Dimanche 21 mars 2010
L’agneau de Dieu
Hébreux 5, 7-9
(Série de Prédication II (Predigtreihe II) : Anciennes épîtres )
Remarque préliminaire : Le fin du verset 7 pose un problème de traduction. Depuis St Jean Chrysostome, la plupart des traductions écrivent « il fut exau-cé à cause de sa piété », nos Bibles traduisent ainsi. Une autre tradition, qui remonte à Ambroise de Milan, traduit « il fut exaucé, en étant délivré de son angoisse », ou « de sa peur ». Cela est possible, car la préposition traduite par «à cause de » veut aussi dire « au sortir de », et le mot traduit par « piété » veut aussi dire « crainte, timidité, ou peur ». J’ai choisi « il fut exau-cé en étant délivré de la peur » plus proche du récit évangélique de Gethsé-mané, auquel ce passage fait allusion. Cette version est préconisée par le professeur strasbourgeois Jean Héring dans son commentaire. (PK)
Chers amis
En insistant sur l’humanité de Jésus, la lettre aux Hébreux inter-prète la passion de Jésus comme étant le ministère du grand prêtre par excellence. Regardons cela d’un peu plus près. Cela éclaire le sens de la lutte intérieure de Jésus, quand il accepte la passion, et ouvre sur l’expérience spirituelle de celles et ceux qui sont confrontés à la souffrance.
Le grand prêtre
La lettre aux Hébreux compare le chemin des chrétiens pour aller vers Dieu à celui du peuple hébreu vers la terre promise. Les péchés et la désobéissance dressent constamment des obstacles sur ce chemin. Par la suite, la religion juive a mis en place le service du grand prêtre, qui doit dégager ce chemin vers Dieu en offrant des sacrifices. Avant de se présenter devant Dieu, il en offre d’abord pour lui-même et ensuite pour le peuple.
Pour les chrétiens, c’est Jésus qui remplit ce rôle du grand prê-tre. Son sacrifice, c’est à dire sa mort, ouvre le chemin vers Dieu pour tous ceux qui croient en lui. L’auteur de cette lettre insiste sur le fait que Jésus a été institué comme grand prêtre par Dieu lui-même. Mais, tout « Fils de Dieu » qu’il était, Jésus est deve-nu un homme comme les autres, hormis le péché. De ce fait, il peut aller vers Dieu sans avoir besoin d’être purifié lui-même par un sacrifice. L’offrande de sa vie est destinée exclusivement à ouvrir définitivement le chemin vers le Père, à tel point que les chrétiens n’ont plus besoin de continuer à offrir des sacrifices…
En outre, ce passage insiste sur le fait que Jésus n’était pas un grand prêtre hautain, une sorte d’ayatollah. Au contraire, il était capable de comprendre les problèmes des humains et est deve-nu compatissant, parce qu’il a dû apprendre l’obéissance dans la souffrance. Malgré sa relation particulière avec Dieu, cet ap-prentissage a été difficile pour lui. L’allusion à la scène de Geth-sémané se place ici pour montrer comment lui, le Fils, a dû lutter avec lui-même pour obéir.
Lutte intérieure
Trois évangiles racontent cette scène terrible où Jésus, seul face à Dieu dans le jardin du Mont des Oliviers, demande au Père « s’il est possible, éloigne de moi cette coupe ». Cette prière dure une partie de la nuit, puisqu’il a le temps de venir trois fois vers les disciples endormis pour leur demander leur soutien.
L’auteur aux Hébreux ajoute un détail terrible, qui n’est pas tel-lement visible dans les évangiles : les supplications de Jésus ont été accompagnées de cris et de larmes. Les évangiles parlent de « frayeur et d’angoisse », Luc évoque de la sueur qui res-semble à des grumeaux de sang. Ici, on fait allusion à une terri-ble lutte intérieure, que livre Jésus pour arriver à accepter le plan de Dieu qui lui demande de se laisser arrêter, torturer et exécuter. Cette lutte intérieure dans la prière est le chemin que prend l’apprentissage de l’obéissance.
L’auteur ajoute « il fut exaucé », ce qui n’est pas évident, puis-que sa première demande, à savoir que la coupe lui soit évitée n’a pas été exaucée. L’évangile selon Luc parle d’un ange qui est venu le fortifier, les autres disent seulement qu’au bout de la lutte, il a eu le courage d’aller vers son arrestation sans peur. Les traductions modernes disent dans l’ensemble « il fut exaucé à cause de sa piété », ce qui est étrange. Une autre traduction est possible : « il fut exaucé en étant débarrassé de la peur », elle est grammaticalement correcte et rend mieux compte de ce que disent les évangiles . Cette lutte intérieure lui a permis d’accepter le plan de Dieu. C’est cela, l’exaucement, qui l’a ren-du tellement fort, qu’il a pu aller sans peur vers le procès et ne pas trahir sa mission.
C’est ainsi qu’il a été un vrai grand prêtre, qui a oublié l’importance de sa propre personne pour assumer sa mission, qui est d’ouvrir le chemin vers Dieu pour le peuple. Cela ouvre pour nous une perspective passionnante.
Une expérience spirituelle décisive.
Nous entendons parfois le récit d’hommes et de femmes qui ont été confrontés aux menaces d’emprisonnement et même de mort, qui ont résisté à la pression qu’on exerçait sur eux et sont restés fidèles. Souvent, ces récits font allusion à la force de la prière, qui leur a permis de ne pas s’effondrer devant leurs ad-versaires. Nous nous demandons à ce moment-là comment ils ont fait et nous nous disons que nous n’aurions sans doute pas eu la force et le courage d’être fidèles comme eux.
Ce sont là les pensées fort justes de celles et ceux qui n’ont pas passé par pareilles épreuves et qui n’ont pas eu la chance ou la malchance d’être pris dans l’étau entre leur peur et leur devoir. Le récit de Jésus à Gethsemané, tel que le rapporte la lettre aux Hébreux, ouvre une petite fenêtre sur cette expérience spiri-tuelle : celle de la prière dans l’angoisse, où le croyant, dans la peur, le désespoir, se tourne vers Dieu comme seul recours et peut être exaucé. Ce n’est pas la petite prière faite par habitude avec des mots d’emprunt, mais le cri qui vient du fond du dé-sespoir. L’exaucement n’est pas forcément la disparition de la menace ou l’ouverture d’un chemin facile. Ce sera plutôt la consolation, la disparition de la peur, la découverte d’une force qui permet d’agir. C’est, comme le dit cette lettre, l’apprentissage de l’obéissance et de la formidable énergie qui y prend sa source.
C’est aussi une indication sur le sens profond de la prière. Elle ne consiste pas à vouloir imposer à Dieu de faire ce que nous souhaitons, mais elle lui demande la force d’entrer dans son plan, la force d’avancer sur le chemin qu’il trace, parfois à tra-vers les obstacles et les ronces. La promesse qui vient de l’évangile et de la lettre aux Hébreux, c’est que Dieu enlève la peur et donne le courage d’y aller.
Pierre KEMPF
PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL
Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.
Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.
A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.
Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).