2006. 02 : dim REMINISCERE, 2e dans le Carême

Le Christ livré aux hommes

Dimanche 12 mars 2006

Esaïe 5/1-7


(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

 
A. 1. Nous venons d’entendre deux paraboles successivement :

une de Jésus, dans l’évangile : les ouvriers dans la vigne,
une d’Esaïe, qu’on appelle le  » chant de la vigne « .
 
On est parfois surpris, quand on entend parler de paraboles dans l’Ancien Testament. On pense aux paraboles de Jésus (il y en a 60 environ), et on croit que lui seul en a dit. Eh ! Non. L’Ancien testament en contient environ 15, en particulier chez les prophètes. Ici nous en avons un bon exemple.
 
2.   Et vous avez certainement remarqué que ces deux paraboles se ressemblent :
elles ont le même commencement :

        Esaïe raconte :

Mon ami a creusé des trous sur un coteau fertile,
enlevé les pierres, planté de beaux plants,
bâti une tour pour se défendre contre les bêtes
et ranger les outils,
planté une haie, creusé une cuve pour presser le jus.

Jésus raconte :

Un homme a planté la vigne, bâti une tour,
entouré d’une haie, creusé un pressoir.

 
Jésus a évidemment repris la parabole d’Esaïe, et nous verrons pourquoi.
 
3. Une parabole est une histoire qui veut nous faire comprendre quelque chose : chaque mot a un sens précis :

       le coteau fertile, c’est la Terre Promise, Canaan
       la vigne, c’est le peuple juif, Israël
       les pieds de vigne, ce sont des humains, ici les Juifs
       les fruits : les actions des hommes,
       les mauvais fruits: les mauvaises actions,
       les bons fruits: les bonnes actions
       l’ami, ou le propriétaire : c’est Dieu
 
        Dieu est un ami : c’est une image étonnante ! Cet ami aimerait voir pousser du bon fruit chez ses amis, les humains. Mais ceux-ci, dit Esaïe, n’ont aucune envie d’être les amis de Dieu et de lui faire plaisir ! Ecoutez comment Esaïe le dit : (v.7)
La vigne de l’Eternel, c’est la maison d’Israël,Et les plants qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il avait espéré d’eux le respect du droit, mais c’est partout du sang versé ! Il attendait de la justice, Mais on entend des cris de détresse ! « 
 
4.    La situation est grave, dit Dieu à travers son prophète : cela ne peut pas continuer comme cela. Et effectivement, Esaïe continue son discours en criant :  » Malheur à vous qui ajoutez maison à maison. Trois fois le cri  » Malheur à vous  » retentit !.
 

B. 1.  700 ans plus tard, Jésus reprend la parabole d’Esaïe :
          Les gens la reconnaissent, évidemment.
 
        Mais Jésus porte l’attention sur les gens qui travaillent dans la vigne. Esaïe s’intéressait aux plants, aux personnes du peuple et au peuple lui-même. Jésus s’intéresse aux travailleurs qui s’occupent de ces plants et de ce peuple.
 
        Les fruits sont bons, pourquoi pas, mais que font les chefs ? Car c’est d’eux que parle Jésus. Ou, si les fruits sont mauvais, à qui la faute ?  N’est-ce pas aux chefs ? Aux prêtres, aux scribes, aux pharisiens, aux juges ? Que font-ils, ces chefs ? Ils pillent la vigne, ils tuent les envoyés du propriétaire, ils tuent les prophètes. Car ceux qu’on appelle  » les serviteurs de Dieu « , ce sont les prophètes. Ils tuent même le fils du propriétaire ! Ce sont des voleurs et des meurtriers !

2.    D’Esaïe à Jésus, le ton change :                        
 Jésus ne dit pas comme Esaïe :  » Malheur à vous « , mais il le pense tellement fort,  que tout le monde l’entend ! Et il les accuse !
 
        Surtout, Jésus accuse publiquement ses ennemis de vouloir sa mort : Marc dit clairement : (v.15/27)  »  Les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens … avaient compris que
Jésus parlait d’eux dans cette parabole. Mais ils n’osaient pas l’arrêter, à cause du peuple  » (v.12).  
 
3.   Avec Jésus, l’histoire racontée dans la parabole va se terminer autrement que chez Esaïe : «  Les vignerons se dirent entre eux : voici l’héritier ! Venez, prenons-le, tuons-le, et l’héritage sera à nous ! Ils le prirent le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne ! « 
Tout d’un coup, on se retrouve dans le Jeudi et le Vendredi Saint !
 
C. 1.  Aujourd’hui nous entendons Jésus nous raconter, à nous, cette parabole. Le peuple qui écoute, c’est nous.
 
Nous sommes au 2ème dimanche dans le Carême, nous avançons avec Jésus vers sa mort et sa résurrection. Nous disons que Dieu l’a envoyé pour racheter les péchés des hommes. Et que des chefs juifs et romains l’ont fait tuer.
 
Mais qui sont les pécheurs dont nous parlons ? Les chefs ? Certes. Mais eux sont les exécuteurs, les mauvais vignerons. Mais qui sont ceux qui portent du mauvais fruit, qui ne respectent pas le droit et qui commettent l’injustice ? N’est-ce pas nous ?
 
Tout d’un coup, nous devenons plus que de simples auditeurs de la parabole ! Nous sommes des figurants et des acteurs de l’histoire, et ce n’est pas une histoire glorieuse !
 
2. Reminiscere :  » Souviens-toi de moi Seigneur, dans ta bonté « .

       C’est le sens du nom du dimanche que nous célébrons. Que Dieu se souvienne de nous, certes. Mais que nous nous souvenions aussi de nous, de notre mal, de notre péché, à cause duquel Jésus est mort.

 Que nous nous souvenions pourquoi nous sommes impliqués dans cette parabole : à la fois comme cause de la mort du Christ et comme bénéficiaires de la grâce qu’il a obtenue pour nous. Une
grâce qui n’est  » pas à bon marché « , mais acquise par cette mort.
 
Souvenons-nous aussi des autres. Car nous entraînons des gens dans nos péchés, dans nos injustices. Certains sont peut-être devenus injustes, à cause de nous. Nous sommes des victimes du mal, mais nous avons peut-être créé des victimes autour de nous.  
 
3.  Il nous faut donc vraiment prendre la parabole de Jésus au sérieux.
Elle n’est pas simplement une histoire, racontée comme cela. Elle est une  » histoire sainte  » : l’histoire du salut accompli par le Christ, et dans laquelle nous entrons, comme acteurs et bénéficiaires.
 
En sorte que l’histoire de la vigne ne reste pas de l’histoire ancienne : elle devient notre histoire. Et de même que Jésus appelait ses auditeurs à changer leurs cœurs, comme l’avait déjà fait Esaïe, de même il nous demande aujourd’hui de changer notre cœur. L’histoire de la Passion dans laquelle nous entrons progressivement n’est pas seulement l’histoire de la mort du Christ au milieu des gens d’il y a 2000 ans. Elle est l’histoire de la mort du Christ, pour nous, et au milieu de nous, ici, où nous sommes, et aujourd’hui, au moment où nous vivons.
 
D.    Il nous faut bien connaître l’histoire du Christ.
        Il nous faut connaître l’histoire du salut qu’il nous a apporté.
        Il nous faut surtout comprendre que c’est notre histoire.

 
        Sinon, pour quoi et pour qui le Christ serait-il mort, si ce n’est pas pour moi, pour toi ?

                                                                  Amen.            Yves Kéler

Chants :  

NCTC 25, ARC 25, ALL 25 : Ps 25 A toi, mon Dieu, mon cœur monte
NCTC 184, ARC 453, ALL 33/11 Pour quel péché
                    ARC 421, ALL33/23 Jésus, ô nom qui surpasse
NCTC 185, ARC 457, ALL 33/03 Tu nous aimas, ô bon Berger
                                     ALL 33/26 Rédempteur admirable