2011. 03 : OCULI, 3e dans le Carême

Dimanche 27 mars 2011

 Marc 12, 41-44

 Suivre Jésus-Christ

Le thème de ce culte est « suivre Jésus Christ ». L’évangile entendu tout à l’heure parle du prix à payer pour cet engagement. La lettre Ephésiens explique que la volonté de vivre en conformité avec l’évangile signifie un bouleversement de notre échelle des valeurs. L’histoire de l’offrande de la pauvre veuve illustre cela. Regardons d’abord de près cette histoire, pour voir ce bouleversement et découvrir où cela peut nous interpeller .

 La scène

 Dans le temple de Jérusalem, les fidèles ne déposaient pas discrètement leur offrande dans un panier circulant dans les bancs. Il n’y avait pas de bancs et les cérémonies étaient mouvementées. On avait placé, à l’entrée du parvis des femmes, donc avant le lieu saint réservé aux hommes israélites, une série detroncs dans lesquels les gens déposaient leur offrande. Il était courant d’en annoncer le montant, cela permettait d’afficher sa place dans la hiérarchie sociale.

 L’évangéliste Marc place cette histoire juste après une diatribe de Jésus contre les maîtres de la loi, qui, du fait de leur fonction et de leur statut social, trouvaient normal d’accaparer les meilleures places et d’être salués bien bas par le petit peuple. Plusieurs paroles qui précèdent cette histoire annoncent le jugement et continuent dans le chapitre suivant. L’évangéliste fait surgir aussi deux personnages très sympathiques : un maître de la loi capable de dire le commandement le plus important et cette femme, donatrice exemplaire.

Faire intervenir une veuve pauvre dans ces débats est très étonnant. Religieusement les femmes étaient peu considérées. Elles avaient le droit de donner des offrandes d’argent, mais l’accès au lieu saint et à ce qui s’y passait leur était interdit ! La veuve était au bas de l’échelle sociale, car elle était généralement sans ressources ni protection. Celle qui passe devant Jésus offre les pièces de monnaie les plus petites en circulation. Mais elle en met deux : un peu plus que le minimum servant à montrer qu’on donne quand même !

 Bouleversement des valeurs

 Arrêtons-nous aux paroles de Jésus : il est sévère envers les riches, qu’il accuse de donner largement « de leur superflu ».  A ses yeux, leurs offrandes ne sont pas des sacrifices, car ce qu’ils donnent ne leur manquera pas. En effet, si on sacrifie vraiment quelque chose, cela manquera ensuite.

Nous sommes évidemment d’accord. Mais il est peu probable que les conseils presbytéraux ou les trésoriers des paroisses aient envie de tenir le même langage, car les églises vivent aussi des dons importants offerts par des gens fortunés, qui seraient bien attristés d’apprendre qu’on méprise leur geste…

Selon l’évangéliste Jésus apprécie cette femme pauvre qui, faute de moyens, ne peut donner qu’une offrande financièrement insignifiante, parce qu’elle se prive pour Dieu et son sanctuaire. D’ailleurs personne d’autre ne lui dira merci pour son don insignifiant !

 Jésus introduit ici autre chose que la logique comptable : il tient compte de l’investissement personnel du donateur. Le donateur complètement désintéressé est capable de se priver et ne veut pas profiter de sa surface financière pour exercer quelque pouvoir sur la communauté religieuse.

Cette question se pose aussi dans les paroisses : les gros contributeurs ont automatiquement un certain pouvoir, qu’ils le recherchent ou non. C’est pour relativiser leur influence que les Eglises historiques se sont dotées de structures financières centralisées qui répartissent les fonds et diminuent un peu la dépendance des communautés locales par rapport aux riches, non par méfiance, mais par prudence.

 Jésus met en lumière qu’il existe des croyantes et des croyants qui, sans rechercher le moindre avantage, sont capables d’apporter de vrais sacrifices pour exprimer leur foi, sans calculer un retour ou un profit possible. Un chapitre plus loin, l’Evangile nous fait rencontrer une autre femme qui sacrifie un parfum de grand prix pour Jésus. Jésus accepte ce sacrifice un peu fou malgré les remarques de ceux qui trouvent que c’est du gaspillage !

 Leur grande question n’est plus « quel montant » ? mais: « comment servir mon Dieu ?». Les églises deviennent spirituellement fortes par les personnes qui se donnent plus qu’elles ne donnent..

 Notre engagement

 « Suivre Jésus », consiste à entrer dans le mouvement qu’il  a amorcé lui-même : mouvement de vérité, d’amour, de partage, de solidarité, d’espérance en Dieu…Les Evangiles et les épîtres affirment que cela demande  quelques sacrifices.

Prenons trois domaines:

Donner du temps à Dieu. Y arrivons-nous ? Il y a une telle pression pour que nous ayons toujours l’air occupé et affairé qu’il est devenu difficile de dégager du temps pour soi, son prochain et Dieu. On trouve des bénévoles pour une intervention ponctuelle, mais il est de plus en plus difficile de recruter des personnes qui, régulièrement, interrompent leurs activités pour donner un temps à la prière, à la lecture de la Bible, au chant, à un service dans la paroisse ou une association. Sacrifier du temps…

 Sacrifier de l’argent : En Alsace et en Moselle notre situation financière est actuellement assez confortable, puisque la collectivité publique rémunère les ministres du culte et intervient pour l’entretien des bâtiments. Si, les fidèles donnent un peu de leur superflu, les paroisses y arrivent. Les communautés non concordataires et les Eglises d’autres parties du monde reposent en général sur de véritables sacrifices de la part de leurs fidèles. En sommes-nous conscients ? Et s’il fallait vraiment mettre la main à la poche , saurions-nous sacrifier quelque chose ?

 Enfin pensons aux risques de ceux qui confessent leur foi. Dans un pays laïc comme le nôtre, celui qui se dit croyant déclenche parfois le sourire compatissant qu’on a envers un demeuré. Ce n’est pas grave, mais cela suffit déjà à tuer souvent l’effort pour le témoignage. Que penser de nos sœurs et frères au Proche Orient, en Inde ou dans des Etats à forte majorité musulmane comme l’Indonésie ou la Malaisie ? Pour eux, confesser la foi présente des risques et se paie parfois très cher. On ne souhaite à personne d’être ainsi coincé, mais dans nos prières, nous devons penser à eux. Ces derniers mois beaucoup ont payé de leur vie  leur fidélité au Christ, en sommes-nous solidaires ?

 Conclusion

 Choisir Jésus Christ et vouloir le suivre est une aventure merveilleuse, placée dans la lumière de la résurrection. Mais elle est placée aussi sous la croix, où Jésus a été rejeté et jugé. A l’entrée de l’histoire de la passion, nous rencontrons deux femmes : cette veuve qui sacrifie le peu qu’elle a, et, plus loin, celle qui verse le parfum précieux sur les pieds de Jésus. Ces gestes n’auraient aucun poids à l’époque de la mondialisation et des finances en délire, mais dans l’évangile ils sont comme des lumières qui disent : il est possible, si on aime Jésus Christ, de surmonter la peur de perdre et de lui offrir quelque chose de significatif : une partie de nous-mêmes. Amen

Cantiques possibles :

25   A toi mon dieu mon cœur monte

403  Vers toi j’élève mon âme

408   Ouvre mes yeux Seigneur

415   Je veux répondre à Dieu

¼ – Service des Lecteurs – SL – 13 – Pierre KEMPF – 27.03.2011

Pierre Kempf

Notes exégétiques :

Contexte

L’évangile selon Marc est une œuvre littéraire soigneusement construite. Ici nous sommes juste avant le récit de la passion. Les chapitres 12 et 13 sont des textes de jugement : Jésus parle des méchants vignerons qui refusent de payer leur loyer. Puis il s’oppose aux nationalistes sur la question de l’impôt. Ensuite il remet en place les sadducéens sur la question de la résurrection. Avec la question du grand commandement, un sadducéen échappe à la condamnation assez générale, mais ensuite, Jésus a des paroles très dures contre les maîtres de la loi qui cherchent les honneurs et méprisent les veuves.

Juste après ce passage, les paroles de jugement sur Jérusalem et le monde actuel mènent vers le récit de la passion qui est introduit par la femme qui verse sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix.

On est donc ici dans un moment charnière : Jésus juge beaucoup de comportements, mais est bienveillant envers deux personnes originales : un maître de la loi et une veuve. Mais l’appréciation positive de l’offrande minuscule de la veuve ne l’empêche pas d’accepter l’offrande du parfum de grand prix ! L’évangéliste Marc répond dans ces chapitres à des questions complexes en refusant les simplifications auxquelles les églises se sont souvent livrées.

 Texte

 A l’entrée du temple, dans le parvis des femmes, en dehors du lieu saint, se trouvaient 13 troncs. La monnaie impériale y avait cours alors qu’elle était bannie du lieu saint.  Il était courant que les gens annoncent la valeur de leur offrande, ce n’était pas une démarche discrète.

A remarquer que les riches donnent « de ce qu’ils ont en trop » alors que la veuve donne « de son nécessaire, de son indispensable ». Elle ne donne pas la minimum puisqu’elle met deux pièces et non une seule.