2010. 07 : VENDREDI SAINT, Matin

2 Avril 2010


           La mort du Christ

            2  Cor 5/ 14 – 21


 (Série de Prédication II (Predigtreihe II) : Anciennes épîtres )

« Dieu effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés ». Le drame de ce texte, c’est qu’on peut le comprendre de deux manières. Tout se joue peut﷓être sur cette phrase qui est au centre:

Dans l’histoire de la théologie chrétienne, cela peut vouloir dire deux choses. Soit, première hypothèse, depuis le début du monde, Dieu fait le compte des péchés des hommes, mais, dans sa grande miséricorde, il a quand même accepté d’effacer ce compte à cause du sacrifice de Jésus﷓Christ. C’est ce qu’on appelle « la substitution »: Jésus aurait porté à notre place le poids de ce compte trop lourd.

Soit, seconde hypothèse, Dieu n’a jamais fait le moindre compte des péchés des hommes et le Christ est venu dans le monde pour nous le prouver. Pour nous montrer que Dieu est depuis toujours Amour et Pardon. Comme disait déjà le psaume 102 (103), bien avant la venue du Christ, « Dieu met loin de nous nos péchés ». Or, tout le travail de la révélation biblique consiste justement à nous faire passer de la première hypothèse à la seconde. Il convient alors de se poser trois questions. Premièrement Dieu tient – il des comptes avec nous ? Deuxièmement, peut ﷓ on parler de « substitution » pour la mort du Christ ? Troisièmement, comment comprendre ce texte de Paul?

Tout d’abord, Dieu fait﷓ il des comptes avec nous ? ﷓ Un Dieu comptable, c’est une idée qui nous vient assez spontanément à l’esprit : probablement parce que nous sommes un peu comptables nous﷓mêmes à l’égard des autres. On découvre cela au cœur des relations humaines. Cette idée était incontestablement celle du peuple élu au début de l’histoire de l’Alliance. Rien d’étonnant : pour que l’homme découvre Dieu tel qu’il est vraiment, il faut que Dieu se révèle à lui. Et nous voyons, dimanche après dimanche, le travail de la révélation biblique. Dieu s’intéresse certes à la vie des Hommes, du Monde, mais il n’est pas là tenant son carnet de notes. Il est d’ailleurs étonnant que même dans la tradition protestante qui se targue toujours de « vivre par la grâce », combien l’on compte, l’on mesure, et l’on insiste sur le faire ! sur ce que l’on a travaillé, acquis, construit et réalisé. Bien souvent nous sommes à la croisée des chemins de la question « faut-il réussir sa vie ? ou faut –il réussir dans la vie ? et ce n’est pas la même chose.

Commençons par Abraham. Dieu n’a jamais parlé de péché avec lui; il lui a parlé d’Alliance, de Promesse, de bénédiction, de descendance. On ne trouve le mot « mérite » nulle part. La Bible note : « Abraham eut foi dans le Seigneur et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6). La foi, la confiance, c’est la seule chose qui compte. Nos comportements suivront. Dieu n’en fait pas des comptes : ce qui ne veut pas dire que nous pouvons désormais faire n’importe quoi. Nous gardons, en effet, notre part de responsabilité dans la construction du royaume. Ou encore, rappelons ﷓ nous les révélations successives de Dieu à Moïse, en particulier, le « Seigneur miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein d’amour » ; et puis David qui a découvert (à l’occasion de son péché justement) que le pardon de Dieu précède même nos repentirs, ou encore cette magnifique phrase où Esaïe nous dit que Dieu nous surprendra toujours parce que ses pensées ne sont pas nos pensées, précisément parce qu’il n’est que pardon pour les pécheurs (Es 55,6﷓8).

Impossible de tout citer, mais l’Ancien Testament, déjà, savait fort bien que Dieu est tendresse et pardon et n’oublions pas que le peuple d’Israël a appelé Dieu « Père » bien avant nous les Chrétiens. La fable de Jonas par exemple a été écrite justement pour qu’on n’oublie pas que Dieu s’intéresse au sort de ces païens de ninivites, les ennemis héréditaires de son peuple. Quant à la substitution, si Dieu ne tient pas des comptes, si donc nous n’avons pas de dette à payer, nous n’avons pas besoin que Jésus se substitue à nous ; d’autre part, quand les textes du Nouveau Testament parlent de Jésus, ils parlent de solidarité, mais pas de substitution. D’ailleurs, si quelqu’un pouvait agir à notre place, où serait notre liberté ? Jésus n’agit pas à notre place ; il ne se substitue pas à nous ; il n’est pas non plus notre représentant; Jésus est notre frère aîné, le « premier﷓né » comme dit Paul, il est notre pionnier, il ouvre la voie, il marche à notre tête : il se mêle aux pécheurs en demandant le baptême de Jean ; sur la Croix il acceptera de mourir du péché des hommes. Il se rapproche ainsi de nous pour que nous puissions nous rapprocher de lui.

Alors, comment comprendre notre texte de Paul d’aujourd’hui? Dieu n’a jamais fait le moindre compte des péchés des hommes et le Christ est venu dans le monde pour nous le prouver. Pour nous montrer que Dieu est depuis toujours Amour et Pardon. Quand Paul dit qu’il « effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés », c’est dans nos têtes qu’il efface nos fausses idées sur un Dieu comptable. Le Christ est venu pour témoigner de ce Dieu d’amour auprès de ses contemporains; il a essuyé le refus de cette révélation et il a accepté de mourir d’avoir eu trop d’audace, d’avoir été trop gênant pour les autorités en place qui prétendaient savoir mieux que lui qui était Dieu. Il est mort de cet orgueil des hommes qui s’est mué en haine sans merci et qui a instrumentalisé la religion !. Au sein même de ce déchaînement d’orgueil, il a subi l’humiliation ; au sein de la haine, il n’a eu que des paroles de pardon. Voilà le vrai visage de Dieu enfin exposé au regard des hommes.

On comprend mieux alors la phrase: « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. » Sur le visage du Christ en croix, nous contemplons jusqu’où va l’horreur du péché des hommes, mais aussi jusqu’où vont la douceur et le pardon de Dieu. Et de cette contemplation peut jaillir notre conversion.: « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé », disait déjà Zacharie (Za 12, 10), repris par saint Jean (in 19,37).

Par la résurrection, Jésus sort des limites de l’espace et du temps, il peut être pour nous tous ce qu’il n’a pu être que pour quelques﷓uns dans les limites de son existence terrestre. À nous d’accueillir enfin le témoignage qu’il rend au Père et de devenir à notre tour les ambassadeurs de son message, le message qui réconciliera les hommes avec Dieu puisqu’ils verront enfin en lui leur Père plein de tendresse et de pardon.

Voilà L’Évangile annoncé en ce Vendredi – saint.  Il n’y a d’Évangile que celui de Jésus crucifié et la croix restera toujours un « produit » invendable, la preuve au nom d’une laïcité dont le dogme est la « clonisation » au nihilisme, on veut la supprimer partout . Bien sûr, on peut la transformer en badge, en logo, en insigne, en colifichet. On peut la porter en pendentif, en sautoir, en boucle d’oreille ou à la boutonnière. On peut s’évertuer à la banaliser, à la métaphoriser, à l’esthétiser, à la maquiller, à la recycler, à en faire le plus beau symbole de la sagesse universelle… La croix de Jésus n’en demeurera pas.

Jehan Claude HUTSCHEN

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).