2010. 06 : RAMEAUX : 6e dim dans le Carême

28 mars 2010

             L’homme de douleur

              Philippiens 2, 5-11


 (Série de Prédication II (Predigtreihe II) : Anciennes épîtres )

La lettre aux Philippiens est surnommée l’épître de la joie. Paul trouve et éprouve une joie sereine dans la proximité permanente et aimante du Christ vivant. Cette joie profonde lui aide à faire face à son incarcération et à la menace d’une condamnation à mort. Il exhorte tous les malheureux, les menacés, les souffrants : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, je le répète réjouissez-vous. Le Seigneur est proche. Ne vous inquiétez de rien ». Lyta Basset, grâce à cette « Joie imprenable » dont elle a fait le titre de son best-seller, a pu passer par toutes les étapes du deuil de son fils qui s’est suicidé. 

C’est sur le fondement de cette confiance irréversible au milieu des épreuves que l’apôtre Paul cite de mémoire, tout en l’adaptant à son propre objectif auprès des habitants de Philippes, notre texte cultuel d’adoration. Il y magnifie Jésus Christ comme vrai homme et vrai Dieu. Il montre dans cette confession de foi que Jésus a accompli à la lettre la prophétie du quatrième chant du serviteur souffrant d’Esaïe 53. En effet il est dit de ce serviteur attendu au 6ème siècle avant l’avènement de Jésus Christ, qu’il souffre innocemment et injustement à la place d’autres qui auraient cent fois plus mérité que lui d’être châtiés. Mais après sa première étape d’abaissement, Dieu l’élèvera et le fera prospérer.
 
Il faut cependant souligner une différence de taille entre le destin du mystérieux messie annoncé par le prophète et l’accomplissement que Jésus Christ lui a donné. Le serviteur d’Esaïe est un malgré-nous. Il est une victime obligée et passive de violents dominateurs. Dans ce sens, tout être humain qui subit de grandes souffrances imposées par autrui ou par une maladie irréversible, incarne un tel serviteur souffrant. Comme le découvrent maints endeuillés qui se croient au premier abord les plus malheureux sur terre, tous les hommes ont leur lot de restrictions, de pertes vitales et de souffrances subies. Il y a un équilibrage entre les malheurs des uns et les bonheurs des autres. Si j’ai la chance d’être bien portant, c’est que des malheureux souffrent à ma place. Toute souffrance démesurée et injustifiée  est substitutive et permet à d’autres d’en être préservés. Qui n’a pas mérité son lot de souffrances est pour ainsi dire un petit messie pour tel ou tel inconnu.

 Mais à l’inverse du serviteur d’Esaïe qui subit une souffrance infligée, Jésus-Christ accepte volontairement de souffrir et de mourir sur la croix. Il aurait pu rester à la droite de Dieu, mais contrairement à Adam, il n’a pas voulu devenir l’égal à Dieu. Il s’est littéralement « vidé » de sa  condition divine, non pas de manière forcée, mais consciemment. Sa passion n’est pas passive, mais active. Il n’obéit pas à Dieu par la force des choses, mais en s’engageant corps et âme au service du plan de salut de Dieu pour le commun des mortels. Il décide de revêtir la condition humaine. Son excès d’amour pour les plus démunis et les plus souffrants entraîne l’acclamation de la multitude lors de son entrée remarquée à Jérusalem et la jalousie  de la minorité qui veut l’éliminer. Au seuil de la semaine sainte et dans la joie du souvenir de l’entrée festive de Jésus à Jérusalem, nous sommes reconnaissants à Jésus Christ d’avoir accepté sa condamnation à mort. Nous  confessons avec joie l’hymne de l’église primitive que Paul nous a restitué et où il magnifie le don de soi, l’abaissement, la souffrance et la mort sur la croix de Jésus qui a choisi, en toute connaissance de cause, de suivre à la lettre le destin du messie annoncé par le prophète.  (À cet endroit, le prédicateur peut relire les versets 6 à 11 de Philippiens 2).

Maintenant, frères et sœurs, il nous faut assimiler la fonction que Paul donne à cette adoration de Jésus Christ, vrai homme et vrai Dieu. Paul cite cet hymne liturgique pour nous inciter à imiter partiellement le Christ et à être animé par les mêmes sentiments que lui. Il sait par expérience combien les querelles et les conflits naissent facilement dans les communautés chrétiennes. Il exhorte donc à l’unité et à la concorde. C’est ainsi qu’il ne débute pas son sermon par la salutation trinitaire classique : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous », car il ne veut pas présenter ces dons divins comme offerts à des gens passifs ! C’est pourquoi il précise : «  Il y a un appel en Christ, un encouragement dans l’amour, un élan d’affection et de compassion dans la communion du Saint-Esprit ». Paul aimerait par conséquent que les chrétiens soient activement entraînés par le Christ dont la grâce mobilise, par l’amour de Dieu qui s’ouvre miséricordieusement sur les autres et par la communion du Saint Esprit qui engendre des élans d’écoute et d’accompagnement.

Cette triple influence trinitaire peut et doit motiver l’aspiration volontaire des chrétiens à soigner des relations humaines de dévouement et de respect réciproque, à ne pas rivaliser avec les autres membres de la communauté qu’on peut considérer comme supérieurs à soi, à vivre nos rassemblements comme des groupes de soutien mutuel, sans hiérarchisation autre que structurelle. L’unité dans la communauté ne se réalisera que par une vie d’humilité, d’abnégation et de service dont Jésus-Christ lui-même a donné l’exemple. Nous sommes conduits  à suivre la voie de l’abaissement, avant tout à ne pas chercher à dominer, à s’imposer et à se faire servir. Il ne s’agit pas de s’abaisser à faire ceci ou cela par condescendance, mais de nous dévouer à fond. A notre tour d’être des bénévoles de l’entraide. A nous de nous baisser pour accompagner les meurtris, les handicapés et les vieillards malgré les lassitudes et les tâches répétitives.  Si les sentiments et les dispositions du Christ nous vivifient, alors nous arriverons à endurer des souffrances physiques et morales qui seront des choix de vie. Alors nous pourrons offrir nos corps en sacrifice vivant. Alors  nous pourrons abandonner le désir d’être plus grand et plus renommé que d’autres. Alors  nous pourrons accepter de souffrir en nous vouant à des causes humanitaires. Ainsi nous pourrons être à notre tour des serviteurs souffrants.

L’élévation, la libération et la plénitude viendront, en leurs temps, couronner une vie d’abnégation et de dévouement. Esaïe promettait pour le messie souffrant : « L’œuvre de l’Eternel prospérera entre ses mains. Il aura sa part avec les grands. Il partagera le butin avec les puissants, car il s’est livré lui-même à la mort et a porté les péchés de beaucoup d’hommes ».  Notre épître témoigne de l’élévation donnée par Dieu à son fils Jésus au rang de Seigneur en le ressuscitant des morts. Quant à nous, Paul nous promet d’être élevés à une vie sans souffrance. Ainsi il écrit, pour ne citer que cet exemple, au chapitre suivant de notre épître de la joie imprenable : « Il s’agit de le connaître, lui Jésus, et la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, de devenir semblable à lui dans sa mort, afin de parvenir à la résurrection des morts… Notre cité, à nous, est dans les cieux, d’où nous attendons, comme Sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transformera notre corps humilié pour le rendre semblable à son corps de gloire ». Amen.

                                Georges Bronnenkant 
                                                  

Proposition de cantiques : Arc en Ciel : 421, 426, 427, 441, 608, 624, 635.

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).