2006. 04 : 4e dim de l’AVENT

La joie imminente 

Dimanche 24 décembre 2006

Jean 1,19-28

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I )

Préparation et annonce

Nous avons allumé, aujourd’hui, la quatrième bougie de la couronne de l’Avent, mais ce quatrième dimanche de l’Avent correspond aussi très exactement au 24 décembre, donc à la veille de Noël, et ainsi, après avoir allumé la quatrième bougie de la couronne de l’Avent ce matin, nous illuminerons le sapin de Noël ce même jour, ce soir, dans nos maisons.

La couronne de l’Avent prépare la venue du sapin, comme le temps de l’Avent veut annoncer la fête de Noël et aider à nous y préparer ; les deux ont pour rôle de nous renvoyer à quelque chose de plus important et de plus grand.

Leur rôle est, de ce fait, comparable à celui de Jean le Baptiste qui a aussi été un préparateur, un « aplanisseur » de chemin, un annonceur de la venue d’un plus grand et plus important que lui : le Messie, le Christ Jésus.

Jean-Baptiste le sait : le Christ est venu, il est là, lui l’a vu, il l’a reconnu et il a besoin de le faire savoir à ses contemporains, tout en précisant bien : « Ne confondez pas le serviteur avec son Seigneur, le héraut avec son Roi! »

Qui es-tu ?

Vous connaissez sans doute tous la représentation de Jésus crucifié par Matthias Grünewald sur le retable d’Issenheim à Colmar : elle figure sur de nombreux souvenirs de confirmation.

Sur cette peinture on peut voir, au pied de la croix, plusieurs personnages, et en particulier Jean-Baptiste – ce qui est d’ailleurs, soit dit en passant, un anachronisme, car Jean n’était plus de ce monde au moment où Jésus a été crucifié, puisqu’il avait été décapité par Hérode – Jean-Baptiste, donc, qui pointe son doigt – démesurément long – sur Jésus, pour bien faire comprendre que c’est lui, Jésus, qui est au centre, que c’est lui le personnage important, le fils de Dieu, le Messie, et non pas Jean le Baptiste, comme semblaient le penser les scribes et les rabbins venus l’interroger à ce sujet, selon le texte d’aujourd’hui.

Les agissements de Jean-Baptiste n’avaient pas manqué de préoccuper les responsables du peuple qui viennent le trouver et lui poser la question : « Qui es-tu ? » tout en sachant sans doute très exactement qui il est, et qui il n’est pas, et surtout en connaissant bien la réponse qu’ils aimeraient bien recevoir de lui. Leurs questions ne sont donc absolument pas innocentes, elles ressemblent même fort à un piège.

Qui êtes-vous donc ? Quel rôle jouez-vous ?

La question posée à Jean-Baptiste n’a rien du tout perdu de son actualité, car elle est souvent posée aujourd’hui à l’Eglise, donc à ses membres, et donc à nous, et elle se veut très souvent sceptique ou critique : « Qui es-tu ? » ou, sous des formes un peu variées : « Mais qui êtes-vous donc, pour vous mêler de tout ? Qu’est-ce qui fait votre particularité – qu’avez-vous ou qu’offrez-vous de plus que les autres ? »

Oui, de tout temps, et à l’heure actuelle encore, l’Eglise et ses membres ont été et sont littéralement mis en question(s) : « Qui es-tu, pour qui te prends-tu, au nom de quoi affirmes-tu ou te permets-tu cela ? »

« Les choses avant-dernières »:annoncer et aplanir

Et le rôle de l’Eglise, et, partant, le nôtre, n’a pas changé par rapport à celui de Jean-Baptiste : il consiste à annoncer la venue et la présence de Jésus, à renvoyer au Christ et à témoigner de lui par nos paroles et nos actes.

Nous sommes ainsi des porte-paroles, et nos paroles sont un souffle, du vent ; mais nous savons aussi quelle peut être la force, bienfaisante ou destructrice, du vent, et donc également d’une parole. L’Eglise est vraie Eglise quand, dans son dire et dans son faire, on peut percevoir qu’elle a un Seigneur qu’elle veut servir et vers lequel elle appelle et invite les autres, en aplanissant le chemin du mieux possible, afin que la rencontre entre les deux puisse avoir effectivement lieu et dans les meilleures conditions.

Le théologien Dietrich Bonhoeffer, disait de l’Eglise qu’elle œuvrait et intervenait dans le domaine des choses avant-dernières ; elle n’a pas à s’occuper des choses dernières, qu’elle ne peut de toute façon pas réaliser et faire advenir par sa propre force, puisque c’est uniquement Dieu et son fils, le Christ, qui peuvent le faire. Mais l’Eglise, et donc nous tous, avons à gérer les choses avant-dernières, à les mettre en place, à préparer le terrain ou la voie, pour que les choses dernières, parmi lesquelles on peut citer la justification ou le salut du pécheur, la venue du royaume de Dieu, la paix au sein de la création, dans la vie personnelle et dans le domaine

public, puissent advenir.

Attention, obstacles !

Nous n’avons pas à aller au-delà de notre mission : c’est ce que le Baptiste avait bien compris ; et si nous-mêmes nous ne nous tenons pas à cette règle de retrait, d’humilité et de service, nous pouvons être des obstacles pour autrui sur le chemin, et ajouter ainsi des obstacles supplémentaires, à ceux, passablement nombreux, qui existent déjà.

Le jugement porté sur l’Eglise dépend de chacun d’entre nous, et de la manière dont nous aurons aplani ou barré le chemin du Seigneur en criant ou en agissant à temps ou à contre temps.

C’est là une des principales difficultés dans notre annonce du Messie, et elle vient de nous, cette difficulté.

  Il nous faut être très attentifs à cela : Jésus est toujours le centre, nous ne sommes jamais que le doigt qui le désigne, le montre et renvoie à lui. Or, il se trouve que beaucoup de nos contemporains regardent plutôt le doigt, c’est-à-dire nous regardent et nous jugent, nous qui nous disons chrétiens, disciples de Jésus, plutôt que de regarder au Christ auquel nous voulons les renvoyer, un peu à l’image de cet homme qui raconte : J’ai voulu leur montrer la lune, et eux ils ont regardé mon doigt !

Donc si l’on nous regarde et observe tellement, il nous faut prendre garde à ne pas être un obstacle supplémentaire sur le chemin de la venue du Christ.

Comment pouvons-nous être un obstacle ? De multiples manières, bien sûr – inutile de les énumérer toutes. Mais il y a une manière que je veux évoquer néanmoins, car elle en entraîne beaucoup d’autres : cet obstacle se met en place quand notre doigt, au lieu d’être long et droit et pointé dans la direction du Messie, le Christ, est en fait recourbé, et nous désigne nous-même, renvoie constamment à nous-même [faire le geste de façon bien visible]. Combien de personnes, en croyant parler du Christ, parlent en fait d’elles-mêmes et, en se mettant ainsi au centre ou en avant, représentent, par leur comportement, souvent un réel obstacle pour les autres.

Nous pouvons retenir de l’exemple de Jean-Baptiste qui a pu dire: « C’est lui ! » et qui a également déclaré : « Non, pas moi ! » que notre oui au Christ sera toujours accompagné d’un non à nous-même et au monde.

Une autre difficulté importante dans notre annonce tient à la réaction des autres, de l’entourage, de l’opinion publique.

Là où une Eglise commence à être la voix de celui qui crie dans le désert, il se passe quelque chose. Notre texte dit : « Les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des lévites – aujourd’hui nous dirions des fonctionnaires assermentés et des experts – pour lui demander: Qui es-tu ? ». Ils ont à enquêter sur le Baptiste, sur sa personne et sur ses agissements, car il gêne, et, au besoin, ces enquêteurs pourraient porter accusation contre lui.

Ce même sort guette toute Eglise qui n’a d’autre désir que d’être l’Eglise, de s’occuper des choses avant-dernières, et qui ne veut rien faire d’autre que de baptiser d’eau, de crier dans le désert et de croire au Christ qui est venu et qui revient. Une telle Eglise sera prise tellement au sérieux, qu’on l’estimera assez importante ou dangereuse pour la suspecter et même la surveiller, car elle a cessé d’être inoffensive, car elle est un corps étranger dans le peuple, où elle peut semer le trouble, en amenant les gens à s’interroger, à devenir critiques et exigeants.

Les voix qui crient dans le désert, surtout quand elles crient des choses que la majorité n’est pas prête à entendre, sont mal perçues, et on essaie souvent de leur faire toutes les misères possibles pour les empêcher de continuer de crier, notamment en leur posant des questions-piège : c’est pourquoi aussi les chrétiens doivent être assez éveillés et adroits pour décoder et discerner ces questions-pièges, comme Jean-Baptiste a très bien su le faire.

Mais même lorsque l’on nous fait des difficultés, nous ne devons pas nous laisser décourager pour autant, et donc continuer à nous comporter selon la mission qui est celle de l’Eglise.

« Pourquoi baptises-tu ? »

Jean doit subir une question-piège supplémentaire, dont nous n’avons pas encore parlé : « Pourquoi baptises-tu, si tu n’es pas le Christ, ni Elie, ni le prophète ? » autrement dit : « Quelle autorité as-tu pour faire cela ? Pourquoi fais-tu cet acte, qui n’est quand même pas anodin et gratuit ? »

Et ce genre de question peut, une fois encore, aussi nous être posée à nous-mêmes. « Si l’Eglise fait partie des choses avant-dernières, si elle est seulement une voix, seulement un doigt tendu, si elle a seulement un rôle d’indice ou d’annonce à jouer, pourquoi alors baptise-t-elle, pourquoi célèbre-t-elle des cultes et des saintes cènes au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ? Est-ce que vous n’en faites pas plus que vous ne devriez, est-ce que vous ne dépassez pas vos compétences, vous autres membres de l’Eglise ? »

Jean répond « Moi, je baptise d’eau….. » Nous aussi nous baptisons d’eau, et c’est en son nom, au nom du Seigneur que nous le faisons, ce qui veut dire que nous ne l’avons pas inventé, pour nous rendre intéressants, mais parce que nous croyons en sa présence, et à sa volonté d’aider les humains. Nous baptisons en son nom, afin que les hommes soient ainsi renvoyés à lui, portent leur attention sur lui qui est, pour nous tous, le salut. Mais là où lui-même, Jésus, comme cela est dit ailleurs dans la Bible (Matthieu 3,11), « ne baptise pas d’esprit et de feu », là où lui n’est pas le plus important et ne touche pas un être au plus profond de sa personne, là toutes nos cérémonies, aussi festives soient-elles, ne sont que de belles coutumes, mais sans aucune puissance et force. Elles restent des indications, des annonces, mais elles ne mènent pas au but, elles ne sont que des promesses et des orientations, mais leur accomplissement doit venir d’ailleurs : de Dieu, de Jésus.

Ce que nous faisons n’est pas accessoire et secondaire pour autant : il faut crier, pour que les hommes s’adressent à lui, viennent à lui. Il est nécessaire qu’un doigt soit tendu, pour que des hommes trouvent le Seigneur ; c’est pour cela que l’Eglise, ses membres et leurs actions ne sont pas superflus, mais ce qui reste décisif, définitif et ultime, c’est que lui-même, Jésus Christ, vienne au milieu de nous et opère l’essentiel en nous et sur nous.

Et c’est ce soir et demain que nous voulons tout particulièrement nous souvenir de sa venue et célébrer comme il se doit cet événement, dont la joie qu’il suscite devrait être perceptible dans notre vie jusqu’à Noël de l’année prochaine.

Bonne fête, amen : oui qu’il en soit vraiment ainsi !

Bernard Kaempf

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).