2005. 01 : dim INVOCAVIT, 1er dans le Carême

La tentation

Dimanche 13 février 2005

Genèse 3, 1-19

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

I. «  C’est la faute à Adam et à Eve : ils ont désobéi, ils ont péché, et voilà que nous avons à porter les conséquences de leur faute. » Non, nous ne pouvons pas dire cela ! Car Adam et Eve, c’est nous ! Chacun de nous est Adam et Eve ! Leur histoire est notre histoire, qui se répète de génération en génération ; toujours à nouveau, nous agissons comme eux. Ce texte que l’on appelle le récit de la chute ne parle pas d’un événement qui s’est produit une fois à l’aube de l’humanité, mais de la situation, de la mentalité et de l’erreur fondamentales de l’homme.

L’auteur du récit réfléchit au mystère de la destinée humaine. « Dieu regarda ce qu’il avait créé, et voici, tout était très bon » est-il dit dans le premier chapitre de la Genèse. Peut-on dire que tout est très bon ? Que s’est-il passé pour qu’il y ait tous ces problèmes entre les humains, pour que le travail soit souvent si pénible, pour que la mort détruise tout ? Le récit de la chute est un enseignement sur l’origine du mal ; il explique pourquoi notre monde n’est pas la bonne création de Dieu.

D’où le mal est-il entré dans le monde ? – Personne ne peut le dire. Le mal existe, il est là et il reste un mystère. Le mal s’approche de l’homme comme suggestion, sollicitation, tentation et parvient à le rendre coupable. Le mystère du mal est symbolisé par le serpent. Le serpent est un animal dangereux, rusé, sournois, crachant du venin, surprenant sa victime. La voix du serpent attise la convoitise, sème le doute. Ce qui est interdit est toujours attirant. « Vous ne mourrez pas », dit le serpent, « mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. » Après avoir insinué que Dieu voulait tout interdire, il le décrit comme un Dieu jaloux qui a peur que l’homme ne devienne son égal. Cet argument va porter, la femme voit le fruit avec un autre regard : elle le voit bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement. Elle en mange et le partage avec son mari.

On peut se demander pourquoi Dieu a interdit de manger le fruit de l’arbre au milieu du jardin. Pourquoi cette restriction ? Dans l’Epître aux Romains il est dit : « Là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas non plus de transgression ». L’homme ne devait pas être bon uniquement parce que la possibilité de faire le mal n’existait pas ; il est créé à l’image de Dieu, il n’est pas un robot qui n’a pas le choix, il n’est pas un animal dont la conduite est dictée par l’instinct. Il est un être libre, libre d’obéir, libre de désobéir. Pour cela, il fallait un endroit où l’homme pouvait montrer qu’il acceptait la volonté de Dieu au-dessus de lui et qu’il laissait à Dieu le soin de décider ce qui est bien et ce qui est mal…

L’homme et la femme ont écouté une voix qui les a séduits, une voix qui leur disait : « Pourquoi vous encombrez-vous des conseils, des commandements que Dieu vous donne ? Vous pouvez être Dieu vous-mêmes. Vous pouvez décider vous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal. Si un fruit vous paraît beau et bon, pourquoi vous gêneriez-vous pour le manger ? Vous êtes libres, puisque vous êtes comme Dieu… » C’est cela, la grande tentation : vouloir être totalement autonome, ne plus être dépendant de Dieu, conduire sa vie comme on l’entend, faire ses choix sans tenir compte de l’avis du créateur. C’est le péché fondamental ! Lorsque nous pensons au péché, les premiers termes qui nous viennent à l’esprit sont : faute, erreur, bêtise, mauvaise action. Dans la Bible, le verbe pécher signifie littéralement manquer son but, se tromper de chemin, s’éloigner de la vérité. Le péché, selon la Bible, est donc plus une mauvaise orientation de notre vie toute entière qu’une faute que l’on aurait commise à telle ou telle occasion… Il y a le péché qui est un état, une détérioration de notre nature, et puis il y a les péchés qui sont les mauvaises actions et qui sont la conséquence de notre état de pécheurs…

En accordant une autorité à la parole du serpent, l’homme casse la relation de confiance qu’il avait avec Dieu. Il n’est plus une créature qui vit en harmonie avec son créateur, il entre dans une relation de concurrence. Par cette cassure, le mal entre dans le monde et va affecter la création toute entière. Une coupure se produit, une coupure entre deux mondes : le monde de la création telle que Dieu l’a fondée à l’origine, et le monde tel qu’il existe aujourd’hui, qui est la création de Dieu abîmée par le mal. La Genèse dit à la fois que notre monde est une création de Dieu, et que cette création est dégénérée. Au lieu de s’élever, les hommes connaissent la chute ; pas étonnant, puisqu’ils ont préféré écouter un animal plutôt que Dieu ! Et on pense à cette phrase de Blaise Pascal, philosophe du 17è siècle : « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »

La désobéissance de l’homme est suivie de plusieurs malédictions. Ces malédictions ne sont pas à comprendre comme la réaction d’un Dieu autoritaire et jaloux ; ce sont simplement les conséquences de l’irruption du mal dans le monde.

* L’homme et la femme ne vivent plus en harmonie ; ils se cachent l’un devant l’autre ; ils essaient de fuir leurs responsabilités en accusant un autre (la femme m’a donné…, le serpent m’a induite en erreur) ; enfin, l’homme dominera sur la femme.

* La nature cesse d’être généreuse ; l’homme y travaillera péniblement, et la femme accouchera dans la douleur.

* Dans le chapitre suivant, la situation s’aggrave : l’homme est jaloux de son frère ; Caïn sera le meurtrier de son frère Abel.

* L’humanité ne connaît plus ses limites ; toujours cette volonté de devenir comme Dieu, comme le montre l’épisode de la tour de Babel.

Retenons ceci : le mal existe dans notre monde. Nous le retrouvons dans la violence naturelle, dans l’avarice de la terre, dans les mauvaises relations entre les hommes… Le mal n’est ni créé ni voulu par Dieu. Il est une conséquence du désordre introduit dans la création par l’orgueil et la convoitise de l’homme, par sa volonté de devenir Dieu…

II. Mais la Bible ne s’arrête pas là, bien sûr ! L’espérance chrétienne réside dans l’attente d’un monde d’où le mal aura disparu, d’un monde où Dieu, l’homme et la nature seront réconciliés. Chez les prophètes de l’Ancien Testament, ce temps est lié à l’attente du Messie. Le prophète Esaïe annonce : « Le loup séjournera avec l’agneau et la panthère se couchera avec le chevreau… le lion comme le bœuf mangera de la paille, le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère… »

Le mot d’ordre de ce dimanche résume la mission du Christ : « Voici pourquoi a paru le Fils de Dieu : pour détruire les oeuvres du diable » (1 Jean 3,8). Dans l’Evangile, nous trouvons la description du chemin à parcourir pour devenir disciple du Christ. On peut le rendre ainsi : vivre debout dans un monde traversé par le mal, y devenir serviteur, pour l’amour du prochain et la justice de Dieu. Le mal existe, Jésus-Christ le sait, il va à sa rencontre, il sera crucifié. Mais l’Ecriture nous dit que, par la croix, Jésus triomphe du mal. Par un retournement paradoxal, en se laissant crucifier, Jésus dénonce le pouvoir du mal et détruit son autorité. L’apôtre Paul explique que c’est parce que Jésus s’est volontairement abaissé que Dieu l’a élevé et lui a donné tous les pouvoirs. Il  écrit : « Christ a dépouillé les principautés et les pouvoirs, et les a publiquement livrés en spectacle, en triomphant d’eux par la croix. » (Colossiens 2,15).
Les disciples sont, à leur tour, invités à triompher du mal, non pas avec leurs propres armes (la force, la puissance, la ruse, la richesse), mais avec les armes du Christ (les mains nues, les bras tendus, l’amour du prochain et le service de tous les hommes). « Ne sois pas vaincu par le mal, mais vainqueur du mal par le bien » (Romains 12,21).

Les récits de la Passion dressent le portrait d’un Dieu qui partage et porte la souffrance de l’humanité. Plusieurs siècles avant Jésus-Christ, le prophète Esaïe avait déjà décrit le Serviteur de Dieu sous les traits d’un homme humilié et souffrant. Cette description nous rappelle que Dieu se trouve à nos côtés dans notre souffrance, contre tout ce qui nous accable et nous écrase. Dieu n’est pas avec la souffrance et contre nous, mais avec nous contre le mal.

Il s’agit de croire malgré le mal ! La confrontation avec le mal et la tentation est la condition d’une foi adulte. Dans l’Epître aux Hébreux, la foi est définie comme « l’assurance des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas ». La suite du texte résume l’histoire d’hommes et de femmes de l’Ancien Testament qui ont vécu leur foi comme une confiance malgré les épreuves, les révoltes, les silences de Dieu… Le mal existe dans notre monde, et nous le savons bien, mais la Bible nous invite à mettre notre confiance en Dieu, malgré le mal. Les auteurs du Nouveau Testament sont allés jusqu’à dire que cette confrontation avec l’épreuve pouvait purifier, fortifier notre foi et nous donner l’occasion d’une plus grande communion avec le Seigneur : « Mes frères, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves que vous pouvez rencontrer, sachant que la mise à l’épreuve de votre foi produit la patience » ; on peut aussi traduire « l’endurance » (Jacques 1,2-3).

Il faut faire un pas de plus. Pour l’Eglise, la lutte contre le mal fait partie de l’annonce et de l’espérance du Royaume de Dieu. L’Eglise est fidèle à sa vocation lorsqu’elle essaie d’intervenir justement là où la chute a produit les conséquences les plus néfastes. Des signes du Royaume sont placés dans les domaines suivants : la recherche contre les maladies, l’engagement contre l’injustice, le combat pour des relations entre homme et femme basées sur la complémentarité et non sur la domination, la lutte pour rendre la nature moins violente et plus généreuse, le respect des animaux et des plantes…

Je disais au début que nous ne pouvons pas rendre Adam et Eve, les premiers humains, responsables de notre misère, puisque le péché d’Adam et d’Eve est le nôtre. Ce que l’on peut dire, c’est que nous vivons sous le signe d’Adam ; nous sommes tous pécheurs, nous souffrons et nous mourons. Mais pour tous aussi, le deuxième, le nouvel Adam est venu, qui lui a résisté aux tentations. Jésus-Christ a pris sur lui notre péché, pour que nous puissions nous présenter devant Dieu comme pécheurs justifiés ; et nous pouvons vivre sous le signe de Jésus-Christ, c’est-à-dire sous le signe de la grâce. Amen.

Cantiques :   ARC   405     NCTC   300
                                407                   270
                                889                   389
                                153

Denis Klein, pasteur à Offwiller.

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).