2010. 02 : 2e dim de l’AVENT

Dimanche 5 décembre 2010

Le Rédempteur vient

Matthieu 24, 1-14


Chère assemblée,

Dans moins de trois semaines, nous allons avoir, une fois de plus, la joie de célébrer Noël. Le compte à rebours a commencé. Déjà villes et villages, jusqu’à nos maisons ont revêtu leur apparat de fête. Partout les guirlandes lumineuses éclairent jusque dans le moindre recoin les nuits sombres de ce dernier mois de l’année. Les plus jeunes corrigent inlassablement leur fameuse liste de cadeaux, en enlevant certains, pour en rajouter d’autres.

Dans les paroisses, les chorales peaufinent les morceaux qu’ils vont présenter pour l’occasion, les groupes de jeunes, les catéchumènes répètent une nouvelle saynète qui sera présentée lors de la veillée du 24. Et puis, dans notre culte, d’aujourd’hui déjà brûle la deuxième bougie de la couronne de l’Avent.

Oui, tout témoigne à la fois de l’attente et de la proximité de la fête. Toujours et encore Noël éveille la nostalgie d’un monde plus beau, d’un monde meilleur dont la naissance de l’enfant dans la crèche est la promesse.

Bien sûr, nous n’avons pas forcément tous le cœur à fêter. Mais la dynamique à l’œuvre est tellement massive, que bon gré mal gré, chacun se retrouve entraîné à sa suite dans le tourbillon général.

La grande fête sera pour bientôt et le temps de l’Avent en est comme son préambule euphorique.
Alors, dans ce consensus de bonnes intentions, d’attente débonnaire, de joie anticipative, notre texte de Matthieu arrive comme un trouble-fête, un pavé dans la mare. Certes, on y parle aussi de choses à venir, il y a aussi dans ces lignes une tension vers l’avenir. Mais ce qui est annoncé fait l’effet d’une douche froide. Ce qui est annoncé ici dans ces lignes est, tout à l’opposé, d’une nouvelle réjouissante. Tout au contraire ce sont de gros nuages sombres, lourds de menaces qui se profilent à l’horizon.

Le passage biblique qui nous est proposé pour ce deuxième dimanche de l’Avent fait partie de l’Apocalypse de Matthieu et ce discours est mis dans la bouche de Jésus le Christ lui même.
Tout commence pourtant dans notre passage sous les meilleurs auspices. Jésus et ses disciples sont sur le point de quitter le temple de Jérusalem. Ce temple qui avait été rénové majestueusement, il y a peu d’années auparavant, sous la férule de Hérode le Grand, ce temple, fierté de toute la nation juive et qui sans conteste faisait partie des merveilles du monde antique. Et les disciples, d’en admirer la construction et d’interpeller leur maître, espérant, peut être, de sa part un commentaire élogieux. Mais voilà que Jésus littéralement se lâche. Non content de leur annoncer la destruction prochaine de ce chef-d’œuvre architectural et haut lieu spirituel, il enchaîne en annonçant tout un catalogue de catastrophes à venir, toutes plus terribles les unes que les autres, catastrophes naturelles, mais aussi catastrophes autrement plus humaines comme la violence des conflits guerriers, la persécution, les explosions de haines et la perspective du martyr pour ceux qui se veulent ses disciples.

Il faut dire que ce texte fait désordre, dénote, dans l’enseignement du Christ. Ce n’est pas le genre de texte que l’on préfère citer. D’habitude on le passe sous silence. C’est comme si on était un peu gêné de le retrouver dans la bouche du Christ. On ne sait pas trop ce qu’il faut en faire, en penser.
À plus forte raison en cette période de l’Avent où le ton est à la quiétude, aux légendes de fleurs qui éclosent au milieu de l’hiver, à l’apaisante lueur d’une bougie et quelques notes de musique qui égrènent une douce mélodie. Alors qu’on se rêvait déjà avec l’enfant de la crèche dans le bras, c’est comme si, soudain, on se réveillait avec un bâton de dynamite entre les mains.

Mais peut-être est-ce de cela justement que nous avons le plus besoin en cette période de l’Avent, d’un rappel à la réalité, à la dure réalité.

Avouons que Noël, en nos contrés, a de moins en moins à voir avec le message biblique, et de plus en plus avec une opération d’anesthésie générale, où, pour quelques jours tout le monde fait comme si ! Comme si le monde était en ordre ; comme si : « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil ».

Où est la vérité ? Dans nos décors de papier pâte derrière lesquels se profile un monde factice et éphémère où nous nous jouons la comédie de la paix, de la concorde et des bons sentiments, le temps de la trêve des confiseurs.

Ou bien, dans le tableau sans concession d’un monde qui souffre de mille et une manière, où les catastrophes naturelles se succèdent à rythme régulier. Rien que pour cette année 2010, pensons au  terrible séisme à Haïti au mois de janvier, un autre séisme peu de temps après au Chili, au mois de mai un véritable déluge en Chine centrale avec quelques 140 millions de personnes touchées et enfin les inondations en septembre au Pakistan et 15 millions de sinistrés, alors que dans le même temps une sécheresse, comme une maladie endémique et exponentielle touche l’Afrique. C’est ainsi que le désert progresse, à raison de plusieurs kilomètres par an, au Mali, au Tchad et au Niger en particulier.

Et puis lorsque les hommes ne souffrent pas des déchaînements des éléments naturels, c’est la violence humaine qui dans beaucoup de parties du monde apporte son lot de souffrances, de misères et de malheur.

Lorsqu’on prend tous ces éléments en compte, ne faut-il pas se rendre à l’évidence que l’Apocalypse n’est pas pour demain ?

L’apocalypse, c’est ce que bon nombre d’habitants de cette planète vivent année après année, jour après jour, au quotidien.
Combien de vies humiliées, écourtées, anéanties ! Toujours à nouveau, en raison de catastrophes naturelles, ce qui est triste et scandaleux, mais bien plus nombreuses et bien moins acceptable sont les souffrances infligées par des mains humaines. Nombreuses sont les victimes du fanatisme religieux, des haines ancestrales, innombrables, les victimes de l’âpreté au gain des plus forts et de la cruauté des violents et des puissants.

Lorsqu’on essaye de s’identifier à ces destins brisés, lorsqu’on essaye de se mettre à leur place, on conçoit aisément que pour beaucoup, la vie n’est ni plus ni moins qu’un long cauchemar éveillé.

Alors lorsque nous essayons de prendre à cœur ces situations extrêmes et pourtant si banales, avouons que nos traditions de l’Avent et notre manière de fêter Noël passent moins bien et ne pèsent plus bien lourd.

Vu sous cette perspective, sur cet arrière-plan de misère et de souffrances, nous devons admettre que notre hystérie collective, dans les dernières semaines de l’année, ce doucereux temps de l’Avent mêlé de sentimentalisme, de frénésie consumériste et de beaux sentiments à quelque chose d’indécent et de grotesque.

Mais alors, comment rendre justice à la fois à l’humanité souffrante et donner du sens à l’Avent.
Certainement pas en s’autoflagellant, pas davantage en culpabilisant et en versant dans la mauvaise conscience.

Mais, une fois de plus en revenant tout simplement au message biblique. Rappelons-nous que dans l’Évangile, ce qui est au centre de l’Avent, incarné par Jean le Baptiste, c’est d’une part l’appel à la repentance et, d’autre part, la prédication du règne à venir, c’est-à-dire l’aspiration à la délivrance.
Que cette délivrance vienne bientôt, qu’elle ne tarde plus. Que Dieu lui-même intervienne. C’est là le cri de cœur des malheureux de tous les temps.

À nous de nous rappeler que Dieu est déjà intervenu, en la personne de son Fils, le Christ, Jésus. Et c’est ce Jésus qui dans notre texte de prédication nous rappelle deux choses. D’abord, il nous exhorte à persévérer, à tenir ferme. Ensuite, il nous rappelle que la Bonne Nouvelle du Royaume doit continuer à être proclamée.

Persévérer, pour le Christ, c’est toujours et encore tenir ferme dans l’amour, ne pas trahir l’exhortation à l’amour. N’est-ce pas ce qu’il a vécu lui-même, n’est-ce pas là ce qui l’a amené jusqu’à la croix ? Quant au Royaume de Dieu à venir, c’est, toujours et encore, le royaume où les pauvres, les laissés pour compte, les oubliés de la fête sont invités au festin.

À nous de comprendre que pour le temps présent, c’est nous qui sommes ses envoyés. Nous sommes ceux-là mêmes sur qui le Christ s’appuie pour faire entendre son message d’espérance et poser des signes concrets d’amour.

Alors, réjouissons-nous de ce temps de l’Avent et de Noël, en y mettant au centre de nos préoccupations le bien et le souci pour le prochain. Et le miracle s’opérera, le Royaume de Dieu ne sera pas un vain mot, mais il s’incarnera concrètement, dans tous les petits et grands signes d’amour, semés aux quatre vents de nos vies et du monde. Amen.

Cantiques :

Arc en Ciel : 301, 313, 316

G. Hufschmitt

¼ -, Service des Lecteurs – SL – 51 – 05.12.2010 Georges HUFSCHMIDT