2010. 03 : OCULI, 3e dans le Carême

Dimanche 7 mars 2010

            Suivre Jésus Christ

           Ephésiens 5,1 à 8a


 (Série de Prédication II (Predigtreihe II) : Anciennes épîtres )

Paul nous tiendrait-il une leçon de morale pour nous dire, comme à de petits enfants ce qu’il faut faire et ce que nous ne devons pas faire ? Pas de débauche, pas d’impureté ou de relations mauvaises, (et il parle là des relations sexuelles), pas d’avarice, de jalousie, d’envie, pas de paroles grossières ! Bref, Paul semble bien loin de ce que Luther avait découvert dans l’épître aux Romains: nous ne sommes pas sauvés parce que nous nous conduisons bien, ou parce que nous faisons de belles et de grandes choses, mais parce que Dieu nous aime. Il a envie de nous sauver parce que l’amour l’y pousse.
De fait il faut être bien attentif en lisant le début de notre texte: Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez–vous d’être comme lui. (trad Français courant).
Tout part donc de ce principe posé au début: Dieu nous aime. L’amour de Dieu est premier. C’est tout à fait différent de notre quotidien, où tout est donné au mérite. «Travailler plus pour gagner plus» serait dans la logique de Dieu, qui agit comme un père: «je t’aime et je te donne tout ce que je peux ou dont tu as besoin pour vivre… sans forcément demander ou attendre que tu le mérites.» L’éthique chrétienne c’est d’abord se sentir aimé. Et Dieu n’aime pas parce qu’il pourrait avoir un bénéfice en retour, qu’il pourrait profiter de moi, de mes capacités ou autre dons et performances. Il aime, tout en sachant que je ne pourrai jamais rien lui rendre, pour rien, gratuitement.
Être aimé, c’est avoir du prix pour quelqu’un, compter pour quelqu’un, avoir de la valeur aux yeux de quelqu’un. Si  tu comprends que tu es aimé, si tu saisis vraiment que tu as du prix aux yeux de Dieu, tu ne peux faire autrement qu’imiter Dieu. Tu n’as plus besoin de chercher la reconnaissance auprès de tes proches, de te faire remarquer quand tu fais quelque chose de bien, de chercher sans cesse à te justifier, ou de faire attention que l’on ne te prenne pas la place, qu’un autre récolte le fruit de tes efforts… tu as l’esprit de Dieu, un esprit pacifié, non conquérant. Tu n’as plus besoin de te battre pour être quelqu’un. Tu sais que tu es quelqu’un de reconnu. L’autre, ton collègue, ton partenaire, et tous ceux que tu croises au jour le jour ne sont plus des rivaux. Ils ne peuvent pas te prendre ta place d’enfant de Dieu. Tu peux donc les aimer.
Aimer, signifie les tenir en estime, malgré ce qu’ils peuvent avoir comme travers. Aimer, c’est être réconcilié avec la nature humaine, c’est à dire une nature qui n’est pas parfaite. Avoir de l’estime pour la nature humaine, c’est aussi avoir l’estime pour soi, puisque je suis fait de cette pâte humaine.
C’est tout le contraire de cette religiosité qui consiste à corriger sa nature humaine que l’on ne supporte pas, en étant dur et exigeant avec soi-même. Cela peut aller jusqu’à des sévices physiques envers soi-même. Souffrir le martyre pour gagner son salut. C’est être entièrement à l’opposé du projet de Dieu pour nous. Mais souvent cette attitude est bien plus sournoise: c’est par exemple la dévalorisation de soi sous prétexte d’une fausse humilité, se sentir coupable, s’imposer une discipline rigide. Certaines personnes ne s’aiment pas, ou ne s’estiment pas à leur juste valeur à se savoir aimées et dignes d’êtres aimées bien qu’imparfaites. Et c’est cela le péché: c’est le fait d’être séparé des autres, de Dieu. Et c’est ce qui se passe pour ceux qui n’ont aucune estime de soi: la reconnaissance de Dieu ne leur suffit pas. Ils s’imaginent devoir faire leur salut par leurs propres moyens ou mérites, ils refusent la main tendue et l’amour de Dieu par amour propre démesuré.
Mais le véritable propos de Paul est encore ailleurs: si tu te tiens réellement en estime, si tu es conscient de la valeur que te confère l’amour de Dieu, tu agis avec estime vis à vis de toi-même. Paul cite trois exemples.
Paul fait d’abord référence à toutes formes de relations sexuelles illicites ou déviantes: l’adultère, la fornication, les relations avec les animaux… C’est le même terme qui désigne en grec le culte des idoles. Il parle là en particulier des relations que nous avons à notre propre corps, comme s’il prenait la place d’une idole. Dans le monde moderne, le corps prend parfois une place démesurée: body building, sport à outrance, la beauté parfois pervertie jusqu’à l’anorexie, les soins excessifs que l’on porte au corps, mais aussi la jouissance que l’on peut en tirer, la prétention à vouloir assouvir ses pulsions jusqu’au mépris de soi-même ou de l’autre, par la pornographie ou la prostitution. C’est cela avoir son corps en mauvaise estime. Le discours dominant dans le domaine des relations dans le couple tourne souvent autour de la seule sexualité, comme si la réussite d’un couple ne dépendait que cet aspect de l’amour. Certes la sexualité mérite notre attention, mais l’amour est bien plus. Le culte du corps ne doit pas prendre la place du culte rendu à Dieu.
Le deuxième aspect dont parle Paul est la cupidité, le besoin que l’on a de posséder,  toujours plus, de n’en avoir jamais assez, voire d’accaparer tout ce que je puis prendre. Lorsque ce penchant, cette pulsions, prend le dessus, est plus fort, je ne suis plus dans le respect de l’humain; je suis dans une espèce d’obésité. Je suis plein à craquer, dans le superflu, et non plus dans la valeur que Dieu attribue à la nature humaine. Je suis dans la peur, l’envie, la jalousie et non plus la foi et la confiance.
Le troisième exemple que cite Paul pour expliciter ce qu’il entend par valeur humaine, c’est la parole, notre manière de parler. Ce sont nos paroles qui vont révéler la mesure de notre estime. Parler en dévalorisant tout ce qui fait la nature humaine est révélateur de ce que nous pensons de nous et des autres: blagues dégradantes, moqueries, grossièreté mais aussi rumeurs,  cancans, mensonges, faux témoignages. Car dénigrer quelqu’un c’est se dénigrer soi-même, révéler son mauvais penchant. Je dégrade la nature humaine que je partage avec tous ceux que je dénigre. Mais il s’agit aussi de la mauvaise utilisation d’une parole qui ne tient pas, qui est du vent, des paroles en l’air, promesses non tenues, des paroles à la légère. La politique en offre souvent des exemples.
« Que personne ne vous dupe » dit Paul. C’est une mise en garde contre toute sorte de détournement, de dénaturation, de perversion. La sexualité est donnée pour promouvoir la vie et nourrir les relations amoureuses avec un partenaire privilégié. Elle peut devenir le lieu de toutes les perversions, faire de l’autre un objet au service de la satisfaction de mes envies. Le désir, donné pour nous tirer vers l’avant, nous maintenir dans une recherche et une créativité constante, pouvant nous mener jusqu’à Dieu, est souvent instrumentalisée par la publicité. Notre besoin de posséder nous est donné pour nous ouvrir à l’autre et nous maintenir dans l’échange. Il peut devenir enfermement dans l’avarice égoïste. La Parole nous est donnée pour cultiver notre esprit, pour communiquer. Elle peut devenir le lieu de l’élaboration de sentences les plus assassines. Paul met en garde: «Ne soyez pas complices »
Ces trois domaines : sexualité, possession, parole veulent simplement illustrer ce que Paul entend par l’estime que nous avons à porter à l’homme, parce que l’homme est aimé de Dieu. Puisque Dieu aime ce que nous avons et ce que nous sommes, nous devons en prendre soin. Ce que nous avons et ce que nous sommes c’est notre corps, le désir, la soif et le besoin de communiquer. Prendre soin de l’autre c’est prendre soin de soi, prendre soin de soi c’est prendre soin de l’autre. L’amour ne connaît pas de catégories et ne se parcellise pas. L’amour de Dieu s’adresse à l’Humain, à l’autre et à moi dans sa totalité, dans sa globalité. C’est ce que ma conduite inspirée de l’Esprit de Dieu révèle dans son quotidien.

¼ – Service des Lecteurs – SL – 10 – 07.03.2010 – Richard GRELL

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).