2008. 06 : dim des RAMEAUX

16 Mars 2008

L’Homme de douleur

Hébreux 12,1-3

( Série de Prédication VI (Predigtreihe VI) : liste complémentaire II )

Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte,

ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui, en vue de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu.

Considérez, en effet, celui qui a supporté contre sa personne une telle opposition de la part des pécheurs, afin que vous ne vous lassiez point, l’âme découragée.

La Bible n’est manifestement pas du tout le livre vieux et dépassé que certains prétendent souvent qu’il est, puisqu’il y est même question de sport et de course. Les différentes allusions de Paul à ce sport sont connues, la plus célèbre est peut-être la suivante : Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez de manière à le remporter. (I Co 9,24)

Le texte de prédication d’aujourd’hui utilise lui aussi l’image de la course.

Ceux qui s’y connaissent dans ce genre de sport et qui lisent régulièrement les comptes-rendus sportifs, rencontrent de temps en temps des phrases comme les suivantes, recopiées dans les colonnes spécialisées : « Il est donc prévu que je prenne part au marathon de Caen, ; mais rassurez-vous je n’irai pas jusqu’au bout. Je vais faire le lièvre jusqu’au 29ème kilomètre… » , ou encore : « En tête de course, Jackson Ronoh, qui était censé faire le lièvre pour permettre à son camarade de battre le record de l’épreuve… ».

Dans chacune des citations revient la même expression, qui a trait à une technique ou tactique de la course, à savoir l’expression « faire le lièvre ».

Notre texte, sans que le mot lièvre y figure, anticipe en quelque sorte cette technique quand il y est dit : « Courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus… »

En quoi consiste donc la technique de faire le lièvre ?

Dans les courses, de vélos et de voitures, mais surtout dans les courses à pieds de demi fond, de fond ou de marathon, c’est-à-dire sur une distance entre 1500 mètres et 42 km, certains coureurs ont souvent recours à ce que l’on appelle un lièvre, mais qui est en fait une personne humaine.

Il s’agit d’un autre concurrent, souvent un ancien vainqueur ou un jeune futur champion, qui accepte, comme on dit, selon l’expression consacrée, de faire le lièvre pour un autre coureur.

Cela se passe ainsi : le lièvre court avec et pour le champion ; il est à son service et court devant celui qui veut et doit gagner la course ou battre un record ; il court devant lui en quelque sorte pour lui ouvrir la voie, pour lui fendre l’air, pour lui donner le bon rythme, pour être le témoin de sa performance, afin que l’autre, derrière lui, puisse calquer sa course sur lui, et ainsi être dans le rythme et dans les temps définis à l’avance, afin de terminer la course en vainqueur, et peut-être même en battant un record. Ce champion court en ayant les yeux fixés sur son lièvre qui le précède et qui joue un rôle absolument déterminant pour lui.

Mais cela implique aussi, qu’à un moment donné et convenu ensemble, le lièvre s’efface devant son acolyte, le laisse passer, afin qu’il fasse le dernier effort tout seul et franchisse la ligne d’arrivée en tête.

C’est cette pratique sportive du lièvre que peut suggérer notre texte.

Si le rapprochement entre les deux fait sens, cela implique – pour le dire dans une comparaison un peu osée mais qui a l’avantage d’être accessible et compréhensible – que Jésus serait pour nous le lièvre sur le comportement duquel nous pouvons calquer la course de notre propre vie ; cela signifie que Jésus est celui qui nous donne l’exemple, celui qui veut nous faire gagner en nous montrant que ce qu’il a fait, nous pouvons aussi le faire, et ce d’autant mieux qu’il nous a ouvert la voie et surtout levé les principaux obstacles en triomphant du péché et de la mort.

Celui qui fait le lièvre dans une course n’est pas n’importe qui : il s’astreint à une discipline de fer, il s’entraîne régulièrement, il accepte de souffrir pour être et demeurer compétitif ; souvent il a été lui-même un champion et a eu l’honneur de monter sur le trône, en l’occurrence le podium.

Et par la suite il veut faire profiter les autres de son expérience, de ses acquis, afin de les aider à vaincre à leur tour.

Mais le meilleur lièvre ne sert à rien si celui qu’il veut aider à gagner la course ou à battre un record ne s’investit pas lui-même, ne fait pas lui-même un très grand effort. Il faut que lui aussi s’entraîne, fasse des choix de vie, accepte de souffrir de différentes manières, notamment en se débarrassant de tout poids ou fardeau superflu et surtout en persévérant dans sa lutte et dans son entraînement, sans se laisser décourager par quelque difficulté que ce soit, puisque la victoire est à ce prix.

Et si, en cours de route, l’effort à faire lui semble par trop inhumain et insurmontable, si la lassitude et le découragement le guettent, notamment à cause des moqueries de ceux qui voudraient l’empêcher de gagner, il peut toujours écouter les encouragements de la grande nuée des témoins de sa course et, surtout, il peut fixer ses yeux sur son lièvre, en se disant : il l’a fait, cela m’encourage à tenir bon et à ne pas me décourager, pour parvenir à mon but.

Vous l’avez remarqué, frères et sœurs, nombre de mots et de verbes employés ici se trouvent également dans le texte de prédication d’aujourd’hui.

Autrement dit, tout ce que nous venons d’entendre au sujet du lièvre dans le sport et de celui qui fait appel à lui, s’applique bien effectivement au lièvre du chrétien – s’il est permis d’employer cette expression ! – à savoir au Christ, et donc aussi aux croyants qui peuvent croire en lui et compter sur lui pour gagner la course de leur vie.

Si nous devons bien avoir nos yeux fixés sur Jésus, ce n’est cependant pas lui, le lièvre, qui doit gagner la course – car il l’a déjà gagnée, à Pâques et à l’Ascension – mais c’est bien nous maintenant qui devons la gagner.

Et le texte est clair là-dessus : ce ne sera pas chose facile, puisque des souffrances nous sont annoncées, notamment dues au mépris, à l’ignominie, aux moqueries d’autrui. Et le texte rappelle également qu’il faut un entraînement sévère pour perdre les kilos superflus que représente le fardeau que nous portons sous la forme de nos errements, de nos mauvais choix de vie, des fautes de toutes sortes qui pèsent sur nos épaules, qui nous entravent, et nous empêchent d’avancer d’un pied et d’un cœur légers et de gagner la course de la vie, la vie aussi bien terrestre qu’éternelle.

Jésus a gagné cette course avant nous et même pour nous, et il veut nous entraîner à sa suite ; et la garantie qu’il peut effectivement nous aider à triompher nous est donnée par sa résurrection au matin de Pâques, dont il sera question dimanche prochain.

Ainsi donc, frères et sœurs dans le Seigneur, dorénavant quand il sera question de lièvre ne songez pas seulement au lièvre de Pâques bien connu, mais pensez également au beau texte d’aujourd’hui, qui suggère l’image du lièvre au sens sportif : car, ne nous y trompons pas, être chrétien, suivre le Christ, ce n’est pas tous les jours facile, c’est même carrément du sport ! Mais un sport dans lequel Jésus, le chef et le consommateur de la foi, est devant pour nous aider à vaincre, non pas tant individuellement, qu’ensemble, en équipe, en Église. Mais il ne peut pas le faire sans nous, sans une préparation sérieuse de notre part, et sans notre participation effective et réellement engagée.

Amen.

Bernard Kaempf

Cantiques

En rapport avec le thème du jour : ARC 441 ; 443

En rapport avec le thème de la prédication : ARC 622 ; 625

¼ Service des Lecteurs – SL – 11 – 16.03.2008 – Bernard KAEMPF