2005. 07 : VENDREDI SAINT

Crucifixion de Jésus

Vendredi 25 mars 2005

Luc 23, 33-49

(Série de Prédication III (Predigtreihe III) : nouveaux évangiles)

(Le texte prescrit pour la prédication peut déjà être lu pendant la liturgie, à la place de l’Evangile habituel du vendredi saint, qui serait Jean 19, 16-30 ; pour la prédication on ne lira alors que la fin du passage prescrit Luc 23, 46-48)

Jésus s’écria d’une voix forte : « Père, je remets mon esprit entre tes mains. » Et, en disant ces paroles, il expira. Le centenier, à la vue de ce qui était arrivé, glorifia Dieu et dit : Réellement, cet homme était juste. Et les foules qui étaient venues assister à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s’en retournèrent en se frappant la poitrine.

Chers amis,

Nous voilà donc réunis ce matin sous la croix du Golgotha, sous la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Cette croix est aujourd’hui le signe de ralliement et le symbole de plus d’un milliard et demi de chrétiens sur la terre. Nous en avons fait un bijou. Nous la portons comme parure. Nous la montons sur nos clochers. Nous la plantons sur des montagnes. Et, comme symbole de victoire et d’espérance, nous la plantons finalement sur nos tombes.

Mais, cette croix est parfois aussi considérée, au contraire, comme un objet de scandale, comme un symbole à rejeter et à détruire, parce qu’on y voit un signe de faiblesse et de folie. On lui préfère des croix gammées ou des croix celtiques. Celles-ci rappellent le culte du soleil revenu à la mode sur les plages ; et le culte de l’homme fort, ou, du moins, des hommes qui savent donner de la voix.
Mais, qu’a-t-elle donc de si particulier, cette croix de Golgotha, cette croix du vendredi saint, pour diviser ainsi les esprits ? – Ce qu’elle a de particulier, cette croix de Jésus-Christ, nous l’apprenons par bribes, dans notre passage de l’évangile de Luc. Et cela, pas seulement de la bouche des disciples ou des amis de Jésus, mais, même de la bouche de ses ennemis et de ses moqueurs. Chez les Romains la croix n’était jusque-là, que le poteau de torture et d’exécution des esclaves révoltés. Par la crucifixion de Jésus-Christ la croix est devenue ce jour-là, et elle restera jusqu’à la fin des temps :
                     – l’endroit d’une révélation sans pareille,
– l’endroit d’une décision sans pareille, et
–    l’endroit d’une espérance sans pareille.
–   
* La croix est l’endroit d’une révélation sans pareille. Il nous est dit :
« Les foules qui étaient venues assister à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s’en retournèrent en se frappant la poitrine. » Cela, ces gens ne l’avaient pas prévu, que de simples spectateurs, ils se retrouveraient tout à coup acteurs ! Ils n’arrivent plus à se défaire de l’impression d’être eux-mêmes impliqués dans cette crucifixion. Oh ! Ils n’étaient pas intervenus. Ils étaient restés absolument passifs. Mais, n’est-ce pas justement cela, la raison de leur trouble : avoir assisté, sans broncher à l’exécution d’un innocent ? En laissant commettre une injustice sans réagir, ne devient-on pas complice de l’infamie ? Ils repartent en se frappant la poitrine. Dans le langage des pénitents cela s’appelait « battre sa coulpe ». Et cela signifiait, se reconnaître coupable. Oui, tous ces spectateurs se sentent tout à coup coupables de la mort de Jésus, c’est-à-dire : responsables de l’exécution d’un juste !

–    Oui, Jésus était un juste.
–   
C’est là le mot prononcé par le centenier romain : « Réellement cet homme était juste. » Cet officier païen ne comprenait peut-être pas grand-chose aux problèmes religieux des juifs : mais, en crucifixion, là, il s’y connaissait parfaitement. Il savait, q’une fois pendu à la croix, tout condamné laisse tomber son masque. Fini tout théâtre ! Finie toute hypocrisie ! Finie toute prétention injustifiée ! Quand on est dans la force de l’âge et qu’il faut lutter pour chaque souffle d’air, on redevient vraiment soi-même. Comme les autres spectateurs, le centenier, chef du peloton d’exécution , s’attendait à ce que Jésus renie toute prétention ; qu’il redevienne lui-même ; qu’il fasse appel à la pitié pour sauver sa vie. Ou alors, devenu fou de douleur et de colère, qu’il insulte ses tortionnaires. Mais, au lieu de cela, il prie pour eux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » 

Et, au lieu d’essayer de sauver sa vie, il se soucie du larron repentant, crucifié avec lui : « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. »
Et, au lieu de renier quoi que ce soit de son attitude à l’égard de Dieu, il rend son dernier soupir en priant avec les paroles d’un psaume : «  Père, je remets mon esprit entre tes mains. »

Jusqu’à la fin tous avaient attendu que Jésus redevienne lui-même, sans aucune autre prétention ; qu’il redevienne Jésus de Nazareth, fils de Joseph et de Marie, frère de Jacques, de Simon, de José et de Jude ; qu’il cesse de « jouer » au Christ, au Fils de Dieu. Et voilà que sa mort prématurée surprend tout le monde. Déjà étonnés par une obscurité qu’ils ne s’expliquent pas, ils sont complètement déconcertés par la mort subite de Jésus, juste au moment, où il venait de remettre son esprit à Dieu. Comme si le Père auquel Jésus a fait appel, exauçait sa prière en mettant fin, au bout de six heures, à un supplice qui durait généralement plus d’une journée entière. Pour le centenier cela ne fait pas de doute : ce Jésus était vraiment un juste aux yeux de ce Dieu, qu’il venait d’invoquer. C’est ainsi que la mort de Jésus sur la croix révèle : Jésus est lui-même ; il a toujours été lui-même ; il n’a jamais « joué » au Christ ; mais, il est le Christ ; il est le Fils de Dieu !

C’est pour cela que la croix de Jésus-Christ est aussi l’endroit d’une décision sans pareille. Elle nous révèle, à la fois, qui était Jésus de Nazareth, et nous montre, qui nous sommes, nous les humains. Regardons, ce qui se passe au pied de cette croix du Golgotha et peut-être nous nous reconnaîtrons dans l’un ou l’autre comportement.- Il nous est dit : « Les soldats se partagèrent les vêtements de Jésus, en tirant au sort. » Dans nos faire-parts de décès, nous lisons souvent : « Nous avons la profonde douleur d’annoncer le décès de notre chère mère, grand-mère… », mais au chevet de la mourante on voit tout à fait autre chose qu’une profonde douleur. Parfois la mourante n’a pas encore fermé les yeux, que déjà les héritiers se querellent  pour l’héritage. Les soldats, eux, tirèrent les vêtements du Christ au sort. – Le larron crucifié à sa gauche interpelle Jésus : «  Si tu es le Christ, descends de la croix et aide-nous à nous échapper. » N’avons-nous jamais pensé ou parlé comme ce larron, chers amis, quand nous avions aussi une croix à porter, contre laquelle nous nous révoltions ? Alors que souvent nous aurions dû reconnaître, comme le larron à la droite de Jésus : « Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos actes. » – Les chefs du peuple lui crient : « Il a sauvé les autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ, l’élu de Dieu. »  Nous ne pensons pas autrement, quand nous disons : « Si Dieu existe, pourquoi n’intervient-il pas pour empêcher tel ou tel malheur ? » – Les gens, venus en curieux se sentent finalement coupables de la mort d’un juste. Quand, dans une salle de classe un collégien en tue un autre en lui tirant une balle dans la tête, n’y a-t-il pas aussi une certaine complicité passive de notre part, parce que nous ne protestons pas contre la banalisation de la violence à la télé, au cinéma et dans les jeux vidéo ?
Il y a aussi complicité quand nous laissons affirmer sans broncher des idées xénophobes ou racistes, alors que nous savons, que cela mène à des horreurs comme Auschwitz. Oui, le silence est aussi une forme de complicité ! A plus forte raison une approbation électorale. C’est pourquoi la croix du Christ est pour nous aussi l’endroit d’une décision déterminante : Veux-tu faire partie de cette nouvelle manière d’être, de ce monde nouveau inauguré par Jésus-Christ ? Alors regarde à la croix. Elle te dit, certes, que tu ne peux rien faire de valable par toi-même ; mais elle te dit aussi que Dieu s’occupe de toi, puisqu’il a accepté que son Fils meure, afin que toi, tu vives. Fais-lui confiance, en lui disant l’humble prière du larron repentant :
« Seigneur, souviens-toi de moi, au jour où tu règneras ! »

C’est ainsi seulement que cette croix de Jésus nous sera également l’endroit d’une espérance sans pareille. Pour ce larron, comme pour Jésus lui-même, la mort n’a pas été la fin de tout. Avec le tombeau vide et la résurrection du Christ au matin de Pâques, sa croix est devenue le point de départ d’une ère nouvelle pour l’humanité et pour le monde. Car cette croix nous révèle pleinement, ce que nous rappelle aussi le mot d’ordre pour ce vendredi saint : « Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que celui qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il aie la vie éternelle. »

Depuis la crucifixion de Jésus-Christ on ne peut plus, en même temps, croire en Dieu et désespérer du monde. Car là, où un tel amour a été révélé, là aussi renaîtront toujours la confiance en Dieu et l’espérance pour le salut du monde. Et, envers et contre toute politique irresponsable, envers et contre tout comportement dément des hommes, oui, envers et contre la mort elle-même, il y aura toujours cette espérance qui porte désormais un nom : Jésus-Christ ! Et, Jésus-Christ crucifié ! Amen.

     Martin DEUTSCH, pasteur

Cantiques :    ARC                NCTC
        452    1-4            200    1-4
        454    1-2            199    1-2
        453    1-4            184    1-4
        180    1-9            157    1-8
        450    1-3            187    1-3