Dimanche le 22 mars 2009
Le Christ donne pour vous
Jean 12, 20-26
Chère assemblée,
Restons encore un court moment en compagnie des Grecs de notre récit. Essayons de les imaginer à nouveau chez eux.
Parmi tous les souvenirs qu’ils rapportent de leur voyage en Palestine, lequel l’emporte ?
La splendeur du temple de Jérusalem où ils sont venus adorer, la ferveur des célébrants et la solennité avec laquelle ont officié les prêtres, ou au contraire, est-ce la rencontre avec ce rabbi juif, ce maître nommé Jésus et les quelques paroles insolites qu’il échangea avec eux ?
Sont-ils restés suffisamment longtemps à Jérusalem pour assister à son arrestation et à sa crucifixion ? On n’aura jamais de réponse à ces questions mais on peut parier que la rencontre avec le Christ hanta encore longtemps leurs esprits.
Mais d’abord qui étaient ces Grecs ? C’est tellement rare que des étrangers apparaissent dans les évangiles qu’ils méritent qu’on s’arrête un court moment sur eux.
Deux hypothèses ! Ce sont peut-être des juifs de la Diaspora grecque ou alors des « craignant Dieu », c’est-à-dire des païens intéressés et attirés par le judaïsme.
Mais qu’importe. Ils n’arrivent certainement pas par hasard à Jérusalem, alors qu’on s’apprête à fêter la plus grande fête du calendrier liturgique, la Pâques juive. Ils sont ainsi sur place, au moment où Jésus, lui aussi, monte à la ville. Et comme sa notoriété est venue jusqu’à leurs oreilles, ils émettent le désir de le rencontrer.
Sans doute qu’ils ne sont pas simplement là en touriste mais leur présence atteste d’une quête spirituelle, d’une soif de connaissance et d’un réel intérêt pour le judaïsme.
Leur envie de voir Jésus ? Cette démarche s’inscrit dans la plus pure tradition juive. C’est qu’en Palestine, non seulement le Christ mais de nombreux autres rabbins distillaient leur savoir à des disciples qui, passant d’un maître à l’autre, approfondissaient ainsi leur connaissance et leur compréhension de la vie et de la foi.
La leçon que nous donnent ces Grecs, c’est que leur intérêt pour la religion et la foi leur importe suffisamment pour qu’ils entreprennent ce pèlerinage vers Jérusalem. Et en cours de route voilà même qu’ils rencontrent le CHRIST.
Pour qui sait se mettre en route, pour qui prend la peine de le chercher, le Christ se donne toujours à nouveau à connaître, aujourd’hui encore. Mais pour cela il faut que, nous aussi, nous sortions de nos habitudes, de nos savoirs figés, pour cela il nous faut réapprendre à entendre d’une manière neuve son message. Oui, constamment revenir à lui et à sa Parole!
Et alors, peut être que nous ferons la même expérience que les Grecs. C’est-à-dire que nous réaliserons que cette rencontre avec Lui, même si elle n’est pas toujours de tout repos, même si elle peut être dérangeante pour nos positions trop arrêtées, à l’arrivée elle se révèlera toujours comme un formidable enrichissement, une expérience que pour rien au monde nous aurions voulu manquer.
Heureux qui arrive à quitter les sentiers trop balisés pour découvrir de nouveaux paysages, heureux qui arrive à congédier ses modes de pensées familiers, les opinions figées, les conforts dogmatiques, pour se laisser interpeller par une parole qui le secoue, le dérange, le questionne.
La Parole du Christ a toujours pour objectif de nous permettre de grandir, d’oser avancer en eau plus profonde, de progresser sur ce chemin de foi, sur ce chemin où il se donne comme le modèle à imiter.
Et c’est justement à une expérience de cet ordre que Jésus, dans notre récit, invite les Grecs. Ils veulent venir à sa rencontre ? Et bien, il leur confiera une parole qu’ils n’oublieront pas de sitôt, une de ces paroles décisives qu’une vie entière ne suffit pas à épuiser.
Il leur dira « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».
En disant cela, le Christ reprend, sous la forme d’une image, son enseignement fondamental que nous retrouvons dans chacun des quatre évangiles, à savoir que celui qui veut préserver sa vie la perdra, et que celui qui est prêt à la perdre la gagnera.
Oui, chaque évangile connaît la loi du renoncement à soi-même. Deux évangiles, Matthieu et Luc la mentionnent même deux fois, c’est dire que nous sommes bien en présence du cœur de l’enseignement du Christ. Et par deux fois, dans le même temps, le Christ invite ses auditeurs à le suivre. Cette loi du renoncement, incarnée par Le Christ, nous sommes, à notre tour, invité à l’imiter.
Mais attention à ne pas confondre ce principe de renoncement avec l’idée de mortification, de souffrances, de perte, et même de mort.
Il est vrai qu’il est question ici de mourir mais, paradoxalement, il n’en va pas de mort mais de vie, il n’en va pas de stérilité mais de fertilité, il n’en va pas d’un deuil mais d’une vie multipliée à l’infini. C’est que le Christ nous invite à devenir une terre plus ouverte, plus réceptive, plus fertile, afin qu’éclot en nous, à travers nous, un surplus d’humanité, plus de générosité, plus d’amour. C’est comme s’il voulait transformer notre veille terre aride en un précieux terreau où pousse des fruits plus riches et les plus beaux.
Mais pour revenir à ce fameux grain, dont il est question dans la parole de Jésus, ce grain qui est à l’image de chacun de nous, que se passe-t-il lorsqu’il accepte de tomber en terre ?
A la réflexion, ce n’est pas tant que le grain meurt. Non, c’est plutôt qu’il se donne, qu’il accepte de s’abandonner pour que la vie nouvelle passe par lui, à travers lui. Il n’en va donc pas d’une extinction mais d’un supplément de vie, d’un élargissement.
En définitive, le grain ne meurt pas mais il s’offre à la terre, il accepte de se perdre pour se retrouver au centuple. Et ainsi il répond à sa véritable vocation qui est de porter du fruit. Porter du fruit, ce fameux fruit qu’évoque l’apôtre Paul en Galates 5, 22 lorsqu’il écrit : « …le fruit de l’Esprit est : amour, joie, paix patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi ».
Oui, il en va d’une profonde transformation jamais aboutie, toujours à reprendre, mais qui répond à notre destinée profonde, qui correspond à l’idée que Dieu se fait de l’humain accompli.
« Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit »
Une vie entière ne suffit pas à épuiser les facettes de cette parole. C’est qu’en nous, le désir de nous y conformer, le dispute à notre nature première. Nous sommes tiraillés entres des forces contradictoires.
Notre nature fondamentale, première, primitive, celle qui nous vient du plus loin, c’est de tout ramener à nous, Primitivement, instinctivement, chacun de nous a peur de manquer. Il a toujours peur de ne pas AVOIR assez, de ne pas ÊTRE assez. Ces peurs sont redoutables, elles sont comme une pieuvre à mille têtes. On n’en a jamais terminé avec elles. Dominés par elles, nous nous figeons, nous nous crispons pour finalement nous fermer aux autres. Ces autres que nous percevons comme autant de concurrents, comme des adversaires qui vont nous prendre ce qui devrait nous revenir. Pas étonnant que tellement souvent nous soyons en proie à la méfiance, à l’amertume, à la psychose. C’est que le pouvoir des peurs est sans fond, un poison permanent et puissant.
Oui, il est toujours salutaire de réaliser que cette peur participe de notre nature profonde. Mais justement à cette nature, le Christ ne se résigne pas. En cela, on peut affirmer que l’enseignement de Jésus est ‘contre nature’. Il nous arrache à notre animalité, à nos pulsions premières, pour nous humaniser, pour, comme disent les orthodoxes, nous diviniser. Voilà, pourquoi, il nous propose, ce que l’évangile appelle une conversion. Un changement d’optique, d’attitude tellement radical que le Christ parle à la fois d’une mort à notre vieil être et d’une naissance à une vie nouvelle.
Saurons nous saisir l’enjeu de cette transformation à laquelle le Christ nous invite ? Saurons nous garder le cap et appliquer, vaille que vaille, ce programme, cette discipline de vie ? Il en va de bien plus que de nos petites personnes. Il en va du royaume de Dieu que Jésus appelle de ses vœux et où des hommes et des femmes prennent le parti de mettre en pratique et de vivre les préceptes de Dieu.
Pour le réaliser ce royaume, il faut que le grain de blé que je suis accepte de lâcher prise, accepte de s’abandonner et de se remettre à cet AUTRE plus grand que lui, avec une totale confiance, accepte de ne plus avoir la maîtrise totale de sa vie, se tait pour se mettre à l’écoute…
Celui qui est prêt à se perdre de la sorte, découvre la joie et ’abondance d’une vie nouvelle, d’une vie qui passe par lui, pour ensemencer de proche en proche les relations, le monde, la vie….
Les Grecs ont sans doute pris du temps pour retourner chez eux, mais ils ont pris bien plus de temps encore à vivre pleinement cette Parole du Christ. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes invités à les rejoindre dans ce cheminement, jamais abouti, toujours à reprendre mais qui est le sens de notre vie ! Amen
Georges Hufschmitt
¼ – Service des Lecteurs – SL – 12 – 22.03.2009 Georges HUFSCHMITT
PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL
Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.
Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.
A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.
Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).