2011. 01 : 1er Dimanche après l’Epiphanie

Dimanche 9 janvier 2011

Le baptême de Jésus

Matthieu 4, 12-17

Dans cette histoire, tout est question de chaise dirait-on !
Il y a ceux qui, comme Hérode Antipas, sont assis entre deux chaises, se jouant de la vérité et du droit pour tenter d’asseoir leur autorité et leur puissance, même au prix du sang s’il le faut.
Il y a les plus nombreux, ceux qui semblent cloués à leur chaise ou à terre, écrasés par l’injustice et la violence de quelques-uns ou par la dureté de la vie, la maladie ou la mort. (« ceux qui sont assis dans le pays de l’ombre de la mort »)
Et puis, il y a celui qui ne tient pas sur sa chaise, Jésus ; celui qui n’est jamais vraiment là où on l’attendait, celui qui est toujours en mouvement, du Jourdain au désert, du désert au territoire de Zabulon et Nephtali, de Nazareth à Capernaum… pour finir par arpenter les rives de la Mer de Galilée à la recherche d’hommes qui accepteraient de lui emboîter le pas… (Matthieu 4, 18 ; Nb : il est à nouveau en chemin en Mt 4, 23…).

C’est que notre texte est un hymne au mouvement, un appel à trouver la force de se relever, de quitter le confort ou la fatalité d’une situation bien assise et du coup figée dans ce qui n’est plus la vie.
Tout commence d’ailleurs par la mort : celle, probable, de Jean le Baptiste ; puis celle, il y a bien longtemps, des hommes et des femmes de la région (le territoire de Zabulon et Nephtali) dont l’histoire a fait les premières victimes de l’invasion du pays par les Assyriens au temps d’Esaïe ; et la mort, enfin, de tous ceux dont Jean et les Galiléens d’autrefois sont emblématiques, ceux que des rouleaux compresseurs en tous genres viennent écraser au quotidien.
Mais tout finit par la vie : cette vie qui renaît à la suite d’un homme qui a refusé de rester assis, les bras croisés, qui s’est mis en marche et invite maintenant, ouvertement, tous ses semblables à faire de même.

La conversion dont parle Jésus, à la suite de Jean le Baptiste, c’est justement cela : refuser les logiques humaines qui mènent à la mort, ou du moins à ce qui n’est pas la vie, en osant faire le pari de Dieu et de sa logique à nulle autre pareille. Jésus vient d’en faire l’expérience très concrètement : juste avant notre passage, il a souffert la tentation. Tout ce qui fait le ressort et le travers des sociétés humaines lui a été proposé : argent, pouvoir, consécration, confort, au prix de quelques « tout petits » compromis… Les compromis… Vous savez, ces petits riens dont on pense qu’ils n’ont pas d’importance ni de conséquence ? Les petits arrangements avec la vérité, les produits qu’on achète à moindre coût sans se soucier de la manière dont ils ont été produits, les paravents et autres parapluies qu’on déploie pour ne pas voir sa responsabilité engagée, les « ce n’est pas moi, c’est l’autre ! », les situations qu’on laisse pourrir sans rien dire, toutes les situations où on s’élève juste en rabaissant l’autre, etc.
Il a tout refusé en bloc.
Et voici que ces mêmes « petits compromis », auxquels Hérode, lui, n’a pas résisté, vont coûter la vie à Jean et continuer d’appauvrir le peuple.
Mais Jésus a justement pour mission d’inaugurer un temps nouveau. Jean lui a passé le relais en le baptisant et en lui faisant place.

C’est à Capernaum que Jésus choisit de commencer à semer les graines du Royaume. Ce n’est probablement pas un hasard. Capernaum c’est, par excellence, la ville des passages et des brassages. Les commerçants en ont fait leur rendez-vous privilégié. Mille et un trésors s’y entassent et les cultures s’y rencontrent. Juifs et païens s’y côtoient sans grand heurt. La logique nouvelle que Jésus inaugure est donc à vocation universelle et elle s’inscrit clairement dans le principe du mouvement et de l’échange.
La proximité de la Mer de Galilée vient encore renforcer cet aspect : Jésus invitera régulièrement les hommes qui deviendront ses disciples à « passer sur l’autre rive » de cette mer intérieure qui symbolise autant la vie que le danger, par les poissons ou les monstres qu’elle abrite et les tempêtes qui peuvent la secouer.
Capernaum c’est aussi le « bourg de la consolation/compassion » selon l’étymologie de son nom. Quel meilleur endroit Dieu aurait-il pu trouver pour poser les jalons d’un monde nouveau où seraient relevés tous ceux que la vie a cloués au sol ?

Les contemporains de Jésus n’étaient finalement pas très bien placés pour réaliser à quel point Jésus disait vrai lorsqu’il proclamait « Le règne des cieux s’est approché ! ». Ils n’avaient pas le recul que nous avons. Nous connaissons la suite de l’histoire de cet homme pas tout à fait comme les autres, en qui Dieu s’est fait tout proche des hommes et de leurs souffrances comme de leurs joies. Nous savons que la croix elle-même n’a pas suffi à le retenir sous la domination de l’ombre de la mort et qu’il s’est re-levé, pour être plus que jamais lumière pour le monde.
Cette lumière que nous avons particulièrement fêtée à Noël nous accompagne en fait tous les jours, telle une lampe qui permet de lire et donc d’anticiper les ornières et les bosses du chemin, mais aussi d’en discerner les virages et l’horizon prometteur. 

Le règne de Dieu s’est approché. Saurons-nous construire notre année avec cette certitude et y puiser ce qu’il faut d’espérance et de force pour nous arracher à nos chaises et prendre à notre tour le relais du Christ ? Rendre ce royaume plus proche encore pour nos contemporains, c’est le défi qui nous est proposé par l’appel de Jésus. Amen

Claire-Lise MEYER                   

¼ Service des Lecteurs SL 2 – 09.01.2011 – Claire-Lise MEYER
 
Quelques notes de lecture

Zabulon – Nephtali :     Ont particulièrement souffert de l’invasion assyrienne (« réduit à peu de chose » Es. 8,23); en tout cas, les premiers à avoir été pris et déportés…
On rappellera que l’invasion par les Assyriens est la conséquence de jeux d’alliances et de calculs politiciens malheureux
Mais ce « peu de choses » sera transformé en « gloire » (Es. 8, 23)       

Galilée     = région à convertir d’où son surnom « Galilée des païens » ; « Galilée » et « sagesse » ont la même valeur numérique (guématria) dans l’exégèse     => « Galilée = Sagesse des Nations »
        région d’origine de Jésus (Nazareth)
        les disciples sont appelés « Hommes de Galilée » dans le livre des Actes des Apôtres

« Près de la mer »        Symbolique forte du Lac (passer sur l’autre rive, danger mais source de vie aussi, tempête apaisée et marche sur l’eau, pêche miraculeuse et pêcheurs d’hommes, …)
            Nb : Jean baptisait au sud du Lac (Yardenit)

Capernaum :         Ville de commerce  => où s’entassent mille et             une choses
            Ville de la consolation/compassion
            Maison de Pierre
            Guérison de l’esclave du Centurion

Quel lien faire entre la mort de Jean, le départ de Jésus vers la Galilée ,  et la phrase « Dès lors il commença à proclamer  “Convertissez-vous, le règne des cieux s’est approché ! ”  ? :
    => fin d’une ère, début d’un autre temps
    => la prophétie pour le judaïsme, mais aussi l’ouverture pour les païens (universalité du message)
    => comme si Hérode Antipas avait lancé la première offensive et qu’il était temps de passer à l’action, d’entrer « dans le combat », avec tous les symboles de son côté, en commençant par constituer ses troupes (la vocation des disciples suit immédiatement)

pays de l’ombre de la mort ?      => c’est pas la mort, mais ce n’est pas la vie non plus !
                    => la mort y plane, alors que ce devrait être l’Esprit (comme au commencement) pour qu’il y ait la vie

habiter/être assis  –  se lever        => ne plus être en mouvement, en marche – la venue de la lumière et la conversion impliquent un mouvement de retournement
                    => être fondu dans la masse /être asservi par opposition à sortir du lot / faire la(sa) révolution (à noter un parallèle thématique dans l’épître du jour, en Romains 12, 3)

lumière ?                => de quoi trouver son chemin, donc se remettre en marche plutôt     que d’attendre que ça vienne, que quelque chose se passe

« le Royaume s’est approché »     => à portée de main (et de pas !) mais pas tout cuit : il se construit en marche ! (comme Jésus qui ne reste pas à Nazareth, ni, finalement, à Capernaum…)
                       => accomplissement d’une promesse (Es. 8-9)

 
Propositions de chant

Peuples qui marchez dans longue nuit
Ils ont marché au pas des siècles
Dieu fait de nous en Jésus-Christ, des hommes libres (Arc 537)

Proposition de Prière


– Confession de foi :

Notre Dieu est le Dieu de l’exode et de l’exil,
Il nous délivre, nous guide et nous nourrit ;
Il fait se lever des hommes et des femmes pour partager sa parole,

pour interpeller les croyants et pour appeler à une société plus juste et plus respectueuse de l’humain.
Notre Dieu est le Dieu de Jésus-Christ.
Jésus a cheminé sur les routes de son pays,
Il a rencontré des personnes et changé leur vie,
Il a lui aussi vécu la souffrance, la tristesse et la mort.
Il nous rencontre, nous enseigne et nous envoie.
Il nous accompagne, dans les joies et les épreuves qu’il a lui-même traversées, et jusqu’à la mort.
Notre Dieu est le Dieu des premiers chrétiens et des chrétiens de tous les temps.
Il a donné le Saint Esprit aux croyants rassemblés à la Pentecôte,
Pour les consoler, les aider à discerner sa volonté pour leur vie et les éclairer dans la prière.
Le Saint Esprit met aujourd’hui des gens en route.
Il suscite des vocations et nous aide à discerner sa volonté.
Il touche des coeurs et il nous convertit.
Claire SIXT-GATEUILLE
– Intercessions :

Nous te prions, Seigneur, pour tous ceux qui marchent sur les chemins de la vie.
Que ceux qui courent apprennent à ralentir, à se reposer,
Que ceux qui marchent aient la force de continuer dans la durée, tout en prenant soin de ceux qu’ils croisent sur leur chemin.
Que ceux qui ne peuvent plus avancer soient relevés et remis en route par ta parole. Et que même dans leur immobilité, ils reçoivent la grâce d’être capables d’accueil et d’ouverture.
Nous te prions pour les exilés, et pour ceux qui sont trop bien installés. Donne aux uns un espace qui puisse devenir leur chez-soi et aux autres le souffle du grand large, le désir de la découverte.
Donne-nous de trouver sur nos pas la diversité et de rechercher l’unité.
Donne-nous le discernement et la force de prendre nos responsabilités dans les sociétés qui sont les nôtres, pour inventer de nouveaux modes de vie où les valeurs premières sont la vie, la paix et la dignité.
Guéris notre peur d’aller vers les autres.
Montre-nous la richesse de découvrir leurs différences, la richesse des échanges et celle de l’étrangeté.
Et donne-nous d’être des témoins de ton amour, et des chercheurs de ta volonté.
Claire SIXT-GATEUILLE
               
Dieu notre Père, nous te remercions pour ce moment passé en ta présence.
Merci pour les bienfaits que nous avons reçus, en particulier pour ta Parole. Elle restaure nos forces et ravive notre espérance.
Tu nous envoies maintenant au dehors pour rayonner de ta bonté.
Nous voulons te remettre ce monde où tu nous envoies.
Vois ses souffrances, qui nous laissent souvent impuissants ;
vois les mains qui se tendent et les cœurs qui se ferment.
Seigneur, ne permets pas que la résignation et le désespoir entraînent ce monde vers le néant.
Nous te prions pour celle et ceux que la maladie, la solitude ou les difficultés enferment dans le doute et le ressentiment.
Nous prions pour que des germes d’espérance soient semés et annoncent l’avènement de ton règne.
Donne à ton Eglise le courage de résister au mal et à la haine, en témoignant du pardon et de la paix.
Donne-nous, Seigneur, de rechercher toujours ton règne dans nos vies, afin que ta justice s’y manifeste.
Et nous marcherons, libres et confiants en tes promesses.

Herizo RAJAKOBA