2011. 02 : REMINISCERE, 2e dans le Carême

20 mars 2011

 Matthieu 12, 38-42

Introduction

Pour nous chrétiens, il est évident que le centre de ce texte, l’allusion illustrée par les divers exemples, est le rappel de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Les trois jours, les entrailles du monstre marin (synonyme des abîmes de la mort dans la représentation juive), l’universalité de ce salut marquée par Ninive et la reine du Sud guident notre regard vers la croix et le matin de Pâques. Normal en ce temps du carême et du souvenir (reminiscere).

Il est tout aussi évident que les « méchants » ce sont les pharisiens. Hermétiques à la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, obtus et avides de preuves pour le condamner ils sont les dignes représentants de la « génération mauvaise et adultère ». Leur manière de faire est d’ailleurs relativement semblable à celle du tentateur en Mt 4: demander à Jésus des signes, des actions prouvant qui il est. Les miracles des chapitres 8 et 9 de l’Évangile ne semblent pas avoir été suffisants pour les convaincre. Le « signe » qu’ils demandent est donc d’une autre nature, plus radicale.

Voilà pour les évidences. Mais qu’en est-il de la pointe du texte? A y regarder de plus près on peut déceler une problématique autour de la « possession » de Dieu et de son mystère, entier pour tous en particulier pour ceux qui pensaient l’avoir compris. Jonas, le prophète nationaliste, réticent à aller annoncer la miséricorde divine à la ville païenne de Ninive, est celui qui boude comme un enfant lorsque Dieu sauve cette ville. Jusqu’à en être ridicule. Salomon dans la plénitude de son règne accueille la reine du Sud, permettant l’irruption de l’universalité du monde dans le système du peuple d’Israël. Les pharisiens dans leurs certitudes ne sont pas capables de reconnaître en Jésus Christ celui qui est Dieu, le seul signe en fait: lui-même.

Et nous? C’est là que le texte nous rejoint: Chaque fois que nous croyons saisir ce qu’est Dieu, chaque fois que nous voulons le (dé)montrer il nous échappe. Le seul signe qui nous reste est toujours à nouveau la personne de Jésus, en croix puis vainqueur à Pâques. Réalité qui nous échappe, présence divine ridicule au yeux du monde.

Cantiques:

ARC 421 Jésus, ô nom qui surpasse

ARC 430 Tu m’as aimé Seigneur

ARC 449 O Jésus ta croix domine

ARC 242 Dieu des louanges soit béni

Prière

Parce qu’IL est venu dans notre monde et notre histoire,

Parcequ’IL a brisé le silence et la souffrance,

Parcequ’IL a rempli le monde de sa gloire

Parcequ’IL a été la lumière dans notre froide nuit

Parcequ’IL est né dans une sombre crèche

Parcequ’IL a répandu tout au long de sa vie l’amour et la lumière

Parcequ’IL a brisé les cœurs endurcis

Parce qu’IL a réconforté les âmes en détresse

A cause de tout cela :

aujourd’hui nous avons l’espérance

aujourd’hui nous persévérons dans nos luttes

aujourd’hui nous prions:

Seigneur des touts-petits, Père mystérieux,

Nous te remettons tout ce qui dans nos vies et dans ce monde nous échappe

Confiants en ton amour et en ta présence.

Nous te prions pour tous ceux qui sont confrontés au mal et à la souffrance

Nous te remettons tous ceux qui sont perdus devant la mort

Nous te prions pour tous ceux qui ne trouvent pas de réconfort en ta Parole

Nous te remettons ton Église qui la proclame

Nous te prions pour nos vies et ceux qui nous sont chers

Nous te remettons nos cœurs si prompts à s’approprier et si lent à aimer vraiment.

Amen

Que la grâce et la paix de Dieu, qui surpassent toute intelligence, ouvrent nos oreilles et nos cœurs à sa Parole. Amen

Chère communauté,

Introduction

Fais-moi signe!

Appelle-moi, regarde-moi, deviens mon ami sur Facebook, écris-moi un mail ou un SMS. Viens me voir de temps en temps, offre-moi quelque chose qui me fait plaisir…….

Notre vie est faite de signes. Signes de tendresses, signes d’amour. Signes de soutien, signes de reconnaissance. Comment pourrions-nous savoir que l’autre nous aime, nous apprécie, nous connaît s’il ne nous le montre pas?

Et nous sommes attentifs à ces signes, nous en avons besoin. Tout guide psychologique de base sur le couple ,l’éducation, le management ou la direction vous le dira: montrez que vous appréciez votre conjoint, vos enfants, vos collaborateurs ou vos employés, dites que vous êtes fiers d’eux et ils vous le rendront au centuple.

Oui, nous avons besoin de signes, nous y nourrissons nos attachements, nos convictions et nos personnalités.

I Jésus échappe aux pharisiens

Alors pourquoi donc Jésus ne fait-il pas ce qu’on lui demande? Cela ne serait pourtant pas compliqué d’accéder à la requête de ces pharisiens. Et la face de l’Évangile en serait changée: un signe, un seul, clair, compréhensible par tous et sans ambiguïté et tout le monde aurait compris. Cela ne voudrait pas dire que les pharisiens seraient convaincus, non. Ils pourraient continuer à le harceler jusqu’à le faire mourir. Mais cela donnerait à Jésus, aux disciples, à l’évangéliste et pour finir à nous-mêmes une base solide et concrète. Nous aurions quelque chose en main pour prouver qu’IL est bien le Fils de Dieu.

Ce que les pharisiens demandent, ce dont nous aurions besoin, ce n’est pas un miracle de plus, que l’on pourrait remettre en question par quelque explication scientifique, mais quelque chose de plus radicalement divin, changer les pierres en pain par exemple pour palier à la famine dans le monde, ou bien voir voler des anges – armes au poing si nécessaire – pour secourir Jésus ou tous ceux qui en ont besoin dans les pays en guerre, ou encore assister à une conversion massive où le monde entier serait aux pieds de ce Dieu d’amour. Oui, ça ce serait du signe, du vrai. Oui, de temps en temps nous en rêvons d’un signe pareil: un signe qui nous changerait de la grisaille de nos dimanches matins, qui ferait éclater au grand jour l’espérance que nous portons au fond de nous, tellement au fond qu’elle en est cachée parfois.

Car la requête des pharisiens n’est pas seulement la demande de gens méchants, prompts à piéger Jésus et à vouloir le faire mourir. Même si c’est ainsi qu’elle est présentée chez Matthieu, elle fait résonner en notre humanité une demande que chacun porte au fond de lui. « Donne-nous Seigneur un signe qui nous nous permettra d’être sûrs ».

Et pourtant c’est exactement cette demande, que Jésus rejette. C’est exactement cette demande à laquelle il n’accède pas. Ni dans le désert face au tentateur, ni au cours de sa vie face aux pharisiens, ni aujourd’hui face à nos questions et nos demandes pressantes.

II Dieu échappe à Jonas

Au lieu de cela voilà qu’il répond aux pharisiens avec un signe qui frise le ridicule.

Le prophète Jonas est un prophète, soyons honnête qui ne fait pas très sérieux. Tout dans son histoire est dépeint à traits grossiers. Son attachement excessif et exclusif au peuple d’Israël, sa conviction que ce Dieu ne peut pas se tourner vers une autre nation, son essai ridicule d’échapper au Dieu Tout Puissant en partant dans la direction opposée à la ville de Ninive – ville à laquelle il doit prêcher la repentance et annoncer la miséricorde divine -, son sauvetage miraculeux par un « monstre » marin, ses trois jours d’enfermement dans les entrailles de ce poisson, sa prédication à contre-coeur pour la ville de débauche et enfin son attente vaine de la punition de Dieu sur cette ville. Attente soldée par une déception cuisante puisque les Ninivites se sont, contre toute attente, repentis. L’histoire de ce petit prophète  est certes haute en couleurs, sympathique à raconter, mais cela ne fait pas très sérieux. Il en aurait été autrement s ‘il avait avancé Élie ou Samuel, Esaïe ou Zacharie. Que veut donc pointer Jésus en racontant cette histoire improbable?

Évidemment, pour nous chrétiens, il est évident que l’allusion aux trois jours dans l’antre du poisson doit diriger le regard des détracteurs et des disciples vers la croix et la résurrection de Jésus, signe ultime de l’amour de Dieu pour les hommes. Mais je crois que ce serait réduire l’histoire de Jonas à une simple illustration. Or les versets 41 a 43 soulignent encore une fois la portée de cette histoire en érigeant les habitants de Ninive comme juges sur la nation méchante et adultère représentée par les pharisiens. Il ne peut s’agir d’un hasard.

L’histoire de Jonas nous en apprend bien plus sur Dieu. Le Dieu qui intervient ici est un Dieu qui ne se laisse pas enfermer dans des convictions, des fois ou des signes. A son prophète certes fidèle, mais persuadé de détenir la vérité sur ce que Dieu a à faire, Dieu demande l’impossible: se remettre en question et remettre en question l’image qu’il avait de Dieu. Car le héros de ce récit, celui qui vit une conversion c’est bien Jonas lui-même. L’histoire ne s’arrête pas avec la repentance de Ninive. Elle continue en nous racontant le signe que Dieu ne donne pas à Jonas, à savoir la destruction de la ville et termine par la Parole de Dieu adressée à Jonas, enfin prêt à l’entendre: « Je fais miséricorde à ceux qui se repentent ». Le signe de Jonas, par le moyen de ce poisson, c’est Jonas lui-même: appelé, envoyé, rudoyé et corrigé par Dieu mais enfin prêt à le recevoir tel qu’il est et à entrer en relation avec lui.

III Dieu nous échappe 

C’est pour cela que Jésus utilise le signe de Jonas. Car ce qu’il a à annoncer aux pharisiens est tout aussi improbable que le récit burlesque du prophète. A ceux qui n’ont pas reconnu la puissance de Dieu dans les miracles des chapitres 8 et 9 de l’Évangile, il répond par la faiblesse de la croix et de la mort. A ceux qui pensent savoir de quoi Dieu doit avoir l’air, il répond par son silence durant les trois jours de son séjour aux enfers. A ceux qui sont sûrs de leur droit au jour du jugement divin il répond par une composition du tribunal bien loin de ce qu’ils osaient imaginer.

Non, Jésus ne donnera pas de signe. Il ne permettra pas que d’autres s’approprient le Dieu dont il vient rendre témoignage. Bien plus il ne peut pas donner de signe, vu que le signe c’est lui-même. Tout comme Jonas, les pharisiens sont invités à entrer en relation avec Dieu, à travers Jésus-Christ et leur demande d’un signe objectif ne démontre qu’une chose: il n’ont rien compris à la démarche de Dieu vers les hommes.

Mais ne leur jetons pas trop vite la pierre. Car le seul signe que nous avons est du même ordre. Proclamer la mort et la résurrection de Jésus-Christ comme une évidence, prétendre avoir compris ou saisi la portée de ce pas de Dieu pour nos vies et pour l’humanité est tout aussi diabolique. Nous ne vaudrions pas plus que les pharisiens. Ce moment absolu d’amour de Dieu ne fait sens pour nous que si nous y voyons le signe réel de Dieu: Jésus-Christ lui-même, si nous acceptons de nous laisser – comme Jonas de son temps – interpeller, questionner, appeler et corriger par une relation vivante et totale au Dieu ainsi révélé. A nous lecteurs avertis, Jésus pourrait dire: « Voyez Jonas et redécouvrez l’absurde de cette mort et de cette résurrection. Elles n’ont rien de naturel, bien au contraire. »

Conclusion

Fais-moi signe!

Appelle-moi, regarde-moi, deviens mon ami sur Facebook, écris-moi un mail ou un SMS. Viens me voir de temps en temps, offre-moi quelque chose qui me fait plaisir…….

Notre vie est faite de signes. Signes de tendresses, signes d’amour. Signes de soutien, signes de reconnaissance. Comment pourrions-nous savoir que l’autre nous aime, nous apprécie, nous connaît s’il ne nous le montre pas?

Et nous sommes attentifs à ces signes, nous en avons besoin.

Mais à bien y réfléchir ces signes n’ont de sens que si la relation à l’autre existe déjà. Ils lui donnent de la profondeur, de la valeur et l’ancrent dans la durée. Si nous nous servons de ces signes pour nous approprier l’amour ou l’amitié de l’autre, ils sont voués à l’échec, ils deviennent des armes de destruction affective: telle parole dite ou non- dite que l’on renvoie, tel cadeau dont on évalue la valeur, telle attitude qui nous démontre Dieu sait quoi.

Fais-moi signe! demandons-nous

Je suis là, nous dit Dieu.