersten Evangelien beschreiben die Einsetzung des Abendmahls während der Feier des Passahmahls durch Jesus im Kreise seiner zwölf Jünger.

3. Beim Passahmahl wird „Gewächs des Weinstocks“ gereicht.

Bei diesem gottesdienstlichen Mahl durfte nach den jüdischen Vorschriften nur ausgegorener reiner Wein verwendet werden, der feierlich als „Gewächs des Weinstocks“ bezeichnet wird.

4. Jesus hält am „Gewächs des Weinstocks“ fest.

Jesus ist von der überlieferten Vorschrift nicht abgewichen, wie der Sprachgebrauch der Berichte zeigt. “Gewächs des Weinstocks“ ist worttreue Übersetzung des hebräischen „ Peri hagäfän“, das den mit Wasser trinkfertig gemachten, starken, reinen Wein bezeichnet.

5. Die Elemente haben zeichenhafte Bedeutung

Das Brot besteht aus vielen Körnern, die „zermahlen“ werden; das Mehl wird, ohne jeden Zusatz ausser Wasser „zusammengebacken“. Die Trauben werden ausgepresst und durch Gärung von allen unreinen Rückständen getrennt (siehe auch die mittelalterlichen Darstellungen Christi „in der Weinkelter“). So sind die Elemente Brot und Wein elementare und reine Grundnahrungsmittel.

Der Wein bringt darüber hinaus in das Mahl die Dimension des Festes ein. Das Abendmahl darf als Vorgeschmack des himmlischen „Hochzeitsmahles des Lammes“ auch von Fröhlichkeit und Festlichkeit bestimmt sein.

6. Die Elemente des H. Abendmahls sind unserem Belieben entzogen.

Die Elemente sind nicht willkürlich erwählt. Und damit grundsätzlich – wie auch die Einsetzungsworte selbst – unserem Belieben entzogen.

7. Wein wird in ökumenischer Übereinstimmung gebraucht.

In allen grosskirchlichen Konfessionen hat man am Wein festgehalten. Ausnahmen gab es nur bei häretischen gnostischen Sekten der ersten Jahrhunderte.

8. Der Gebrauch von Wein ist hygienisch einwandfrei.

Der Wein sollte in Kelchen von Edelmetall* gereicht werden, vor allem deswegen, weil das Edelmetall desinfizierend wirkt. Der süsse Traubensaft, dem oft noch Konservierungsstoffe beigemengt sind, klebt und wird schnelle zu Keimträger. Im Übrigen enthält auch Traubensaft Alkohol, wenn er aus Saftkonzentrat hergestellt wurde, das mit reinem Alkohol konserviert wird. Für Zuckerkranke ist der Traubensaft ein Problem.

9. In jedem einzelnen der beiden Elemente ist Christus im Abendmahl ganz
gegenwärtig.

Nach dieser auch in der lutherischen Kirche gültigen, alten Lehre der „Konkomitanz“ empfängt auch derjenige, der keinen Wein trinken darf, im Brot den ganzen Christus. *


10. Und wie ist es mit Menschen, die aus unterschiedlichen Gründen den Wein nicht empfangen wollen?

Sie können durch eine einfache Geste, wie zum Beispiel das Kreuzen der Hände vor der Brust oder das Neigen des Kopfes bei der Abendmahlsfeier zum Ausdruck bringen, dass sie den Wein nicht empfangen wollen.

Recevez mes cordiales salutations. Yves Kéler , 25.10.2012