CREDO

Lucien Jacques 19(« 

Je crois en l’homme cette ordure.
Je crois en l’homme, ce fumier,

Ce sable mouvant, cette eau morte.

Je crois en l’homme ce tordu,
Cette vessie de vanité.

Je crois en l’homme cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent,

Ce boute-feu, ce fouille-merde.

Je crois en l’homme ce lèche-sang.

Malgré tout ce qu’il a pu faire
De mortel et d’irréparable.

Je crois en lui

Pour la sûreté de sa main,
Pour son goût de la liberté,
Pour le jeu de sa fantaisie

Pour son vertige devant l’étoile.
Je crois en lui

Pour le sel de son amitié,

Pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
Pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui
Pour une main qui s’est tendue,
Pour un regard qui s’est offert.
Et puis surtout et avant tout

Pour le simple accueil d’un berger.

         Texte        Tombeau d’un berger 1953

                          Lucien Jacques

Le texte

LUCIEN JACQUES (1891-1961)

Né ;1 Varennes en Argonnc en 1Wn, Lucien Jacques
habite Paris, découvre et fréquente Isadora Duncan
avant la /!;uern: de 14. Après 2 ans de service et 4 ans
de /!;uerre comme brancardier, traumatisé et pacifiste à
vic, il ouvre une boutique d’art à St Germain des Prés,
écrit, grave, tisse, peint, édite et se lie avec de
nombreux artistes et intellectuels (Gide, Guilloux,
Noll, Paulhan, Pou bille, Quillivic, Vox).

Tl s’installe à Grasse en 1922, collabore à de
nombreuses revues dont La Criée dans laquelle il
découvre un poète inconnu: c’est Giono. Il le
contacte, édite et illustre son premier livre
(accompagnés de la flûte), le fait connaître dans les

milieux litteraires

parisiens. C’est le
début d’une
grande amitié.

Il passe les années
trente à Sr Paul de
Vence et s’active
beaucoup,
collabore à de
nombreuses revues
pacifistes. Voyages
en Égypte et
Italie, fresques,
aquarelles, huiles,

tissages, poèmes.

Animation avec Giono des rencontres du Contadour,
pendant lesquelles ils traduisent

Moby Dick avec Joan Smith.

Il passe les années de guerre dans la montagne de
Lure, puis s’installe à Montjustin. La mort

de son ami Justin NÈG RE va donner naissance à son
recueil le plus connu: Tombeau d’un Berger.

En 1955, il s’installe au Vieux Moulin de Gréoux les
Bains, continue à peindre, graver et écrire malgré son
cancer de l’estomac. Il meurt à Nice le 11 avril 1961
et est enterré à Montjustin le 13.

Un aperçu de ses livres:
1924 : Fontaines.

La Pâque dans la Grange

1931 : Le Jardin sans murs

1938 : Momeries

1939 : Carnets de

Moleskine
(Gallimard)

1952 : Tombeau

d’un berger

1953 : Suite et Seconde
suite française

1954 : Populaires
1956 : La Marche
Militaire