2007. 03 : dim OCULI

Suivre Jésus-Christ

11 mars ‏2007‏‏

Jérémie 20, 7-18

(Série de Prédication V (Predigtreihe V) : liste complémentaire I)

Note du rédacteur.  Le plan de lectures de notre Eglise propose 20, 7-11a, ce qui nous donne un texte de plainte qui débouche sur une note d’espérance lorsque le prophète rappelle sa confiance en Dieu qui finira bien par agir en sa faveur. Ce découpage esquive 20, 14-18, la dernière partie de la plainte de Jérémie, qui est un cri de désespérance à l’image de celui de Job (3, 1-19) : plutôt être mort à la naissance ou ne pas être né du tout et ne pas avoir vécu que d’avoir à vivre ça ! ». Certes ce cri de désespérance ne clôt pas le texte sur une note positive, ce qui est peut-être gênant pour le dimanche qui a pour thème « Suivre Jésus-Christ »… Mais ce cri est vital à entendre : il exprime « à l’envers » l’amour passionnel de Jérémie pour son Dieu. Sans cet amour fou qui brûle au plus profond de ses tripes, le prophète aurait bien pu réagir comme un « homme sensé » et laisser tout tomber pour avoir la paix, plutôt que d’avoir à en baver de la sorte ! Laissons-nous donc saisir par toute la plainte de Jérémie : elle nous invite à ressentir la flamme de notre amour pour le Seigneur lorsqu’à notre tour nous serions tentés de laisser tomber notre engagement dans la suivance de Jésus.

I

Le prophète Jérémie est à bout de forces, il est au plus profond du désespoir. Il se sent abandonné de tous, même de ses amis proches. Il en vient même à douter : Dieu l’aurait-il trompé en l’embarquant dans ce combat ? Et puis retentit ce cri déchirant, terrifiant : Il aurait mieux valu ne pas vivre, même ne pas naître, plutôt que d’avoir à vivre ce qu’il doit subir et endurer ! C’est pourtant Dieu qui l’a appelé pour être son prophète et accomplir cette mission. Pour cela Dieu lui avait promis son aide et son appui. Il lui avait même laissé entrevoir que sa mission compterait aussi une phase positive : bâtir et planter, et non seulement détruire et arracher !

Tout cela, Jérémie le sait, il l’a entendu… Il croit en son Dieu, il l’aime même passionnément… Pourtant, aujourd’hui, il n’en peut plus. Il est à bout. Voilà des jours et des jours qu’il clame à tous les habitants de Jérusalem et de Juda, petits et grands, prêtres, princes et rois, les paroles sévères de leur Dieu. Pour frapper fort leurs esprits et peut-être arriver à les toucher dans leur conscience, il leur traduit ces avertissements divins en des signes évidents inspirés par Dieu. Mais rien n’y fait : personne ne veut entendre et encore moins comprendre ! Ils n’en font qu’à leur tête et s’enfoncent dans leur aveuglement.

Le dernier signe que Jérémie leur a donné était pourtant on ne peut plus évident : un vase d’argile fracassé en mille morceaux devant eux préfigurait le sort tragique qui les attendait. Jérusalem et tout le pays de Juda allaient être fracassés de la sorte par l’armée babylonienne : la ville sera réduite en ruines, le pays sera dévasté, et la misère sera telle que les survivants finiront par se dévorer entre eux tels des cannibales ! Horreur et abomination ! Mais toujours rien : ni question, ni inquiétude, ni remord, ni repentance. Pas la moindre réaction du genre : « Jérémie, dis-nous ce que nous devons faire ! » Rien… Rien ! C’est à désespérer totalement : le peuple de Dieu a-t-il oublié à ce point l’histoire de ses pères dans la foi ? Et pour finir Jérémie eut à subir la peine du pilori sur ordre d’un des chefs des prêtres : la torture physique qui lui déchire le corps, en plus de la torture morale qui lui déchire le cœur et l’esprit.

II

Jérémie souffre et doute : puisqu’ils ne veulent rien entendre et s’entêtent à courir à leur perte, est-ce que ça vaut la peine de souffrir de la sorte ? Et puis, c’est désespérant pour un prophète de n’avoir à annoncer que du malheur : Dieu ne l’a chargé d’aucune promesse de renouveau et d’avenir au-delà de la catastrophe. Jérémie n’est qu’un prophète de malheur ! Pourquoi Dieu, le Dieu de l’Alliance qui jusqu’ici a toujours rattrapé son peuple au bord du gouffre, ne promet-il pas d’agir ainsi une fois de plus ? Jérémie souffre, doute et se désespère : il n’est qu’un prophète de malheur et Dieu lui-même apparaît comme un dieu de malheur… Malgré tout l’amour pour son Dieu que Jérémie ressent au fond de ses tripes (vc.9) et malgré la mémoire de la foi vécue (v.11), Jérémie se lamente et touche au fond de l’abîme du désespoir : mieux vaudrait même ne pas avoir vécu du tout, plutôt que d’avoir à vivre cette désespérance ! (vv.14-18). Au point où en sont les choses sa vie n’a plus aucun sens ! Plutôt mourir, ou même, si cela pouvait se faire, ne pas avoir vécu du tout !

Nous, lecteurs de la Bible, nous connaissons la suite de l’histoire, mais Jérémie, lui, n’en a pas vu la fin. Comme annoncé, ce fut le désastre pour le pays de Juda, la ruine pour la ville de Jérusalem et la déportation à Babylone pour la majeure partie du peuple. Jérémie, malgré sa fidélité à Dieu et malgré sa vocation de prophète, dut partager le sort tragique des siens et il mourut loin de Jérusalem sans avoir vu le moindre signe de renouveau. Pourtant l’exil à Babylone fut pour le peuple de Dieu, pour les descendants des captifs emmenés à Babylone, le creuset d’un grand renouveau : un peuple renouvelé, avec une foi et une religion renouvelées, et par la suite, le retour à Jérusalem qui sera restaurée. Mais Jérémie n’en a rien vu : Dieu le lui avait seulement laissé entendre, sans qu’il puisse l’annoncer au peuple.

III

La plainte de Jérémie est proposée aujourd’hui à notre méditation.  Nous qui sommes là pour ce culte, c’est poussés par notre foi et notre amour pour le Seigneur que nous sommes venus. Chacune et chacun, à sa place et à sa manière, s’est engagé pour sa paroisse, pour son Eglise et pour notre Seigneur. Nous donnons de notre temps, de notre énergie, de notre argent et de nos compétences, et nous sommes heureux de le faire. N’empêche que de temps à autre, nous nous décourageons, avec le sentiment de n’arriver à rien et d’œuvrer en vain . Parfois  nous nous sentons incompris. Il nous arrive aussi d’être affligés par les problèmes qui secouent notre Eglise, alors que nous n’y comprenons rien. Que se passe-t-il ? Cela a-t-il quelque chose à voir avec le service du Seigneur et de l’Evangile ? D’autres fois, c’est une épreuve difficile, une maladie, un malheur familial qui nous ébranle de la sorte… Difficile alors de rester fidèle  et de continuer à venir… Difficile alors de ne pas se laisser vaincre par le doute… Difficile alors de résister à la tentation de laisser tomber et d’arrêter là les frais ! Bien souvent, la plainte de Jérémie est aussi notre plainte, même si notre situation n’est pas aussi tragique.. Dans la Bible, nous trouvons encore d’autres compagnons de plainte : Job et l’un ou l’autre Psalmiste.

Alors, quand le doute et le découragement nous assaillent, avec Job et les Psalmistes, « écoutons » à l’instar de Jérémie le « feu qui brûle au fond de nos entrailles » et laissons-nous ressentir la passion pour le Seigneur qui nous anime au cœur de nous-mêmes. Même au plus profond du découragement et de la détresse, ce feu nous tiendra éveillés. Même dans la plus profonde nuit, ce feu ne s’éteindra pas en nous, même s’il n’en reste que quelques braises ou qu’un lumignon fumant. Comme Jésus à Géthsémané, ou encore comme l’apôtre Paul au cœur des difficultés, ressourçons-nous à la chaleur et à la lumière de l’amour de Dieu, ce feu qui brûle dans nos obscurités et ne s’éteint jamais…   AMEN.

Marc WEISS ,
Pasteur au CHU de Strasbourg-Hautepierre.

Propositions de chants :

ARC 449 = NCTC 202 : « O Jésus ta croix domine… »
ARC 405 = NCTC 300 : « Mon Dieu mon Père, écoute moi… »
ARC 418 = NCTC 364 : « Seigneur du fond de ma détresse… »
ARC 42 = NCTC 42 : « Comme un cerf altéré brame… »