2006. 06 : 6e dim après l’EPIPHANIE = TRANSFIGURATION

Dernier dimanche après l’Epiphanie

La transfiguration

Dimanche 5 février 2006

Apocalypse 1/9-18

(Autre texte : Matthieu 17/1-8)

(Série de Prédication IV (Predigtreihe IV) : nouvelles  épîtres )

    Nous n’ouvrons pas souvent les dernières pages de la Bible – quitte à les abandonner à des sectes qui y retrouvent des images exaltantes. En plus, dans l’esprit de beaucoup, ce livre a un relent de catastrophe : les journaux parlent d’un spectacle « apocalyptique », pour caractériser un désastre indescriptible. Pourtant le titre de ce livre est tout simplement traduit, en d’autres langues que le français, par le terme : « Révélation » – suivant exactement les premiers mots de ce livre dans la langue originale: « Révélation de Jésus-Christ ».

    Certes, ce livre passe pour contenir des visions grandioses, mais elles  paraissent incompréhensibles pour nous, comme un message chiffré dont nous aurions perdu la clé du code. Sous cet aspect mystérieux et extraordinaire, quoi de plus simple, pourtant, que ce message ? Jésus est le Seigneur victorieux de toute puissance, y compris de la puissance de la mort. Il nous aime, et veut nous libérer de tout pouvoir qui pèse sur nous. Il veut être présent parmi nous et nous accompagner sur notre chemin, jusqu’au bout.

    D’ailleurs, à qui parle-t-il ? Quel est celui qui reçoit et transmet ce message, celui qui se définit lui-même comme un « témoin » ?

    On pourrait imaginer quelque théologien, réfléchissant sereinement à son bureau sur des textes sacrés. Ou bien  penser à quelque dignitaire ecclésiastique, loin des bruits et des agitations du monde, bien loin en tous cas des réalités quotidiennes des paroisses. Or il n’en est rien! L’auteur est le témoin d’une période de l’Église troublée, et dure à vivre. Lui même a été déporté avec d’autres dans l’île de Patmos, où des forçats travaillent aux mines d’argent – déporté « à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus » , donc à cause de sa foi, qui le faisait considérer comme un agitateur dangereux par les autorités impériales. Quant à la situation des églises qu’il connaît et décrit, situées en ce pays qui est maintenant la Turquie, elle n’a rien de très glorieux. Elles sont soumises à une persécution plus ou moins violente. En outre, des faux prophètes se glissent parmi elles, « qui se disent apôtres et ne le sont pas ». Certaines de ces communautés risquent de perdre courage devant ces risques extérieurs et aussi les dangers intérieurs – qui ne sont pas les moindres. Tout cela n’est pas brillant…     

    C’est alors que le message est envoyé à ces communautés : tenez bon ! Celui qui vous écrit, moi même, je suis « votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la persévérance en Jésus », et je vous atteste l’amour et la puissance de vie du Christ, car il accompagne ma vie comme il veut accompagner la vôtre.

    Contrairement à ce qu’on pourrait penser, et à ce qui est dit souvent, l’Apocalypse ne concerne pas seulement le futur, un avenir glorieux avec l’apparition du Christ. Certes, les derniers mots de cet écrit (les derniers mots de la Bible !) sont bien : « Viens, Seigneur Jésus ! », ils tournent donc nos regards vers le futur. Mais ils disent aussi : « La grâce du Seigneur Jésus soit avec tous »! Ils rappellent que cette grâce est dès maintenant présente, que le Christ nous la donne pour cheminer avec lui, dans les joies et les épreuves quotidiennes.

    Bien sûr, nos communautés ne vivent pas sous la persécution, et en tous cas pas sous une persécution violente, entraînant mort d’homme, du moins dans notre pays ! Il est rare que de nos jours nous soyons inquiétés à cause de notre foi, mis à l’index parce que nous sommes chrétiens. Au pire, nous sommes considérés comme des originaux, ou des dinosaures.

    Mais, s’il n’y a pas de persécution violente contre les chrétiens, la réalité de l’Église n’est-elle pas toujours celle de Jean dans son île ? Notre impression n’est-elle pas d’être loin du continent, là où se déroule la vraie histoire ? D’être entouré par un océan d’indifférence et de méconnaissance ? Nous pouvons peut-être le regretter, mais le temps n’est plus celui d’un christianisme de façade et d’habitude, où l’église était au milieu du village et pouvait se satisfaire à peu de frais d’être présente, et même d’en imposer. Nous réalisons que nous sommes une minorité, que le vrai chrétien, comme le disait déjà Luther est « un oiseau rare ». Nous sommes ainsi appelés à vivre un temps de vérité, à être le « petit troupeau » à qui le Père a jugé bon de donner son Royaume, et qui en est témoin.

    Dans le récit que les Evangiles nous transmettent de la Transfiguration de Jésus, il y a peu de monde. Souvenez-vous : Jésus part à l’écart sur une haute montagne. Il n’emmène avec lui que trois de ses disciples, les plus intimes, semble-t-il : Pierre, Jacques et Jean. Eux seuls vont partager cette expérience, vécue dans la ferveur, l’éblouissement et la crainte. Et cette expérience leur est tellement admirable qu’ils n’en comprennent pas toute la portée, pas plus qu’ils n’ont compris les paroles du Maître sur sa Passion et sa résurrection. Ils ont envie de rester seuls avec Jésus sur cette montagne, comme on aimerait arrêter le temps, et rester en un lieu où on a été heureux, où on a vécu et partagé un événement extraordinaire. Mais ils doivent redescendre avec le Seigneur, dans le silence et le secret: il les fait redescendre au niveau de la plaine, de la vie de tous les jours, du vécu terre-à-terre et quotidien – bien sûr beaucoup moins exaltant ! Et le récit de l’Évangile se poursuit alors  – là aussi moins exaltant : ce sont des discussions avec les scribes, c’est un enfant malade amené à Jésus. Comme par hasard, c’est un « possédé » comme on disait alors, plein de cris et de convulsions.

    A la lecture de ces textes, comment ne pas évoquer les cris et les convulsions de ce monde, de notre monde, convulsions qui jetaient l’enfant dans l’eau et le feu au risque de le faire périr ?

    Oui, avec Jean, avec le visionnaire de l’Apocalypse, nous sommes bien dans ce monde. Il est faux de dire que la foi chrétienne nous en coupe, comme si nous étions au-dessus ou en dehors, enfermés dans un chaud refuge qui nous protègerait des « convulsions » du monde. Il nous faut au contraire admirer (admirer et suivre!) la démarche de l’Écriture : Jean, le Voyant de l’Apocalypse, n’est pas perdu dans ses visions extraordinaires, il ne s’enfuit pas dans un paradis imaginaire, dans une exaltation plus ou moins maladive. Avec lucidité, il décrit la situation de ces églises isolées dans un monde païen, des communautés en proie aux épreuves venant de l’extérieur, en proie aussi aux tentations et aux tensions internes. C’est bien dans ce monde-là, et non  dans un monde imaginaire qu’il décrit la présence du Christ, l’Agneau vainqueur.     

    C’est aussi dans cet aller et retour qu’est vécue la vie chrétienne. Avec d’une part ses temps de silence, de recueillement, de culte, de prière et d’adoration – peut-être aussi d’expériences fortes et réconfortantes. Avec d’autre part la vie plus quotidienne, plus simple ou plus compliquée, avec ses tensions, ses réjouissances aussi,  avec la proximité de notre prochain, qui n’est pas forcément tel que nous le souhaiterions, et qui ne partage pas forcément notre foi. Dans l’île de Patmos, nous nous réjouissons avec Jean des certitudes chrétiennes – mais nous savons bien qu’ailleurs, sur le continent de la vie, il y a des communautés imparfaites, des tentations et des épreuves. Avec les trois disciples sur la montagne, nous savourons ce temps passé avec Jésus, ces moments où nous réalisons à quel point il peut régner sur nos vies; avec eux, il nous faut redescendre sur terre, dans la plaine, où nous ne partageons pas la gloire de la Transfiguration, mais le mystère de la Croix. La vie chrétienne se vit dans cet aller et retour, dans cette certitude que l’un ne va pas sans l’autre – et que, dans l’un comme dans l’autre cas, le Christ est avec nous et guide nos pas.

    Faut-il ajouter que Jean n’est pas seul ? Même si les relations humaines étaient alors moins rapides que de nos jours, il a des compagnons, ceux auxquels il écrit, et ceux dont vraisemblablement il partage le destin de déportés. De même, au moment de la Transfiguration, les disciples sont trois – que nous retrouverons à la fin de l’histoire, après la Résurrection du Christ. Nous aussi aujourd’hui, même si nous n’avons pas tous partagé de telles expériences, nous formons cette communauté témoin de la présence du Christ, de son amour et de son soutien. Que cette certitude nous garde tous, dans notre vie quotidienne.
Amen

Pierre Stabenbordt, Pasteur

Cantiques proposés (Arc en Ciel) : 490  537  608

PREDICATIONS DU SERVICE DES LECTEURS DE L’UEPAL

Ces prédications sont fournies par le Service des Lecteurs de l’UEPAL.

Ce service a été dirigé par le pasteur Georges HUFFSCHMITT de Wingen-sur-Moder
puis 67290 VOLKSBERG (tél O3.88.01.55.41, courriel: g.hufschmitt@wanadoo.fr),
jusqu’en 2009.

A partir de cette année 2010, Mme Esther LENZ, de 67360 MORSBRONN-LES-BAINS
(tél: 03.88.90.07.02, courriel: esther.lenz@wanadoo.fr) reprend la direction.

Le Secrétariat est assuré par Madame Suzanne LOEFFLER, au Secrétariat
de la Paroisse de 67340 INGWILLER
(tél: 03.88.89.41.54, courriel : Suzanne.Loeffler@orange.fr).