2007. 01 : dim INVOCAVIT

25 février 2007

La tentation du Christ

Luc 22/31-34

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)

Frères et sœurs en Christ,
Avec le mercredi des cendres, nous sommes entrés dans le temps du Carême, ces 7 semaines qui nous préparent à l’événement fondateur du christianisme, à savoir la passion du Christ avec sa mort et sa résurrection. Invocavit, c’est le nom du premier dimanche du carême. Ce jour là notre Église propose la lecture du récit de la tentation de Jésus en Matthieu 4. La tentation du mal se retrouve aussi dans le texte de prédication d’aujourd’hui.
Après une belle histoire d’amitié qui sera mise à rude épreuve, le Christ promet l’assistance par la prière, un vrai moteur pour une relation durable.

Au fil des lectures où intervient l’apôtre Pierre, vous avez peut-être, comme moi, le sentiment d’être souvent en accord ou en harmonie avec le plus célèbre des 12 disciples. A bien des égards Pierre nous ressemble dans ses attitudes et ses questionnements. Nous nous souvenons de ces belles pages où Jésus l’accueille au bord du lac de Tibériade et lui propose de repartir sur les eaux du lac et de jeter à nouveau les filets après une nuit de pêche infructueuse. Malgré son expérience, ses qualités de pêcheur qui connaît son environnement, qui sait que de jour la pêche sera inutile, il va à nouveau sur le lac pour jeter ses filets sur les conseils de cet inconnu qui s’appelle Jésus.  Et…  surprise totale : les filets sont pleins à craquer! Pierre se rend compte qu’il n’a pas à faire à quelqu’un d’ordinaire. « Éloigne toi de moi, car je suis un homme pécheur » lui réplique-t-il. Pierre reconnaît sa faiblesse, son manque de foi. Mais ce pêcheur un peu rude, au bon cœur, sera associé au groupe des amis de Jésus ainsi qu’aux grands événements comme la transfiguration ,les miracles les plus extraordinaires…. Cependant tout ne lui est pas dévoilé tout de suite. Sa proximité avec Jésus lui permet de mieux comprendre les enjeux du plan de Dieu.
C’est lui qui confesse en premier : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant. » Pierre vit des moments passionnants. Il voit des foules avides de connaître cet envoyé extraordinaire de Dieu. Pierre est là, tout proche. Il entend les plus belles pages de l’Évangile de la bouche même du Christ. Il vit en direct les signes les plus importants de la puissance de Dieu.

Mais quand Jésus annonce sa mort, il ne comprend plus. Jésus son ami va être livré aux hommes pour être crucifié. Une page sombre s’ouvre à lui ainsi qu’au groupe des disciples. Jésus s’apprête à vivre ses derniers instants avec ses proches, il fête le mémorial de la Pâques juive, il partage à cette occasion le pain et le vin.
L’annonce de la trahison de Judas a de quoi effrayer le groupe entier. Mais ce n’est pas fini : Jésus appelle son ami Pierre : « Simon, Simon » comme pour accentuer ce qu’il a à dire à son fidèle compagnon. Ce qui vient est important, sérieux et pénible. Jésus annonce un temps d’épreuve, le temps de la tentation du mal. Il lui annonce qu’il le reniera. Pour le disciple, ces quelques paroles du Christ devaient apparaître comme une douche froide. Auparavant il s’était réjoui avec son Maître de monter à Jérusalem. Le dernier repas a dû lui apparaître étrange. Mais il a dû être fier lorsque Jésus lui a promis qu’il serait assis à sa table avec les autres disciples et qu’il jugerait avec lui les 12 tribus.
Jésus dit à Pierre : « Satan vous a secoués dans un crible comme on fait pour le blé. » Le tentateur, le diable ou l’adversaire est opposé à Dieu. Il met tout sens dessus-dessous. L’image du criblage qui se trouve également dans une prophétie d’Amos annonce des moments difficiles. Après le battage de la moisson sur l’aire on faisait le tri entre les grains et les pierres au moyen du crible. Seuls les grains sont bons, le reste est à jeter. Le crible c’est donc ce tamis servant à trier les objets de grosseur inégale. Dans le langage courant, passer quelqu’un au crible signifie examiner une personne avec soin pour distinguer le vrai du faux. Et si l’on remontait aux origines du mot, celui-ci serait en famille avec les mots crise, critère et critique. C’est une crise profonde dans laquelle Simon-Pierre et avec lui les autres apôtres vont être précipités. C’est une dure épreuve à laquelle il va falloir faire face. C’est ainsi qu’il y a des épreuves qui nous mettent devant les choix essentiels de la vie.
Si nous succombons aux tentations de la société de consommation, certaines tentations peuvent nous faire rater une partie de notre vie. Ici l’épreuve par laquelle passent les apôtres est celle de la foi. Pierre se défend : Non, il ne succombera pas : « Seigneur, je suis prêt à aller en prison avec toi et à mourir avec toi. » Au moment où il dit cela nous pouvons croire à l’honnêteté de sa déclaration. Il nous a déjà prouvé qu’il admirait son Maître et qu’il l’accompagnait fidèlement. Mais nous savons la suite de l’histoire..
Après son arrestation tous s’enfuient et Pierre le renie 3 fois avant que le coq ne chante. Pierre se rend compte de sa lâcheté et pleure amèrement. La tentation a été grande, il y a succombé. Qui de nous pourrait lui jeter la première pierre? Est-ce que notre parole nous engage toujours? Quand nous promettons assistance, proximité et secours à un ami ou à un parent, cette promesse ne tient parfois que jusqu’au moment où cet ami nous demande de l’aide ou du soutien. 1/3 des mariages ne tient pas. Combien de promesses ou d’engagements sont faits lors des cultes de baptême ou de confirmation et restent sans suite? Est-ce que l’un de nous irait en prison pour sa foi ou pire encore jusque dans la mort? La route de la croix du Christ est celle de l’amour de Dieu qui va jusqu’au bout. C’est celle d’une passion unique dans l’histoire des hommes où Dieu fait preuve d’une grande tendresse, d’une miséricorde et d’une grâce parfaite. C’est la foi qui nous permet de rentrer et de rester en relation avec ce Dieu d’amour. Dieu a fait le premier pas et c’est à l’homme d’accepter ou non de cheminer avec lui.
Pierre ira jusqu’au bout lorsqu’il aura mieux compris les desseins de Dieu. Des millions de chrétiens suivront ses traces. Des croyants  iront jusqu’au bout de leur témoignage, dans le martyr comme l’apôtre Pierre mais aussi Jacques ou Paul. Dans les épreuves le but ultime n’est pas l’épreuve mais le fait de la surmonter et d’être convaincu  du juste combat. Il est vrai les propres forces ne suffisent pas toujours. Jésus nous assiste par son intercession : « J’ai prié pour toi afin que la foi ne vienne pas à te manquer ». La défaillance n’est pas irrémédiable. En fait Jésus promet son aide et son soutien pour que la foi de Pierre ne disparaisse pas ni celle des autres croyants.
Il vous est peut être arrivé de vous sentir porté par la prière d’autrui. Cela rassure et donne le sentiment de ne pas être seul face à l’épreuve. Pierre a dû se sentir abandonné après la condamnation de Jésus. Chacun est parti de son côté. Mais tout n’est pas perdu, tout n’est pas fini. Il y a un avenir malgré tout pour les premiers témoins du ressuscité. Et si Simon devient la pierre sur laquelle Jésus  bâtira son Église, c’est bel et bien parce que Jésus prie pour lui et parcequ’ il l’exhorte « Toi quand tu seras revenu, affermis tes frères. » On peut l’interpréter quand tu te seras redressé, recommence à affermir tes frères. La foi de Pierre joue ici un rôle décisif pour la formation de la première communauté de chrétiens de Jérusalem. D’autant plus que c’est l’un des premiers auxquels le ressuscité est apparu. Le témoignage de Pierre a affermi une multitude de chrétiens dans la foi.
Qu’au-delà de toutes les croix dressées sur nos routes nous puissions, à l’exemple de Pierre, être affermis par la prière du Christ. Jésus prie son Père « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner. Je prie pour eux. »                  Amen.

Pierre AMBIEHL

ARC 91 – ARC 230 – ARC 543 – ARC 544 – ARC 889