2011. 02 : 2e Dimanche après l’Epiphanie

Dimanche 16 janvier 2011

Deuxième dimanche de l’Epiphanie

Exode 33, 17-23


Introduction:

–    La tentation est grande, en ce temps d’épiphanie, de relativiser ce texte en disant: pour nous, tout se passe autrement. L’ancienne alliance est passée, et nous, depuis Jésus-Christ, pouvons voir Dieu face à face. Il serait aisé d’utiliser ce texte en creux, c’est à dire de l’aplatir pour servir notre conviction et foi chrétienne regonflée après Noël au détriment d’un message inhérent à ce passage de l’AT, et ce malgré le mot d’ordre de ce dimanche.
–    Cet épisode se situe à un moment où Moïse et Dieu se retrouvent « seuls contre tous ». Il trouve sa place juste après l’incident du veau d’or et juste avant la seconde alliance que Dieu conclut avec son peuple. Au moment où Dieu, dans sa colère veut se retirer de devant son peuple et laisser un ange les guider (33,2) au lieu de les précéder comme il l’avait fait depuis la sortie d’Egypte, Moïse lui parle « face à face » (v.11) pour le faire changer d’avis, dans le style le plus pur des palabres. C’est d’ailleurs ce qui arrive au v.14: la « face » de Dieu – celle que Moïse ne peut voir au V.20- précèdera le peuple.
–    La colère de Dieu « passe » – tout comme sa gloire devant Moïse – et c’est ainsi que Yahwe définit son nom (v.19). Le pardon, la grâce de Dieu face aux fautes de son peuple est au centre de ce texte. Certes la gloire du Seigneur passe devant Moïse, mais c’est avant tout sa miséricorde qui passe à côté des péchés de son peuple, les laissant sur le bord du chemin, dans lieu « tout près de lui »(v.21).
–    Malgré l’impression de refus qui se dégage de ce passage, une lecture plus approfondie nous montre que Dieu donne et permet bien plus qu’il ne refuse et cache.
Prédication

Chers frères et soeurs en Jésus-Christ,

(I Introduction)

C’est à une négociation au sommet que nous assistons aujourd’hui. La situation est grave, dramatique même. La relation entre Dieu et son peuple est au bord de la rupture.
L’épisode du veau d’or, où le peuple à bout de patience trahit son Dieu en se prosternant devant un autre, a jeté comme un froid sur l’euphorie de la libération d’Égypte. Et c’est dans cette ambiance de rupture qu’un Moïse en colère, mais soucieux des siens et qu’un Dieu en colère, mais tout-puissant de grâce, se retrouvent pour parler. Franchement, d’ami à ami.
L’un veut voir revenir celui qui les guide depuis le début afin qu’il leur indique le chemin, l’autre est fatigué d’un peuple récalcitrant et désobéissant. La discussion est âpre avant que Dieu par amour pour son serviteur se laisse fléchir.
C’est alors, pour sceller le pacte qu’ils viennent de conclure, que Moïse se lance :

Lecture d’Exode 33, 17-23

(II La demande des hommes)

Quoi de plus naturel que de vouloir voir à qui l’on a à faire lorsqu’il s’agit de remettre sa vie et la vie des siens entre des mains autres que les nôtres ? La demande de Moïse n’a rien d’inhabituelle, c’est celle d’un sujet envers son roi ou encore d’un homme responsable envers celui à qui il souhaite faire confiance. Ou plus simplement celle que chacun souhaiterait poser à Dieu : « Montre-moi qui tu es ».
Et que retenons-nous de la réponse que Dieu donne ? Si je posais la question, que diriez-vous ? Dieu a-t-il accédé à la requête de Moïse ou non ?
Dans notre société marquée par tant d’images et dans notre réserve d’être humain je crois que notre première réaction serait de dire non. La frustration que nous connaissons si bien refait surface. Non, Dieu ne se montre pas. Il esquive, trouve une échappatoire pour ne pas faire face. Justement. Combien de fois ne l’avons nous pas appelé, cherché, supplié et avons-nous eu l’impression qu’il nous tournait le dos. Exactement comme dans le récit d’aujourd’hui. Nous ne le connaissons que trop bien ce Dieu-là. Et cette certitude de savoir, cette impression d’abandon nous rendent aussi sourds et fragiles que le peuple d’Israël.

(III. Les réponses de Dieu)

Car à lire le texte de plus près, la réponse de Dieu à Moïse est bien plus différenciée et plus pleine.
Dieu commence par dire oui.
« Je vais passer devant toi en te montrant toute ma bonté et en proclamant mon nom : Le Seigneur qui a pitié de qui il veut avoir pitié et compassion de qui il veut avoir compassion ». (Traduction français courant « revue »)

a. Dieu passe

Au début de sa réponse, Dieu effectue deux actions essentielles :
Tout d’abord il bouge. La réponse normale à la requête de Moïse – qui ressemble comme je l’ai déjà dit à la demande d’un serviteur à son roi – aurait été de l’inviter à approcher ou de le renvoyer. Dans les deux cas, l’acteur du mouvement n’aurait en aucun cas été le souverain. Alors qu’ici, c’est Dieu qui est mis en route par la prière de son serviteur. Loin d’être une force inamovible, il est l’instigateur du mouvement, la source du dynamisme et du changement. Il accepte non seulement de laisser Moïse voir sa bonté, mais dans le même élan il reprend la tête de son peuple et de son Histoire. Voir Dieu n’est donc pas un acte passif, un spectacle grand public, mais c’est un déplacement, un appel. Chercher et trouver Dieu, ce n’est pas seulement regarder, mais c’est accepter un Dieu en mouvement qui ne s’arrête ni à nos propres désirs ni à ses propres colères.

b. Dieu se nomme

Car la seconde action que fait Dieu, c’est qu’il parle, comme souvent d’ailleurs. Et il parle pour donner son nom. Un nom complexe et complet. Un nom où il se définit comme bon et plein de compassion. Car là encore, nous aurions pu attendre une réponse plus alternative : J’ai pitié de qui je veux avoir pitié et je punis qui je veux punir. Mais non. Malgré la faute de son peuple, malgré la déception et la colère auxquelles il a donné cours dans les versets précédents, Dieu se définit comme bon et plein de miséricorde. C’est lui qui passe à côté des fautes de son peuple, qui les laisse derrière lui, dans l’histoire et le passé. Qui veut voir la vraie gloire de Dieu ne peut faire autrement que de la reconnaître dans cet amour sans contraintes. Car un nom ou un surnom, nous le savons tous, est bien plus qu’un nom. Il nous définit et nous rend vulnérables pour celui qui le connaît, tout comme dans le conte de Rumpelstielzchen.
Il suffit de voir à qui nous autorisons l’usage de notre prénom ou d’un diminutif charmant. Selon le nom que nous donnons ou qui nous est donné, nous établissons un degré d’intimité. Ici Dieu se met à nu, le nom qu’il offre contient toute sa vérité : pitié et miséricorde. Quelle éclatante réponse face à un Moïse qui désire savoir qui il est ! Quelle introduction géniale à son Fils et à son oeuvre, plein de pitié et de miséricorde jusque dans la mort. Le Dieu qui se révèle ici est le même que celui qui répond par un enfant à toutes nos attentes de grandeur et de puissance et par la croix à toutes nos envies d’apparitions et de signes. C’est un Dieu qui parle et qui dit son amour pour chaque être humain.
 
c.Dieu nous protège de nous-mêmes

Et c’est un Dieu qui garde la main. Lorsqu’enfin il restreint ce qu’il choisit de montrer à Moïse, c’est encore lui qui tend sa paume pour protéger l’Homme de sa propre audace. Si Dieu se refuse à un face à face, c’est parce que ni Moïse, ni le peuple, ni nous-mêmes ne pourrions survivre face à la réalité de notre faiblesse et de notre faute. S’il ne nous permet pas de le regarder, il ne nous pointe pas non plus du doigt dans toute notre petitesse. Sa bonté et sa miséricorde nous réservent une place tout près de lui où nous sommes à l’abri de nous-mêmes, protégés par sa main. On pourrait presque dire qu’en refusant de se montrer de face, Dieu fait un cadeau supplémentaire à Moïse : il lui permet de continuer à vivre. Moïse, qui voulait tant contempler la gloire de Dieu, n’est pas condamné à toujours revenir sur les fautes du peuple d’Israël. La main qui se pose sur lui est celle qui couvre et qui efface, celle qui lave et qui baptise.

d. Dieu agit

Et voilà, tout est fini. Dieu est passé et on pourrait croire que tout s’arrête. Mais non tout (re) commence. Moïse est invité à se remettre à l’ouvrage. Il doit tailler de nouvelles tables de la loi, remonter sur la montagne et repartir du bon pied avec un peuple rétif et son Dieu. Le dos que Dieu lui montre est invitation à le suivre, mise en route et promesse d’avenir. Car le Dieu qui passe est celui qui entraîne dans son sillage tous ceux qui découvrent ses traces, les marques qu’ont laissées sa bonté et sa miséricorde. Avoir le privilège de voir passer Dieu, c’est forcément se sentir appelé à le suivre, dans la loi pour Moïse et les siens, dans la vie promise et donnée par Jésus-Christ faite de grâce et de vérité pour nous autres baptisés. La fin de l’histoire est le début de notre vie et pour cela toujours à suivre……  

IV Conclusion

Alors dans cette négociation politique délicate, quel est celui qui repart la tête haute ? L’humain, qui n’a certes pas vu la face de Dieu, mais qui obtient miséricorde pour son peuple, proximité et protection de son Dieu et promesse d’avenir ou alors Dieu lui-même qui réussit le tour de force de tout donner de sa grâce, de sa miséricorde et de son oeuvre tout en gardant la face et en nous permettant de sauver la nôtre ?
Ne restez donc pas là à contempler les cieux et à vous poser des questions inutiles, allez, il vous attend.

Amen
 
 
Cantiques :   

        Que Dieu se montre seulement ARC 68
        O mon Père ARC 627
        À pleine voix, chantons ARC 374
        Voici la paix sur nous ARC 356
        Nous avons vu les pas de notre Dieu ARC 320
        Que la grâce de Dieu soit sur toi ARC 882

Prière  

Seigneur nous attendons de te voir agir dans notre monde et dans nos vies, nous t’en prions ouvre nos yeux et nos oreilles pour que nous te reconnaissions.
    Seigneur, tu n’es plus un Dieu au-dessus de nous, mais un Dieu qui marche devant nous. Donne-nous le courage de te suivre, car tes promesses sont sans fin.
    Donne-nous à ta suite d’ouvrir la voie pour ceux qui doutent,
    de guider ceux qui se sentent perdus,
    de soutenir ceux qui chancellent
    de relever ceux qui trébuchent
    de porter ensemble ceux qui fatiguent
    de nous arrêter à côté de ceux qui ont besoin de soins ou de repos
    de repartir avec ceux qui pleurent

    Sois toi-même notre promesse de miséricorde, de bonté et de grâce par Jésus-Christ ton Fils notre Seigneur qui nous a appris à te dire: Notre Père…. 

¼ – Service des Lecteurs – SL – 3 – 16.01.2011 – Esther LENZ